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03 Pierre-Olivier Rollin - The fundamental changes, Brussels 2008 Critics
 


mounir fatmi’s work is part of a constant process of deconstruction of certainties and unstable reconstructions.


Pierre-Olivier Rollin, 2008
 

Fuck Architects: les changements fondamentaux, 2008

Fuck Architects, the fundamental changes, 2008  

Il y a dans la démarche de mounir fatmi une volonté farouche d’échapper à tout embrigadement ; qu’il s’agisse de l’un de ces embrigadements théoriques dont le petit monde de l’art est si coutumier, ou qu’il s’agisse aussi et surtout —car l’artiste s’intéresse davantage au monde et son histoire qu’à celle de l’art— de l’un de ces embrigadements culturel, national, économique, religieux ou social que son œuvre n’a de cesse de mettre à nu. Certes, une oeuvre ne peut se développer de manière autarcique ; elle requiert toujours un foisonnement de mises en contact les plus diverses, génératrices elles-mêmes de dynamiques référentielles. Il n’en reste pas moins qu’à l’instar de l’identité qui la produit, tout œuvre est davantage une construction mouvante qu’une soumission rigide, un processus permanent d’élaboration plutôt que la répétition obsessionnelle d’un même illusoire.

Les transformations fondamentales qu’a connu notre monde, depuis une petite trentaine d’années —soit plus ou moins ma génération et celle de mounir fatmi—, ont conduit à un nouvel ordre géopolitique mondial instable qu’Ignacio Ramonet appelle « géopolitique du chaos ». Il caractérise ce nouvel ordre par une transformation indéfinissable des formes de pouvoir, par l’apparition de conflits et menaces de nouveaux types, par l’émergence de déséquilibres déstabilisants, par un développement technologique considérable, par une interdépendance mondialisée des échanges économiques, etc. Dans ce nouveau contexte planétaire, les modèles référentiels qui ont érigé nos sociétés passées, particulièrement ceux qui ont nourri les mythes modernistes, s’avèrent caduques, tandis que les nouveaux se révèlent extrêmement fluctuants.

Bien des auteurs, plus illustres et avisés les uns que les autres, ont traité avec brio ce constat. Toutefois, je m’en tiendrai simplement à l’écrivain Péter Esterházy qui a remarquablement résumé cette situation par une métaphore, qui allie l’intelligence à l’humour : celle du footballeur hongrois mythique Ferenc Puskas. « C’est avec Puskas, observe-t-il, que quelque chose disparaît du monde, devient différent, change, n’est plus ce qu’il était auparavant, et ne le sera jamais plus. (…) c’était lui qui définissait le monde (je parle du rectangle du terrain), le rêve moderne n’est-ce pas ? au lieu de choisir la meilleure parmi les possibilités offertes et définies par le monde. » Certes Esterházy est conscient des limites de sa métaphore —il propose même une antithèse ; Puskas est le premier postmoderne— mais elle constitue un excellent point de comparaison avec l’œuvre de mounir fatmi qui, lui aussi, aime à prendre au sérieux ce qui traditionnellement ne l’est pas, afin de déstabiliser ce qui a la prétention de l’être.

L’œuvre de mounir fatmi s’inscrit en effet dans un processus permanent de déconstruction des certitudes et de reconstructions instables. Ainsi, l’artiste refuse toujours de céder à une forme acquise, jusqu’à son nom et son prénom dont il ôte les majuscules. Il veille en permanence à maintenir à distance les certitudes, à être « toujours perplexe » vis-à-vis d’elles, comme l’a judicieusement écrit Paul Ardenne. Il n’est de forme acquise qu’il n’accepte sans la déconstruire patiemment, pour la reconfigurer comme il attend qu’elle soit, sans cesser d’être conscient des limites de son intervention. A fortiori dans le contexte d’aujourd’hui où, malgré la remise en cause des modèles référentiels passés, des formes de dominations anciennes se sont transformées ou camouflées, afin de subsister et d’opérer encore.

 

Fuck Architects. Chapter III

Les formes et modèles que mounir fatmi passe au crible sont multiples et extrêmement diversifiées ; elles reflètent ses préoccupations à la fois quotidiennes comme ses questionnements existentiels. Il peut s’agir des modèles comme ceux qui nourrissent ses expositions, ceux de l’exposition elle-même, ou encore ceux des biennales d’art dont il est par ailleurs coutumier, voire ceux du catalogue institutionnalisé comme il l’a notifié dans celui de Next Flag. Le triptyque d’expositions Fuck Architects redéploie les questionnements de l’artiste autour, cette fois, de la figure tutélaire de l’architecte. L’architecte, et avec lui l’architecture dans sa pluralité de fonctions, est ainsi « critiqué », au sens étymologique de « passer au crible ». Geste manifestement sacrilège qui lui valut une remontrance inquisitrice d’un autre âge du New York Times, lors de la présentation du premier chapitre du triptyque, à la galerie Lombard-Freid Projects, à New York, en 2007.

Save Manhattan 03, œuvre réalisée dans le cadre de Check List Luanda Pop, première participation africaine à la 52e Biennale de Venise, en 2007, posait déjà les enjeux de cette démarche : une cinquantaine de hauts-parleurs recomposaient un paysage sonore (explosé) et visuel (fantomatique) de ce quartier de New York, avant le 11 septembre 2001. De son arrogance de monument destiné à régenter le monde (WTC !) à sa ruine poussiéreuse désormais immédiatement associée, l’architecture urbaine y est réduite à un signe autoritaire aujourd’hui universel, dont les implications se mesurent dans le monde entier. De New York à Pékin, en passant par Abou Dhabi, se dessine en effet aujourd’hui une nouvelle mythologie de l’architecture contemporaine, qui n’est pas nécessairement débarrassée des inféodations idéologiques de la période moderniste.

C’est donc à cette nouvelle forme mythologique que s’attaque l’ensemble d’expositions Fuck Architects. Pour ce faire, mounir fatmi use d’une réelle stratégie de guérilla, techniquement caractérisée par l’asymétrie des moyens qui, en l’occurrence, tempère la violence de sa position relativement frontale. L’artiste n’use en effet ni de vidéos, ni de projections sur grands écrans, ni de ces coûteuses simulations 3D, ou de quelque autre procédé technologique de dernier ordre ; il privilégie délibérément l’économie de moyens : peintures murales exécutées en noir sur fonds blancs, sculptures en bois, objets ready-made, câbles coaxiaux, et surtout, nombre de cassettes vidéos VHS, ce support d’informations jadis providentiel et désormais rendu obsolète par l’arrivée du numérique.

 

Le Ghetto est dans le cerveau

La vaste installation de trois pièces —Skyline, Ecran noir, Underneath— livre une reconstruction d’un paysage urbain imaginaire, dont les motifs architecturaux sont faits de ces cassettes VHS noires et qu’envahissent des kilomètres de bandes magnétiques volantes. A proximité, entre peinture abstraite géométrique (« construite » disait-on parfois) et relevé topographique, un plan d’emplacement de bâtis urbains est reproduit en noir, sur un mur blanc ; tandis qu’une sculpture-table livre une vision tridimensionnelle du même ensemble architectural. Trois modes de représentation, trois reconstructions d’une même réalité, se juxtaposent, brouillant, davantage qu’elles ne précisent, la situation projetée. Réduite à un signe binaire noir sur fond blanc —Malevich et ses ambitions démiurgiques ne sont jamais loin—, l’architecture livre ainsi à nu la mythologie autoritaire qui la fonde.

Si ces trois représentations radicalisent formellement le propos de l’exposition, Monuments, une série de casques de protection de chantier, marqués des noms de Derrida, Foucault, Deleuze, …, fixés au mur par un clou, en cristallise les enjeux. Outils de protection du personnel employé sur les chantiers de construction, en ce compris les architectes, les casques, marqués cette fois des noms des philosophes de la « déconstruction », invitent à la réflexion, à la souvenance de leurs œuvres, comme le suggère son titre dont l’étymologie renvoie au mot latin monumentum, de moneo « se remémorer ». Constructions, intellectuelles cette fois, les œuvres de ces philosophes deviennent les outils d’une dé-construction nécessaire, qu’il est impérieux de garder en permanence à l’esprit si l’on veut échapper aux architectures autoritaires qui, chaque jour, tentent de régenter la pensée humaine.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la permanence d’une acuité d’esprit, dans laquelle l’exigence rationnelle se couple à la volatilité de la déraison, comme le pose avec subtilité Tête dure : une vaste peinture murale, découverte notamment lors de l’exposition Traces du sacré, à Paris. Une vaste arabesque dessine les circonvolutions du cerveau, au sein duquel six chiffres (arabes) pointent des fonctions cérébrales. La ligne serpentine reproduit en même temps une sourate du Coran, inscrite en arabe : « Est-ce qu'ils se ressemblent ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? » Question posée et laissée ouverte, que mounir fatmi refuse de trancher, préférant inviter chacun à construire une réponse personnelle et circonstanciée.

Tenter de répondre est déjà en soi un exercice délicat, comme le pose Casse-tête pour un musulman modéré, une installation vidéo où un Rubik’s cube, manipulé par des mains progressivement couvertes de pétrole, évoque formellement une autre architecture autoritaire : la Kaaba, ce mot arabe désignant toute construction de forme cubique. La plus célèbre de celle-ci, au centre de la mosquée sacrée de la Mecque, recèle, en son angle oriental, la Pierre noire ; ce point d'orientation vers lequel se tournent les musulmans pratiquant lorsqu’ils prient. Discrètement, à tâtons, sans cesser d’être perplexe, même face aux questions les plus délicates, mounir fatmi (se) construit, à travers des propositions souples modulables, transformables et toujours respectueuses des besoins de chacun, comme le suggère sa colonne vertébrale organique, peinte sur un mur.

En outre, les circonvolutions de la calligraphie de « Tête dure » s’opposent immédiatement à la rigidité froide des pans de cassettes vidéos, aux contours précisément rigoureux. Plus encore, cette rencontre volontaire de deux supports de communication, d’apparence si opposés (l’écrit et l’image) et qui partagent étonnamment, le temps de ces expositions, un même souci ornemental, trouble les perceptions premières. Frédéric Bouglé a très bien relevé que « la tradition musulmane, prohibant les figurations des créatures d'Allah, n'admettant alors ni la peinture ni la sculpture, s'est donc reportée dans un « caché/montré » sur l'ornementation. Dans la calligraphie arabe, l'image, ainsi que le voyait William Burroughs au Maroc, est là mais repliée dans l'écrit » A l’inverse, la vidéo, bien que troublant l’interdit de figuration pour certains fondamentalistes, n’en reste pas moins une écriture codée que seule peut transcrire une tête de lecture magnétique.

Parmi les matériaux « pauvres » utilisés par mounir fatmi pour ses sculptures, dont un immense relief de Tête dure, figure également les câbles coaxiaux, nécessaires à la diffusion de l’imagerie télévisuelle. Une sculpture, Mondes parallèles, faite de quelques dizaines de ces câbles de plusieurs mètres, joints au début (ou à la fin) par des bandes adhésives qui se dispersent à l’autre extrémité, dans un enchevêtrement désordonné, condense les conséquences de l’éclatement de ce que l’on appelle aujourd’hui les nouvelles technologies de l’information et communication : à l’optimiste « village global » postulé par McLuhan, dès les années 60, pour qui les écrans TV étaient autant de « fenêtres ouvertes sur le monde », répond la coexistence de communautés exilées, hermétiques à tout ce qui ne les relie pas à une mère-patrie idéalisée dont elles ne connaissent aujourd’hui que les images TV. Et l’artiste de rappeler fort à propos : « le ghetto est dans le cerveau ».

 

La Parole du spectateur

L’auteur qui a peut-être abordé, de la manière la plus originale, la situation d’anomie normative, évoquée au début de ce texte, est l’écrivain Edouard Glissant avec son concept de « Tout-Monde », c’est-à-dire le monde actuel dans sa diversité et dans son chaos, tellement entremêlé qu’il est devenu impossible à prévoir et à régir. Dans ce « Tout-monde » que l’auteur juge désormais imprévisible, l’enjeu devient le suivant : soit que l’on vit les transformations inévitables, dont la disparition des certitudes et des repères stables, comme une perte angoissante et déstructurante ; soit que l’on en vient à les considérer comme une liberté de constitution, pour chacun, d'identités singulières, subjectives, spécifiques et plurielles qui ne valent que pour un moment et un espace donné.

La première possibilité s’avère inévitablement génératrice d’un état d’insécurité où « l’exception devient la règle et la guerre, une condition permanente ». Elle menace alors de conduire à la célébration nostalgique, voire fanatique, de modèles anciens, tels que les promeuvent certains pouvoirs, soucieux de maintenir ou d’accroître leur influence en s’appuyant sur des références passéistes, qu’elles soient culturelles, nationalistes ou religieuses, voire économico-politiques. C’est notamment cette figure tutélaire de l’architecte qui est mise à nu par mounir fatmi.

La seconde privilégie au contraire l’exigence critique, laissant aux individus la liberté —en supposant qu’ils en aient les moyens— de faire leurs choix, de construire des modèles instables, susceptibles d’être modifiés régulièrement. C’est dans cette dynamique positive que s’inscrit Glissant, n’hésitant pas à affirmer : « Nous devons aussi nous accoutumer à l’idée que notre identité va changer profondément au contact de l’Autre comme la sienne à notre contact, sans que pour autant l’un et l’autre ne se dénaturent ni ne se diluent dans un magma multiculturel. Ce sont des notions difficiles à concevoir et encore plus difficiles à mettre en pratique. »

Glissant ouvre ainsi la voie à une appréhension dynamique de l’œuvre de mounir fatmi. Car c’est bien cette possibilité qu’invite à envisager l’artiste, lui qui s’observe comme un « toubab en Afrique de l’Ouest et un terroriste potentiel dans tous les aéroports occidentaux ». La possibilité d’une construction individuelle à recomposer en permanence, poreuse et mouvante, inévitablement barrée par des obstacles imposés, comme le montre l’installation Tactiques de guerre : un ensemble de barres d’équitation marquées par les conseils guerriers d’un stratège chinois du V siècle avant J-C, Sun Zi, dont l’incroyable beauté plastique contraste avec l’acuité machiavélique des préceptes exposés.

Chacune des œuvres de mounir fatmi, comme chacune de ses expositions personnelles dans lesquelles il s’implique toujours énormément, est alors une invitation faite au visiteur, destinée à lui permettre un espace de liberté de pensée. A l’inverse de propositions insidieusement directives, malheureusement trop fréquentes, les projets de mounir fatmi posent toujours le visiteur comme un partenaire, libre de déconstruire et reconstruire lui-même ses modèles. Ils tendent alors à être chaque fois ce que Jean-Christophe Royoux a appelé des « moments d’approfondissement de la démocratie » qui visent à libérer la parole de celui qui y prend part.

 

Pierre-Olivier Rollin, septembre 2008.

 

Ramonet Ignacio, Géopolitique du chaos, Paris, Folio, 1999. Esterházy Péter, Voyage au bout des seize mètres, Paris, Christian Bourgois Editeur, 2007. De surcroît, mounir fatmi aime, comme moi, le football, comme en atteste le texte de Nicole Brenez sur le site de l’artiste www.mounirfatmi.com Ardenne Paul, « mounir fatmi, être perplexe ou ne pas être », in mounir fatmi. Têtes dures, Amsterdam, Rijksakademie van beeldende kunsten, 2008. fatmi mounir, « Prétexte », in Next Flag, Zurich, Migrosmuseum, 2004. Next Flag était un projet international d’art contemporain d’Afrique, initié par Fernando Alvim et Simon Njami, dont le premier chapitre eut lieu au B.P.S.22, en Belgique, en 2003. Chapter I, New York (Lombard-Freid Projects) ; Chapter II, Thiers (Le Creux de l’Enfer), Chapter III, Bruxelles (Biennial of Brussel). Les trois chapitres seront ensuite présentés au Frac Alsace, à Sélestat. Smith Roberta, « Mounir Fatmi», The New York Times, novembre 2007. Dans le folklore estudiantin belge, les étudiants d’architecture se démarquent des autres en portant un casque de chantier. Frédéric Bouglé, Glossaire de l'exposition de mounir fatmi « Fuck Architects : chapter II », Thiers, Le Creux de l’enfer, 2008. On se souviendra de l’interdit frappant la télévision, et partant la vidéo, par le régime Taliban en Afghanistan, et son corollaire inévitable, le commerce clandestin de cassettes vidéos, puis de DVD. Réponse à Frédéric Bouglé, carton d’invitation de l’exposition du Creux de l’Enfer. Hardt Michael et Negri Toni, « Multitude : guerre et démocratie à l’époque de l’Empire. Bonnes feuilles », in Multitudes, n°18, Automne 2004. Dans le catalogue Next Flag. Cette notion d’approfondissement de la démocratie a d’ailleurs nourri la réflexion de l’institution dont j’ai la charge, le B.P.S.22, autour de la forme exposition. Cf. mon article « De tentoonstelling als verdiepingsmoment van de democratie », in Context K, #2, 2005.

 

mounir fatmi’s approach displays an irrepressible desire to evade any form of indoctrination—whether the time-honored theoretical regimentation so habitual in the diminutive world of art, or, and above all (because the artist is more interested in the world and its history than in art), the cultural, national, economic, religious and social indoctrination that his art relentlessly lays bare. A work of art cannot develop in isolation; it still requires diverse and prolific interactions which themselves create a dynamic frame of reference. Nevertheless, much like the artist himself, all mounir fatmi’s works are more a shifting construct than a rigid scheme, a continual process of creation rather than an obsessive repetition of the same illusory vision.

The fundamental changes that our world has undergone over the past 30 years or so (more or less my generation and that of mounir fatmi) have resulted in a new unstable world political order that Ignacio Ramonet calls the “geopolitics of chaos.” He describes this new order as an indefinable transformation of forms of power wrought by new conflicts and threats, destabilizing imbalances, massive technological development, the global interdependence of trade and other factors. In this new global context, the frames of reference devised by past societies, particularly those that nurtured the modernist myth, are now out of date, while the new models fluctuate wildly. Many authors, all illustrious and wise, have enthusiastically backed this assertion. However, I prefer to quote the writer Péter Esterházy, who summarized the situation with a remarkably intelligent and humorous metaphor about legendary Hungarian footballer Ferenc Puskas. “With the loss of Puskas,” he observes, “something has disappeared from the world, has become different, has changed, is no longer what it was, and will never be again…it was he who defined the world (I speak of the rectangle of the football pitch), the modern dream, instead of picking out the best from all that is on offer and defined by the world.” Although Esterházy himself is aware of the limits of his metaphor (he even proposes the antithesis; Puskas is the first postmodernist), it provides an excellent point of comparison with the work of mounir fatmi who also likes to take seriously things that are traditionally light-hearted, in order to destabilize all that claims to be serious.

mounir fatmi’s work is part of a constant process of deconstruction of certainties and unstable reconstructions. The artist therefore always refuses to submit to an established form; he has even dropped the upper case letters from his name and surname. He takes great care to distance himself from certainties and to be “always perplexed” about them, in the wise words of Paul Ardenne. There is no established form that he will accept without patiently deconstructing it, reconfiguring it as he wishes it to be, without ever ceasing to be aware of the limitations of his actions. In the current context, despite challenges to past frames of reference, previously dominant forms have been transformed or camouflaged in order to survive and continue.

 

Fuck Architects. Chapter III

mounir fatmi scrutinizes a wide array of forms and models that reflect both his daily concerns and existential questioning. The models may be those that fuel his exhibitions, those of the exhibition itself, those of the art biennials in which he regularly features, or even those in the official catalogue, as mounir fatmi announced in the catalogue for Next Flag. The exhibition triptych of Fuck Architects6 re-examines the artist’s questioning, this time of the authoritative figure of architect. Here he critically appraises architects, and hence the myriad functions of architecture, in the minutest detail. This flagrantly sacrilegious act earned him an old-style inquisitorial reprimand from the New York Times when the first chapter of his triptych was unveiled at New York’s Lombard-Freid Projects gallery in 2007.

Save Manhattan 03, a work created for Check List Luanda Pop, the first African entry in the 52nd Venice Biennial in 2007, already laid the foundations for this approach: around fifty loudspeakers reproduced the (explosive) sounds and (ghostly) visual landscape of this New York district prior to 11 September, 2001. From an arrogant monument designed to rule the world (World Trade Centre!), to the dusty ruin with which it has become directly associated, urban architecture is reduced to a now universal authoritarian symbol, with implications that reverberate around the world. From New York to Beijing, via Abu Dhabi, a new mythology of contemporary architecture is emerging that has not necessarily rid itself of the ideological fiefdom of the modernist period.

It is this new mythological form that comes under attack in the Fuck Architects exhibitions. For this, mounir fatmi resorts to a real guerrilla strategy that, in technical terms, employs an asymmetry of resources, in this case tempering the violence of his somewhat confrontational position. The artist makes use neither of videos, nor large-screen projections, nor costly 3D simulations, nor any other leading-edge technology; he deliberately keeps to the bare essentials: black on white wall paintings, wood sculptures, ready-made objects, co-axial cables, and above all, stacks of VHS video cassettes, that formerly providential medium which has now been rendered obsolete by the coming of the digital age.

 

The Ghetto is in Your Mind

The vast, three-part installation—Skyline, Ecran noir, Underneath—is a reconstruction of an imaginary urban landscape with architectural elements made from black VHS cassettes strewn about by miles of magnetic tape. Nearby, somewhere between geometric abstract painting (sometimes called “constructed”) and a topographical map, a layout plan of urban buildings is reproduced in black on a white wall, while a table sculpture provides a three-dimensional vision of the same architectural complex. Three modes of representation, three reconstructions of the same reality, are juxtaposed, confusing rather than clarifying the situation. Reduced to a black binary sign on a white background (Malevich and his supremacist ambitions are never far away), the architecture reveals its underlying authoritarian mythology.

Although these three representations formally radicalize the exhibition theme, Monuments, a series of site workers’ helmets nailed to the wall, bearing such names as Derrida, Foucault and Deleuze, crystallizes the issue. Used as protective headgear by the people employed on construction sites, including architects,8 the helmets, in this case bearing the names of “deconstruction” philosophers, invite reflection and remembrance of their works, as suggested by the title evoking the Latin word monumentum (from moneo “to recollect”). As constructions (this time intellectual), the works of these philosophers become the tools for a necessary de-construction, which must be kept constantly in mind if we are to escape from the authoritarian architectural projects that attempt to govern human thought on a daily basis .

Indeed, that is what it is all about: keeping an acute awareness, in which the rational combines with flights of folly, as subtly expressed in Tête dure: a vast mural that first attracted attention at the exhibition Traces du sacré, in Paris. A vast arabesque depicts the gyrus of the brain, within which six (Arab) numerals indicate the brain functions. At the same time, the serpentine line reproduces a sura from the Koran, inscribed in Arabic: “Do those who know resemble those who do not?” The question is left open, and mounir fatmi refuses to answer it, preferring each of us to find our very own detailed response.

Attempting to answer it is a tricky exercise in itself, as we find in Casse-tête pour un musulman modéré, a video installation in which a Rubik’s cube, manipulated by progressively more oil-slicked hands, formally evokes another authoritarian architecture: the Kaaba, the Arab word for any cubic construction. The most famous such construction, which stands in the centre of the Holy Mosque of Mecca, houses in its eastern corner the Black Stone—the point towards which all practicing Muslims turn when they pray. Discreetly, feeling his way, without ever ceasing to be perplexed, even in the face of the most sensitive questions, mounir fatmi builds his constructs and constructs his thoughts, using flexible, modular and transformable forms that never fail to respect everyone’s needs, as suggested by the organic spinal column painted on a wall.

The sinuous windings of the calligraphy in “Tête dure” directly contradict the cold rigidity of the videocassette sections with their precise and rigorous contours. This deliberate juxtaposition of two such seemingly different forms of communication (words and images), which, for the space of these exhibitions, share an amazingly similar ornamental concern, is at first disturbing. Frédéric Bouglé rightly said that “by banning images of the creatures of Allah and allowing neither painting nor sculpture, in a half-concealed manner the Muslim tradition has veered towards ornamentation. As William Burroughs observed in Morocco, in Arab calligraphy images are there but are concealed in writing.”Conversely video, while seen by certain fundamentalists as challenging the ban on figurative art, is nevertheless a form of coded writing that can only be decoded by a magnetic tape head.

The “poor” materials used by mounir fatmi for his sculptures, including an immense relief called Tête dure, also include the co-axial cables needed to broadcast TV images. One sculpture, Mondes parallèles, made out of dozens of these cables several meters long, joined at the start (or end) by adhesive tape and at the other end scattered in chaotic disarray, distils the consequences of the boom in what we now refer to as new information and communication technologies. Standing in contrast to the optimistic “global village” postulated by McLuhan in the 1960s, who believed TV screens to be “a window on the world,” are exiled communities, sealed off from everything that does not link them to an idealized motherland, which they know only from TV images. And the artist throws in a stark reminder that: “the ghetto is in your mind.”

 

Let the Viewer Comment

The author that has perhaps taken the most original approach to the anomalous normative situation referred to at the start of this review is the writer Edouard Glissant, with his concept of “Tout-Monde,” in other words the entire world in its current diversity and chaos, so intertwined that it has become impossible to predict or react. In this “Tout-monde,” which the author now deems unpredictable, we have two options: either we view the inevitable changes, including the disappearance of certainties and stable reference points, as a harrowing and destructuring loss; or we start to consider them as giving all individuals the freedom to forge singular, subjective, specific and plural identities that are valid only at a given point in time and space.

The first option will inevitably engender a state of insecurity where “the exception becomes the rule, and war a permanent condition.” The risk is a withdrawal into the nostalgic, even fanatical, celebration of old-style models, as advocated by certain authorities in a bid to maintain or increase their influence through cultural, nationalist, religious, or even economic and political references that hark back to the past. Here it is the authoritarian figure of the architect that mounir fatmi chooses to expose.

In contrast, the second option gives precedence to the need for critical thinking, leaving individuals the freedom (assuming they have the means) to make their own choices and to construct unstable models that may need to be regularly reviewed. Glissant subscribes to this positive dynamic, not hesitating to affirm that: “We must also become used to the idea that our identity will change profoundly through contact with others, as theirs will through contact with us, without either party losing their identity in a multicultural melting pot. These are difficult concepts to grasp and still more difficult to put into practice.”

Glissant paves the way for a dynamic understanding of mounir fatmi’s work. Indeed, it is this very option that the artist invites us to contemplate, this artist who sees himself as a “white man in West Africa and a potential terrorist in all Western airports.” It is the option of a personal construct that is constantly recreated, porous and mobile, inevitably barred by the obstacles placed in its way, as seen in the installation Tactiques de guerre: a set of horse-jumping bars inscribed with words of military advice from Sun Zi, a Chinese strategist who lived in the fifth century B.C., the incredible artistic beauty of which stands in stark contrast to the Machiavellian precepts portrayed.

Each of mounir fatmi’s works, like each of the personal exhibitions in which he is always heavily involved, is therefore an invitation to visitors, designed to provide them with a space in which to free their minds. Unlike some projects, which all too often take an insidiously directive approach, mounir fatmi always treats the visitor as a partner who is free to deconstruct and reconstruct his or her models. Each of his projects therefore tends to be what Jean-Christophe Royoux called “moments of democratic deepening” that are intended to elicit comments from those involved.

 

Pierre-Olivier Rollin, Fuck Architects, the fundamental changes

Translated by Andrea Broom.

 

1. Ramonet Ignacio, Géopolitique du chaos (Paris: Folio, 1999), p. 7 2. Esterházy Péter, Voyage au bout des seize mètres (Paris: Christian Bourgois Editeur, 2007, p. 146 Like me, mounir fatmi loves football, as Nicole Brenez comments on the artist’s website: www.mounirfatmi.com 4. Ardenne Paul, “mounir fatmi, être perplexe ou ne pas être”, in mounir fatmi. Têtes dures (Amsterdam: Rijksakademie van Beeldende Kunsten, 2008), p. 82 5. mounir fatmi, “Prétexte,” Next Flag, Zurich (Migrosmuseum, 2004) p. 166-169. Next Flag was an international contemporary art project initiated by Fernando Alvim and Simon Njami, the first chapter of which took place at B.P.S.22 exhibition centre, in Belgium, in 2003. 6. Chapter I, New York (Lombard-Freid Projects); Chapter II, Thiers (Le Creux de l’Enfer), Chapter III, Brussels (Brussels Biennial). Next the three chapters will be presented at Frac Alsace exhibition centre, Sélestat, France. 7. Smith Roberta, “Mounir Fatmi,” The New York Times (November 2007): mentioned in mounir fatmi, Response to Frédéric Bouglé, invitation to the exhibition “Creux de l’Enfer.” 8. In Belgian student folklore, architecture students mark themselves out from the rest by wearing a site helmet. 9. Frédéric Bouglé, Glossaire de l'exposition de mounir fatmi “Fuck Architects: chapter II” (Thiers: Le Creux de l’enfer, 2008) p. 1 10. This brings to mind the Taliban regime’s ban on television, and hence video, in Afghanistan, and its inevitable result, a black market in videos and then DVDs. 11. mounir fatmi, Response to Frédéric Bouglé, invitation to the exhibition “Creux de l’Enfer.” 12. Michael Hardt and Toni Negri, “Multitude: guerre et démocratie à l’époque de l’Empire. Bonnes feuilles,” Multitudes (Autumn 2004): p. 94. 13. In the catalogue Next Flag p. 167. 14. This concept of democratic deepening also informs the thinking of the institution that I head, the B.P.S.22 exhibition centre, concerning the exhibition form. See my article “De tentoonstelling als verdiepingsmoment van de democratie,” Context K (#2 2005): p. 88-95.