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La Ville et les imaginaires Fondation Blachère, Apt 17 mai - 8 octobre 2011 « Nous fondîmes sur demain avec dans nos poches le coup de couteau très violent du soleil dans le dos des villes surprises ». Aimé Césaire L’exposition Ville présente un ensemble d’œuvres diverses (sculptures, vidéos, installations, peintures, photographies) ayant en commun l’univers urbain. La ville est une source inépuisable d’inspirations. Les artistes que nous présentons y vivent et y puisent leurs subsistances matérielles et relationnelles. Les œuvres présentées ne traitent pas directement des questions économiques, environnementales ou politiques, elles sont des fantasmes, des fantaisies, des fictions, des artifices, des vues de l’esprit, des propositions plastiques suggérant des lectures critiques intimes et subjectives. La ville et les imaginaires d’œuvre en œuvre 5 petites constructions colorées. Bodys Kingelez est un architecte de l’inutile, un constructeur d’un monde urbain plein de fantaisies et de poésie. Ses maquettes d’architecture sont conçues comme des possibles à s’émerveiller. Les constructions de Bodys Kingelez sont certainement le fruit d’une culture architecturale liée au contexte de Kinshasa où l’on trouve encore les restes d’une urbanisation coloniale très riche qui ont dû influencer indirectement sa fibre créatrice. La fascination pour la réduction de notre monde à l’échelle de maquette est un facteur déterminant dans l’appréhension de cette œuvre. Le monde de l’art a reconnu l’importance de ce travail qui n’est ni fonctionnel, ni réellement de la sculpture mais qui offre un contrepoids au réel en proposant des possibles architectures foisonnantes de formes et de couleurs. Le créateur d’utopies qu’est Bodys Kingelez est un vrai mystère. Ses constructions délirantes : palais miniatures, villes incertaines, bâtiments imaginaires sont nés du bon usage du carton, de la colle, des ciseaux reçus du ciel comme il se complait à le dire… Un panorama sur papier « Mali Sénégal » Titus Matiyane a l’obsession des villes et des paysages. Depuis 1990, il réalise des relevés panoramiques à l’aide des outils du peintre. Ses œuvres s’inscrivent dans la longue tradition historique des cartographes. Titus Matiyane rêve et s’élève pour dessiner des vues aériennes où la réalité semble une fiction. Natif d’Afrique du Sud, il était un enfant des townships qui observait les buildings de loin comme d’inaccessibles songes… Devenu adulte, il a poursuivi ses rêves en arpenteur du monde grâce aux multiples expositions et résidences. Son œuvre est une suite de relevés minutieux des excroissances urbaines de l’hyper modernité sous forme de graticulations colorées témoignant de « l ‘extension de la lutte » entre ville et paysage. New York septembre 2011, des objets volant non identifiés Maxwell est prolixe, gargantuesque, il dévore les informations, fusionne avec des rencontres réelles ou imaginaires et produit une œuvre protéiforme déconcertante. Faisant feu de tout bois, il utilise les emballages et façonne avec du scotch des scènes, des constructions, des personnages, des avions, des inventions ludiques. Ces « travaux pratiques » plein de stupeurs et d’entendements font écho à l’environnement télévisuel qui hante l’univers des villes. Il nous propose ses préoccupations, ses coups de cœur pour des événements, des personnages de l’actualité dans un joyeux fatras iconoclaste où la raison se perd comme dans les dédales de la modernité. Un mur au lointain Antonio Olé est photographe, cinéaste, plasticien, vidéaste. Il poursuit une œuvre exigeante et engagée qui parle de la mémoire collective, de la guerre, de l’univers magico-religieux de certaines populations angolaises. Antonio Olé a réalisé plusieurs « Township wall » qui s’apparentent à des fragments prélevés dans la réalité des villes. Ces « murs » souvent monumentaux sont des mémoires fragmentaires à l’image des palissades qui font partie intégrante des villes, des périphéries. Elles cloisonnent, cachent les travaux, les abandons…Elles sont souvent des lieux d’expressions libres qui causent à la cité. Les « Township wall » d’Antonio Olé sont des variations habiles pour fenêtres, tôles, portes et divers éléments de l’habitat africain. Ces bas-reliefs font aussi référence à l’histoire de la peinture par le choix de la rythmique des formes, des signes et des couleurs. Ainsi en toute liberté, Antonio Olé convoque les constructivistes et s’amuse de notre ignorance ou de notre connaissance. Son œuvre est énigmatique et s’inscrit dans la tradition initiatique. Un dessin lumineux Mamadou Cissé dessine encore et encore depuis son enfance. La nuit, il remplit des feuilles minutieusement selon des promenades mentales dans des villes rêvées. Ses outils rudimentaires lui permettent de travailler partout, quelques feutres de couleurs dans la poche, il vagabonde sur des surfaces lisses et les remplit à satiété obtenant des perspectives affolantes de villes modernes, Qu’elles existent ou non qu’elle est la différence ? Ces dessins s’apparentent à des mantras où la géométrie permet à l’œil de suivre un raisonnement, une possible révélation dans le monde des couleurs et de l’architecture. L’œuvre de Mamadou Cissé se construit dessin après dessin à l’image du réseau urbain qui n’en finit pas de s’étendre sur le modèle des rhizomes. Le mythe de Dédale hante cette œuvre. Mamadou Cissé est un architecte de labyrinthes oculaires nous invitant à nous perdre dans les méandres de ses vues d’oiseaux. Une case des révélations Boris Nzebo Un jeune artiste, une révélation remarquée par le regretté Goddy Leye. Boris Nzebo s’inspire de l’univers de la coiffure. Il y a grandi et travaillé non pas comme coiffeur mais comme peintre d’enseigne. On connaît la richesse et la diversité des images publicitaires relatives aux coiffeurs en Afrique. Une ville c’est des gens, des têtes, des regards, des esthétiques et Boris Nzebo a choisi « d’explorer la coiffure dans l’espace urbain ». Il a une approche sociologique des comportements, des traitements esthétiques des têtes de ses congénères. Avec ou sans perruque, avec ou sans tresse, Il observe, note et construit une œuvre particulière en miroir de la société africaine contemporaine. Il dit : « la coiffure est une expression de beauté, de dynamisme, d’indépendance et de lumière dans les villes… » Deux villes en bois Jems Robert Kokobi Sculpteur de son état, il découpe, rabote, lisse des morceaux d’arbres libérant les formes qui y étaient inscrites : idées, chaises, personnages… Jems Kokobi a reçu une initiation loin dans la forêt de son enfance et de fait même s’il se prête aux obligations de la modernité, il n’en reste pas moins un fervent porteur de la tradition des tailleurs de l’ombre. Son savoir-faire impressionne. Ses gestes sont puissants et justes à l’image de la performance qu’il a réalisée à la Biennale de Dakar « le retour de Gorée » où il se jeta à la mer sans savoir nager ! Les œuvres présentées abordent les figures de cités secrètes qui ne sont pas sans évoquer les arts premiers où la fonction des totems joue d’interfaces avec les mondes parallèles. Le son de la ville de Dakar Angèle Diabang Brener Cinéaste de son état, elle s’attache à porter un regard sensible sur la société dans laquelle elle a grandi. Ses films ont été notamment projetés au festival du cinéma africain d’Apt. La réalisation d’un film sonore sur Dakar complète la scénographie « la ville et ses imaginaires ». Ville code barre Mounir Fatmi occupe la scène internationale avec des œuvres exigeantes et séduisantes. Il est en phase absolue avec la contemporanéité et n’a de cesse de créer des œuvres qui questionnent l’univers de la consommation, du choc des religions, de la fin de l’Histoire, du continuum de l’histoire de l’art dans des jeux de références en abîme. L’entrée récente de l’Orient dans la course à l’élévation des cités des hommes est un sujet de fascination morbide. Avec l’œuvre « Speed City », Mounir Fatmi se réapproprie les grattes ciels qu’il recouvre en palimpseste de la typographie coufique. Elle défile en boucle sur le modèle des codes barres, des grilles de statistiques, des mouvements de chiffres boursiers. Le monde est consommable ! « Speed city » est une vidéo en noir et blanc qui use d’un processus répétitif et hallucinatoire. PICHA Le sujet de cette 2ème édition des rencontres de l’image de Lubumbashi portait sur l’urbanisme, l’architecture, la population à travers des productions contemporaines liées à l’image. La fondation s’est associée financièrement à ce projet conformément à son programme de soutien aux initiatives en Afrique. Nous présentons un ensemble de six vidéos* réalisées lors de la manifestation ainsi qu’une projection relative à l’événement dans le contexte de Lubumbashi en phase avec l’exposition ville.
Apt, May 2011 |