« (Im)Possible Union — L’union (Im)Possible »
Analix Forever, Genève
Septembre 13 - Novembre 13, 2017
Curator: Barbara Polla
You can find the catalog at this link:
www.amazon.com/dp/B098FHJL26
www.amazon.fr/dp/B08XMVNWMM
Entre désir fou et désespoir, la possibilité de partage interculturel est un fil rouge que l’on retrouve tout au long du travail de mounir fatmi.
Avec L’Union Impossible, mounir fatmi se confronte aux réalités les plus complexes. La majorité des habitants des pays occidentaux sont analphabètes de l’arabe, la majorité des pays arabes le sont, entre autres, du grec et de l’allemand… Comment peut-on comprendre une culture si l’on ne connaît pas la langue qui véhicule cette culture ? L’union entre deux cultures qui ne se parlent pas, ne se comprennent pas, ne savent pas penser, dialoguer, échanger, argumenter dans la culture de l’autre semble bel et bien impossible.
Une machine à écrire de type occidental qui produit des lettres de l’alphabet arabe ? Une image (im)possible. Les photographies de cette série évoquent la vidéo, largement primée, Beautiful language dans laquelle les images de L’Enfant sauvage de Truffaut sont détournées de manière à confronter le spectateur au fondement même de la question : qu’est-ce que la civilisation ?
Un journaliste blanc qui devient noir ? Un vécu (im)possible. John Griffin l’a vécu pourtant, mais s’est vu rejeté aussi bien de la communauté blanche (il n’en faisait plus partie) que de la communauté noire (il ne suffit pas de devenir noir de peau pour en faire partie). La peau et sa couleur sont une prison dont il semble impossible de s’évader. Dans la vidéo Darkening Process, ce sont les mains de fatmi lui-même – ses mains si fines – qui se noircissent de cirage en un geste doublement critique – un geste dont la répétition alterne avec des images trouvées du désormais célèbre journaliste.
Un couple qui se parle, s’embrasse ? Est-ce (im)possible ? C’est en tous cas émouvant, intrigant et sensuel à la fois. On trouve déjà les images de ce couple dans le livre Kissing Precise (mounir fatmi 2015). Pendant l’exposition de
Genève, les protagonistes des photographies se retrouvent aussi dans une vidéo qui sera montrée en « vidéo street art » (une projection dans l’espace public, inaugurée il y a quelques années par Analix Forever avec Technologia, de mounir fatmi déjà).
fatmi ne cède jamais à la sentimentalité, même au creux du désespoir, et ses rares travaux sur le couple (deux vidéos en particulier, Les Ciseaux et Quelque chose est possible) sont à la fois érotiques et mystérieux. fatmi semble vouloir nous rappeler, entre autres, que la possession de l’autre est impossible, même dans l’éros, et qu’elle n’est même pas désirable, que l’union entre deux êtres humains reste illusoire, mais qu’une authentique découverte de l’autre, en revanche, est à la fois possible et sublime.
La photographie Le mur est montrée pour la première fois dans le « Pavillon de l’exil » à Tanger pendant l’été 2017. Soudain, au delà du mur qui ferme et enferme, la mer semble tout rendre possible. En tous cas dans l’imaginaire…
Même si, d’entrée de jeu puisque L’Aveugle ouvre l’exposition, mounir fatmi nous parle encore, par l’intermédiaire de cette photographie étrange et sibylline, de sa propre difficulté à vivre pleinement une union qu’il décrit comme impossible : celle qui n’a pas eu lieu entre lui-même et son propre pays, le Maroc. L’Aveugle essaie de voir, mais au travers d’une lunette aveugle, justement, un spectacle impossible à voir, du fait même de celui qui pourtant essaie.
Dans tous les cas, le réalisme désespéré, le désespoir éclairé de fatmi lui fait dire : impossible. Mais si le désespoir est aujourd’hui la seule position tenable intellectuellement, la parenthèse autour de l’(im)possible entrouvre la porte à l’espoir. Quel espoir ? Celui de la poétique, que l’artiste fait naître, par son travail de création. Créer, chercher, imaginer (faire image), transformer (donner forme) : c’est l’espoir en marche. Envers et malgré tout.
Un espoir qu’il faut prendre le temps de ressentir, sous la surface des œuvres vidéo et photographiques d’une exposition aussi profonde que sensible.
mounir fatmi sera présent à Genève pendant le week-end portes ouvertes, le 11 et 12 novembre 2017. Exposition du 13 septembre au 13 novembre 2017. Une soirée de projections d’une sélection de vidéos de mounir fatmi aura lieu pendant l’exposition.
Barbara Polla, Septembre 2017