D'une méditerranée, l'autre
Hôtel des Arts
26 nov. 2016 - 12 févr. 2017
Curators: Francesco Bonami, Emanuela Mazzonis, Pascal Neveux, Ricardo Vazquez
À l'occasion de son 100e anniversaire, la Banca Nazionale del Lavoro (BNL), filière italienne de la BNP Paribas, a présenté en 2013 à Rome et en 2014 à Milan The Sea is my Land, une exposition pensée par Francesco Bonami et Emanuela Mazzonis qui mettait en avant des artistes de la Méditerranée. La Fondation BNP Paribas a sollicité le Fonds Régional d’Art Contemporain Provence-Alpes-Côte d'Azur (FRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur) et l’Hôtel des Arts, centre d’art du Département du Var, pour imaginer une nouvelle lecture de cette exposition. Ainsi les deux institutions ont, à partir des pièces initialement choisies, complété cet ensemble riche et cohérent par leurs collections respectives et des emprunts afin de l'adapter aux deux lieux. Si le FRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur, sous le commissariat de son directeur, Pascal Neveux, s'est attaché à regrouper un ensemble d’œuvres majoritairement axées sur les tensions et les conflits qui submergent actuellement la Méditerranée, l’Hôtel des Arts propose pour sa part une évocation de la situation contemporaine de cette région, appuyée sur la double notion de voyage et d’introspection. Cette prise de distance n’implique pas un désintérêt pour la souffrance de la population du pourtour méditerranéen, bien au contraire, mais prend le parti d’une approche plus intérieure et indirecte de cette réalité. L’exposition présentée dans le centre d'art départemental s’ouvre sur deux voyages au cœur d’une mondialisation accélérée et de la disparition aussi bien des identités minoritaires autrefois étudiées par le grand ethnologue Lévi-Strauss (mounir fatmi) que des grandes civilisations méditerranéennes, notamment celle de l’un des plus importants berceaux de la pensée et de la civilisation occidentale (Mark Mangion). Si le monde entier nous est désormais offert (Mario Schifano), il est en même temps devenu un village, voire une simple place sur laquelle chacun peut venir serrer la main de l’artiste (Adrian Paci) et les grands aventuriers des immenses espaces inconnus sont désormais des ouvriers d’une plate-forme pétrolière sous-marine, soumis aux contraintes extrêmes d’une expédition scientifique lunaire ou dans les grandes profondeurs (Yuri Ancarani). Le désenchantement du monde et sa réduction marchande envahissent ainsi la conscience de l’homme moderne dont le chemin devient plus incertain à mesure que les jalons, noms et civilisations disparaissent de façon accélérée. La censure de la pensée et de son moteur le livre, dans des lieux jusqu’à peu encore repérés comme des foyers d’un possible renouvellement de la modernité (Özlem Sulak) et d’un dialogue entre l’Orient et l’Occident montrent l’impasse d’un retour nostalgique à une tradition imaginaire.
Le voyage intérieur peut alors devenir une issue transcendante et hypnotique (Malik Nejmi), dessiner quotidiennement une tentative pour survivre psychiquement au désastre d’une guerre fratricide (Joseph Dadoune). Inverser la lumière du monde, lui rendre sa poétique par une bascule du temps, transformer les images de guerre en images de voyage (Arslan Sukan), pourraient constituer des chemins fertiles. L’art est ici rédempteur, passeur entre le jour et la nuit comme entre le matériel et l’immatériel. Il construit patiemment un bouclier permettant au temps d’exister, de s’étendre, comme cette longue rêverie en mer ou cette succession de jours, rigoureusement notés. Ce temps retrouvé peut cependant parfois s’écouler si lentement qu’il pourrait devenir désœuvrement et porter en lui une sourde menace (Belkacem Boudjellouli). Le temps ne se laisse ni emprisonner ni manipuler. Peut-être faut-il, pour vivre entièrement, accepter la succession des heures à travers une fenêtre ouvrant sur la ville méditerranéenne, symbole d’un passage d’un état à un autre, retour de la nuit avant une nouvelle aube (Marie Bovo). Accepter que s’envole la vie d’un vieil homme recevant ses proches alors que grandit en Orient une forêt de pins, inventée et domestiquée par des hommes, désormais peuplée de fantômes qui peinent à trouver leur place dans une nature dont ils semblent expulsés (Dor Guez).
Artistes: Yuri Ancarani, Belkacem Boudjellouli, Marie Bovo, Joseph Dadoune, Mounir Fatmi, Dor Guez, Mark Mangion, Malik Nejmi, Adrian Paci, Mario Schifano, Arslan Sukan, Ozlem Sulak
Toulon, November 2016