Ghosting, ce qui fuit, s’amenuise et peu à peu se tait; qui n’en finit pas de s’achever, mais qui pourtant persiste, sourd comme l’ombre d’une ombre ; comme une mémoire dégringolée, un savoir en partie effacé ou, vivace et pire, comme le spectre d’une certitude…
« Je sais… » me semble décrire un état de chose qui garantit que l’on sait, le garantit comme un fait » (L. Wittgenstein, 12).
« On peut distribuer les faits en trois classes : les actes de la divinité, les phénomènes de la nature, et les actions des hommes… Ou nous en avons été les témoins oculaires, ou ils nous ont été transmis par la tradition, par l’histoire et tous ses monuments. Tous sont également sujets à la critique. » (D. Diderot, Fait.).
Ghosting, on l’a dit, c’est ce qui peu à peu s’efface, échappe ; c’est la mémoire à peu près rabotée qui s’oublie, comme une porosité ; c’est la part du fantôme, la hantise. Et c’est pourquoi c’est ce qui précisément reste.
C’est-à-dire l’évidence, celle que l’on interroge rarement : petit piège charmant ou sable très mouvant, c’est selon. Que reste-t-il, en effet ?
« Nos paroles acquièrent leur sens du reste de nos actions. » (L.W., encore, 229). En ce sens, Ghosting, c’est ce qui dans l’œuvre peut encore fairetenir un peu du monde.
Encore et monde onttout leur importance ici. Le premier terme désigne l’implicite, non la trace, non la ruine, ni l’érosion, mais une espèce de savoir transmis par cooptation, à demi-mot par les ancêtres, ou par le savant, du fond bruissant de notre origine (le bigbang) ; ou par la bande (de fréquences, de brigands ou de potes, elle est souvent magnétique), ou par les écritures pour ceux qui ne contesteraient pas les monothéismes. Cette évidence est déjà une culture (C. Geertz : « la culture en tant que mobilité des significations »). Quant au monde lui, il est l’histoire et rien d’autre (« composer un enchaînement rétrospectif, se transporter par hypothèse, dans un autre présent » (P. Ricoeur)).
mounir fatmi bute sur le temps, sur la question du passé et bien sûr sur celle de l’avenir subséquent. Il bute comme s’il était chargé de mémoire. Il s’autorise celle des « vies minuscules », enfouies, comme dissoutes par les flux superposés de l’actualité qui les recouvre et les confine à l’oubli ; ou à l’inverse il convoque l’histoire, celle qui congédie poliment les mémoires collectives, car elles sont aussi nombreuses qu’il y a de groupes, et ont chacune leur durée propre.
Si le temps est la mesure de ce qui se passe, que se passe-t-il ? Que transmet l’histoire ? A l’ère du post-« historique » n’est-elle pas qu’une vacuité : postcolonial, postmodern, poststructuralism, néohistoricism, multiversity, constructivism et deconstructionnism, blackness, ethnicité, diaspora, cultural studies, textualism, theorism, guerre des cultures, gender, reconnaissance de la race. Toutes ces formes de connaissances sont des pensées du fragment. Que reste-t-il de la totalité, de l’universalisme ? Sinon, nous dit Ghosting,la mémoire de son effacement.
L’homme lamelle a-t-il désormais remplacé « l’homme nombreux ?» (P. Michon). Ghosting n’est pas la défaite annoncée de Diderot, la faillite de Voltaire et la chute de Rimbaud et de sa modernité, mais un positif, sur lequel doit se construire l’aujourd’hui. Les « nègres blancs » de Rimbaud repris par Patti Smith ne sont pas devenus ces gens à « peau noire » revêtus de « masques blancs » chers à Fanon. C’était au nom de l’universalité que Franz Fanon prenait cause pour le tiers-monde. Gramsci, avant lui, le faisait au nom du « sens commun ».
Ghosting interroge l’histoire : Qu’y a–t-il après le post, sinon « moi » et l’ « autre », l’ « ici » et « là », catégories plus que jamais déclinées en ethos, système de signes qui ne cesse de qualifier, de circonscrire, de séparer (Apartheid) et finalement d’essentialiser.
Pourtant ne s’agirait-il pas plutôt d’arrêter de penser l’autre comme autre, de réduire le pouvoir des coutumes, de contester les diktats ethniques ? N’y a-t-il pas d’autre règle que celle du « Grand Partage : d’un côté le temps (lent, circulaire, fermé) des sociétés à « solidarité mécanique », préindustrielles et de l’autre le temps (rapide, linéaire, ouvert) de la modernité ? » (A. Bensa). Y a-t-il une alternative à celle qui oppose le geste créatif moderne (celui de « notre » histoire de l’art) à celui répétitif, collectif, sans patronyme et sans date (de l’autre) que l’on cocufie dans les musées d’ethno.
N’y aurait-il plus qu’une pulvérisation de « cultures » auxquelles ne correspondraient plus qu’une pluralité de temps et d’histoires distinctes. Le relatif aurait-il bouffé l’universel ?
L’ethnoscape et le mediascape (A. Appadurai) ont-ils enfermé et circoncis le « générique » ? Curieusement, le global rétrécit à mesure que son expansion croît.
Ghosting nous rappelleque l’histoire n’est évidemment pas qu’une affaire de chronologie et de temporalité, mais bien aussi une question d’espace et de relations.
En ce sens, l’histoire pourrait bien, contribuer à congédier les formes séparées de l’« ici » et « là ». Elle pourrait, par exemple, en s’acharnant sur les mécanismes de fabrication de mémoire et d’oubli, construire le présent. C’est ce que fait mounir fatmi: « exactement comme celui qui aurait à faire une critique d’une image, commence souvent par manquer la cible de sa critique, et doit faire une recherche pour trouver son vrai point d’attaque. » (L.W.37, encore).
Ghosting : pourquoi alors sur ces bandes VHS de cassettes émasculées, belles de ce noir lumineux, répandues en masse sur le sol, n’y a t-il rien ? Parce que ce sont des mémoires oubliées dont la qualité d’ambivalence a la complexité des rapports qu’instille fatmi entre le passé et le présent. En face du silence (2002), Sans histoire (2007), Sortir de l’histoire (2006, toujours en cours), autant d’œuvres qui l’énonce Ben Barka, Guerre et Paix, Black Panthers, toutes ces œuvres transpirent d’histoires de mémoires oubliées. (Mémoires de vaincus ?)
De quel héritage sommes-nous les dépositaires ? De quoi nous construisons-nous ? Et avec quelle certitude ? Comment n’être pas qu’une hégémonique diffusion de représentations ?
Mais l’erreur serait de faire de Ghosting, (et partant de tout l’œuvre de mounir fatmi), une herméneutique, c’est-à-dire un texte qu’il conviendrait de déchiffrer, comme le mythe chez Lévi-Strauss, en vue d’une interprétation, canonique, autorisée ou touristique, à la manière du croyant face au Coran, au Talmud ou à l’Evangile.
L’œuvre n’est pas à résoudre. Elle est plutôt une extension qu’une énigme : « la notion d’extension est susceptible de nourrir le débat avec l’historien. Trois notions se proposent : celle de motilité, qui dit la mutabilité qualitative et dynamique de l’existence ; celle de permanence qui met une touche temporelle sur l’idée de maintien de soi ; enfin celle de provenance qui réinterprète le terme Geschehen en portant l’accent sur l’aspect d’opération temporalisante attaché à l’idée d’extension. » (P. Ricoeur).
A propos d’extension, nous ne résistons pas au plaisir anachronique de citer la phrase de Morton Feldman commentant deux de ses œuvres, Extension I et III (1951) : « Par « extension », je ne veux pas dire continuité. Je pensais à un pont dont on ne voit ni le début, ni la fin, où ce que l’on voit semble suspendu dans l’espace. Je travaille… avec cette image de temps présente de manière prioritaire à l’esprit. Parce que après tout, c’est avec le temps que nous travaillons. »
Ghosting : présence rude, quelque peu surlignée. mounir fatmi choisit de faire tenir entre elles des formes quelque peu surécrites, comme l’est la phrase de Michon. Mais rien n’est comparable entre les deux auteurs, si ce n’est cette incomparable nécessité d’élargir la fêlure, puis de creuser tout au fond de la faille avec le secret espoir qu’il y ait bien un fond (sans quoi il n’y aurait que du cynisme). Et le faire sans « ancrer » une position ou une pensée, et sans principe hiérarchique.
Ainsi, s’il y a récit, il est pris dans une matérialité, une logique formelle, matrice qu’il s’agit d’abord de pratiquer avant de déchiffrer… La présence défie la prétention universaliste de l’interprétation. Car, Ghosting, c’est avant tout une certaine quantité de noir, beaucoup de petits rectangles avec cercle au centre, des kilomètres de lignes façon ruban, se jetant sur le sol. C’est un rapport d’échelle et surtout un espace que je traverse. Un certain flot de lumière, des images, un moment d’hésitation et le regard du gardien, ma propre mémoire aussi. C’est l’espace dans (et pendant) lequel une expérience se conduit, quelle qu’elle soit : la mienne. L’œuvre, c’est-à-dire l’exercice de l’œuvre est purement individuel, c’est une durée plus ou moins élastique et la mesure progressive d’une hauteur, d’une profondeur, d’une odeur, d’une étendue. Un processus.
J’approche du photocopieur, forme désuète de l’écran et mémoire pauvre, j’ajuste la feuille, presse le bouton. Bruit. Sur la feuille apparaît la trace noir sur blanc d’une mémoire non inscrite (un oubli ?), celle des bandes vierges, saisies au hasard. Cristallisation d’un instant. Peur que ne s’efface l’histoire, peur qu’elle n’ait pas lieu, ou qu’elle n’ait jamais eu lieu.
Ghosting est précisément ce lieu d’enregistrement d’une mémoire amnésique, qui les contient potentiellement toutes. Vacance de toutes les transmissions, le potentiel performatif de l’amnésie ne dit rien, sinon le caractère problématique de l’identité.
On conservera probablement ce « message photocopié », mais sera-t-il autre chose qu’un souvenir ? Et de quelle sorte ? A quelle source suis-je construit ? Comment inventer ma propre tradition ? N’est-elle pas autre chose que ma seule mémoire, charnelle, mortelle, et par conséquent vouée à l’extinction ?
Présence. La présence est « la recherche d’une forme de résistance au relativisme intellectuel qui découle de la culture de l’interprétation » nous dit H.U. Gumbrecht (Eloge de la présence). Par extension, Ghosting est le lieu de rencontre entre « une culture de la présence et une culture de la signification ».
Présentification de la présence matérielle et matérialisée du présent. C’est pourquoi en ce lieu se rencontrent naturellement la lumière de Goethe et la parole du Prophète. Deux formes relatives d’universalité. L’une à l’orée de la mort du poète, Goethe, l’autre, au seuil de la vérité circulaire, façon Derviche tondo du Prophète. Il y est question d’esthétique et d’amour : Dieu est beau, il aime la beauté.
Qu’en est-il de l’histoire ? Le séparé se resserre, « nous » (sans autre) se surprend à éroder l’ «ici » et « là ». « La fonction de l’intervalle est juste d’étendre la composition. » (Feldman, encore).
La poésie de Ghosting pourrait être l’agir. Beauté moderne, Rimbaud, Les Illuminations, enlightment. Parlant de Ghosting, fatmiévoque Delaunay, Léger, deux hommes des contrastes simultanés et de la mécanique moderne.
« …tu connais aussi les actions de cette faculté imaginative, consistant à garder le souvenir des choses sensibles, à les combiner, et ce qui est [particulièrement] dans sa nature, à retracer les images ; son activité la plus grande et la plus noble n’a lieu que lorsque les sens reposent et cessent de fonctionner, et c’est alors que survient une certaine inspiration…, qui est en raison de sa disposition , et qui est la cause des songes vrais et aussi celle de la prophétie (Maïmonide).
Et, dans Ghosting apparaît, extraite de la sourate Al-Zomar, verset 9, l’image suivante : « Sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas? »
Thierry Raspail
Certaines citations sont données entre guillemets, d’autres non. Dans la plupart des cas, c’est nous qui soulignons par l’emploi d’italiques.
Le lecteur attentif ou désœuvré aura parcouru, par ordre d’apparition les auteurs suivants :
- L. Wittgenstein, De la certitude, Gallimard, Paris, 2006, Blackwell, 1969, 1975
- d’Alembert, Diderot, L’Encyclopédie, GF-Flammarion, Paris, article Fait.
- C. Geertz, Local Knowledge, Basic Books, New York, 1983.
- P. Ricoeur, Histoire et vérité, Seuil, Paris, 1955, 1964-1967
- B. Koselleck, Le futur passé, EHESS, Paris, 1990
- P. Michon, Vies minuscules, Gallimard, Paris, 1984
- A. Bensa, La fin de l’exotisme, Anacharsis, Toulouse, 2006
- J. Assayag, La mondialisation des sciences sociales, Téraédre, Paris, 2010
- J.L. Amselle, L’occident décroché, Stock, Paris, 2008
- G.C. Pivak, A Critique of Postcolonial Reason : Toward a History of the Vanishing Present, Harvard University Press, Cambridge, 1999
- P. Michon, Rimbaud le fils, Gallimard, Paris, 1991
- A. Gramsci, Cahiers de prison, Gallimard, Paris, 1991
- R. Guha, Historyat the Limit of World-History, Columbia University Press, New York, 2002
- E. Hobsbawm & T. Ranger, L’invention de la tradition, édition Amsterdam, 2006, 1983
- A. Appadurai, Après le colonialisme, Payot, Rivage, Paris, 2001, Modernity at Large, Cultural Dimensions of Globalization, University of Minnesota Press, 1996
- F. Hartog, Régimes d’historicité, Seuil, Paris, 2003
- D. Wood, The Deconstruction of Time, Prometheus Books, Amberst, 1990
- P. Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, Paris, 2000
- M. Feldman, Ecrits & Paroles, Les Presses du Réel, Dijon, 2008
- H.U. Gumbrecht, Eloge de la présence, Libella-Maren Sell, Paris, 2010, Production of Presence: What Meaning Cannot Convey, Stanford University Press, 2004
- Maïmonide (1138-1204), Le guide des égarés, in Philosophies d’ailleurs, Hermann, Paris, 2009
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S’il n’était pas nécessaire de laisser le dernier mot à Mounir, j’aurais volontiers rapporté la citation du Faust de Goethe faite par L.W. (402) : « Au commencement était l’action. »
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Ghosting, or that which flees, dwindles down and gradually becomes silent; that which never stops ending but continues nonetheless, deaf like the shadow of a shadow; like a collapsed memory, like some partially erased knowledge or, more vivid and worse still, like the specter of a certainty...
“‘I know...’ seems to describe a state of affairs which guarantees what is known, guarantees it as a fact”
(L. Wittgenstein, 12).
“You can divide facts into three categories: divine, natural and man-made...The first belongs to theology, the second to philosophy and the third to actual history. All are equally open to question” (D. Diderot, Fact).
Ghosting, as we have mentioned, is that which gradually fades away, escapes. Like a porous and forgetful memory. It is the specter’s haunting. And this is why it is precisely that which lingers on.
That is to say, the obvious, that which is seldom questioned: accordingly, a seductive little trap or very fast-shifting quicksands. What, indeed, is left over then?
“Our talk gets its meaning from the rest of our proceedings” (L.W, again, 229). In this sense, Ghosting is that which, in a work, still manages to make the world minimally cohere.
Still and world are crucial here. The first term designates the implicit — not the trace, not the ruin, nor the erosion, but a kind of knowledge transmitted by cooptation and ellipsis by our forefathers, or by the scholar, from the bubbling depths of our beginnings (the Big Bang); or by the band, the gang (the frequency band, or the gang of bandits or mates — it often has magnetic force), or by the scriptures, for those who do not oppose monotheistic religions. This obviousness is already a culture (C. Geertz, culture as “...an historically transmitted pattern of meanings”). And as for the world, it is nothing other than history (“compose and construct a retrospective sequence,...project [yourself] hypothetically into another present”, P. Ricoeur).
mounir fatmi comes up against time, the issue of the past and, of course, that of the subsequent future, and he does so as if he were laden with memory. He permits himself the memory of “small lives” which are buried away, as if dissolved by the superimposed flows of the now which covers them over, confining them to oblivion; or, conversely, he invokes history, the history which politely dismisses collective memories, for there are as many collective memories as there are groups, and each has its own durée.
If time allows us to gage what is going on, then what is going on? What is history passing down? In a post-’historical’ age, is it not just a vacuum: postcolonial theory, postmodernism, post-structuralism, New Historicism, multiversity, constructivism and deconstruction, blackness, ethnicity, diaspora, cultural studies, textualism, theorism, culture wars, gender, race recognition. All these forms of knowledge are related to the fragment. What is left of the totality, of universalism? Save, according to Ghosting, the memory of its effacement.
Has the ‘individual man now been replaced by the “numerous man”? (P. Michon).
Ghosting is not Diderot’s foretold defeat, Voltaire’s failure or the fall of Rimbaud and his modernity, but, rather, a positive, on which today needs to be built. Rimbaud’s “white niggers”, revisited by Patti Smith, have not become Fanon’s “black skins” wearing “white masks”.
It was in the name of universality that Franz Fanon sided with the Third World.
Gramsci, before him, did it in the name of “common sense”.
Ghosting interrogates history: What comes after the ‘post’, if not ‘me’ and the ‘other’, the ‘here’ and the ‘there’, categories which are more than ever used as an ethos, a system of signs which never ceases to qualify, circumscribe, separate (Apartheid) and, ultimately, essentialize.
But should we not cease viewing the other as other, restrict the power of customs, and challenge ethnic dictates? Is there no other rule than that of the “Great Divide: the (slow, circular, enclosed) time of pre-industrial societies, with their ‘mechanical solidarity’ on the one hand, and the (fast, linear, open) time of modernity on the other”? (A.Bensa). Is there an alternative to the opposition between a modern creative gesture (of ‘our’ history of art) and a repetitive, collective gesture (of the other), which boasts neither patronym nor date and which we betray in our anthro museums.
Are we left only with atomized ‘cultures’ and their multiple temporalities and discrete histories? Has the relative swallowed up the universal?
Have the ethnoscape and the mediascape (A. Appadurai) enclosed and circumscribed the ‘generic’? Intriguingly, the global shrinks as it expands.
Ghosting reminds us that history is of course not merely a matter of chronology and temporality but also a question of space and relationships. In this sense, history could contribute to dismissing the separated forms of the ‘here’ and the ‘there’. It could, for instance, by relentlessly focusing on the mechanisms of production of memory and forgetting, build the present. This is what mounir fatmi does: “just as one who has a just censure of a picture to make will often at first offer the censure where it does not belong, and an investigation is needed in order to find the right point of attack for the critic” (L.W. 37, again).
Ghosting: so why are these emasculated VHS cassettes — splendid in their luminous blackness, spread out by the dozen on the floor — all blank? Because they are forgotten memories whose ambivalent quality carries the complexity of the relationships fatmi instills between the past and the present. En face du silence (2002), Sans histoire (2007), Sortir de l’histoire (2006, still in progress), so many works which -----and subjects including Ben Barka, War and Peace, the Black Panthers, all these works secrete histories of forgotten memories. (Memories of the defeated?).
What is our heritage? Upon which basis do we construct our identities? With which certainty? How do we avoid merely being a hegemonic diffusion of representations?
The mistake would be to view Ghosting (and mounir fatmi’s work as a whole) hermeneutically, that is, as a text which should be deciphered — like myth for Lévi-Strauss — in order to arrive at a canonical, authoritative or tourist-like interpretation, in the manner of the worshipper vis-à-vis the Quran, the Talmud, or the Gospel.
The work is not there to be solved. It is more of an extension than an enigma: “...the notion of stretching-along [extension] is rich with harmonics capable of nourishing the debate with the historian. Three notions suggest themselves: motivity, which expresses the qualitative and dynamic mutability of existence, permanence which adds a temporal touch to the idea of self constancy...; finally, “occurrence”, which reinterprets in an existential manner the previously changed word, Geschehen, by placing emphasis on the temporalizing operation attached to the idea of stretching-along [extension]” (P.Ricoeur).
Talking about “extension”, it is hard to resist the anachronistic pleasure of quoting Morton Feldman, discussing two of his works: Extension 1 and 2 (1951). “By ‘extension’, I do not mean a continuation. I was thinking of a bridge where both the beginning and the end are out of sight, where what you see seems to be hanging in space. I work...with this image of time in the forefront of my mind. Because after all, time is what you work with.”
Ghosting: a rough presence, somewhat underscored. mounir fatmi chooses to bring together slightly overwritten forms, like Michon’s prose. However, there are no grounds for comparison between the two authors beyond the incomparable need to widen the fissure and get to the bottom of the rift, with the secret hope that there is indeed a bottom (for if not there would be nothing but cynicism), and to do so without ‘anchoring’ a position or a thought, and without employing a principle of hierarchy.
In this way, if there is a narrative, it is one held in a materiality, a formal and matricial logic which needs first to be practiced before it can be deciphered... Presence defies the universalistic claims of interpretation. For Ghosting is first and foremost a certain amount of blackness, lots of small rectangles with circles in the middle, kilometers of ribbon-like lines, casting themselves onto the floor. It is a scale relationship, and mainly a space, which I pass through. A certain quality of light, images, a moment of hesitation and the gaze of the gallery guard, my own memory too. It is the space in (and during) which an experience develops, whatever it might be: my own. The work — i.e., the exercise of the work — is purely individual, it is a more or less elastic stretch of time and the gradual measure of a height, a depth, an odor, an extension (étendue). A process.
I go up to a photocopier, a low-memory machine with an outdated screen, I adjust the sheet of paper, I press the button. A sound comes out. On the sheet of paper the black-on-white trace of an unwritten (forgotten?) memory appears, the trace of blank tapes, taken at random. A crystallized instant. The fear that history will be erased, the fear it will not take place, or that it has never taken place.
Ghosting is precisely this site where amnesic memories are recorded and which potentially contains them all. A ‘vacation’ of all transmissions, the performative potential of amnesia points at nothing if not the problematic character of identity.
The “photocopied message” will probably be preserved, but will it be anything other than a recollection? And what kind of recollection? Which roots have I grown from? How do I create my own tradition? Surely it is nothing other than my memory, which is physical and mortal and therefore bound for extinction?
Presence. Presence is, according to H.U. Gumbrecht (Production of presence) the quest for “some resistance to the intellectual relativism that (some say almost inevitably) comes with the culture of interpretation”. By extension, Ghosting is the site where “presence culture” meets “meaning culture”.
The presentification of the material and materialized presence of the present. This is why the light of Goethe and the word of the Prophet come together, naturally, in this site. These are two relative forms of universality: one on the brink of the death of the poet, Goethe, the other on the threshold of a circular truth, in the manner of the spinning Dervish, the tondo of the Prophet. We are dealing with aesthetics and love: God is beautiful, he loves beauty.
What about history? The separated elements come together, ‘we’ (with no other) finds itself dissolving the ‘here’ and ‘there’, “the purpose of the interval is just to hear the composition” (Feldman, again).
The poetry of Ghosting might lie in the act. Modern beauty, Rimbaud, Illuminations, enlightenment. Discussing Ghosting, fatmi mentions Delaunay and Léger, both of whom were painters of the simultaneous contrast and modern mechanics.
“Part of the function of the imaginative faculty is, as you well know, to retain impressions by the senses, to combine them, and chiefly to form images. The principal and highest function is performed when the senses are at rest and pause in their action, for then it receives, to some extent, divine inspiration [insofar] as it is predisposed for this influence. This is the nature of those dreams which prove true, and also of prophecy...” (M. Maimonides).
And, in Ghosting, the following image, from Surah Az-Zumar, verse 9, emerges: “Are those who know equal to those who know not?”
Thierry Raspail
Translated from the French by Anna Preger
Some quotations have been bracketed while others have not. In most cases, the emphasis is mine.
The attentive or unengaged reader will have browsed, by order of appearance, the following authors:
- L. Wittgenstein, On Certainty, Oxford: Blackwell, 1969
- d’Alembert, Diderot, L’Encyclopédie, Paris: GF-Flammarion, article Fait. (The Encyclopédie, Cambridge University Press, 1954).
- C. Geertz, Local Knowledge, Basic Books, New York, 1983.
- P. Ricoeur, History and Truth, Evantson: Northwestern University Press, 1965.
- B. Koselleck, Le futur passé, Paris: EHESS, 1990.
- P. Michon, Vies minuscules, Paris: Gallimard, 1984.
- A. Bensa, La fin de l’exotisme, Toulouse: Anacharsis, 2006.
- J. Assayag, La mondialisation des sciences sociales, Paris: Téraédre, 2010.
- J.L. Amselle, L’occident décroché, Paris: Stock, 2008.
- G.C. Spivak, A Critique of Postcolonial Reason : Towards a History of the Vanishing Present, Cambridge: Harvard University Press, 1999.
- P. Michon, Rimbaud le fils, Paris: Gallimard, 1991.
- A. Gramsci, Prison Notebooks (vol. 1, 2, 3), New York: Columbia University Press, 2010.
- R. Guha, Historyat the Limit of World-History, New York: Columbia University Press, 2002.
- E. Hobsbawm & T. Ranger, The Invention of Tradition, Cambridge: Cambridge University Press, 1983.
- A. Appadurai, Modernity at Large, Cultural Dimensions of Globalization, University of Minnesota Press, 1996.
- F. Hartog, Régimes d’historicité, Paris: Seuil, 2003.
- D. Wood, The Deconstruction of Time, Amberst: Prometheus Books, 1990.
- P. Ricoeur, Memory, History, Forgetting, London: University of Chicago Press, 2004.
- M. Feldman, Ecrits & Paroles, Les Presses du Réel, Dijon, 2008
- H.U. Gumbrecht, Production of Presence: What Meaning Cannot Convey, Stanford University Press, 2004.
- M. Maimonides (1138-1204), The Guide for the Perplexed, New York: Dover Publications, 1956.
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