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22 Ali Akay - Megalopolises, Istanbul, 2011 Critics
 


mounir fatmi moves towards a similarity in form, of course

he utilises a well known, popular form, however only when

we think of the overwhelming energy carried through the cables do we realise that this is not imitation but seizing power.


Ali Akay, 2011
 

mounir fatmi, Megalopolis, 2011 mounir fatmi, Megalopolises, 2011  

Dans les années 1990, une nouvelle ère a démarré au cours de laquelle les États-nations ont commencé à décliner et une nouvelle structure politique et économique transnationale a commencé à émerger. Après l’effondrement du mur de Berlin et de l’URSS, tandis que l’Union européenne progressait en direction d’une monnaie unique, les villes qui tranchaient le monde horizontalement ont évolué pour devenir de nouveaux centres du monde. La tension entre le centre et la périphérie a commencé à reconstruire le monde en partant de la ligne horizontale. La transformation des villes fut la plus visible à travers les processus de gentrification et de normalisation. De nouveaux investissements dans de vieux quartiers marginalisés ont introduit une nouvelle approche de l’aménagement urbain. Et les architectes, agents centraux de ce processus, ont recréé les immeubles des villes.

Vers la fin des années 2000, avec l’accélération permise par les mouvements non-institutionnels des années 90 et en même temps que les progrès en faveur du projet de devenir contemporain, certaines mutations dans l’art contemporain ont pris forme. En tant que villes recelant de nouvelles énergies, les villes-centres ont commencé à devenir de plus en plus attrayantes pour les processus de « normalisation/gentrification ». Les codes de la culture et de l’art ont été transformés à l’unisson du dynamisme de la ville pour produire une nouvelle dynamique. Dans une période que j’ai définie comme étant « l’ère des mégalopoles » (1), au début des années 90, une nouvelle tentative a commencé à émerger dans laquelle la capitale transnationale construisait lentement les hiérarchies des relations entre le centre et la périphérie au travers des villes plutôt que des états.

On pourrait dire qu’au même titre que la mondialisation, le postmodernisme, la remise en question des hiérarchies entre art noble et art simple, la popularisation de l’art du tiers monde, le nombre et la variété croissants de grandes biennales dans le monde dans une ère de mégalopoles a débouché sur une visibilité accrue des artistes « nés dans ou avec une famille et des racines culturelles dans le tiers monde » grâce à un changement dans les relations entre centre et périphérie du pays vers la ville et à l’importance croissante des villes mondiales. Dans cette période également définie par la « condition post migration », il était évident que les artistes du « tiers monde » ne faisaient plus de l’art traditionnel reflétant la culture locale de leur pays, mais suivaient plutôt une stratégie critique double par laquelle, au lieu de s’opposer à l’Occident, ils utilisaient des technologies et des manières de penser concordantes pour créer des stratégies alternatives. Des artistes vivant en Occident, travaillant et produisant des œuvres dans deux langues et deux pays, ont commencé à devenir plus intéressants. Le marché occidental vient seulement de commencer à reconnaître la valeur de ces artistes, aussi bien artistiquement qu’économiquement. Il est aujourd’hui possible de voir un nombre croissant d’artistes présents dans la scène artistique actuelle avec deux langues et deux cultures ; soit la troisième génération, nés dans des villes occidentales, ou des artistes qui étudient et vivent suffisamment longtemps dans des centres occidentaux pour appartenir aux deux cultures, et qui peuvent par conséquent avoir une perception critique des deux côtés. Cette sensibilité est une nouvelle forme différente du nationalisme et du traditionalisme anti-occidental et tiers-mondiste qui existaient auparavant. Ces artistes ont commencé à produire des œuvres en dehors des limites du discours de gauche traditionnel et des repères nationalistes. Cette méthode déconstructiviste couplée à une approche critique à deux faces déborde les frontières clairement établies entre ici et ailleurs, tout en cherchant un chemin pragmatique pour réduire encore les frontières à travers l’expansion. Le discours post-colonial qui a été le paradigme dominant de l’art occidental des 20 dernières années a joué un rôle particulièrement important pour faciliter l’émergence des artistes à la fois dans les expositions et le marché de l’art d’Europe occidentale.

D’autre part, en conjonction avec les domaines de la philosophie et de la sociologie qui mettent à contribution les théoriciens et occupent un rôle significatif dans la posture trans-disciplinaire de l’art contemporain, et avec l’importance croissante des études culturelles dans les années 90, au même titre que des études soulignant la tendance générale du système à se développer dans une direction influencée par la culture, la sphère artistique est aujourd’hui aussi influente que les domaines politique et économique. On pourrait même dire qu’elle est bien plus importante. Comme l’illustrent les études de Loïc Wacquant et Luc Boltanski, se basant sur et se référant à Weber, sur « Le nouvel esprit du capitalisme », le système capitaliste d’aujourd’hui prospère et se développe virtuellement en imitant le monde de l’art. En raison de l’expansion du capitalisme dans toutes les directions, ainsi que le révèle l’Empire de Negri et Hardt (2), le capitalisme doit se renouveler au sein d’une géographie déjà intégrée, car il n’a plus d’espace ou de territoire vers lesquels s’étendre en temps de crise.

Urbi, soit les mouvements de régénération des formations économico-politiques et culturelles qui fonctionneraient au centre de l’économie urbaine, n’avait même pas envisagé les actions virtuelles qui mèneraient à cette émergence. D’un autre côté, en désignant le processus « devenir-le-monde », nous serions à même de faire face à un concept qui se distancierait au moins en partie du global (3). Quand nous comprenons qu’être du monde ou être un citoyen du monde signifie en réalité être capable de voir par-delà les frontières nationales et les cultures nationales, nous sommes alors capables de réaliser que le processus de devenir-le-monde fonctionne différemment de la mondialisation qui a principalement trait aux mouvements capitaux du monde. Quelle est la différence de signification entre devenir-le-monde et la mondialisation ? Ceci nous ramène aux concepts de résistance et de culture qui séparent le mondial du global. Les efforts et les modes de pensée artistiques et culturels doivent être examinés séparément de la tendance du capital à viser le prestige, même si ces actions sont sponsorisées par des multinationales, car la différence principale réside dans la raison qui se cache derrière les actions. Pourquoi n’associe-t-on pas l’art au calcul ? Pourquoi les groupes d’investissement prennent-ils en compte le gain financier et non l’art lorsqu’ils subventionnent les domaines de la culture et de l’art ? Pourquoi est-ce que les « sociétés de relations publiques » et les « agences de publicité » se soucient-elles des valeurs prestigieuses et symboliques et pas de l’art lui-même lorsqu’elles agissent en tant que médiateur et organisateur financier entre l’art et le capital ? (4) Pour poser ces questions depuis l’intérieur de ce secteur implique une certaine compréhension des différences dans cet environnement. La question « qui réfléchit à quoi et quand ? » serait fondamentale pour comprendre la différence entre devenir-le-monde et mondialisation. À tel point que ce sur quoi on délibère et ce qui est effectivement fait deviendra significatif dans le processus de la pratique. Quand les artistes et les conservateurs travaillent sans prendre en compte quel type de pratique conviendrait le mieux au capital, ils ne se mettent en réalité pas au service du capital international, et produire une exposition ou une œuvre en tenant compte des règles du capital suffirait à limiter les processus artistiques et intellectuels à l’œuvre pour créer l’exposition, ce qui aurait pour conséquence de réduire la portée de l’œuvre. Ainsi, une culture ou une pratique de l’art internationale diffère des mouvements globaux de capital et de leur état d’esprit. Dans son travail traitant du concept de Devenir-le-Monde, Jean-Luc Nancy souligne la similarité entre l’art et l’international : selon lui, « un monde n’est jamais un objectif ni une unité d’ordre extérieure. Un monde n’est jamais devant moi, ou le monde devant moi n’est pas mon monde. Mais un monde complètement différent. » (5) Comme l’illustre cet extrait, mon monde est le monde dans lequel je vis ; le monde devant moi n’est rien d’autre qu’un autre monde. « Quand je suis dans l’art, le monde de l’art réside en moi et le monde de l’art devient mon monde » ; mais le monde de l’art et de la culture perçu par le capital n’est pas le monde de l’art, c’est le monde du capital devant le monde de l’art. C’est ça, la mondialisation. D’ailleurs, selon Nancy, « Je ne suis peut-être même pas capable de savoir que ce monde est un monde. » Ici, Nancy ne mentionne que les arts avec lesquels il est familier, je préfère donc m’en tenir à la différence entre capital et monde de l’art (6). Donc, selon que le monde auquel j’appartiens est le monde de l’art ou le monde de la finance, cela illustre la différence entre devenir-le-monde et mondialisation. Si nous continuons à suivre Nancy, nous pouvons ressentir une « résonance » dans le monde où nous nous trouvons. « Un monde est un espace où une certaine tonalité résonne » (7). Et cette résonannce ne détermine-t-elle pas l’unicité de ce monde qui nous appartient ? Ce qui est unique, c’est le monde où nous nous trouvons et dont nous sentons les effets. Ainsi, cela n’est pas mondial mais ‘international’. (8) En prenant en compte cette différence, un autre phénomène doit être souligné : ce qui nous amène à une autre question dérivée de celle évoquée plus haut. Même si l’esthétique a pénétré nos vies quotidiennes capitalistes et a éloigné l’artiste de la notion du XIXe siècle de « beauté », l’art se soucie tout de même encore fondamentalement de l’humanité, et nous sommes face à une situation identique à celle dans laquelle se trouve le scientifique (9). Si l’artiste ou le scientifique se soucie de ses revenus ou de son ego lorsqu’il pratique l’art ou la science, il s’éloigne de l’essence de l’art et de la science. Au bout du compte, un monde fonctionne selon l’ordre d’une œuvre d’art. De ce fait, devenir-le-monde n’est pas la mondialisation.

Une distinction figurative peut être faite ainsi : le terme devenir-le-monde fait référence à la jeunesse manifestant contre le G8 à Genève, définie comme « No Global » par Antonio Negri, en un mot une « multitude »/multitudo (10). Réagir contre un système juridique mondial tourné vers le gain économique afin de promouvoir une justice internationale. S’opposant à un système de culture légale « américanisé » et « disneyifié » s’emparant des questions de copyright, ils penchent plutôt pour le système « copyleft ». C’est-à-dire, plutôt que de protéger les droits et de dépenser beaucoup d’argent pour cela, permettre aux droits d’être transmis librement à d’autres utilisateurs afin de permettre des inventions scientifiques, surtout dans le domaine des logiciels informatiques. Cela nourrit aussi un flux d’amitié qu’on pourrait appeler hospitalité. Il s’agit d’un système international d’hospitalité et de générosité suivant les pas de Levinas et Derrida (11). Ce mouvement soutient donc aussi l’organisation de la lutte contre les questions de nationalisme et de racisme. Toutes ces actions dirigées contre le capital, la loi, la culture, les médias privatisés et personnalisés et la mesquinerie de la société mondialisée du « top-ten » (12) ont une vision critique du monde globalisé qui émane du concept de devenir-le-monde.

Un monde devient un monde lorsqu’il est habité. Toutefois, c’est un fait établi que le capital postmoderne est déterritorialisé. Il a perdu son pays et sa patrie, or nous ne pouvons aller plus loin sans poser la question : « l’art aura-t-il une patrie ou un pays ? » Il ne serait alors pas inutile de regarder la perception des arts à l’ère des états-nations. Et un coup d’œil aux développements du XIXe siècle complèterait cet examen. Prenons Hegel comme exemple (13). Dans ses traités sur l’esthétique, Hegel classe les arts selon une certaine hérarchie. Cette hiérarchie des trois stades du symbolique, du classique et du romantique mène à une lecture de l’histoire de l’art à travers l’histoire de la philosophie. Ici, Hegel mentionne trois territoires distincts : le premier a trait à l’art égyptien, le deuxième aux arts gréco-romains et le troisième à l’art chrétien d’Europe du nord. C’est pour cette raison qu’aux XIXe et XXe siècles, plusieurs savants et artistes dans différents lieux ont examiné les arts en fonction de caractéristiques culturelles nationales. Ceci s’applique aussi bien aux matériaux utilisés dans les arts qu’aux artistes eux-mêmes. Il y a encore seulement dix ans, dans certaines sphères, il y avait des gens pour affirmer que « peinture » devait signifier de la peinture sur une toile et que cette pratique relève d’une culture méditerannéenne. Toutefois, un autre argument contraire à celui-ci émanant de milieux que nous appelons aujourd’hui l’art contemporain affirmait que l’« art nordique » serait un terme plus approprié pour décrire les activités mentionnées. Il faut se féciliter que cette incroyable distinction n’existe plus.

Ce monde est le monde de ses habitants. L’habitant pense à l’intérieur de ce monde : si ce monde est le monde de l’art, il pourrait être possible de penser à l’intérieur de l’art ; s’il s’agit du monde de l’argent et du capital, il serait possible de penser à l’intérieur des rouages de l’argent et du capital. Un monde est un lieu ; c’est un lieu à l’intersection de lieux existants. S’installer signifie habiter. Le monde dans lequel on habite est comme le nom donné à un lieu où l’on pense à quelque chose. Et en tant que tel, il pourrait être soit global soit matériel. Selon Nancy, habiter quelque part est lié aux mots ethos et etos, d’origine grecque. Et selon ces deux mots similaires, cela signifie « se tenir sous » toutes sortes d’éthiques. D’une façon similaire, les mots latins habitare et habitus, dérivés de la racinte habere, représentent des significations telles qu’être debout, tenir. Cela signifie tenir une certaine place, avoir le droit de faire usage d’un lieu (14). Par conséquent, le monde est un ethos ou un habitus (15).

mounir fatmi se situe dans une approche critique du processus expliqué ici, et à travers son intérêt pour l’architecture des villes, il observe un monde dominé par les nouvelles technologies depuis un monde qui disparaît, avec un regard ironique depuis le monde arabe. D’un côté il franchit ses propres codes culturels pour aller vers la culture et le monde de l’art occidentaux en utilisant divers matériaux, surtout des matériaux de réseaux (connexions, lignes-câbles (la ligne à la fois dans la calligraphie arabe et dans les lignes de câbles), figures, hadiths, ready-mades), et de l’autre côté il élabore une critique du monde d’investissement chaotique de l’architecture et de l’aménagement urbain contemporains avec un langage esthétique, utilisant de nouveaux matériaux disponibles, des objets de consommation technologique et culturelle. Dans une installation regroupant plusieurs tailles d’enceintes ressemblant de loin à un paysage urbain moderne ou post-moderne composé de manière ludique, leur ombre projetée sur le mur présente la vision d’une ville réelle (Manhattan) attendant d’être sauvée. D’autre part, il y a la ville et son vrombissement de décibels excessifs, le bruit de la ville (cris, klaxons, alarmes combinés aux bruits de la vie nocturne, une cacophonie de musique) donnant un indice élémentaire sur la vie dans les mégalopoles. En raison de cette perception, Save Manhattan sera certainement interprétée comme une allusion au 11 septembre. Nous trouvons ici la condition du 21e siècle, l’observarteur extérieur-à-l’occident compatissant avec l’Occident. Nous constatons la même attitude dans le travail de mounir fatmi avec les figures et les hadiths ; un Maghrébin de culture marocaine et critique envers l’Occident et l’Orient à la fois. L’acuité des notions de beauté et de bonté nous transportent dans une mentalité nitzschéenne au-delà du « bien et du mal ». À tel point qu’il est impossible de ne pas ressentir la tristesse et l’exaltation dans la vision critique de son approche. Dans son œuvre intitulée La Machinerie, l’artiste nous rappelle que nous vivons dans un monde de machinerie. Dans l’œuvre vidéo Le Fantôme, des lignes vides, transcendentales, verticales en spirale, courbées et discontinues – arrangées selon un plan immanent – créent un emcombrement de figures pleines de vie où est généré le plan. Penser à travers les figures : une figure qui se forme à partir du fantomatique, à travers la calligraphie musulmane. Ecran Noir est une autre œuvre fabriquée à partir de matériaux disponibles (ready-made), cette fois des cassettes VHS assemblées les unes à côté des autres ; une œuvre qui fait réfléchir, cachant l’image tout en montrant le médium qui transporte l’image. L’œuvre évoque aussi les bandes de cassettes dans le travail de Sarkis, toutefois, au lieu de bandes recelant des films ou de la musique, mounir fatmi installe le boîtier noir qui cache ces bandes, comme s’il voulait pousser le spectateur à la contemplation : le boîtier noir ne révèle rien lui-même, tout en contenant la vérité en son sein.

L’installation sur le thème de la configuration architecturale de la ville intitulée Les Monuments consiste en une agglomération de casques de chantier portant chacun le nom d’un philosophe post-structuraliste : G. Deleuze, J. Derrida, J. Baudrillard, etc. Si nous suivons l’interprétation du travail de mounir fatmi par Marie Deparis écrite en 2009, nous sommes en mesure de conclure que les casques de chantier ready-made sont en fait une construction d’une autre sorte. Tout comme les idées font partie d’une ville qui se construit en passant à travers et en allant au-delà de la pensée moderne ou post-moderne. Les idées elles-mêmes sont métaphoriquement une construction architecturale, et les casques ne font pas seulement référence à la configuration de l’approche de l’aménagement urbain des nouvelles mégalopoles post-modernes, ils évoquent aussi les risques inhérents à cela. Cela touche au côté destructeur des villes globales post-modernes, leur tendance à démolir tout ce qui est en lien avec le passé, comme le décrit Ulrike Beck dans Risk Society (16). Les casques protègent contre les risques, mais ils nous rappellent aussi leur existence. Dans La Pieta, Michel-Ange montre Jésus innocent tel l’agneau qui s’est sacrifié, dans les bras de Marie, mais le médium de mounir fatmi est le média de notre époque, d’un monde qui fonctionne avec des câbles, des réseaux et de la communication : Jésus est à l’agonie, et les médias apportent la désinformation aux habitants de la nouvelle urbs ; le fait que chaque information soit transformée en actualité sensationnaliste, avant que la prochaine sensation ne lui succède, est l’un des problèmes les plus significatifs de notre époque. mounir fatmi opte pour une similarité dans la forme ; il utilise bien sûr une forme bien connue et populaire, mais c’est seulement quand on pense à la quantité écrasante d’énergie qui est transportée par les câbles qu’on réalise qu’il ne s’agit pas ici d’imiter mais de prendre le pouvoir. Au lieu d’inventer de nouvelles formes, il se saisit du pouvoir que recèle la forme disponible et l’utilise, le montre. Comme Klee disait, « ne pas reproduire le visible, plutôt rendre visible » est utile : construire la « logique du sensationnel » qui rend visible les forces qui opèrent dans le monde de l’information et de la désinformation des journalistes et des villes. (17)

L’état des mégalopoles aujourd’hui est évalué selon les conditions biotiques à travers les perspectives socio-écologiques, humaines et urbaines définies par l’école de Chicago. Les éléments et les luttes biotiques dans la politique des espaces de vie et des lieux d’installation sont amenés vers une autre perspective avec les expansions normalisées et gentrifiées anti-écologiques et biopolitiques, et bien qu’on préserve des éléments nostalgiques dans certains quartiers, les structures modernistes sont démolies dans d’autres pour laisser la place à de nouvelles structures qui correspondent aux politiques de location néo-libérales d’aujourd’hui. L’analyse de l’installation de populations ayant émigré d’Europe vers l’Amérique, les « nouveaux groupes de population » selon Park de l’école de Chicago, est remplacée par une nouvelle tendance dévelopée dans les magazines d’architecture et de design et nourrie de perspectives artistiques. La vérité qui se cache derrière l’évaluation d’une œuvre d’art en tant que document artistique autant que travail artistique est due à l’amalgame entre art et vie à l’ère bio-politique. Selon Boris Groys, la fusion entre « arts appliqués » et aménagement urbain, design, architecture, publicité et mode a mené à la relocalisation de la vie dans l’art. (18) Ici, la migration et les groupes ethniques, malgré leur existence, sont considérés comme des facteurs déconcertants dans la ville qu’il convient de repousser et expulser aussi loin du centre que possible. Le point de vue écologique considéré comme « la nouvelle approche environnementale » par Park est remplacé par « l’écologie des nouveaux matériaux ». Les mégapoles sont utilisées comme des laboratoires pour des expériences architecturales, et la relation entre installation et aménagement en tant que terrain d’études se retrouve « esthétisée » en employant des éléments baroques plus que des approches fonctionnalistes. Entre temps, « l’écologie humaniste » est remplacée par une écologie trans-humaine. C’est-à-dire que les réseaux de vie, les contextes, les animaux et les plantes sont envisagés dans de nouveaux espaces et la vie est élevée dans les airs. Le fait que les toits des immeubles soient utilisés comme des espaces pour les plantes, les animaux et même pour le transport pourrait être mis en corrélation avec la transformation du niveau du sol en monde sous-terrain dans certains mégalopoles. Ceci correspond plus particulièrement à certaines mégalopoles d’Amérique latine. Les urbanistes ont déterminé il y a longtemps que le centre et la périphérie sont en train de fusionner. Mais d’autres part, la « trans-écologie » de la ville économique qui sépare les lieux productifs et contre-productifs, vise à séparer les personnes sans abri, sans emploi, malades (surtout du SIDA) et handicapées du monde productif et travailleur dans les mégalopoles américaines. La nouvelle économie de la distribution des richesses qui émerge de la perception de la ville normative souhaite séparer dans l’espace les zones de travail et d’habitation, tout en les fusionnant technologiquement.

Nous nous dirigeons vers une ère de la « désurbanisation » (l’urbanisation sans les villes), telle que l’exprime par Murray Bookchin, une ère dans laquelle les ceintures urbaines prennent le pas sur les villes. Le nouveau modèle politique d’urbanisation s’étend via le principe « démolir-reconstruire » dans diverses régions du monde, principalement hors d’Occident. La Chine est une curiosité pour les artistes car elle représente l’exemple le plus impressionnant d’une telle folie. Les politiques de location devenues des politiques publiques régentées par les autorisations données par les municipalités jouent un rôle important dans la refonte des mégalopoles. Dans un monde de cityonenneté et de démocratie en crise, les « contribuables » sont soumis à des politiques économiques basées sur leurs impôts plutôt que d’avoir leur mot à dire dessus. Les « citoyens » sont rendus inactifs et font partie d’un monde d’indifférence, ne faisant que chercher des moyens de subvenir à leurs besoins tout en étant contenus par le biais d’une politique de pacification. Quand l’avidité de la ville se manifeste sous la forme d’un marché, les politiques de démolition-reconstruction établissent l’axe principal des mégalopoles, et la préservation du passé ne se matérialise qu’en surface, via la simulation des façades d’immeubles. Le fait que la géographie de la ville soit désormais une topographie refaçonnée par les autorités sape les implications théoriques et pratiques des approches intellectuelles et urbaines. La valeur d’usage se transforme en valeur d’échange dans une ère de véritable soumission à la fluidité trans-nationale du capital. Le caractère de mégalopole d’une ville, qui est de plus en plus organisée comme une société plutôt qu’une ville, est évalué à l’aune du rôle compétitif qu’elle joue en devenant un centre mondial. Conformément à l’approche post-moderne où le développement économique est perçu comme un développement culturel, la ville est alors perçue comme une « entreprise ». Une « machine urbaine » sans cesse croissante, opérant par tactiques, stratégies, flexibilité dans les modèles et les processus d’organisation qui mènent à l’appauvrissement des habitants.

Les vidéos de mounir fatmi intitulées « Architecture Now » proposent des documents présentant un monde de villes parallèles et concurrentielles telles que mentionnées plus haut. Les images désolantes de démolition, la clarté ou la pâleur des couleurs illustrent la fusion avec la puissance des machines de démolition et des bulldozers. Le domaine esthétique hiérarchisé de certaines des images, à commencer par la perception de l’ombre et de l’obscurité qui s’ouvre vers la lumière, illustrent le fait que les arbres et les plantes sont eux aussi exposés à la violence qui a lieu : les animaux, les plantes et les humains trouvent leur place dans la catégorie des être vivants (anima). Dans les images montrant la violence exercée contre le béton, la pelle de l’engin de chantier pourrait être perçue comme la main ou la prothèse de l’élément central de la machine non-humaine : le capital. Cette activité terrible ne reflète rien d’un monde qui a existé auparavant derrière les portes numérotées. L’état des lieux existant pourrait être interprété comme faisant partie de la souffrance ressentie « Sans anesthésie ». Les cités dortoir construites autrefois par les politiques publiques de l’État providence ne sont plus que la nostalgie d’un temps révolu. On ne peut rien faire de plus que de percevoir ce regard cherchant le vide où errent des fantômes. Nous en restons à la question posée par Jean-François Lyotard confronté à l’époque post-moderne : « Que peut-on faire sinon témoigner ? »

1 Cf. Ali Akay, Tekil Düşünce, 1991 Afa Publications, 3e édition, Bağlam Publications, 2002 et Konu-m-lar, Bağlam Publications, 1991.

2 La traduction turque de cet ouvrage (mparatorluk) a été publiée par Ayrinti Publications en octobre 2001, initialement en deux pressages, puis via un pressage pirate disponible en même temps que le troisième pressage officiel.

3 Les travaux de Derrida et Jean-Luc Nancy pourraient servir d’exemples de ce phénomène.

4 De ce point de vue, nous ne serions pas très éloignés de ce que Hegel disait de l’art, car dans le deuxième chapitre intitulé « Les théories empiriques de l’art », Hegel dit que le regard de l’art se distingue de l’avidité matérielle du désir. Car en regardant l’objet, l’art se livre à une contemplation sur la liberté, il libère la liberté de l’hégémonie du désir. Le désir, lui, anéantit l’objet en l’utilisant à son propre profit, pour une fin. Cf. Hegel, Introduction à l'esthétique, (p.69). « L’art a trait à l’existence individuelle », écrit Hegel. Et selon nous, l’art a trait à l’être tout en s’abstenant de l’avidité monétaire et égoïste pour l’objet. Ici, Hegel propose en fait un nouveau point de vue pour la psychanalyse moderne en soutenant que le désir est dirigé vers un objet ; toutefois, selon Deleuze, le désir n’a pas d’objet. Le désir évolue au sein de clusters. Quand une femme désire une robe, le désir n’est pas réellement dirigé vers la robe elle-même ni vers « l’absence » de robe, mais vers un système de clusters ayant trait à la robe. Il n’est possible de localiser le désir qu’au sein d’un arrangement global comprenant le fait d’être à la mode, attirer l’attention, atteindre une certaine position professionnelle, impressionner son mari ou son entourage, se donner plus de valeur. Quand Hegel sépare l’art et le désir, il écrit que l’art s’intéresse à la surface de l’objet, son image, sa forme, et que le désir s’intéresse à l’objet lui-même (avec son expansion empirique et naturelle, sa matérialité concrète) (p.69). L’art évolue à la surface du sensoriel. En tant qu’image, le sensoriel se retrouve élevé par l’art. L’art recherche l’idéal de l’objet (la pierre, la fleur, la vie organique) et pas sa matérialité pure et immédiate. Selon Hegel, les œuvres d’art sont des ombres sensorielles du beau.

5 Jean-Luc Nancy, La Création du Monde ou la mondialisation, Galilée, 2002, pp.34-35.

6 Lorsque Nancy souligne le fait que « l’art hittite » n’appartient pas à son monde tandis que « Bach ou Matisse » lui sont familiers, il se limite à sa propre perception de l’art. Cf. ibid., p.35.

7 Nancy, ibid., p.35.

8 Ici, devenir-le-monde (international) pourrait être employé en remplacement du terme utilisé précédemment, universal, car contrairement au global, l’international requiert la condition d’être là, d’être contenu en son sein tout en résistant et en évoluant vers un idéal. En suivant l’approche de Gilles Deleuze, qui demande initialement ce que signifie ‘universal’, nous améliorons notre compréhension de ce qui est international. Lorsque le concept dépassé du 19e siècle de l’universal est remis à sa juste place, sa signification est elle aussi revitalisée.

9 C’est Yves Michaud qui soutient que l’art n’est plus solide, qu’il est dans un état gazeux, et il argumente que lorsque l’art a délaissé la problématique de la beauté, toutes les autres formes de vie ont adopté une perception et une présentation esthétique. Cf. Yves Michaud, L'Art à l'Etat Gazeux, Essai sur le Triomphe de l'esthetique, Hachette Litteratures, Pluriel, Editions Stock, 2003.

10 Pour une exposition sur ce concept, voir : Ali Akay, Democracy to Come Exhibition, Aksanat Culture Centre Gallery, septembre-octobre 2003. Pour cette exposition, Altan Çelem-Gamze Toksoy a réalisé une enquête photographique et anthropologique sur les « studios de célibataires », ces lieux désolés où vivent de jeunes hommes célibataires ayant émigré à Istanbul et exerçant des emplois temporaires. Zeliha Burtek a écrit à la main le texte de Multitudo dans une « boîte à lumière ». Cem Gencer a créé une vidéo sur les sans-abri qui passent la nuit sur des bancs publics du parc de la place Taksim ; Şener Özmen s’est transformé en aliéné dans une œuvre intitulée « Crazydemokrasi » avec des drapeaux turcs ornant l’entonoir sur sa tête) ; Susan Steinberg a fait une vidéo demandant aux migrants et réfugiés en Europe et aux USA : « Que pensez-vous d’un monde meilleur ? » Seza Paker a présenté deux vidéos issues d’une précédente exposition solo à Galerist qui était une installation de grande envergure. Dans ces deux vidéos, Seza Paker transforme en art un documentaire sur les collectionneurs d’armes et d’équipement militaire dans un bunker à Issy-les-Moulineaux. Dans les deux vidéos, des photographies ont été transformées en vidéo et des vidéos en photographies. Dans la vidéo faite à partir de photos, on voit le bunker et les objets militaires. L’autre vidéo était une interview avec un travesti nommé Sophie. Dans cette deuxième vidéo, la version turque était doublée par Serra Yilmaz. Dans l’interview, on comprenait que Sophie était un travesti ayant une passion pour les objets militaires qui travaillait comme plongeuse dans l’entretien des pipelines pour gagner l’argent qu’elle dépensait dans ces équipements guerriers. Après l’interview et juste avant l’exposition, elle s’est noyée durant une plongée dans les pipelines. Ceci nous rendait aussi témoins d’un incident sur l’utilisation de « jobs temporaires » pour assouvir ses passions. La multitude est le nom qu’on donne à une foule réprimée et rejetée dans le monde global. Ils vivent tous hors du système et représentent les parias. Il ne s’agit pas ici véritablement de la « lutte des classes » marxiste, mais plutôt d’un concept de multitude dont Hobbes dit qu’ils « doivent être mis au ban » dans son livre De Cive. Ceci apparaît aussi dans le terme de « masses » utilisé par Spinoza pour réaliser la démocratie. Dans leur best-seller The Empire (Exil, 2000), Negri et Hardt emploient le même terme pour parler des « pouvoirs révolutionnaires ». Voir aussi : Negri, Du Retour, Calman-Lévy, 2002. Negri perçoit le « mouvement de multitude » qu’il appelle « no global » au moment où la politique devient internationale. Ils sont devenus une vraie multitude, dit-il au sujet de la jeunesse constituant le mouvement « No global ». Negri, ibid., pp.103-105.

11 Cf. Jacques Derrida, Adieu à Emmanuel Levinas, Galilée, 1997. E. Levinas, Totalité et Infini, p.232. Une hospitalité émergeant d’une responsabilité face à l’Autre qui a entendu le commandement « Tu ne tueras point ». Elle représente un facteur déterminant dans le domaine de l’« Éthique ». Elle ne se demande pas si l’étranger est un ennemi ou un ami. Dans ce sens, elle déplace la politique au-delà de la construction de « la politique Carl Schmitt » basée sur la notion d’ami et d’ennemi (Schmitt mentionnait deux types de guerres : polemos (les ennemis naturels) et stasis (les guerres civiles), qui est la différentiation entre les guerres des Grecs contre les Barbares, et la guerre civile entre Grecs dans Platon). Il serait alors possible de séparer la politique de l’éthique dans le sens traditionnel du terme. Et ceci ne ressemble en rien à l’éthique tribale. Ce qui est en jeu à présent n’est ni une guerre civile ni une violence ou une guerre entre individus d’une nature ou d’une tribu différente. Selon Levinas, la responsabilité envers les morts réside dans le meurtre inhérent à la mort. « Nous devons penser à tout le meurtre qu’il y a dans la mort ; toute mort est un meurtre… » Ici, la responsabilité ne trouve pas son origine dans le Je, elle réside chez l’autre. Ceci constitue une différence fondamentale par rapport à Dostoïevski (la phrase dans les frères Karamazov : « Chacun de nous est coupables devant tous pour tous et pour tout, et moi plus que n’importe qui. » Je (ego) en tant que sujet conscient, avec toute ma conscience, ne suis pas responsable de la décision responsable concernant l’autre, je ne pourrais atteindre ma responsabilité qu’à travers l’autre.

12 Pour devenir une société du « top-ten », cf. Ali Akay, Sanatın ve Sosyolojinin Ruh Hali, Bağlam publications, 2002. Le concept de la société top-ten a trait aux formations culturelles qui sont devenues comme des « Top 10 ». Les auteurs deviennent des best-sellers, créant des artistes à travers des star-systems et rejetant toutes les multitudes au sein de ce processus.

13 Hegel, Introduction à l'esthétique, Le beau, Champ/Flammarion, traduit de l’allemand en français par S. Jankelevich, 1979. Tout au début de l’ouvrage, Hegel souligne qu’il traite d’esthétique, une science du beau qui est devenu non-naturel, « artificiel », en délaissant le naturel, en l’excluant, et que par conséquent son livre est une introduction à la philosophie (la beauté naturelle représente l’imperfection tandis que la beauté esthétique représente la perfection). Ainsi, l’art commence aussi à désigner l’« Idée de l’Absolu ». Voir ces trois attributs comme étant similaires est intéressant pour comprendre l’épistémé du 19e siècle ; car c’est précisément cette problématique dont Yves Michaud démontre que nous l’avons dépassée, le contraire de ce que Hegel suggère (p.9).

14 Jean-Luc Nancy, ibid., p.36.

15 Jean-Luc Nancy, ibid., p.36.

16 Cf. Ali Akay, Minör Politika, Bağlam publications, Istanbul, 2000.

17 Ceci est bien sûr une référence au livre de Gilles Deleuze, « Logique de la Sensation ».

18 Boris Groys, Art Power, MIT Press, 2008, p.55.  

 

In 1990s a new period started in which nation-states were in decline and a new trans-national political and economical structure began to emerge. After the collapse of the Berlin Wall and the USSR, while the European Union progressed towards a single currency, cities that sliced the world horizontally evolved into new world centres. The tension between the centre and the periphery started to reconstruct the world beginning from the horizontal line. The transformation of cities was most apparent in the processes of gentrification and normalisation. New investments in old, marginalised neighbourhoods steered towards a new urban planning approach. And architects, the core determining agents of this process, recreated the buildings of the cities.

Towards the end of the 2000s, with the acceleration provided by the non-institutional movements of the 1990s and together with the progress towards the project of becoming contemporary, certain significant moves in contemporary art were taking shape. As cities bearing new energies, the centre-cities started becoming more and more attractive for the "normalisation/gentrification" processes. The codes of culture and art were transformed in unison with the dynamism of the city to produce a new dynamic. In the period that I have defined as the "period of Megalopolises"(1), in the beginning of the 1990s, a new endeavour started to emerge in which the trans-national capital was slowly constructing the hierarchies of the centre and periphery relations through cities rather than states.

It could be stated that together with globalisation, postmodernism, the questioning of the hierarchy between high art and low art, the popularisation of the Third World art, the increasing numbers and variety of the grand biennials of the world in a period of megalopolises has led to the increasing visibility of artists "born in or with family and cultural roots in the Third World" due to the shift of the centre and periphery relations from countries to cities and the increasing significance of global-cities. In the period also defined as the "post migration condition", it was apparent that artists of the "Third World" were no longer making traditional art to reflect the local culture of their country, but rather pursuing a double-sided critical strategy in which instead of opposing the West, they were utilising matching technologies and ways of thinking to produce alternative strategies. Artists living in the West, working and producing work in two languages and in two countries started to become more interesting. The western market has only now started to recognise the value of such artists artistically and economically. It is now possible to observe an increasing number of artists present in the current art scene with two languages and two cultures; either the third generation, born in western cities, or those studying and staying long enough in western centres to become a part of the two cultures; who could therefore have a critical perception of both sides. This sensibility is a new formation different from the earlier anti-western, Third World nationalism and traditionalism. These artists have started producing work outside the boundaries of traditional left wing discourse and nationalist bearings. This deconstructive method with a double-sided critical approach is spilling outside the clear-cut boundaries of home and abroad, while seeking a pragmatic route to narrow down the borders through expansion. The post-colonial discourse that has been the determining paradigm of western art in the last 20 years had especially been instrumental in facilitating the emergence of the artists of the horizon in western European art exhibitions and art market both.

On the other hand, in conjunction with the fields of philosophy and sociology engaging theoreticians and occupying a significant role in the trans-disciplinary position of contemporary art, and with the increasing importance of cultural studies in the 1990s, alongside studies pointing at the general tendency of the system to develop in a culture weighed direction, the art sphere is now as much influential as the political and economical domains. It could even be argued that it is much more prominent. As the studies of Loic Wacquant and Luc Boltanski, starting off from and referring to Weber, on "The New Spirit of Capitalism" illustrate; the late capitalist system flourishes and develops virtually by mimicking the art field. Due to the expansion of capitalism in all directions, as revealed in Negri and Hardt's Empire (2), capitalism has to renew itself, within its integrated geography, for it no longer has a place or land to expand to at times of crises.

Urbi, which is the regeneration movements in economy-politics and cultural formations that would be functioning in the centre of urban economy, had not even considered the virtual actions that would lead to its emergence. On the other hand when we term the process becoming-world we would be able to face a concept that would at least slightly part from the global (3). When we see that being from the world or being a world citizen actually means to be able to look beyond the borders of national boundaries and national culture, we would then be able to realise that the process of becoming-world functions differently from globalisation which deals mainly with the capital movements of the world. What is the difference between the meanings of becoming-world and globalisation? This would connect us with the concepts of resistance and culture that separate worldwide from the global. The artistic and cultural efforts and ways of thinking should be considered separately from the prestige aiming tendency of the capital, even if these actions are sponsored by global companies, because the most important difference lies in the reason behind the actions. Why do we not associate art with calculation? Why do the investment groups consider financial gain and not art when they fund the culture and the art fields? Why are the "Public Relations Companies" and "Advertising Agencies" concerned about the prestigious and symbolic values and not art itself when they are acting as the mediators and financial organisers between art and the capital? (4). To ask these questions from within the field implies a certain understanding of the differences in the environment. The question "Who thinks about what and when?" would be instrumental in understanding the difference between becoming-world and globalisation. So much so that what is being deliberated on and what is being actually done will become significant in the process of the practice. When artists and curators work without considering what sort of practice would suit the capital best, they are actually not serving the global capital, however producing an exhibition or an artwork by considering the rules of the capital and that alone would limit the artistic and intellectual processes involved in making an exhibition which would in turn reduce the effect of the work. Hence, a worldwide culture or art practice differs from the global movements of capital and its frame of mind. In his work dealing with the concept of Becoming-World Jean-Luc Nancy points at the similarity between art and the worldwide: According to him "a world is never an objective or an exterior unit of order. A world is never in front of me, or the world in front of me is not my world. But a totally different world". (5). As this excerpt would illustrate, my world is the world that I live in; the world in front of me is nothing but another world. "When I am in art the world of art resides in me and the world of art becomes my world"; but the world of art and culture perceived by the capital is not the world of art; it is the world of the capital in front of the world of art. This is globalisation. In fact according to Nancy, "I might not even be able to know that this world is a world". Although here Nancy is mentioning the arts that he is familiar with, I prefer to reside on the difference of the capital and the art world. (6). So, whether the world that I am a part of is the art world or the financial world illustrates the difference between becoming-world and globalisation. If we were to steer alongside Nancy, we would be feeling a "resonance" in the world we are in. "A world is a space where a certain tonality resonates". (7). And doesn't this resonance determine the uniqueness of that world which belongs to us. What is unique is the world that we are in and that we feel the effects of. And thus, it is not global but "worldwide". (8).Considering their difference, another phenomenon must be emphasized: Which leads us towards another question derived from the one put forth earlier. Even if the aesthetical has entered our capitalistic everyday lives and had distanced the artist from the 19th century notion of the "beautiful", art still has a basic concern about humanity, we are faced with a situation just like the one confronted by the scientist.(9). And if the artist or the scientist is concerned about their income or their trivial egos while making art or science, they would be venturing away from the essence of art and science. At the end of the day, a world functions on the order of a work of art. On that note, becoming-world is not globalisation.

A figurative distinction could be made as such: The term becoming-world refers to the youth protesting against the G8's in Geneva defined as "No Global" by Antonio Negri, in a single word a "multitude"/multitudo. (10). Reacting against the economical gain inclined global system of law to be able to sustain worldwide justice. Standing against an "Americanised" and "Disneyland-like" system of legal culture, inclusive of copyrights issues like the AMI, they feel more inclined towards the "Copyleft" system. That is, instead of protecting the rights and doing this by pouring money, allowing the rights to be freely transferred onto other users to enable scientific inventions especially in computer software. This also feeds a thread of friendliness that could be called hospitality. This is a system of worldwide hospitality and offering following the footsteps of Levinas and Derrida. (11). Therefore it also supports and proposes organising against issues of nationalism and racism. All these lines of action against the capital, the law, the culture, the privatised and personalised media, and the petty top-ten (12). society of the global world, have a critical view on the globalised world, emerging out of the concept of becoming-world.

A world becomes a world when it is lived in; however it is a known fact that the postmodern capital is deterritorialized. It has lost its country and land; yet we could not proceed further without asking the question, "will art have a land or a country?". It would not be wrong to have a look at the perception of the arts at the period of nation-states at this point. And a glimpse of the developments in the 19th century would complement this investigation. Let us take Hegel as an example. (13). In his lectures on Aesthetics Hegel places the arts in a certain hierarchy. This hierarchy of the three stages of symbolic, classical and romantic was leading towards a reading of the history of art through the history of philosophy. Here, Hegel is actually mentioning three different geographies: The first one is relating to Egyptian art, the second to Greek and Roman arts and the third to Northern European Christian art. It is due to this reason that 19th and 20th centuries several scholars and artists in various different locations have considered the arts in relation to national cultural characteristics. This would also apply to the materials used in art as well as the artists themselves. Only ten years ago, in certain spheres, there were people claiming that from painting one should understand paint on canvas and that this practice indicates the Mediterranean culture; however another argument contrary to this one stemming from installations or what we call contemporary art today was stating that "Northern Art" would be a better term for describing the mentioned activities. We should be thankful that such an incredible distinction no longer exists.

This world is the world of its inhabitant; the inhabitant thinks within this world: If the world is the world of art it would be possible to think within art, if it is the world of money and capital it would be possible to think within the wheels of money and capital. A world is a place; it is an intersection place of existing places. To settle means to dwell. The world being dwelt in is like the name given to a place where something is being thought about. And as such it would be possible to be either global or worldly. According to Nancy, "dwelling", to dwell somewhere, is connected to the words ethos and etos of Greek origin. And according to these two similar words, it means to "stand under" all kinds of ethics. In a similar fashion, the Latin words habitare and habitus, derived from the root habere, embody the meanings such as to stand, to hold. It means to fill a certain place, to hold a place, to have a place, to have the right to use a place. (14). Therefore the world is an ethos or a habitus. (15).

mounir fatmi resides within a critical consideration of this process outlined and explained here, and through his interest in the architecture of cities he looks at a world dominated by new technologies from a world that is vanishing, with an ironic gaze from the Arab world; on the one hand he works through his own cultural codes, towards the culture and art field of the West by utilising various materials, especially network materials (connections, lines-cables (the lines both as in Arabic calligraphy and in cable lines), figures, hadiths, ready-mades), and on the other hand puts together a critique of the chaotic investment world of architecture and city planning of our day with an aesthetical language, using new available materials, objects of technological cultural consumption. In the installation assembling various sizes of speakers looking like a playfully arranged modern or postmodern cityscape from a distance, their shadow cast on the wall presents the vision of a real city (Manhattan) waiting to be saved. On the other hand, there is the city and its humming in excessive decibels, the noise of the city (shouting, horns, alarms, together with the sounds of the night life creating the noise and cacophony of music) offering a basic clue about the life in megalopolises. As a result of this perception Save Manhattan will surely be read as an allusion to September 11th. Here we encounter the condition of the 21st century, the outside-of-the-West gazing at and empathising with the West. We witness the same attitude in mounir fatmi's work with figures and hadiths; a North African, coming from Moroccan culture and critical of both the West and the East. The sharpness of the senses of beauty and goodness transport us into a Nietzschean mentality beyond "good and evil". So much so that it is impossible not to feel the sorrow and the exhilaration in the critical view of this approach. In his work titled The Machinery the artist reminds us that we are living in a machinery world. In the video work, The Ghost, empty, transcendental, vertical spiralling, curved and discontinuous lines - arranged according to an immanent plan - creating invigorated and congested figures where the plan is generated. Thinking through figures: figure forming from the ghostlike through Islamic calligraphy. Ecran Noir is another work made by available materials (ready-made), this time VHS tapes assembled one next to the other; a thought provoking work, disguising the image yet showing the supporting transporter of the image. The work is also reminiscent of the bands of the cassettes in Sarkis's work, however instead of the tapes carrying films or music, mounir fatmi installs the black box disguising the tapes themselves, as if urging the viewer to contemplation: the black box reveals nothing itself while holding the truth inside.

The installation on the architectural configuration of the city, titled Les Monuments, consists of an agglomeration of hard hats with the name of a different poststructuralist philosopher inscribed on each one: G. Deleuze, J. Derrida, J. Baudrillard etc. If we were to follow the footsteps of Marie Duparsi's interpretation of mounir fatmi, written in 2009, we would be able to conclude that the ready-made hard hats are actually a construction of another kind. Just as ideas are part of a city being constructed passing through and beyond modern or postmodern thought; while ideas themselves are metaphorically an architectural construction; the helmets not only refer to the configuration of the city planning approach of the new postmodern megalopolises, they also evoke the inherent risks therein. It touches on the destructive side of the postmodern global cities, their disposition of tearing down all links with the past, as described in Ulrike Beck's Risk Society.(16). While the helmets protect against the risks they also remind one of their existence. In la Pieta Michelangelo depicts the innocent, lamb like Jesus, who had sacrificed himself, in the arms of Mary, but the medium of mounir fatmi is the media of our times; of a world operating by cables, networks and communication: Jesus is in agony and pain, and the media is carrying disinformation to the inhabitants of the new urbs; the fact that every piece of information is transformed into a sensationalised news, only to be followed by the next sensation remains to be one of the most significant problems of our times. mounir fatmi moves towards a similarity in form, of course he utilises a well known, popular form, however only when we think of the overwhelming energy carried through the cables do we realise that this is not imitation but seizing power. Instead of inventing new forms he grasps the power within the available form, and uses it, displays it. As Klee said, "...not (to) reproduce the visible; rather ...(to) make visible" is worthwhile: to construct the "logic of sensation" which makes the powers operating in the world of information and disinformation of the journalist and of cities visible. (17).

The state of megalopolises today is evaluated by the biotic conditions through the socio-ecologic humanistic and urban perspectives defined as the Chicago school. The biotic elements and struggles in the politics of living spaces and settlement areas are being drawn towards another perspective with the normalised and gentrified anti-ecologic and bio-political expansions, and while nostalgic elements are preserved in certain neighbourhoods, modernist structures are being torn down in others to make way for new structures that would fit the neo-liberal economic rent policies of the day. The settlement analyses of the population migrating from Europe to America, the "new population groups" according to Park from the Chicago school, are being replaced by a new trend developed through magazines of architecture and design and nourishing from artistic perspectives. The truth that lies behind the evaluation of an art work as an art document as much as a work of art is due to the amalgamation of art and life in the bio-political period. According to Boris Groys, the merging of "applied arts" with city planning, design, architecture, advertisement and fashion, has led to the relocation of life in art. (18). Here migration and ethnic groups, despite their existence, are being considered as disconcerting factors in the city to be pushed and evicted as far out of the centre as possible. The ecological viewpoint considered as the "new environmental approach" by Park is being replaced by the "ecology of new materials"; megalopolises are being utilised as laboratories for architectural experiments, and the relationship of settlement and planning as a field is being "aestheticised" employing more baroque elements than functionalistic approaches. In the mean time, "humanist ecology" is being replaced by a trans-human ecology. That is; life networks, contexts, animals and plants are being envisaged in new spaces and earth is being elevated towards the air. The fact that the rooftops of buildings are being utilised as areas for plants, animals and even as areas of transportation could be considered in correlation to the transformation of the ground level into an underground world in certain megalopolises. This would seem most fitting especially in Latin American megalopolises. It has been determined by city planners long ago that the centre and the periphery have been merging. On the other hand, the "trans-ecology" of the economic city that separates productive areas and counter productive areas, aims to segregate the homeless, unemployed, sick (especially with AIDS) and disabled from the world of the productive and hardworking in American megalopolises. The new welfare distribution economy emerging out of the normative city perception wishes to spatially separate the work and residence areas while fusing them technologically.

We are progressing towards an era of "deurbanisation" (urbanisation without cities) as perceived by Murray Bookchin, a period in which urban belts take over cities. The political new urbanisation model is expanding by the principle of demolish-and-build in various parts of the world especially outside the west. China has been a curiosity for artists as the most thrilling example of such madness. Economical rent policies that have become state policies organised by the permissions granted by municipalities play an important part in the reshaping of the megalopolises. In the crisis of a world of citizenship and democracy, "tax payers" are exposed to economic policies founded on their taxes rather than having a say over them. The "citizens" who have been rendered inactive, have become part of a world of indifference, looking only for ways of sustaining their lives while being contained in a policy of pacification. When the greed of the city manifests itself as a market, the demolish-and-build policies establish the main axis of the megalopolises, and preservation of the past materializes only at the surface, the simulation of the facades of buildings. The fact that the geography of the city is now a topography reshaped by governing powers, undermines the theoretical and practical implications of intellectual and urban approaches. Use value is being transformed into exchange value, in a period of real submission in the face of the trans-national fluidity of capital. The megalopolis character of a city, which is more and more organised like a company than a city, is evaluated by the competitive role it plays in becoming a world centre. In line with the postmodern approach where economical development is perceived as a cultural development, the city is being conceived as an "enterprise". An ever growing "urban machine" operating with tactics, strategies, flexibility in organisation models and processes that lead to the impoverishment of the local inhabitants.

The video works of mounir fatmi entitled "Architecture Now" offer documents of a world of parallel and competitive cities mentioned above. The mournful images of demolishment, the brightness or paleness of their colours show the fusion with the power of the demolishing machines and bulldozers. The hierarchical aesthetic realm in some of the images, beginning with the perception of shadow and darkness opening onto light, present the fact that trees and plants alike are exposed to the violence that is taking place: Animals, plants and human beings find their place under the category of living beings (anima). In the images showing the violence exerted upon concrete, the claw of the excavator could be perceived as the hand or the prosthesis of the fundamental element of the in-human machine, the capital. This hell raising activity has no solid reflection of a world that once existed behind the house and door numbers. The existing "state of place" (etat des lieux) could be read as part of the pain felt Without Anesthesia. The dormitory towns (cite-dortoirs) built by the policies of the Welfare State once upon a time are no more than a nostalgia of a time long gone. Nothing more could be done than perceiving this gaze seeking the emptiness where ghosts meander. We dwell in the question of Jean-François Lyotard uttered when faced with postmodern times; "what is one to do but bear witness?".


1 See: Ali Akay, Tekil Düşünce, 1991 Afa Publications, 3rd Edition, Ba?lam Publications, 2002 and Konu-m-lar, Ba?lam Publications, 1991.

2 The Turkish translation of this book (?mparatorluk) was published by Ayr?nt? Publications in October 2001, initially having two print runs and subsequently having a pirate print available on the market alongside the third print run.

3 The works of Derrida and Jean-Luc Nancy would serve as examples for this phenomenon.

4 From this perspective we would not be falling far away from what Hegel stated about art, because in the 2nd chapter titled "The Empirical Theories of Art" Hegel expresses that the gaze of art differs from the practical greed of desire. Because gazing at the object, art contemplates on freedom, it frees freedom from the hegemony of desire. However, desire ruins the object by using it for its own good, by utilising it for an end. See. Hegel, Introduction a l'esthetique, (p.69). "Art deals with an individual existence", writes Hegel. And according to our view, art deals with being, while refraining from the monetary and the egoist greed of the object. Actually, here, Hegel presents a new vista for modern psychoanalysis by stating that desire aims for an object; however according to Deleuze, desire does not have an object. Desire revolves inside clusters. When a woman desires a dress, the desire is not actually for the dress itself or for the "lack" of it; it is rather for a system of clusters revolving around it. It would only be possible to locate desire in a totality of an arrangement of being fashionable, attracting attention, gaining a position in the work environment, impressing her husband or her surroundings, making herself more valuable. When Hegel separates art and desire, he writes that art is interested in the surface of the object, with its image, its form, and that desire is interested in the object itself (with its empirical and natural expansion, its concrete materiality) (p.69). Art functions on the surface of the sensory. As an image the sensory finds itself elevated through art. Art seeks for the ideal of the object (the stone, the flower, the organic life) and not its immediate and pure materiality. According to Hegel, works of art are the sensory shadows of the beautiful.

5 Jean-Luc Nancy, La Création du Monde ou la mondialisation, Galilée, 2002, pp.34-35.

6 When Nancy emphasizes the fact that "Hittite" art does not belong to his world, while "Bach or Matisse" would be familiar to him, he remains limited in his perception of art. See: ibid., p.35.

7 Nancy, ibid., p.35.

8 Here becoming-world (worldwide) could be used as a substitute for the term formerly used; universal, because unlike the global, the worldwide necessitates a condition of being there, being contained in it while nevertheless resisting and evolving towards an ideal. When we pursue the approach of Gilles Deleuze, who initially asks what universal means, we would be improving our understanding of that which is worldwide. When the outdated, 19th century concept of the universal is established in its right place, the meaning of it will also be revitalized.

9 It is Yves Michaud who claims that art is no longer solid, that it is in a gaseous state, and he argues that when art left the problematic of the beautiful all other life forms have assumed an aesthetical perception and presentation. See: Yves Michaud, L'Art à l'Etat Gazeux, Essai sur le Triomphe de l'esthetique, Hachette Litteratures, Pluriel, Editions Stock, 2003.

10 For an exhibition about this concept See: Ali Akay, Democracy to Come Exhibition, Aksanat Culture Centre Gallery, September-October 2003. In this exhibition, Altan Çelem-Gamze Toksoy realised a photographical-anthropological investigation about "bachelor pads", the dreary places where single young men who have migrated to Istanbul working in temporary jobs live. Zeliha Burtek, handwrote the text of Multitudo in a "light box". Cem Gencer made a video about the homeless who spend the night on park benches at the park on Taksim square; Şener Özmen transformed himself into a crazy man in the work titled "Crazydemokrasi" (with Turkish flags adorning the funnel on his head); Susan Steinberg made a video asking the migrants and refugees in Europe and America "What are your thoughts about a better world?". Seza Paker presented two videos from an earlier solo exhibition at Galerist, which was a grand installation. In these two videos Seza Paker transforms a documentary about the weapons and military equipment collectors in a bunker at Paris-Issy les Moulinaux, into art. In the two videos photographs were transformed into video and videos were transformed into photographs. In the video made from the photographs the bunker and the objects were portrayed. And the other video was an interview with a transvestite named Sophie. In this second video the Turkish version on the headphones was dubbed by Serra Y?lmaz. From the interview it was understood that Sophie was a transvestite with a passion for military paraphernalia who worked as a diver in the pipelines to earn the money she was spending on these war equipments. After the interview and right before the exhibition she was drowned during a dive at the pipelines. This also made us a witness of an incident about the position of "temporary jobs" in social labour on fulfilling passions. Multitude is the name given to this crowd suppressed and outcast in the global world. They all live outside the system and constitute the outcasts. Here we are not really encountering the Marxist "class struggle", but rather with a concept of multitude that Hobbes states, "should be cast out" in his book De Cive. This will also appear as the name of the "masses" that will be used by Spinoza in realising democracy. In their best-seller book The Empire (Exil, 2000), Negri and Hardt use the same term when mentioning the "revolutionary powers". See also: Negri, Du Retour, Calman Levy, 2002. Negri perceives the "multitude movement" he calls "no global" as the moment politics becomes worldwide. They have become a real multitude he claims for the youth realising the "No global" movement. Negri, ibid., pp.103-105.

11 See: Jacques Derrida, Adieu a Emanuel Levinas, Galilée, 1997. E. Levinas, Totalité et Infini, p.232. A hospitality emerging out of a responsibility in face of the Other who has heard the commandment "Thou shall not kill". It stands as a determining factor in the field of "Ethics". It does not question whether the foreigner is an enemy or a friend. In that sense, it moves politics beyond the construction of "Carl Schmitt politics" based on friend and enemy (Schmitt was mentioning two types of war; polemos (natural enemies) and stasis (civil wars), that is the differentiation of the wars between the Greek and the Barbarians, and the civil wars amongst the Greeks in Plato). It would be therefore possible to separate politics from ethics in the traditional sense. And this does not in any way seem similar to a tribal ethics. What is at stake here now, is neither a civil war, nor violence or war between those with different natures or tribes. According to Levinas the responsibility towards the dead lies in the murder inherent in death. "We should think of all the murder there is in death; every death is a murder...". Here the responsibility does not originate from the I, it rests with the other. This stands as a fundamental difference since (the sentence in Brothers Karamazov "We are all guilty of all and for all men before all, and I more than the others.") Dostoyevsky. I (ego) as the conscious subject, with all my consciousness, am not liable for the responsible decision about the other, I could only reach my responsibility through the other.

12 For becoming top-ten society See: Ali Akay, Sanatın ve Sosyolojinin Ruh Hali, Bağlam publications, 2002. The concept of top-ten society deals with the cultural formations that have become like "Top 10" lists. Authors becoming best-sellers, creating artists through star systems and casting out all multitudes are part of this process.

13 Hegel, Introduction à l'esthetique Le beau, Champ/Flammarion, translated from German into French by: S. Jankelevich, 1979. Right at the beginning of the book Hegel points out that the book is about aesthetics, a science of the beautiful that has become unnatural, 'artificial', by leaving the natural, by excluding it, and therefore that the book is an introduction to philosophy. (natural beauty portrays the imperfect while aesthetical beauty portrays perfection). Hence, art also begins to denote the "Idea of the Absolute'. Perceiving these three attributes to be similar is interesting in terms of understanding the 19th century episteme; because it is precisely this problematic that Yves Michaud demonstrates that we have grown out of, the opposite of what Hegel's suggests (s.9).

14 Jean-Luc Nancy, ibid., p.36.

15 Jean-Luc Nancy, ibid., p.36.

16 See: Ali Akay, Minör Politika, Bağlam publications, Istanbul, 2000.

17 This, of course, is a reference to the book of Gilles Deleuze, "Logique de la Sensation".

18 Boris Groys, Art Power, MIT Press, 2008, p.55.