L’artiste franco-marocain Mounir Fatmi est venu à la vidéo en étant issu d’une culture où les images sont rares. Dans l’interview de l’artiste pour Hard Head (2008), la compilation de DVD éditée par le distributeur français Lowave, il raconte comment lorsqu’il était enfant, les seules « images » dans la maison étaient une calligraphie religieuse, une photo du roi du Maroc et le Coran : une image représentant des mots, une personne qui doit être respectée et un livre que les enfants n’avaient pas le droit de toucher car ils n’étaient jamais suffisamment propres. On comprend aisément que pour ce vidéaste, les images n’apparaissent jamais sans lutte et les images qui existantes ont de fortes chances d’être du côté des puissants. Les images figuratives sont évitées dans les cultures musulmanes, comme l’explique Farid Zahi, non pas parce que le corps n’est pas important, mais parce qu’il est extrêmement important, le lieu d’une dialectique permanente entre le sacré et le profane.1 Une grande partie du travail de Fatmi partage avec l’aniconisme islamique un regard soupçonneux sur le visuel et, comme l’art islamique, trouve une certaine puissance créative dans le rejet des images figuratives. Certaines de ses vidéos portent sur la relation entre le visible et l’invisible, telle qu’on la connaît à la fois dans l’expérience spirituelle et érotique. D’autres ont pour sujet l’obscénité du fait de voir, recouvrant des images de violence, de pornographie et d’inhumanité d’un voile aniconique d’effets vidéo. Les œuvres de Fatmi s’intéressent moins aux aspects visuels de l’esthétique musulmane, et davantage à un sens profond de la façon dont l’invisible se fond dans le visible ou est maintenu dans un état de latence – suscitant dans les deux cas une réaction affective intense et souvent douloureuse. Souvent, elles sont explicitement critiques du conformisme de l’islam sunnite, qui a tendance à étouffer l’individualité et la créativité.
Comme la plupart des vidéos expérimentales, le travail de Fatmi est difficile à voir (une autre forme d’aniconisme imposé par l’environnement aride qui est celui du cinéma non narratif). Il est donc formidable qu’une partie de son travail soit récemment devenu disponible pour les particuliers via cette compilation de Lowave. Le distributeur français Heure Exquise ! quant à lui, gère toute l’œuvre de Fatmi pour les projections publiques et les ventes.
Un certain nombre des premières vidéos de Fatmi sont basées sur la parole écrite, s’appuyant sur l’esthétique remarquable développée par l’art islamique dans laquelle le mot devient une chose vivante et mouvante. Dans l’islam, le verbe est performatif, il fait naître le monde, comme c’est le cas avec l’ordre de Dieu au monde dans le Coran : « Kun ! » - « Sois ! » La calligraphie fait naître quelque chose qui est à la fois moins et plus qu’une image. L’alphabet rouge (1994), l’une des premières vidéos de Fatmi, fait s’animer des lettres peintes pour les transformer en créatures virevoltantes et dansantes. Les 99 noms de Dieu (1999, dans Hard Head) fait défiler ces noms en silence dans une élégante calligraphie, avec leur traduction. Les noms de Dieu comprennent un vaste champ de différences : Dieu est al-Tawwab, le Doux, mais aussi al-Nutqam, le Vengeur ; al-Ba'ith, le Résurrecteur, et aussi al-Mumeet, Celui qui apporte la mort ; al-Zâhir, le Manifeste, et aussi al-Bâtin, le Caché. Voir tous ces noms en même temps revient à percevoir progressivement cette chose infinie et impossible, le visage de Dieu.
L’esthétique islamique est devenue une source d’inspiration pour les artistes occidentaux au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, lorsqu’ils ont commencé à chercher des alternatives aux images figuratives et de nouvelles façons d’appliquer la peinture sur la surface de la toile. Cet héritage est souvent ignoré, mais Fatmi le met en lumière à l’aide d’une plaisanterie laconique dans une animation ambiguë de 1997. Un gribouillage animé par ordinateur (bien éloigné de la ligne abstraite et gracieuse de l’arabesque) commence à se dessiner et prend de l’ampleur jusqu’à remplir l’écran devenu complètement blanc. Puis le titre apparaît, comme une chute : Arabesque, hommage à Jackson Pollock. La vidéo imite l’horreur du vide que les critiques occidentaux ont attribué à l’art islamique, tout en montrant que l’« action painting » de Pollock est l’héritier des motifs « allover » de l’art islamique. Arabesque souligne astucieusement ce que doit le modernisme occidental à l’art islamique, et en même temps son gribouillis maladroit rejette l’héritage de l’esthétique musulmane.
Fatmi se venge de façon ambiguë du type de calligraphie pieuse qui ornait les murs de sa maison d’enfance dans l’animation La Machination (2006). Elle montre une image fixe sur une cocarde ornée du hadith : « Allah aime voir les effets de Ses bienfaits sur Son serviteur. » Un bruit de machine lourde se fait entendre et le disque se met à tourner, d’abord lentement, puis de plus en plus vite. En le regardant tourner, des hallucinations me viennent, me faisant voir des visages au milieu des mots ; les points marquant les mots ressemblent à des yeux qui me fixent derrière un fourré. Au son des bruits de la machine, de portes en métal qui claquent et d’eau qui goutte, l’œuvre est assez menaçante et suggère que des phrases pieuses acceptées « sans se demander pourquoi » deviennent au mieux des clichés, et au pire des armes. Toutefois, j’ai eu un jour l’occasion de montrer La Machinerie à un groupe d’étudiants qui étaient ismaélites, une branche de l’islam chiite qui privilégie l’interprétation et le mysticisme, et nombre d’entre eux l’ont trouvée non pas menaçante mais méditative. L’inscription qui tourne rappelait pour certains la danse tourbillonnante qui mène au dhikr, ou souvenir de Dieu. Une femme a dit qu’elle s’était focalisée sur le centre de l’image pour éviter d’avoir le tournis, tout comme le croyant se focalise sur l’Un afin de ne pas se laisser distraire par l’univers de l’illusion. Leurs réactions suggèrent que l’œuvre de Fatmi veut éviter les pièges de l’islam officiel mais cherche tout de même une forme d’expérience transcendantale ou mystique.
L’image du roi du Maroc dont Fatmi raconte qu’elle dominait le foyer familial est une synecdoque des images du pouvoir, des images dans lesquelles on ne peut rien trouver à voir parce que leur seule fonction est de se répéter et se reproduire en nous. La majorité des images auxquelles la plupart d’entre nous sont confrontés sont probablement de ce type, et il est séduisant d’imaginer l’existence d’un moyen pour que nos cerveaux en soient débarrassés. La vidéo brutale de Fatmi Dieu me pardonne (2001-2004) est un mur d’images qui donnent le sentiment que regarder est dangereux pour celui qui regarde : de la pornographie, des images de soldats israéliens jetant à terre un homme et un enfant palestiniens, le cercueil d’un martyr. Un bruit électronique aigu insistant et troublant ainsi qu’un battement métronomique accroissent le sentiment de danger, et le flou et la solarisation que Fatmi utilise si souvent ont pour effet de donner le sentiment que les images s’infiltrent dans notre corps à travers les yeux comme une infection. « Que Dieu me pardonne » pour les pensées lubriques et mortifères que ces images font naître en moi. Par intervalles, trois phrases apparaissent : « le premier regard est pour toi / le deuxième est pour le diable / le troisième est un crime », cette dernière sur fond de vue aérienne du bombardement de Bagdad vu par ses destructeurs. Une intéressante paire d’images de femmes qui ne sont guère plus que des silhouettes blanches est récurrente dans Dieu me pardonne. L’une est une danseuse de cabaret court vêtue et aux membres pâles qui fait des pirouettes tandis qu’un cercle d’hommes en costume cravate s’approchent d’elle en applaudissant ; l’autre est la silhouette d’une femme mince et voilée de blanc, dans la rue, probablement au Maroc. Les deux semblent surgir de l’invisible, mais le corps de la danseuse et la forme de ses jolies jambes suscitent un sentiment de désir, tandis que la femme voilée est dissimulée, et de ce fait, aussi bien elle que nous sommes en sécurité.
Les Ciseaux (2003) présente elle aussi une image de corps jugés trop dangereux pour être regardés : une scène entre les acteurs Lubna Azabal et Nouraddin Orahhou dans le film de Nabil Ayouch « Une minute de soleil en moins » (2003), qui fut censuré par les autorités marocaines. C’est la scène d’amour la plus remplie de bonheur et d’abandon qu’il m’ait été donné de voir. L’intimité du couple, accrue par le son de la respiration de la femme, est tellement différente du porno de Dieu me pardonne car, même s’il s’agit d’une performance filmée, elle n’est pas totalement rendue visible. La femme embrasse l’homme par derrière ardemment, passant le bras entre ses jambes, prenant sa tête dans ses mains, et Fatmi floute et met en boucle les images, mettant l’accent sur la grâce et la fugacité des gestes de passion. Le visage de l’homme est perdu dans le bonheur, les yeux mi-clos, et un plan sur le visage de la femme pendant qu’il la baise la montre absente, grimaçante, souriant intérieurement – à mille lieues de l’actrice porno qui doit surjouer les clichés du désir sur son visage. Il y a aussi quelques plans rapides du regard concentré de Fatmi, peut-être tandis qu’il travaille sur le montage des scènes de la vidéo. Entrecoupant la scène d’amour, une parade nuptiale traditionnelle dans les montagnes, et on ne peut qu’espérer que les jeunes mariés puissent connaître une union dont la joie se rapproche de celle de ces amants. Des arbres bruissent dans le vent et une voix de femme répète ces mots d’Alfred de Musset : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, arrogants et lâches, méprisables et sensuels. . . . Mais s'il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux.
L’insistance exigeante des images du pouvoir (telles que les images de dieux) est la raison pour laquelle l’esthétique islamique les rejette et privilégie l’invisible au détriment du visible. Les quelques images de l’art islamique sont remplies de toutes les images qu’il ne montre pas. Fatmi puise dans la force de la latence d’une façon similaire. Nombre de ses vidéos sont en attente de l’arrivée d’une image ou d’une nouvelle expérience, comme dans Les égarés (2004). Sur le toit d’une grande mosquée, plusieurs jeunes dispersés çà et là, silencieux et immobiles. Ils plissent les yeux face au soleil et le vent ébouriffe leurs cheveux ; un jeune homme aux cheveux longs est accroupi sur le dôme et tient sa pointe en cuivre surmontée d’un croissant ; une jeune femme paresse au soleil.
Ils semblent attendre quelque chose. On a à la fois le sentiment que ce qu’ils font est une offense à la religion, car s’ils étaient pieux ils seraient à l’intérieur de la mosquée et pas sur son toit, et en même temps qu’il s’agit d’une forme de dévotion, car ils semblent concentrés, comme des antennes attendant un nouveau signal provenant du divin. Enfin, sur fond d’image de garçons dans une école coranique se balançant intensément tout en répétant des paroles apprises par cœur – tout ce que ces âmes en quête de quelque chose ne sont pas – une voix commence à parler : Je veux parler avec les quelques mots qu’il me reste. Je veux couper cette langue, malade de peur et de honte. J’ai envie d’apprendre une autre langue. Je veux avoir un visage, une voix, des yeux, des larmes. Je veux être un sourire, je veux goûter des fruits, boire. Je veux avoir des poumons, respirer, hurler. Je veux avoir des mains, des doigts, caresser un corps et sentir sa chaleur. Je veux parler, avoir des pieds, faire des pas, courir et tomber. Je veux être un cœur et me battre. La voix parle du désir de quelque chose de réel qui naisse d’un corps sans honte – quelque chose qui n’est pas ici mais pourrait l’être.
Voilà pourquoi le travail de Fatmi se méfie des images, et peut-être aussi pourquoi le vent y est un thème aussi important. La plupart des images contaminent l’esprit de celui qui regarde et nous rendent esclaves : cela vaut pour les images de mots également. Le travail de Fatmi essaie de créer des espaces pour ressentir des choses qui soient avant ou au-delà des images. Ses vidéos essaient de percer des trous dans la trame du visible, à travers lesquels la brise fraîche de quelque chose qui n’est pas encore pourrait s’engouffrer.
Laura U. Marks
Millennium Film Journal
October 1, 2010
1 Farid Zahi, "Art, islam et modernité: Ie corps dans la peinture marocaine," in D'un regard, l'autre: L'art et ses médiations au Maroc (Rabat: éditions Marsam, 2006), p. 78.
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Moroccan-French artist Mounir Fatmi came to video from a culture in which images are few. In the artist's interview on Hard Head (2008), the compilation DVD issued by the French distributor Lowave, he tells how when he was a child die only "images" in the house were a religious calligraphy, a picture of the king of Morocco, and die Qur'an: a picture of words, a person who must be respected, and a book the children were not allowed to touch because they were never clean enough. We understand diat for this video-maker, images do not arise without a struggle, and die images that do exist are likely to support the claims of the powerful. Figurative images are avoided in Muslim cultures, Farid Zahi explains, not because the body is unimportant but because it is extremely important, the site of a permanent dialectic between the sacred and the profane.1 Much of Fatmi's work shares with Islamic aniconism an askance regard of die visual and, like Islamic art, draws creative power from a rejection of figurative images. Some of his videos address the relationship between the visible and the invisible, as it is known in both spiritual and erotic experience. Others address the obscenity of seeing, drawing an aniconic cloak of video effects over images of violence, pornography, and inhumanity. Fatmi's works are less concerned with the visual aspects of Islamic aesthetics and more with a profound sense of how the invisible unfolds into the visible or is held in a state of latency - both of which elicit an intense and often painful affective response. Often they are explicitly critical of the confo rmism of Sunni Islam, which can snuff out individuality and creativity.
Like most experimental video, Fatmi's work is hard to see (another kind of aniconism, compelled by the harsh environment for non-narrative cinema). Thus it is a great thing that some of his work was recently released for home use on this compilation from Lowave. The French distributor Heure Exquise! carries all Fatmi's work for public screening and purchase.
A number of Fatmi's earlier videos are based in the written word, drawing on the remarkable aesthetics developed in Islamic art in which the word becomes a living, transforming thing. In Islam the word is performative, bringing the world into being, as in God's command to the world, in the Qur'an, "Kun!" - "Be!" Calligraphy brings something into being that is both less and more than an image. Fatmi's early video L'alphabet rouge (1994) animates painterly letters so they become like swooping, dancing creatures. His Face, the 99 names of God (1999; on Hard Head) silently displays these names sequentially in elegant calligraphy, with translation. The names of God comprise a vast field of differences: God is al-Tawwab, the Relenting, and also al-Nutqam, the Avenger; al-Ba'ith, the Resurrector, and also al-Mumeet, the One who brings death; al-Zâhir, the Manifest, and also al-Bâtin, the Hidden. To gaze upon all these names together is to gradually look into the infinite, impossible thing, the face of God.
Islamic aesthetics became a source of inspiration for Western artists in the latter half of the nineteenth century when they started to look for alternatives to figurative images and ways to bring paint to the surface of the canvas. This heritage is usually disregarded, but Fatmi points it out with a laconic joke, in an ambiguous animation of 1997. A computer-animated scribble (decidedly not the graceful abstract line of the arabesque) begins to draw itself and gradually gathers momentum, until it entirely fills the white screen. Then the title appears as a kind of punch line: Arabesque: hommage à Jackson Pollock. The video mimics the "horror vacui" that Western critics attributed to Islamic art, while at the same time it shows that Pollock's action painting inherited the allover pattern of Islamic art. Arabesque neatly points out the debt of Western modernism to Islamic art, yet its awkward-looking scribble rejects the heritage of Islamic aesthetics.
Fatmi takes an ambivalent revenge on the sort of pious calligraphy that decorated the wall in his childhood home in the animation The Machinery (2006). It fixes on a stately roundel inscribed with the hadith: "If God gives blessings to His servants, He likes to see their effects." A heavy machine sound is heard and the disk begins to rotate, slowly and then at ever greater speed. Watching it spin, I hallucinate faces arising from the words; the dots marking the letters look like eyes peering from a thicket. With the sound track of machine sounds, metal doors slamming, and water dripping, the work is quite menacing, and suggests that pious statements accepted "without asking how" become at best clichés, at worst weapons. But once I had the occasion to show The Machinery to a group of students who were Isma'ili, a branch of Shi'a Islam that privileges interpretation and mysticism, and many of them found it not menacing but meditative. The spinning inscription reminded some of the whirling dance that leads to dhikr or remembrance of God. One woman said that she focused on the center of the image to avoid getting dizzy, just as if a devotee focuses on the One, she will not get distracted by the universe of illusion. Their reaction suggests that Fatmi's work aims to cut through the trappings of organized Islam but still seeks some kind of transcendental or mystical experience.
The image of the king of Morocco that Fatmi mentioned dominating his family home is a synecdoche for images of power, images that you cannot find anything to see in because their purpose is simply to reiterate themselves, and to reproduce themselves within us. Probably the majority of the images that most of us encounter every day are that kind of image, and it is sweet to imagine that our brains could somehow be swept clean of them. Fatmi's brutal video Dieu me pardonne ('May god forgive me', 2001-4) is a barrage of images rhat make you feel that looking is dangerous to the looker: pornography; a shot of Israeli soldiers throwing a Palestinian man and child to the ground; a martyr's coffin. An insistent, troubling electronic squeal and metronomic tap enhance the feeling of danger, and the blur and solarization Fatmi uses so often have the effect here of making the images seem to seep into your body through your eyes like an infection. "May god forgive me" - for the lustful and murderous thoughts that these images brought upon me. At intervals three texts appear: "the first look is for you / the second is for the devil / the third look is a crime," this last over an aerial shot of the bombing of Baghdad from the viewpoint of its destroyers.
An interesting pair of images of women who are barely more than white silhouettes recurs in Dieu me pardone. One is a scantily clad, pale-limbed cabaret dancer who pirouettes while a circle of men in suits close in on her, clapping; the other is the slim, whiteveiled figure of a woman on the street, probably in Morocco. Both seem cut out of the visible, but the dancer's body and the shape of her pretty legs cuts a feeling of desire into us, while the veiled woman is shielded, so borh she and we are safe.
The scissors (2003) also presents an image of bodies deemed too dangerous to look at: a scene between the actors Lubna Azabal and Nouraddin Orahhou in Nabil Ayouch's film Une minute de soleil en moins (2003), which was removed by the Moroccan censors. It is the most blissful and abandoned scene of lovemaking I have ever seen. The couple's intimacy, impelled by the sound of a woman's breathing, is so different from the porn of Dieu me pardonne for, even though it is a recorded performance, it is not entirely rendered up to the visible. The woman embraces the man from behind ardently, reaching between his legs, cupping his head, and Fatmi makes the image echo and blur, emphasizing the grace and fleetingness of the gestures of passion. The man's face is blind with bliss, eyes half-closed, and a view of the woman's face while he is fucking her shows her distracted, grimacing, grinning privately - so different from the porn actress who has to play the clichés of desire across her face. There are a couple of brief shots of Fatmi's intent eyes, perhaps as he works editing the scene in video. Intercut with die lovers' scene is a traditional wedding parade in the mountains, and you hope that the bridegroom and the covered bride will have half as joyous a union with her husband as these lovers do. Trees rustle in the wind and a woman's voice repeats the words of Alfred de Musset: Tous les hommes sont menteurs, inconstant, faux, bavards, hypocrites, arrogants et lâches, méprisables et sensuels. . . . Mais s'il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux.
The demanding insistence of images of power (such as images of gods) is why Islamic aesthetics rejects such images, and instead privileges the unseen over the seen. The slight images of Islamic art are pregnant with all the images it does not show. Fatmi draws on the power of latency in a similar way. Many of his videos are waiting for an image, or a new experience, to arise, as in Les égarés ("The lost ones', 2004). On the roof of a large mosque, dispersed here and there are several youths, quiet and still. They squint into the sun and the wind ruffles their hair; a young man with long hair crouches on the dome and holds on to its brass pinnacle with the crescent moon; a young woman drowses in the sun.
They seem to be waiting for something. One feels both that what they're doing is an offense against religion, for if they were devout they'd be inside the mosque and not on top of it, and that it is a devotion itself, for they seem intent, like antennas awaiting a new signal from the divine. Finally, over a scene of boys in Qur'an school rocking intently, learning by rote - everything these searching souls are not - a voice begins to speak: / want to talk with the few words left to me. I want to cut off this tongue, sick with fear and shame. I feel like learning another language. I want to have a face, a voice, eyes, tears. I want to be a smile. I want to taste fruit, to drink. I want to have lungs, to breathe, to shout. I want to have hands, fingers, to caress a body and feel its heat. I want to walk, to have feet, to take steps, to run, and to fall. I want to be a heart, and to fight. The voice speaks of a longing for something real that arises from a body that has no shame - something that is not here yet but might be.
This is why Fatmi's work is suspicious of images, and maybe also why the wind is an important motif. Most images infect the mind of the looker and enslave us: this applies to images of words too. Fatmi's work tries to open up spaces for feeling that are before or beyond images. His videos try to make small rents in the fabric of the visible through which a fresh breeze of something not yet might stir.
Laura U. Marks
Millennium Film Journal
October 1, 2010
1 Farid Zahi, "Art, islam et modernité: Ie corps dans la peinture marocaine," in D'un regard, l'autre: L'art et ses médiations au Maroc (Rabat: éditions Marsam, 2006), p. 78.
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