Black panther party for self-defense
Bank galerie
2006
Quarante ans après la fondation du Black Panther Party for Self-Defense (BPP), la B.A.N.K expose photographies et documents d’archives de l’un des mouvements noirs américains les plus actifs des années 1960-70. Historique et politiquement engagée, l’exposition intègre également les œuvres de l’artiste marocain Mounir Fatmi.
«Aujourd’hui, nos troupes les mieux entraînées, les mieux éduquées, les mieux équipées, les mieux préparées refusent le combat. Cet état de faits nous assure qu’elles privilégient le dialogue au conflit.»
Avec ces mots de Martin Luther King Jr commence Fight the Power. Tiré de l’album Fear of a Black Planet (1990), le morceau phare du groupe de rap new-yorkais, Public Ennemy*, est aussi un manifeste. Particulièrement investi dans la cause noire américaine, Public Ennemy clame ses positions contestataires à l’encontre du système politique et médiatique des États-Unis.
«[…] Je suis Noir et j’en suis fier
[…] La plupart de mes héros ne figurent pas sur le timbre poste
Jette un œil sur l’Histoire, si tu regardes bien, tu ne vois
Rien que des ploucs pendant 400 ans.»
Depuis 2005, Fear of a Black Planet a rejoint les étagères de la bibliothèque du Congrès américain. Une forme de répression positive?
Burn Hollywood Burn.»
Les astres de Sunset Boulevard se ternissent pourtant, à mesure que se fissure le rêve américain. Les lyrics du rap américain sont les échos d’une lutte amorcée depuis bien longtemps.
En 1966, le Black Panther Party for Self-Defense est fondé par Huey P.Newton et Bobby Seale. Suite idéologique du Black Power dirigé par Malcom X, le BPP prône l’auto-défense contre les abus de pouvoir de la police envers la communauté noire américaine. Mais pas seulement: réclamant pain et toit pour tous, le BPP s’ouvre également à tous ceux que la précarité affecte. Ainsi se met en place le programme «Breakfast for Children».
Si les revendications du BPP sont cinglantes et fermes, les mesures opérées par le FBI, mené alors par J. Edgar Hoover, sont sanglantes. Cible du programme Cointelpro, le parti subit des poursuites interminables, fusillades, assassinats, enquêtes et surveillances. L’acharnement du FBI aura raison du BPP: rongé par les tensions internes et le harcèlement permanent, il s’effondrera en 1972.
L’Amérique est loin, un océan entier nous sépare. À la B.A.N.K, c’est pourtant la concordance sociale et politique qui sautent à la gorge: la panthère noire feule dans toutes les nations. En France, les masques de l’esclavagisme et de la colonisation s’effritent, les cités brûlent. Partout les combats sont les mêmes. Les scènes de rue et de meetings réunissant les militants du BPP sont en noir et blanc, les comptes-rendus photocopiés du FBI bardés au feutre écarlate. Jamais couleurs n’ont été plus vives.
Entre les photos d’archives s’intercalent trois peintures de l’artiste marocain Mounir Fatmi. S’inspirant d’images d’actualité, son intervention subjective, sans parasiter l’ensemble documentaire, crée au contraire une jonction temporelle. Un touriste et un guerrier Masaï nous font face, tout comme cette mère-guerrière palestinienne. Le rouge prime encore, la grandeur nature des sujets de la série «Week-end Paintings» accroît leur réalisme. Impossible de se laisser emporter par une quelconque évanescence de l’art, les mains de Fatmi nous cimentent à l’évidente absurdité des enjeux politico-médiatiques.
Au sous-sol, l’assaut des images se multiplie en rafale: reportage, témoignages et enregistrements de l’époque retracent l’histoire du Black Panther Party.
L’exposition de la B.A.N.K donne des clés sans pour autant nous noyer dans la documentation fastidieuse. Elle montre également qu’une carence existe en matière de connaissances culturelles au sein des nations cosmopolites.
«Black Panther Party for Self-Defense !!» remplit donc une belle fonction, celle d’être utile.
Paris, 2006