Dans ses Vies de saints publiées à Paris en 1701, Adrien Baillet porte un jugement sans équivoques sur les récits narrant les faits et gestes des frères jumeaux Côme et Damien : « Il n’y a guère d’histoires de saints dont les faiseurs de fables se soient joués avec plus de license que de celle des illustres martyrs Saint Cosme et Saint Damien ». Le théologien français était réputé pour condamner, parfois à l’excès, les textes hagiographiques qu’il jugeait trop extravagants pour être véridiques. Son affirmation se réfère certainement à l’une des actions prodigieuses attribuées aux deux frères par Jacques de Voragine dans la Légende dorée. Le miracle dit de la « jambe noire » indique comment ils auraient soigné la jambe d’un de leur fidèle grâce à l’aide d’une nouvelle provenant d’un « Éthiopien » décédé :
« Le pape Félix, aïeul de saint Grégoire, fit construire à Rome une magnifique église en l’honneur des saints Côme et Damien. En cette église se trouvait un serviteur des saints martyrs auquel un chancre avait dévoré toute une jambe. Or, voilà que, pendant son sommeil, lui apparurent les saints Côme et Damien qui portaient avec eux des onguents et des instruments. L’un dit à l’autre : « Où aurons-nous de quoi remplir la place où nous couperons la chair gâtée ? » Alors l’autre répondit : « Dans le cimetière de Saint-Pierre-aux-Liens, se trouve un Éthiopien nouvellement enseveli ; apporte de sa chair pour remplacer celle-ci. » Il s’en alla donc en toute hâte au cimetière et apporta la jambe du Maure. Ils coupèrent ensuite celle du malade, lui mirent à la place la jambe du Maure, oignirent la plaie avec soin ; après quoi ils portèrent la jambe du malade au corps du Maure. Comme cet homme en s’éveillant ne ressentait plus de douleur, il porta la main à sa jambe, et n’y trouva rien d’endommagé. Il prit donc une chandelle, et ne voyant aucune plaie sur la jambe, il pensait que ce n’était plus lui, mais que c’était un autre qui était à sa place. Enfin revenu à soi, il sauta tout joyeux hors du lit, et raconta à tout le monde ce qu’il avait vu en dormant et comment il avait été guéri. On envoya de suite au cimetière, et on trouva la jambe du Maure coupée et celle de l’autre mise dans le tombeau ».
Les faits exceptionnels décrits dans ce passage furent dépréciés grandement par les hommes de lettres dès la Contre-Réforme. Les directives du Concile de Trente, étalé en trois sessions de 1545 à 1563, stipulaient en effet une réglementation nouvelle quant aux rapports entre l’homme et le divin : plus difficilement acceptés, ils devaient s’insérer dans un schéma doctrinal précis limitant les manifestations thaumaturgiques peu crédibles. Ainsi, si les Bollandistes furent souvent en désaccord avec les critiques émises par Adrien Baillet, les Acta sanctorum jugèrent eux aussi le témoignage erroné. Progressivement délaissé, le Miracle de la jambe noire disparut presque complètement du répertoire iconographique et textuel associé à la vénération des deux frères. Pourtant, ses représentations sont loin d’être méconnues du grand public. Par quels intermédiaires ce récit on ne peut plus particulier nous est-il parvenu ?
Étrangement, ce sont les publications médicales qui, depuis quelques années, offrent une visibilité nouvelle aux images figurant l’intervention des deux saints. Afin de comprendre l’intérêt porté au Miracle de la jambe noire par nos professionnels de la santé, il convient de se tourner vers quelques exemples décrivant l’évènement ainsi que le contexte de leur réalisation. Le célèbre panneau de Fra Angelico, peint entre 1438 et 1440 (Fig. 1) pour le couvent de San Marco à Florence, est certainement la représentation la plus connue du sujet. Comme nombre d’œuvres produites en Toscane, la peinture du frère dominicain était liée au patronage des Médicis. Avec Laurent, la dynastie avait en effet pour saints patrons Côme et Damien. Le lien entre la puissante famille et les deux jumeaux était dû principalement à l’activité terrestre de ces derniers : avant d’être martyrisés en 287, ils s’illustraient en soignant gratuitement leurs fidèles. En raison de leur charité exemplaire, ils reçurent par la suite l’appellation de saints anargyres et, plus significative dans notre contexte, celle de saints médecins. Dès lors, outre une association étymologique avec leur nom de famille, il semble évident que les Médicis souhaitaient se présenter comme les plus aptes à « soigner » les problèmes de leurs sujets. Fra Angelico réalisa son Miracle de la jambe noire dans le cadre d’une commande à l’envergure considérable, la « Pala di San Marco ». En accord avec le récit de la Légende dorée, la nature fantasmatique de la manifestation divine y est clairement indiquée : une nuée translucide entoure Côme et Damien, soulignant le caractère surnaturel de leur apparition au sein de la pièce. L’artiste élabore ainsi avec une rare finesse l’intervention onirique des deux médecins, raison pour laquelle son exemple sera partiellement repris par ses contemporains et successeurs. Pesellino, de son vrai nom Francesco di Stefano, faisait partie de la génération d’artistes florentins ayant étudié le style du grand maître. Son Miracle de la jambe noire (Fig. 2), visible sur un fragment de prédelle conservé au Louvre, semble emprunter plusieurs éléments au panneau de Fra Angelico. L’artiste introduit cependant une nouveauté, absente du miracle relaté par Jacques de Voragine. Il inclut en effet un quatrième protagoniste dans la narration visuelle : une femme apportant une bassine aux deux jumeaux. Éveillée et bien active, elle efface la distinction entre les deux sphères occupées par le malade : celle où son corps endormi se trouve et celle à laquelle la vision spirituelle lui permet d’accéder. Cette différence n’est pas anodine car, en réintégrant les deux saints dans le monde des vivants, Pesellino permet aux fidèles de s’associer – voire de s’identifier – à Côme et Damien. L’image offre une analogie certaine avec une fresque conservée à la Galleria Nazionale de Parme (Fig. 3) sur laquelle figure l’une des œuvres de miséricorde prônées par l’évangile de Matthieu (Mt 25, 33-36), soigner les malades. La composition n’est pas sans rappeler celle du peintre florentin : un bienfaiteur entre par une porte et prodigue à un médecin et son patient ce dont ils ont besoin. Le modèle d’entraide sociale offerte par ces images avait pour premier bénéficiaire la médecine elle-même, à une époque où le traitement physique de la chair était parfois vu comme une entrave au salut de l’âme. La chirurgie, en particulier, ne faisait pas bon ménage avec l’Église. Ses pratiquants, conscients de cette faiblesse, cherchaient dès lors une interaction avec le sacré. Comme l’indique Jean-Claude Schmitt : « Pourtant, plus que la concurrence et l’exclusion prévalait l’intégration de ces divers recours. L’image des saints Côme et Damien, patrons des chirurgiens, est exemplaire ». Ainsi, au xve siècle, nombreux revendiquaient les saints martyrs comme parangons de leurs activités. Ces recours à Côme et Damien en tant que garants et références historiques nous offre un avant-goût des motifs pour lesquels, de nos jours encore, le Miracle de la jambe noire pose des enjeux non seulement religieux. En effet, tout comme Léonard de Vinci et ses machines futuristes, les deux saints apparaissent désormais comme de nobles précurseurs qui, par leur opération charitable, annonce l’une des découvertes les plus sensationnelles du xxe siècle : la greffe d’organes. Concrétisation d’un rêve jusqu’ici utopique – le caractère fantaisiste du récit aidant ici certainement – l’intervention des deux frères met en exergue le triomphe de la médecine moderne sur un mal qui, depuis longtemps, handicape l’homme dans ses actions. Ainsi, l’article The first homoplastic limb transplant according to the legend of saint Cosmas and saint Damian confronte les représentations du miracle à une photographie singulière : un rat exhibant une patte de couleur différente, la première réussite en matière de transplantation d’organes entiers entre deux spécimens d’une même espèce. En 1998, le même procédé est appliqué avec succès sur un être humain. En témoigne l’ouvrage Hand Transplantation, édité par le célèbre médecin français Jean-Michel Dubernard. Dans son introduction, une contribution intitulée Cosmas and Damian Revisited établit cette fois-ci un parallèle éloquent entre les images du miraculé et le patient greffé. En 2001, ce dernier décida de se défaire de sa nouvelle main car il s’en sentait mentalement détaché, faisant ainsi écho au serviteur de Côme et Damien qui, à son réveil, pensait que « ce n’était plus lui, mais que c’était un autre qui était à sa place ». Au final, la boucle semble être bouclée : le Miracle de la jambe noire anticipait déjà le problème du rejet psychologique.
Mais l’iconographie du Miracle de la jambe noire fascine également ses spectateurs pour d’autres raisons, plus perturbantes. Au-delà d’un simple questionnement scientifique, l’opération de Côme et Damien pose un problème éthique évident, à savoir le choix d’un homme à la carnation foncée comme « donneur » de la greffe. Dans un premier temps, ce dernier répond certainement à une didactique intrinsèque à tous miracles : attester l’événement survenu via un témoignage irréfutable. Le contraste noir-blanc, saisissant, ne laisse à ce titre aucun doute sur la véracité de l’intervention. Se contenter d’y voir une simple nécessité visuelle n’est cependant pas satisfaisant. Une discrimination raciale envers la peau sombre émerge en effet du récit, et ce bien que le lieu de sépulture du défunt semble indiquer son appartenance à la foi chrétienne. L’Église, à vocation universelle, réservait certes aux Africains un accueil favorable, lequel, parfois, conduisait au baptême. Saint Maurice, la reine de Sabba ou encore, plus tardivement, le roi mage Balthazar, nombre de figures religieuses se virent attribuer au Moyen Âge tardif une physiologie noire, incarnant ainsi l’hégémonie de Dieu jusqu’aux confins du monde connu. Néanmoins, l’image négative du noir était bien présente. La pensée occidentale voyait dans les « Éthiopiens », ici terme générique plus que réelle affiliation à un pays en particulier, des réprouvés destinés à retrouver, un jour, leur « clarté » par les bienfaits divins. Apparemment, l’on pouvait également disposer de leur chair plus facilement... Autre ambivalence du Miracle de la jambe noire, le corps hybride du miraculé s’oppose à ceux de ses sauveurs, deux jumeaux aux traits identiques. Dans les compositions de Fra Angelico et Pesellino, les saints coordonnent leurs gestes dans un mimétisme surprenant, œuvrant comme si leurs corps ne faisait qu’un. Jacques de Voragine leur confère même une personnalité collective : quand l’un des deux parle, rien ne nous indique de quel frère il s’agit.
Cette identité trouble, commune à l’ensemble des protagonistes du Miracle de la jambe noire, ne pouvait qu’interroger l’art contemporain. Parmi les créations récentes ayant eu recours à son iconographie comme source d’inspiration, le cas de Mounir Fatmi est certainement le plus intéressant. En 2011, il réalisa un petit film en noir et blanc centré sur la peinture de Fra Angelico. Le dialogue entre le frère dominicain et l’artiste marocain semblait inévitable : le travail de Mounir Fatmi s’articule principalement autour des traditions et rituels présents dans notre héritage culturel, avec une attention particulière portée au contexte ethnique. Ses vidéos contiennent souvent des traces de notre passé, et, dans « Survival Signs », il recourt déjà à la mutilation comme médium visuel. Sa « Jambe Noire de l’Ange », montage d’images en négatif, déconstruit et réassemble un par un les éléments iconographiques du panneau florentin. En alternance avec cette segmentation méthodique, reflet du traitement réservé aux deux acteurs passifs du récit de la Légende dorée, une loupe analyse chaque détail de la composition. Le noir et le blanc, inversés, confèrent à la jambe prélevée par les deux saints une lueur blanchâtre et fantomatique. Privée de son harmonie chromatique, l’intervention des deux médecins devient une radiographie, l’ultime transformation visuelle de figures en constante mutation. Les implications éthiques de ce renouveau corporel n’échappe par à l’artiste, qui définit la greffe comme « le commencement d’une société métissée ». Qui pourrait le contredire ? Deux ans plus tard, dans une série intitulée « The Blinding Light », il se pencha à nouveau sur l’œuvre de Fra Angelico. Cette fois-ci, la transplantation miraculeuse se superpose à des photographies prises lors d’opérations réelles (Fig. 4). Le résultat, amalgame de figures dispersées dans le temps, porte à son paroxysme l’hétérogénéité de la scène. A-t-on ici aussi affaire à une exaltation des progrès de la science ? Oui et non, car l’image de la greffe, actualisée dans notre présent, révèle à nos yeux le douloureux processus médical caché derrière l’action paisible des deux saints.
Le Miracle de la jambe noire, miroir des craintes de l’homme face au danger menaçant son intégrité corporelle, mériterait bien plus que ces quelques lignes. Discrédité, abandonné puis revalorisé, ce récit de prime abord farfelu recèle pourtant une vérité indéniable : bien avant que la notion de « prothèse » n’émerge, bien avant que la chirurgie ne permette la recomposition des chairs meurtries, les préoccupations de nos prédécesseurs quant à la fragmentation physique et psychique de leur être ne divergeaient somme toute pas des nôtres. Dès lors, il n’est pas surprenant que l’opération de Côme et Damien émerge à nouveau de l’oubli pour s’insérer dans des discours scientifiques ou artistiques pertinents. Pour conclure, laissons la parole à Jean-Luc Nancy qui, dans l’Intrus, exprime son désarroi après qu’il eut lui-même subit une transplantation d’organes : « D’abord la greffe se présente comme une restitutio ad integrum : on a retrouvé un cœur battant. A cet égard, toute la symbolique douteuse du don de l’autre, d’une complicité ou d’une intimité secrète, fantomatique, entre l’autre et moi, s’effrite très vite ; il semble d’ailleurs que son usage, encore répandu lorsque je fus greffé, disparaisse peu à peu des consciences des greffés : il y a déjà une histoire des représentations de la greffe ».
Pierre-Yves Theler
in Corps Recomposés, Greffe et art contemporain, sous la direction de Barbara Denis-Morel.
Le passage d'Adrien Baillet concernant Côme et Damien se trouve dans le livre trois, colonnes 348 à 351, des Vies de saints composées sur ce qui nous est resté de plus authentique et de plus assuré dans leur histoire. A ce propos, voir : Marie-Louise David-Danel, Iconographie des Saints médecins Côme et Damien, Lille, Morel & Corduant, 1958, p. 15.
Jacques de Voragine, La Légende dorée, Paris, Flammarion, 1967, vol. 2, p. 229. La Légende dorée constituait certainement la source premiére du miracle au Moyen Âge et à la Renaissance. Néanmoins, d'autres sources antérieures et postérieures existent. Elles sont recensées dans: Douglas B. Price, Neil J. Twombly (éd.), The Phantom Limb Phenomenon, Washington D. C., Georgetown University Press, 1978, p. 399-413.
Ottavia Niccoli, Vedere con gli occhi del cuore, Rome, Laterza, 2011, p. 140-170.
"De hoc facto non admodum favorabilia erunt eruditorum judicia". La note est intitulée quod videtur fabulosis adjunctis corruptum : Acta Sanctorum Septembris, 1760 (= 1970), vol. 7, paragr. 188, p. 462.
Pour un inventaire conséquent des représentations du Miracle de la jambe noire, voir : Kees W. Zimmerman, One leg in the grave, Maarssen, Elsevier / Bunge, 1998.
Du grec anargyroi, sans argent.
Pour un aperçu plus large de la collaboration entre les Médicis et les institutions religieuses florentines, voir : Dale Kent, Cosimo de'Medici and the Florentine Renaissance, New Haven / Londres, Yale University Press, 2006, p. 129-214.
La prédelle de la "Pala di San Marco" contenait également des scénes de la vie de Côme et Damien ainsi qu'une lamentation sur le Christ mort. Une Vierge à l'Enfant entourée de huit anges et de huit saints occupait le panneau central. Des représentations de saints et de bienheureux étaient placées dans les pilastres, mais la corniche du retable n'a pas été conservée. La pala ornait l'autel principal de l'église du couvent, consacré le jour de l'épiphanie de l'an 1443 en présence du pape Eugéne IV. Parmi la vaste bibliographie disponible sur la "Pala di San Marco", voir en particulier : William Hood, Fra Angelico at San Marco, New Haven / Londres, Yale University Press, 1993, p. 97-122.
Le panneau du Louvre, daté entre 1442 et 1445, comprend également une représentation de saint François recevant les stigmates. Il faisait partie à l'origine d'un retable florentin commissionné par Côme de Médicis pour orner la Chapelle du Noviciat de Santa Croce. Le panneau central, conservé aux Offices de Florence, est de la main de Filippo Lippi : Jillian Harrold, Saintly Doctors : The Early Iconography of SS. Cosmas and Damian in Italy, Université de Warwick, Department of History of Art, [En ligne], http://wrap.warwick.ac.uk/38150/ (document téléchargé le 10 octobre 2011), p. 228-236 et Dale Kent, op. cit., p. 145-149.
Les autres images conservées décrivent trois autres oeuvres de miséricorde : nourrir l'affamé, abreuver l'assoiffé et accueillir l'étranger. Elles proviennent de la maison du Consorzio dei Vivi e dei Morti, érigée à Parme en 1304 : Stefania Colla, Opere di misericordia, in Lucia Fornari Schianchi (dir.), Galleria Nazionale di Parma, Milan, FMR, 1997, p. 92-94.
Jean-Claude Schmitt, Le corps, les rites, les rêves, le temps, Paris, Gallimard, 2001, p. 338.
La premiére manifestation claire de cette association aux saints anargyres en tant que figures tutélaires est la fondation de la Confrérie Saint Côme des Maîtres Chirurgiens de Paris, dont l'existence est attestée par un édit royal en 1311. La Confrérie Saint Côme deviendra ensuite le Collége de Chirurgie : Marie-Louise David-Danel, op. cit., p. 107-146 et Jillian Harrold, op. cit., p. 160-170.
E. Rinaldi, The first homoplastic limb transplant according to the legend of saint Cosmas and saint Damian, Italian Journal of Orthopedics and Traumatology 13(3), 1987, p. 393-406.
Marco Lanzetta et al. (dir.), Hand Transplantation, New York, Springer, 2006. La greffe fut réalisée sur un patient néo-zélandais, Clint Hallam, à Lyon.
Bruce W. Conolly, Mario Benanzio, Cosmas and Damian Revisited, in ibid., p. 3-10.
Pour l'église, cette réhabilitation était possible via le baptême : Jean-Marie Courtes, Traitement patristique de la thématique éthiopienne, in Jean Devisse, Michel Mollat (dir.), L'image du noir dans l'art occidental. Des premiers siécles chrétiens aux "grandes découvertes", Fribourg / Paris, Gallimard/NRF, 1979, vol. 1, p. 15-18.
Cet aspect est particuliérement bien étudié dans : Judith-Danielle Jacquet, Le miracle de la jambe noire, in Jacques Gelis, Odile Redon (dir.), Les miracles miroirs des corps, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 1995, p. 42-46.
mounir fatmi a recrée la Pietà de Saint-Pierre à Rome, oeuvre de Michel-Ange, en fixant un câble d'antenne sur un panneau en bois. Pour une introduction sur Mounir Fatmi, voir : Tarek Elhaik, Solitude and Fragments : Introducing the Video Work of Mounir Fatmi, Framework: The Journal of Cinema and Media 43, 2002, p. 152-156.
La vidéo est disponible sur internet : Heure Exquise ! Centre international pour les arts vidéo, [En ligne], http://www.exquise.org/video.php?id=8613 (document consulté le 10 mars 2015)
Lillian Davies, Mounir Fatmi. Suspect Language, Milan, Skira, 2012, p. 83.
Jean-Luc Nancy, L'Intrus, Mayenne, Galilée, 2000, p. 29.
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In his Lives of the Saints published in Paris in 1701, Adrien Baillet casts a severe judgment on the stories about the lives of twin brothers Cosmas and Damian: “There is hardly another life story of a saint for which fable makers have taken more liberties than with that of the illustrious Saint Cosmas and Saint Damian”. The French theologian was renowned for condemning, sometimes excessively, hagiographic texts he deemed too extravagant to be true. His statement certainly refers to one of the miraculous actions attributed to the two brothers by Jacobus da Varagine in The Golden Legend. The so-called “miracle of the black leg” is about how they allegedly healed the leg of one of their followers by using a leg from a deceased “Ethiopian”:
“Pope Felix, an ancestor of saint Gregory, had a beautiful church built in Rome in honor of the saints Cosmas and Damian. In this church was a servant of the martyr saints whose leg had been entirely eaten up by a canker. And one night in his sleep, the saints Cosmas and Damian appeared, carrying with them unguents and instruments. One said to the other: ‘Where will we find what we need to fill the void after we cut out the rotten flesh?’ To which the other answered: ‘In the cemetery of Saint Peter in Chains, there is a freshly buried Ethiopian man; bring some of his flesh to replace this one.’ So he hurried to the cemetery and brought back the Moor’s leg. Then they cut off the leg of the sick man, put in its place the Moor’s leg and anointed the wound carefully; after this, they took the sick man’s leg to the Moor’s body. When the man awoke, he felt no pain, so he touched his leg, and found it intact. He took a candle, and as he saw no wound on the leg, he thought it wasn’t him but another man in his place. When he fully returned to consciousness, he jumped out of bed with joy and told everyone what he had seen in his sleep and how he had been healed. People were immediately sent to the cemetery, where they found the Moor’s body with a leg missing and the man’s leg in the tomb ».
The extraordinary facts described in this passage were disparaged by literary men during the Counter-Reformation. The directives of the Council of Trent, that spanned over three sessions between 1545 and 1563, stipulated a new set of rules regarding the relation between Man and the divine: that relation was accepted with more difficulty, and it had to be contained within a precise doctrinal outline that strongly limited hard to believe thaumaturgic manifestations. In this context, though the Bollandists often disagreed with Adrien Baillet’s criticism, the Acta sanctorum also deemed the account to be false. Progressively abandoned, the Miracle of the Black Leg almost completely disappeared from the iconographic and literary repertoire associated with the veneration of the two brothers. Nevertheless, its representations are far from unknown among the general public. So thanks to what intermediaries did this most peculiar story reach us?
Surprisingly, it is through medical publications that increased visibility has been given in recent years to the images of the two saints’ intervention. In order to understand the interest of medical professionals for the Miracle of the Black Leg, one must turn to a few examples describing the event as well as the context surrounding them. The famous panel painted by Fra Angelico between 1438 and 1440 (Fig. 1) for the convent of San Marco in Florence is certainly the most renowned representation of this subject. Like many works of art produced in Tuscany, the painting by the Dominican brother was linked to the patronage of the Medici family. Along with Lawrence, the dynasty had Cosmas and Damian for patron saints. The link between the powerful family and the twin brothers had to do with the latter’s terrestrial activities: before their martyr in 287, they distinguished themselves by treating their followers free of charge. Because of their exemplary charity, they received the appellation of anargyric saints and, more significantly in our context, of medical saints. Consequently, in addition to the etymological association with their family name, it is obvious that the Medici wanted to be seen as the most fit to “cure” the problems of their subjects. Fra Angelico executed his Miracle of the Black Leg as part of a very large commission, the “Pala di San Marco”. In line with the story of the Golden Legend, the fantasmatic nature of the divine manifestation is clearly indicated: a translucent cloud surrounds Cosmas and Damian, highlighting the supernatural aspect of their presence in the room. The artist elaborates with amazing subtlety the oneiric intervention of the two physicians, which is why his example will be partly followed by his contemporaries and successors. Pesellino, whose real name was Francesco di Stefano, was among the generation of Florentine artists who studied the great master’s art. His Miracle of the Black Leg (Fig. 2), which can be seen on a fragment of predella kept at the Louvre museum, seems to borrow several elements from Fra Angelico’s panel. Yet the artist introduces a new element which was absent from the miracle as told by Jacobus da Varagine, as he added a fourth character in the visual narration: a woman bringing the twins a basin. Fully awake and active, she erases the distinction between the two spheres occupied by the sick man: the one in which his sleeping body is located and the one he can access using spiritual vision. This is no small difference: by putting back the two saints in the world of the living, Pesellino allows believers to associate themselves – and even to identify themselves – with Cosmas and Damian. The image offers a certain analogy with a fresco kept at the Galleria Nazionale in Parma (Fig. 3), in which is shown one of the acts of mercy commended by Matthew’s gospel (Mt 25, 33-36): healing the sick. The composition is similar to that of the Florentine painter: a benefactor comes in through a doorway and gives a physician and his patient what they need. The model of mutual assistance shown in these images benefited first and foremost medicine itself, in an age where the physical healing of the flesh was sometimes seen as hindering the salvation of the soul. Surgery, in particular, was in no good terms with the Church. Its practitioners, aware of this weakness, were in search of interactions with the sacred. As Jean-Claude Schmitt says: “More than competition and exclusion, it is the integration of these various recourses that prevailed. The images of the saints Cosmas and Damian, the patron saints of surgeons, is exemplary in that sense”. Thus, during the 15th century, many physicians claimed the martyr saints as the paragons of their trade. This recourse to Cosmas and Damian as guarantors and historical references gives us an idea as to the reasons for which, to this day, the Miracle of the Black Leg raises questions that reach beyond religion. Just like Leonardo da Vinci and his futuristic machines, the two saints now appear as noble precursors who, through their charitable work, heralded one of the most sensational discoveries of the 20th century: organ transplants. The intervention of the two brothers realized a dream that was utopic so far – and the far-fetched character of the story certainly helped in that sense – highlighting the triumph of modern medicine over an evil that had been hindering Man in his actions for a long time. The article entitled The first homoplastic limb transplant according to the legend of saint Cosmas and saint Damian confronts the representations of the miracle with a peculiar photograph: a rat with one paw of a different color, a successful first in the field of full organ transplants between two specimens of the same species. In 1998, the same process was successfully applied on a human being. The book Hand Transplantation, published by the famous French doctor Jean-Michel Dubernard, tells this story. In its introduction, a text entitled Cosmas and Damian Revisited establishes a telling comparison between the images of the miraculously cured man and the transplanted patient. In 2001, the patient decided to get rid of his new hand because he felt mentally detached from it, echoing Cosmas and Damian’s patient who, when he woke up, thought that “it wasn’t him anymore but another man in his place”. Ultimately, the circle seems to be complete: the Miracle of the Black Leg had already anticipated the problem of psychological rejection.
But the iconography of the Miracle of the Black Leg is also fascinating for other, more troubling reasons. Beyond the scientific considerations, Cosmas and Damian’s operation poses an obvious ethical issue: the choice of a dark-skinned man as a “donor” for the transplant. Originally, this choice certainly had to do with a didactical aspect that is common to all miracles: to be able to attest to the event through an irrefutable witness statement. The striking black-white contrast leaves no doubt regarding the veracity of the intervention. But this simple visual necessity isn’t a satisfactory explanation. Racial discrimination against the dark skin tends to emerge from the story, even though the burial place of the deceased seems to indicate he was of Christian faith. Indeed, the Church, with its universal vocation, favorably welcomed Africans, which sometimes led to their baptism. Saint Maurice, the Queen of Sheba and, later, the wise man Balthazar: during the Middle Ages, many religious figures were given a black physiology, incarnating God’s hegemony even in the far reaches of the known world. But the negative image of the black man was present nonetheless. Western mentalities saw in “Ethiopians” – a generic term that conveyed no relation to a specific country – damned souls destined to one day regain their “clarity” thanks to divine generosity. Apparently, it was also easier to use their flesh… Another ambivalence in the Miracle of the Black Leg is that the hybrid body of the miraculously healed man contrasts with those of his saviors, two twins with identical features. In the compositions of Fra Angelico and Pesellino, the saints coordinate their gestures with striking mimetism, working as if their two bodies were one. Jacobus da Varagine even gives them a common personality: when one of them speaks, nothing indicates which brother it is.
This muddled identity, which is shared by all the characters in the Miracle of the Black Leg, necessarily intrigued the world of contemporary art. Among the recent creations that have used its iconography as a source of inspiration, the case of Mounir Fatmi is certainly the most interesting one. In 2011, he created a short black & white movie about Fra Angelico’s painting. The dialogue between the Dominican brother and the Moroccan artist seemed inevitable: Mounir Fatmi’s work focuses mostly on the traditions and rituals present in our cultural heritage, with particular attention to ethnic contexts. His videos often contain traces of our past, and in “Survival Signs”, he was already using mutilation as a visual medium. His “Angel’s Black Leg”, a montage of negative images, deconstructs and reassembles the iconographic elements of the Florentine panel one by one. Alternating with this methodic segmentation, a reflection of the treatment reserved to the two passive characters of the Golden Legend story, a magnifying glass analyzes every detail of the composition. Black and white are inverted and give the leg taken by the two saints a pallid and ghostly glow. Without its chromatic harmony, the intervention of the two physicians becomes an x-ray, the final visual transformation of constantly shifting figures. The ethical implications of this reborn body aren’t lost on the artist, who defines transplants as “the beginning of an ethnically mixed society”. Who could claim otherwise? Two years later, in a series entitled “The Blinding Light”, he examined Fra Angelico’s painting again. This time, the miraculous transplant is superimposed with photographs from real surgical operations (Fig. 4). The result, a combination of figures dispersed through time, highlights as strongly as can be the heterogeneousness of the scene. Is this another exaltation of the progress of science? Yes and no, as the image of the transplantation, updated into our contemporary world, stresses the painful medical process behind the peaceful action of the two saints.
The Miracle of the Black Leg, mirroring Man’s fear of dangers threatening his physical integrity, deserves much more than these few lines. Discredited, abandoned and finally rehabilitated, this seemingly far-fetched story nevertheless contains an undeniable truth: long before the notion of “prosthetics” existed, long before surgery enabled the reconstruction of wounded flesh, the preoccupations of our predecessors regarding the physical and mental fragmentation of their being weren’t that different from ours. It therefore isn’t surprising that Cosmas and Damian’s operation emerges from oblivion to be integrated into relevant scientific or artistic discourses. Let’s conclude with the words of Jean-Luc Nancy who, in The Intruder, expressed his disarray after having experienced an organ transplant himself: “First, the transplant is seen as a restitutio ad integrum: I have a beating heart again. In this regard, the questionable symbol of a gift from a fellow human being, of a bond or secret ghost-like intimacy between me and the other man quickly vanishes; it actually seems that its use, still common when I received the transplant, is slowly disappearing from the conscience of transplant receivers. There already is such as thing as a history of the representation of transplants.
Pierre-Yves Theler
in Corps Recomposés, Greffe et art contemporain, sous la direction de Barbara Denis-Morel..”
The passage by Adrien Baillet concerning Cosmas and Damian is in the third book, columns 348 à 351, of Vies de saints composées sur ce qui nous est resté de plus authentique et de plus assuré dans leur histoire. On this subject, refer to: Marie-Louise David-Danel, Iconographie des Saints médecins Côme et Damien, Lille, Morel & Corduant, 1958, p. 15.
Jacobus da Varagine, The Golden Legend, (French version) Paris, Flammarion, 1967, vol. 2, p. 229. The Golden Legend was certainly the main source for the miracle in the Middle Ages and the Renaissance. But other anterior and posterior sources exist. They are inventoried in: Douglas B. Price, Neil J. Twombly (ed.), The Phantom Limb Phenomenon, Washington D. C., Georgetown University Press, 1978, p. 399-413.
Ottavia Niccoli, Vedere con gli occhi del cuore, Rome, Laterza, 2011, p. 140-170.
« De hoc facto non admodum favorabilia erunt eruditorum judicia ». The note is entitled quod videtur fabulosis adjunctis corruptum : Acta Sanctorum Septembris, 1760 (= 1970), vol. 7, paragr. 188, p. 462.
For a lengthy inventory of the representations of the Miracle of the Black Leg, refer to: Kees W. Zimmerman, One leg in the grave, Maarssen, Elsevier / Bunge, 1998.
From the Greek anargyroi, without money.
For deeper insight on the collaboration between the Medici and Florentine religious institutions, refer to: Dale Kent, Cosimo de’ Medici and the Florentine Renaissance, New Haven / Londres, Yale University Press, 2006, p. 129-214.
The predella of the “Pala di San Marco” also contained scenes from the life of Cosmas and Damian, along with a lamentation on dead Christ. A Virgin with Child surrounded by eight angels and eight saints filled the central panel. Representations of saints and blessed men were placed in the pilasters, but the cornice of the altarpiece was lost. The pala bedecked the main altar of the convent’s church, consecrated on the day of the Epiphany 1443 in the presence of pope Eugene IV. Among the vast available bibliography on the “Pala di San Marco”, see in particular: William Hood, Fra Angelico at San Marco, New Haven / Londres, Yale University Press, 1993, p. 97-122.
The panel at the Louvre, dated between1442 and 1445, also comprises a representation of saint Francis receiving the stigmata. It was originally part of a Florentine altarpiece commissioned by Cosma di Medici to decorate the Novitiate Chapel of Santa Croce. The central panel, kept of the Uffizi in Florence, was painted by Filippo Lippi: Jillian Harrold, Saintly Doctors : The Early Iconography of SS. Cosmas and Damian in Italy, University of Warwick, Department of History of Art, http://wrap.warwick.ac.uk/38150/ (document downloaded on 10 October 2011), p. 228-236 et Dale Kent, op. cit., p. 145-149.
The other remaining images show three other acts of mercy: feeding the famished, giving water to the thirsty and welcoming the stranger. They come from the house of the Consorzio dei Vivi e dei Morti, built in Parma in 1304: Stefania Colla, Opere di misericordia, in Lucia Fornari Schianchi (dir.), Galleria Nazionale di Parma, Milan, FMR, 1997, p. 92-94.
Jean-Claude Schmitt, Le corps, les rites, les rêves, le temps, Paris, Gallimard, 2001, p. 338.
The first clear manifestation of this association with the anagyric saints as protective figures is the foundation of the Saint Cosmas Fraternity of Master Surgeons of Paris, whose existence is confirmed by a royal edict in 1311. The Saint Cosmas Fraternity later became the Collège de Chirurgie: Marie-Louise David-Danel, op. cit., p. 107-146 and Jillian Harrold, op. cit., p. 160-170.
E. Rinaldi, The first homoplastic limb transplant according to the legend of saint Cosmas and saint Damian, Italian Journal of Orthopedics and Traumatology 13(3), 1987, p. 393-406.
Marco Lanzetta et al. (dir.), Hand Transplantation, New York, Springer, 2006. The transplant was carried out on a patient from New Zealand, Clint Hallam, in Lyon.
Bruce W. Conolly, Mario Benanzio, Cosmas and Damian Revisited, in ibid., p. 3-10.
For the Church, this rehabilitation was possible through baptism: Jean-Marie Courtes, Traitement patristique de la thématique éthiopienne, in Jean Devisse, Michel Mollat (dir.), L'image du noir dans l'art occidental. Des premiers siècles chrétiens aux « grandes découvertes », Fribourg / Paris, Gallimard/NRF, 1979, vol. 1, p. 15-18.
This aspect is particularly well studies in: Judith-Danielle Jacquet, Le miracle de la jambe noire, in Jacques Gelis, Odile Redon (dir.), Les miracles miroirs des corps, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 1995, p. 42-46.
mounir fatmi recreated the Pietà of Saint Peter’s in Rome, a work of art by Michelangelo, by attaching an antenna cable on a wood panel. For an introduction to Mounir Fatmi, see: Tarek Elhaik, Solitude and Fragments : Introducing the Video Work of Mounir Fatmi, Framework: The Journal of Cinema and Media 43, 2002, p. 152-156.
The video is available online: Heure Exquise ! Centre international pour les arts video, http://www.exquise.org/video.php?id=8613 (document viewed on 10 March 2015)
Lillian Davies, Mounir Fatmi. Suspect Language, Milan, Skira, 2012, p. 83.
Jean-Luc Nancy, L’Intrus, Mayenne, Galilée, 2000, p. 29. |