Cohérente et continue, l’œuvre de Mounir Fatmi n’a jamais cessé, au fond, de suivre son évolution naturelle. Ayant un jour trouvé des câbles usagés de téléviseurs, les développements qu’il allait en concevoir par la suite devaient connaître une amplification formelle et discursive toujours plus convaincante. A la fin des années 90, au Maroc, ceux-ci suggéraient dialectiquement une idée de communication de masse et de surveillance, de progrès technique et de censure. Censure politique, censure implicite de l’art également. Le jeune homme d’alors la ressentit si fortement que son premier geste conséquent fut de se déclarer officiellement « mort » en tant qu’artiste marocain. Ceci donna lieu à des œuvres telles que « Coma » ou « Antibiotiques » pour lesquelles mounir fatmi allait jusqu’à cueillir lui-même son public dans la rue… Les arabesques qu’il créa à partir de ces câbles hermétiques, instillant toutefois leur polysémie logique et lisible, parvinrent à maturation. Et c’est l’amplitude maximale atteinte aujourd’hui par l’œuvre qui lui confère sa visibilité majeure. Intrigants et identificatoires, ambivalents et explicites, ses concrétions de sédiments sémantiques produisent une série de synthèses paradoxales, resserrées et explosives, que l’artiste établit telles les séquences d’un « texte » personnel qui prendrait forme au fil du temps sous nos yeux. A travers ce monologue voué au partage, qu’il balise des signes d’une méditation toujours en acte, on suit aisément la mutation raisonnée de ses formes, de ses symboles et analogies. Syntaxe intime qui, entre osmose et court-circuit sémiotiques, relance une plastique auto/renouvelée et transportée toujours plus loin. Bien que par là, nous en devenions presque familiers, les tenants et aboutissants de ce glossaire recèlent quelque chose de brûlant qui en rend la lecture urgente. La trajectoire accomplie par cet artiste prolifique, chez qui se perçoit un sens maîtrisé de l’homogénéité jusque dans son usage de la dissémination et une polémique sans faille d’inéquations et déconcertants rébus, aboutit à une dimension spectaculaire et peut-être monumentale.
Réseaux idéologiques préexistants
Le moteur critique de l’œuvre vise la déconstruction d’architectures symboliques/idéologiques, enceintes urbanistiques plus mentales que concrètes, qui au long de l’Histoire tantôt prirent le sujet en étau, tantôt l’éblouirent. Elliptiques, les architectures que crée mounir fatmi se constituent d’encastrements, d’empilements de briques noires, (des cassettes VHS), dont la structure semble close sur elle-même. Ce système esthétique, inspiré de patrimoniales arabesques arabo-musulmanes, nous propulse par un raccourci anachronique vers le pragmatique urbanisme américain dont les gratte-ciels stigmatisent un fatidique jour du 11 septembre 2001, que l’artiste mue en pur blason cognitif, en signalétique sinistre. Le noir de ces cassettes sied en effet à un World Trade Center aujourd’hui calciné, anéanti. Reprenant ailleurs cette histoire mortifère des hommes, fatmi réélabore, à l’aide des mêmes « briques noires », une emblématique chaise électrique. Le motif de ses ordonnancements ornementaux est devenu depuis, proliférant, comme saisi par une dérégulation, une expansion infinie dont la façade persiste à assumer une apparence neutre et laconique. A côté de ces complexes « barrages » de cassettes vidéo, il met aussi au point d’insatiables enchevêtrements où se brouillent liens et recoupements, index, listes et bibliographies générant leur hypertexte ténébreux et mélancolique. fatmi à ce propos exprime souvent le sentiment de l’imminence d’un effondrement sociétal. Aussi, lorsqu’il convoque dans son œuvre des systèmes de croyances intellectuelles, politiques, religieuses, anthropologiques c’est en tant que colosses aux pieds d’argile.
C’est donc leur enracinement en tant qu’architectures mentales et leur fragilité qui constitue le noyau central de son discours. Cet effondrement pressenti ne fait pas que menacer ces délicats remparts de VHS, l’insécurité qu’ils éveillent en nous aiguise l’intuition qu’existe une faiblesse inhérente à toute entreprise étatique et institutionnelle. Lucidement, fatmi suggère que nos arborescences contemporaines organisées comme autant d’autoroutes de l’information ne sauraient être surgies ex nihilo. De séculaires, de stratégiques lignes et lignées politiques et maints monuments symboliques/invisibles non moins écrasants, leur préexistèrent sous d’autres formes et selon d’autres rythmes. Ces millénaires de croyances anciennes que consacrèrent les trois religions du Livre, (sur lesquelles l’artiste reviendra souvent), hypothéquèrent les esprits, bien longtemps avant les flux propagandistes et l’entropie consumériste caractérisant le web, d’un paradigme de connectivité occulte, dont le dispositif dans sa version moderne et démocratisée, parce qu’elle est totalement externalisée dans sa performance, nous captive et nous capture. Le fondement idéologique qui le sous-tend réside toujours dans un Pouvoir centralisé qui a à peine mué depuis des siècles. Nulle innovation réelle donc dans ces réseaux technologiques, seules, leur temporalité, leur vitesse de propagation, leur puissance invasive, leurs confèrent une ampleur inédite. Ce ne sont plus là des sites sacrés réservés aux prêtres, aux clergés ou à la cour, mais des sites virtuels où chacun peut illusoirement apparaître et aussitôt disparaître. Il n’est pas fortuit que l’artiste ait recouru, à travers « Tête dure / Le Cogito » (2006), à une représentation plutôt référentielle et traditionnelle du cerveau, matrice naturelle des intelligences artificielles, dont ces limbes et méandres cérébraux incluent une calligraphie extraite du Coran qui met en abîme un Savoir conçu comme privilège, et dont la taxinomique cartographie se voit redoublée d'une Vanité.
« Liquidation générale des valeurs »
Ces secteurs moteurs, ces liens que fatmi connecte de façon brûlante, paraissent également refléter l’accélération d’un monde qui, depuis la fin de la Guerre froide et jusqu’à nos années 2000, s’est intensément complexifié sous nos yeux. Ainsi, si les structures de pouvoirs d’hier se recyclent aujourd’hui, c’est pour avancer masquées sous les formes d’une instantanéité et d’une (sur) visibilité virtuelle sans que nous puissions exercer le moindre contrôle sur elles. De cette Société du spectacle qu’indexa Guy Debord en termes de « séparation », l’artiste mesure les longueurs d’ondes métaphoriques, soupèse les résonances ambiguës que disséminent les médias jusque dans nos foyers domestiques. Vulnérables et apathiques, nous le sommes devenus, tétanisés par ces sidérations informationnelles qui, contre toute apparence, ne disent pas leur nom. Nous, désignés comme ce « grand public » ; masse informe dont Hannah Arendt redoutait la prévisible faiblesse culturelle, en raison du nivellement idéologique imposé au sujet social, entérinant une « liquidation générale des valeurs ». Boulimie universalisée d’industries du divertissementet de vulgarisations de pseudo savoirs que la philosophe décrivait comme inhérente à l’émergence de la culture de masse, voire « métabolique »2…
Dans une œuvre intitulé, « Les Monuments » (2008), mounir fatmi crée un amas de casques blancs, évoquant peut-être ceux des émigrés nord-africains venus travailler sur les chantiers français dans les années 60/70, ou de ces nouveaux migrants chinois et indiens s’employant de nos jours à la construction d’édifices démesurés promus par les plus fastueux émirats de la péninsule arabique. Sur ces casques, il inscrit le nom de philosophes français, qui furent les grands penseurs de la déconstruction : Foucault, Derrida, Deleuze, Lyotard… A travers une plaisante inéquation construction/déconstruction, l’artiste semble toutefois citer leurs noms à la manière d’une parole non entendue, quasi crépusculaire. De même, lorsqu’il recrée, avec ingéniosité, par un jeu de d’ombres projetées des best-sellers politiques et volumes du Coran formant la crête de gratte-ciels autour du World Trade Center, (« Save Manhattan 01 », 2003/2004) ou qu’il entremêle, comme récemment, les tuyaux de narghilé
(« Assassins », 2010), fatmi montre qu’il ne laisse rien passer aux trames de son tamis critique, isolant xénophobies et a priori manifestés à l’encontre d’une culture arabo-musulmane contemporaine, à ne pas amalgamer, cela va sans dire, avec les extrémismes politiciens du moment.
« Tous coupables »…
Si l’artiste est attentif au plan global, il ne s’en montre pas moins incisif au plan national. S’agissant du Maroc, il analyse, à l’aide d’appuis documentaires, une information confisquée, véritable « trou noir » selon ses termes, portant sur la disparition de l’homme politique de gauche, Mehdi Ben Barka, et dont la majorité des Marocains n’eurent qu’une perception lacunaire. (« Face au silence » (2002) et « Enquête sur une image » (2003).Exprimant non moins de doutes quant à l’efficacité des interventions de la Communauté internationale face aux conflits polarisés de la planète, (« State of Emergency », 2007), il dispose, à la Biennale de Sharjah, une série de tables blanches incarnant ces instances mondiales et portant sous leur envers de fantomatiques maquettes inversées de Manhattan. Fiascos de pourparlers internationaux, conférences au sommet vainement réitérées que répertorie Pierre Conesa dans « Les mécaniques du Chaos »3. Sur les cimaises, l’artiste appliqua en lettres d’un graphisme élégant, le mot « Guilty »…que j’aurais tendance à traduire par tous coupables… Cette incapacité à parvenir à une gouvernance du monde équitable laisse émerger aujourd’hui le germe d’une désapprobation dont on perçoit la montée en puissance dans les sociétés civiles. A travers « Out of History », les archives du FBI liées au Mouvement Civique des Noirs Américains des années 60 ou ce mural reproduisant les calamiteuses photographies de l’arrestation de Saddam Hussein dans un Irak déchiré, le travail de fatmi, va de pair, à l’évidence, avec une histoire de la longue durée, autant qu’avec celle d’une actualité récente, dont la distanciation immédiate lui procure un matériau critique d’emblée éloquent.
fatmi proposa aussi en plein air, comme à Venise en 2009, l’icône de l’autorité pontificale re/« copiée » d’après une photographie qui fit le tour du monde, en retraçant à la craie sur l’asphalte, (à la manière, parfois, de certains pauvres sans ressource), la figure d’une chrétienté auto/médiatisée par la charismatique image du Pape Jean Paul II rendant visite, en prison, à son agresseur, Mehmet Ali Agca. Œuvre censurée à Venise, que l’artiste intitula avec un sens aigu du paradoxe : « Wall painting, Le Grand Pardon » (2007-2009). Le recours à des moyens vernaculaires, tels les murales ou les dessins colorés à la craie sur le bitume traduisant l’extase spirituelles d’imageries pieuses désuètes, qu’on rencontre plus particulièrement sur les trottoirs des villes en Italie, correspond sans doute chez fatmi à un désir d’exploiter la capacité de remémoration que comporte ce viatique populaire, et de progresser à rebours d’une société qui se vit comme hyper technologique.
Aura en perdition…
A travers ce choix pour la fresque « cheap » ou le mural d’actualité dont les traits schématiques reprennent ceux de pixels imprécis, il semble que se déplore non seulement une perte d’aura consommée mais avec elle, une déperdition substantielle du corps de l’image du Monde. Si fatmi en use ainsi, c’est qu’il n’ignore pas que sa tremblante image, quoique hybride et indigente, nous « parle » massivement. Nous en paraissons les voyeurs asservis, captifs d’une inflation iconique au punctum, certes, omniprésent, mais bâclé et lacunaire. C’est aussi une histoire des représentations appauvries par leur encodage qui défile à travers ces modélisations médiatiques anachroniquement attisées dans « Ghosting » (2010) par une surenchère d’éclair de photocopieuses dont l’artiste interroge les rémanences dans les consciences et la productivité effective sur les imaginaires. Car nos sociétés mondialisées assaillies par des myriades d’écrans à cristaux liquides semblent, presque corrélativement, être devenues des sociétés de l’oubli, de l’anamnèse.
fatmi prend en écharpe d’autres réalités économiques que nous connaissons bien, à travers une offensive économique agressive et décomplexée submergeant les consommateurs par une offre dépassant largement la demande. Invasion de gadgets numériques sophistiquées s’auto légitimant par la nécessité de faire place à de « nouvelles générations de produits » et qui, à une vitesse déconcertante, se supplantent le unes les autres. Ainsi l’artiste fut-il amené, comme tout un chacun, à admettre l’obsolescence des cassettes « VHS ». Oui… Mais qu’en faire ? … Plutôt que les rayer sans état d’âme de sa mémoire et les propulser dans le tout à l’égout d’une économie de marché caractérisée par son emballement incontrôlable, il s’attarde à leur « résidu ». Qu’en faire ? Oui, qu’en faire ?…Dans la lignée de ses lointains câbles coaxiaux, il les transmue en entités, en précoces vestiges dont le message paraît n’avoir encore jamais été décelé. Dans ce jaillissement de nouvelles/anciennes mémoires, encore actives et déjà disparues, renfermant une implicite veille permanente, il extirpe maintenant par touffes foisonnantes, comme d’une matrice cruciale, filaments noirs, boyaux audiovisuels, obscurs et luisants rubans magnétiques. De là, ressort une espèce de monumentalité cérémonielle et anthropologique jurant avec la proximité de photocopieuses qui, librement actionnées par les spectateurs, lancent leur éclair spectral, tandis que se projette par saccades, comme en une « bulle » mémorielle, des entrelacs de calligraphies arabes... Ces dispositifs, si ritualisés et externalisés soient-ils, demeurent toutefois mutiques, comme incapables de révéler le socle de leurs arcanes fondateurs.
On sait qu’avec la Modernité industrielle, au XXe siècle et l’invention de la photographie et du cinématographe, l’humanité connut une accélération sans précédent de ces dédoublements, qui allèrent jusqu’à supplanter l’aura et provoquer son effondrement symbolique. Phénomène alors largement inobservé (ou inobservable), qu’analysait avec profondeur Walter Benjamin dans « L’œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique ». A travers les réflexions de ces deux penseurs allemands : Hannah Arendt et Walter Benjamin, nous revoyons le court-circuit saisissant dans lequel devait se précipiter, au début d’un XXe siècle prometteur mais tragique, le devenir collectif des hommes et de leur image.Cette perte d’aura allant de pair avec une massification généralisée se voit aujourd’hui aggravée par les théories spéculatives d’un néo libéralisme dont on constate les effets délétères dans le monde du travail dont elles altèrent les valeurs éthiques les plus fondamentales. Tout se passe, en fait, comme si l’aura benjaminienne correspondait de loin en loin à une espèce liminaire et ultime de la dignité humaine… L’image/marchandise, l’information/marchandise, et à présent les emplois, les compétences qu’on prétend délocaliser semblent précipités dans le broyeur de ce cynisme autorisé. C’est aussi au cœur d’arborescences, nouvelles et anachroniques recyclant des théories rétrogrades et nostalgiques d’inégalités révolues notamment dans certains pays musulmans radicaux, mais non moins, au cœur des systèmes démocratiques occidentaux subtilement pervertis, que se tient l’œuvre de mounir fatmi, suivant l’amplitude d’une réflexion devenue inépuisable.
Multiple et Multitudes
Plaçant sur un même registre, (et cela est capital), les problématiques du multiple et des multitudes, l’artiste, dont on relèvera la forme essentiellement plurielle des motifs et objets exposés, confère à ses installations un statut austère et totémique impressionnant. S’il convoque des jeux de Mikado géants, entravant un parcours d’obstacles hippiques (existentiel, sans doute), s’il sonde les architectures subliminales et autoritaires qui tapissent subrepticement le fond notre œil, le fond de notre psyché, c’est qu’il exige de nous et de lui-même, l’inlassable déchiffrement d’une illisibilité du monde désormais exponentielle.
Seuil critique essentiel, car nous savons bien que les principes de liberté qui fondent les démocraties ne doivent jamais se penser comme acquis une fois pour toutes. Or ces principes fondamentaux passent, à mon sens, par une régulation éthique, encore à venir, de la circulation des icônes. Pour Cornélius Castoriadis, cette remise en question des démocraties par elles-mêmes en constituerait la salutaire et intrinsèque nécessité. A travers une « parole du poète » entendue en ce sens « comme sacrement et comme blasphème », l’artiste, traquant et sublimant à la fois, la frénétique marchandisation du support même de ces icônes, ne ferait-il pas autre chose qu’en exercer la « réflexivité radicale » ?...4
Michèle Cohen Hadria
1. Cornélius Castoriadis, « Fenêtre sur le Chaos », Editions du Seuil, Paris, (2007) p. 119
2. Hannah Arendt, « La crise de la culture », Editions Gallimard, Paris, (1972, pour la traduction française), p. 262 et 268.
3. Pierre Conesa, « Les mécaniques du chaos, Bushisme, prolifération et terrorisme », Editions de l’Aube, Paris, (2007), p. 13
4. Cornélius Castoriadis, Op. Cit, p.109 et p.122.
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Coherent and continuous, mounir fatmi’s work ultimately never stopped following its natural course of evolution. Having found one day used television cables, the developments he eventually conceived with them went through an increasingly convincing formal and discursive amplification. In the late 1990s, in Morocco, they dialectically suggested the idea of mass communication and surveillance, technological progress and censorship. Political censorship as well as the implicit censorship of art. The young man of those days sensed this censorship so strongly that his first significant gesture was to declare himself officially “dead” as a Moroccan artist. This led to works such as “Coma” or “Antibiotics”, for which mounir fatmi went so far as to handpick his audience in the street… The arabesques he created with these arcane cables, which nevertheless instilled their logical and legible polysemy, eventually came to fruition. And it’s the maximum amplitude reached by his work today that gives it its large-scale visibility. Intriguing and identifying, ambivalent and explicit, his concretions of semantic sediments produce a series of paradoxical, compact and explosive syntheses, which the artist establishes like the sequences of a personal “text” that shapes itself with time before our very eyes. Through this monologue that is destined for sharing, which he delineates with the signs of a constantly active meditation, one can easily follow the reasoned mutation of his shapes, symbols and analogies. An intimate syntax, somewhere between an osmosis and a semiotic short-circuit, revitalizes a plastic that is self-renewed and constantly carried further. Although this renders them almost familiar to us, the ins and outs of this glossary contain an ardent element that makes its interpretation urgent. The trajectory followed by this prolific artist, in whom one can sense a well-mastered sense of homogeneity extending to his use of dissemination and a flawless polemic of inequations and disconcerting rebus, leads to a spectacular and perhaps monumental dimension.
Pre-existing ideological networks
The critical driving force of the work aims to deconstruct symbolic/ideological architectures, urban enclosures that are mental more than tangible, and which, throughout history, either locked in or awed subjects. The architectures mounir fatmi creates are elliptic, made of the interlocking and piling up of black bricks (VHS cassettes), whose structure seems closed onto itself. This esthetic system, inspired by traditional Islamic arabesques, propels us, through an anachronistic shortcut, towards American pragmatic urbanism whose skyscrapers stigmatized a fatal day: September 11, 2001, which the artist turns into a veritable cognitive blazon, a sinister signage. The blackness of these tapes suits a World Trade Center that has been burnt to ashes, wiped out. Using this morbid history of men, fatmi also recreates, using these same “black bricks”, an emblematic electric chair. The motif of his ornamental arrangements has since become prolific, as if suddenly deregulated; an endless expansion whose façade persists in showing a neutral and laconic appearance. In addition to these complex “dams” made of videotapes, he also elaborates insatiable jumbles where connections and cross-references are blurred, indexes, lists and bibliographies generate their obscure and melancholy hypertext. On this subject, fatmi often expresses a feeling of the imminence of societal collapse. When he summons in his work intellectual, political, religious or anthropological belief systems, he sees them as giants with feet of clay. It’s therefore their establishment as mental architectures, but also their fragility, that is at the core of his discourse. This foreseen collapse doesn’t only threaten these delicate VHS walls, the insecurity they create in us heightens the intuition that there is an inherent weakness to any governmental or institutional endeavor. With lucidity, mounir fatmi suggests that our contemporary tree diagrams, organized like information freeways, didn’t emerge out of nothing. Ancient, strategic political lines and lineages and many just as overbearing symbolic/invisible monuments existed before them, in other forms and with other rhythms. These millennia of ancient beliefs consecrated by the three Abrahamic religions (which the artist often evokes) mortgaged our minds, long before the flow of propaganda and consumerist entropy that is characteristic of the Internet, with a paradigm of occult connectivity, whose modern and democratized structure, because it is completely externalized in its functioning, captivates and captures us. Its underlying ideological foundation still resides in a central Power that has hardly evolved in centuries. Hence, no real innovation is to be found in these technological networks; their temporality, speed of propagation and invasive power are what give them their hitherto unseen scope. These are no longer sacred sites whose access is limited to priests, the clergy or the court, but virtual sites where anyone can appear and quickly disappear in an illusory way. It isn’t fortuitous that the artist, in “Hard Head/Cogito” (2006), resorted to a rather referential and traditional representation of the brain, the natural matrix for artificial intelligence, where cerebral meanders include calligraphy taken from the Koran that creates a mise en abyme of Knowledge conceived as a privilege, and whose taxonomical cartography is doubled with a Vanity.
“Liquidation of values”
These fundamental sectors, these links that fatmi creates with urgency, also seem to reflect the acceleration of a world that, since the end of the Cold War and into the 2000s, became considerably more complex while we watched. Yesterday’s structures of power are recycled today, but they hide their true face behind an instantaneity and an (excessive) visibility we cannot control. In this Society of the Spectacle that Guy Debord pinpointed in terms of “separation”, the artist measures metaphorical wavelengths, assesses the ambiguous resonances disseminated by the media right into our households. We have become vulnerable and apathetic, petrified by this informational astonishment that, despite appearances, doesn’t say its name. We, designated as the “general public”: a shapeless mass whose predictable cultural weakness made Hannah Arendt weary, because of the ideological standardizing imposed to the social subject, confirming a “liquidation of values”. The universalized bulimia of the entertainment industry, vulgarizing bits of pseudo-knowledge that philosophy described as inherent to the emergence of the culture of the masses, and even as “metabolic” 2… In a work entitled “The Monuments” (2008), mounir fatmi creates a heap of white helmets, perhaps evocative of those of North African emigrants who came to work on French construction sites in the 1960s and 70s, or of those of today’s Chinese and Indian migrant workers who work on the construction of disproportionately large buildings produced by the most spendthrift emirates of the Arabic peninsula. On these helmets, he wrote the names of the French philosophers who conceived the deconstructivist movement: Foucault, Derrida, Deleuze, Lyotard… Through a humorous construction/deconstruction inequity, the artist seems to cite their names as part of an unheard and almost crepuscular discourse. Similarly, when he ingenuously recreates, by playing with the projected shadows of political best-sellers and copies of the Koran, the New York skyline around the World Trade Center (“Save Manhattan 01”, 2003-2004), or intertwines, as he recently did, hookah pipes (“Assassins” 2010), fatmi shows that he lets nothing through the filter of his critical sieve, thus isolating xenophobia and prejudice against the Arabo-Muslim culture, which should not be amalgamated, it goes without saying, with current political extremisms.
“All guilty”…
The artist may be attentive on a global scale, he is just as incisive on a national level. Regarding Morocco, he analyzes, based on documentary evidence, the confiscated information, a veritable “black hole” as he calls it, about the disappearance of left-wing politician Mehdi Ben Barka, of whom the majority of Moroccans only have a spotty perception (“In the Face of Silence”, 2002 and “Enquiry about an Image”, 2003). Expressing the same amount of doubt about the interventions of the international community in the face of the planet’s polarized conflicts (“State of Emergency”, 2007), he placed at the Sharjah Biennale a series of white tables representing these international institutions, with ghostly upside-down models of Manhattan on their underside. Repeated fiascos of international talks, vainly reiterated summit conferences that Pierre Conesa lists in “The Mechanics of Chaos” 3. On the picture rails, the artist applied the word “Guilty”, elegantly written, which I would translate to “all guilty”… Such an incapacity to create an equitable global governance leads to the current emergence of a popular disapprobation whose increase can be felt in civil societies. With “Out of History”, the FBI archives relating to the civil rights movement of black Americans in the 1960s, or the mural showing the pitiful photographs of Saddam Hussein’s arrest in a war-torn Iraq, fatmi’s work evidently goes hand in hand with long-term history just as much as current affairs, with an immediate detachment that provides him with eloquent critical material straightaway. fatmi also proposed outdoors, as in Venice in 2009, the icon of pontifical authority re/produced after a world famous photograph, tracing with chalk on the asphalt (like certain destitute artists sometimes do) the figure of a self/mediatized Christianity through the charismatic image of pope John Paul II visiting his aggressor, Mehmet Ali Agca, in jail – a work that was censored in Venice, and which the artist titled, with an acute sense of irony, “Wall Painting, the Great Forgiveness” (2007-2009). The use of vernacular media such as murals or chalk drawings on the pavement that convey the spiritual ecstasy of old-fashioned pious images, generally found on the sidewalks of Italian cities, probably echoes in mounir fatmi with his desire to make use of the capacity for remembrance that this popular viaticum possesses and to go against the general trend of a super-technological society.
Aura in distress…
Through this choice of the “cheap” fresco or the mural of current affairs whose schematic outlines are evocative of imprecise pixels, it seems that not only the loss of a consummated aura is being deplored, but also a substantial loss of the body of the image of the world. If fatmi uses it in this way, it’s because he knows his trembling image, hybrid and destitute as it may be, “speaks” to us volumes. We appear as its subjugated voyeurs, trapped in an iconic inflation whose punctum is omnipresent, yet botched and lacunar. It’s also a history of representations impoverished by their encoding that is materialized through the media representations anachronistically provoked in “Ghosting” (2010) by a flurry of photocopy machine flashes, the artist questioning their remanence in our consciences and their effective productiveness on our imagination. Because our globalized societies, besieged by myriads of liquid crystal screens, seem, almost correlatively, to have become societies of oblivion, of anamnesis. fatmi addresses other economical realities we are familiar with, through an aggressive and shameless economic offensive submerging consumers in an offer that is vastly superior to demand. An invasion of sophisticated digital gadgets that legitimize their own existence by the necessity to make way for “next generation products” and that replace one another with dizzying rapidity. Thus, the artist was forced to admit, like everyone else, the obsolescence of “VHS” cassettes. Sure, but what should be done with them? Rather than simply erasing them from his memory and dumping them into the sewer of a market economy characterized by its uncontrollable surge ahead, he looks closely at this “residue”. What to with it…? In line with his distant coaxial cables, he transmutes them into entities, into precocious remains whose message seems to have never been deciphered. In this eruption of new/ancient memories, still active yet already disappeared, containing an implicit constant watch, he now pulls out, in copious bunches as if from a crucial matrix, black filaments, audiovisual guts, dark and shiny magnetic ribbons. From there emerges a kind of ceremonial and anthropological monumentality that clashes with the proximity of the photocopy machines that are freely activated by the viewers, darting their spectral flash, while intertwined Arab calligraphies are jerkily projected, as in a memorial “bubble”… These installations, ritualized and externalized as they may be, remain silent, as if incapable of revealing their underlying foundations. We know that with 20th century industrial modernity and the invention of photography and the cinematograph, humanity experienced an unprecedented acceleration of these duplications that ultimately supplanted the aura and caused its symbolic collapse – a phenomenon that was until then widely unobserved (or unobservable) and that Walter Benjamin analyzed in depth in “The Work of Art in the Age of Mechanical Reproduction”. Based on the reflections of two German thinkers, Hannah Arendt and Walter Benjamin, we witness the striking short-circuit in which, at the beginning of a promising yet tragic 20th century, the collective destiny of men and their image were captured. This loss of aura that went hand in hand with a general massification is now exacerbated by the speculative theories of neo-liberalism, whose destructive effects we can see on the professional world, as they alter their most fundamental ethical values. In fact, it’s as if the Benjaminian aura more or less corresponded with a liminal and ultimate species of human dignity… The image/merchandise, information/merchandise, and now the jobs, the skills we claim to outsource seem to be thrown into the shredder of this authorized cynicism. At the heart of new and anachronistic tree structures that recycle retrograde and nostalgic theories about outdated inequalities, in particular in certain radical Muslim countries, but just as much in the heart of subtly perverted Western democratic systems, that’s where mounir fatmi’s work stands, following the amplitude of a reflection that has become inexhaustible.
Multiple and Multitudes
Putting on equal footing (which is crucial) the questions of the multiple and the multitude, the artist, whose motifs and exhibited objects have an essentially plural form, grants his installations an impressive, austere and totemic status. He evokes giant games of Mikado, blocking the way with horse jumping (undoubtedly existential) obstacles, questions the subliminal and authoritarian architectures that surreptitiously cover up the back of our eye, the back of our psyche, because he demands, of us and of himself, the tireless deciphering of an illegibility of the world that has become exponential. This is a crucial critical threshold, as we know full well that the principles of liberty that are at the heart of democracy should never be taken for granted. Yet these fundamental principles require, in my view, the yet to come ethical regulation of the circulation of icons. For Cornelius Castoriadis, this questioning of democracies by themselves would constitute their salutary and intrinsic necessity. By utilizing a “poet’s voice” conceived in this sense “as sacrament and blasphemy”, isn’t the artist, simultaneously tracking down and sublimating the frenetic commercialization of the very medium of these icons, precisely exercising its “radical reflectiveness”?… 4
Michèle Cohen Hadria 1. Cornelius Castoriadis, “Window on the Chaos” (2007) 2. Hannah Arendt, “The Crisis in Culture” (1960-68) 3. Pierre Conesa, “Les mécaniques du chaos, Bushisme, prolifération et terrorisme”, Editions de l’Aube, Paris, (2007), p. 13 4. Cornelius Castoriadis, Op. Cit. This foreseen collapse doesn’t only threaten these delicate walls of VHS tapes, the insecurity they create in us heightens the intuition that there is an inherent weakness to any governmental or institutional endeavor.
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