Obstacles
Migros museum, Zurich
15 novembre 2003 – 11 janvier 2004
Curator: Heike Munder
You can find the catalog at this link:
Obstacles évoque le désir éveillé, l'impossibilité de le satisfaire. Il peut être de nature politique ou existentielle aussi bien qu'esthétique. La question de l'autre, extérieur à soi, est un élément permanent de la création de Mounir Fatmi, né au Maroc en 1970, partage aujourd'hui sa vie entre Paris et Tanger. Fatmi ausculte le rôle d'un artiste qui se sent étranger à son propre contexte culturel – en l'occurrence son propre rôle.
Les obstacles propres à un sport réservé à des privilégiés deviennent barricades et entravent la progression du visiteur dans ce local d'exposition où tout est signification. Impossible de les surmonter avec une harmonieuse élégance, et l'ordonnance choisie par l'artiste était imprévue. La peinture murale intitulée Weekend-Painting suggère avec insistance le parcours à suivre. Il s'agit en fait d'un commentaire visuel d'événements politiques au quotidien. Weekend-Painting et Obstacles (2003) sont encadrés par deux créations vidéo de Mounir Fatmi : Festin (2002) et Les ciseaux (2003), vidéo réalisée à partir des scènes "érotiques" du film du réalisateur Nabil Ayouch censuré au Maroc.
Festin est un hommage à William Burroughs. Burroughs (1914-1999), écrivain et spécialiste des drogues, a vécu, avec quelques interruptions – des cures de désintoxication le plus souvent – durant les années 50 dans ce qu'il appelle l'Interzone, autrement dit dans l'agglomération internationale de Tanger et de ses alentours. C'est là que Jack Kerouac découvrit en 1957 les pages dispersées du manuscrit de Naked Lunch, ce livre qui fut immédiatement censuré pour obscénité dès sa parution aux États-Unis. Ce qui fit dire à l'ami et partenaire de Burroughs, Allen Ginsberg, au lendemain du procès en révision qui levait la censure, que "ce jugement marque la libération de la parole". Festin évoque aussi le thème de la censure et les questions de la représentation de l'autre, en renversant l'ordre des choses. Mounir Fatmi ne s'entremet pas ici entre deux milieux culturels, mais montre une situation où William Burroughs est l'Autre, et sublime cette altérité par le recours au processus de l'écriture.
C'est installés sur un matelas, qui symbolise un espace intime et érotique, que les spectateurs pourront découvrir la trilogie des réalisations vidéo de Mounir Fatmi. Embargo (1997) narre, sous la forme d'un montage d'illustrations scientifiques, l'obligation d'improviser pour compenser l'accès limité aux ressources matérielles et immatérielles. Les Survival Signs (1998) traduisent la recherche d'une politique et une éthique de la communication, d'une vitale nécessité. Il s'agit également de la création d'un langage radical – pont sémantique entre les Roots (racines) représentées sous la forme d'animations abstraites de signes, et la Rupture, effacement de ces signes. Le spectateur assiste à la mutilation des objets dessinés, de même que du support des sons et des images. Thérapie de groupe (2003) est un montage d'images de manifestations filmées au Maroc et à Paris ou directement captées sur des écrans de télévision entre 1998 et 2003. Ces manifestations concernent principalement des causes politiques liées aux pays arabes : Guerre du Golfe, occupation de la Palestine, guerre d’Afghanistan ... Pour les participants, la manifestation devient alors l’occasion d’une décharge émotionnelle, d'une "désintellectualisation" au profit des affects, des cris, des gestes et des émotions. Ces démonstrations traduisent indirectement ce désir d'autoreprésentation : pour détourner la censure des pays arabes mais s'exprimer malgré tout, on manifeste en faveur de causes étrangères à soi. Celui qui parle ne dit pas son nom, et se contente d'arborer un drapeau.
Simone Schardt, Novembre 2003
L'exposition fait partie du projet „NEXT FLAG – an african sniper projekt for european spaces“. Elle est le résultat d'une collaboration des auteurs de NEXT FLAG – Fernando Alvim et Simon Njami – et de Heike Munder.