History is not Mine
Metavilla, Bordeaux
November 12 - December 7, 2015
Curator: Caroline Corbal
Malgré le contexte politique et les bouleversements récents qu’ont connu le Mali ainsi que l’Afrique du Nord avec les Printemps arabes ou, plus récemment, le Burkina Faso, la Biennale africaine de la photographie fait son retour et signe son édition anniversaire.
La directrice artistique Bisi Silva, avec les commissaires associés Antawan I. Byrd et Yves Chatap articule cette biennale de Bamako autour de la narration du Temps afin de créer un lien entre le passé, le présent et le futur.
Sous le nom de TELLING TIME, Mounir Fatmi répond avec une de ses œuvres « HISTORY IS NOT MINE ». L’Histoire est souvent écrite par la violence et par les armes. Ce travail démontre l’ingéniosité de l’artiste à plonger le public dans ses propres anamnèses renvoyant ainsi à différentes perceptions.
Cette vidéo en noir et blanc présente un homme assis qui frappe une histoire avec deux marteaux sur une machine à écrire. La résonance et la force des coups entrainent un charabia que l’on pourrait qualifier de symbolique.
Qui a commencé ? Où cela va finir ?
Les lettres se cognent contre un ruban rouge, s’imprimant ainsi dans un rapport au corps envoutant quasi – chamanique et cathartique. Les phrases incompréhensibles écrites par les marteaux peuvent renvoyer aussi bien à cette violence indicible qu’au récit de celle-ci pouvant s’écrire dans une langue de l’infini, « ad infinitium » jouant néanmoins d’un non finito en réitération rythmique quasiment conjuratoire et obsédante.
A peine l’Histoire se formule t-elle, qu’elle ressurgit parfois dans l’ombre de ses mots. Les caractères s’y entrechoquent laissant un vaste flot de lettres traumatisées en perte de leurs signifiants les plus immédiats dans un monde commun.
La mise en abîme de cette œuvre « History is not mine » depuis la Biennale de Bamako à Bordeaux, active avec puissance le levier de la force du partage et de la mise en réseau de l’ « écriture » des espaces. Les nouveaux médias ré-écrivent notre Histoire dans les miroirs et le reflet de leurs multidiffusions et certaines de leurs propriétés sont affectées par la puissance délocalisante de leurs manifestations simultanées. Les marteaux sont en dehors des métaphores vulcaniennes qui forgent les armes du langage, des évocations d’une loi écrite et édictée dans la douleur des coups potentiels. Mais ils sont également une allusion au prolongement du geste de celui qui tape.
En réponse, nous tapons sur le clavier de nos smartphones, tablettes et autres interfaces et mettons du récit en trajectoire. C’est le mouvement qui fait sens.
Marion Zilo, November 2016