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09 Ma Zhong Yi - Not be myself, Paris, 2015 Interviews
 
  • Exhibition views from Walking on the light, CCC, Tours, 2014

To believe the elements you received when you’re born will be enough to understand the world is wrong. There are many other doors to open, so you need other tools to do that.


Ma Zhong Yi, 2015
 

Conversation réalisée pour Almanach SOLDES, ©Soldes - Art Kiosque, 2015
Conversation conducted for Almanach SOLDES, ©Soldes - Art Kiosque, 2015  

Propos recueillis par Ma Zhong Yi

mounir fatmi : Vous Ma Zhong Yi, vous êtes né en Chine où tout était écrit pour vous. Vous alliez avoir une certaine vie, selon un scénario donné... Et à un moment, vous avez dit non, je ne le jouerai pas comme ça. C’est comme pour les grands acteurs de cinéma : on leur donne une réplique dans un scénario. Marlon Brando dirait : «je ne joue pas comme ça, je vais jouer à ma manière.» Il sort alors du scénario et il crée un truc qui devient une scène culte. C’est au moment où on décide de sortir du scénario qui est écrit pour soi, que la question de «l’autre» apparaît. J’ai pris conscience de cela très petit, je me suis demandé : « qu’est-ce que je peux faire pour ne pas être moi-même.» Par exemple, mon frère n’aimait pas certains légumes et ça me fascinait, je ne comprenais pas pourquoi il ne les aimait pas alors que moi je mangeais de tout.??

Ma Zhong Yi : Justement, à propos de votre jeunesse, comment avez-vous réagi à ce scénario écrit pour vous ??
MF : Au Maroc, j’ai vécu jusqu’à mes quatre ans à Tanger, ensuite à Casablanca, puis à 17 ans je suis arrivé à Rome. C’est là que j’ai pu radicalement changer mon scénario. J’avais déjà un projet en tête, je voulais faire de la création, je voyais ce qui manquait au Maroc.  Je me demandais toujours pourquoi on ne changeait pas ceci ou cela, pourquoi on ne trouvait pas d’autres solutions. J’avais l’impression que les gens vivaient avec fatalité, comme s’ils obéissaient à un rôle… Il n’y avait personne dans le groupe qui proposait de changer les choses. La première chose, c’était qu’il fallait sortir du groupe. Vers l’âge de seize, dix-sept ans, quand je disais à mes amis d’enfance que je voulais faire le métier d’artiste, ils rigolaient et me disaient «mais tu te prends pour qui ?» Je ne percevais pas les murs qu’ils voyaient. On fait partie du grand scénario du monde, de son système économique, son éthique, sa religion. Mais là où l’humain devient, selon moi, plus intéressant qu’un animal évolué, c’est quand il crée lui-même ses propres scénarios. Lorsqu’une personne a dit «nous pouvons aller sur la lune», tout le monde lui a ri au nez et quelques années plus tard, aller sur la lune est devenu une réalité. ?Aujourd’hui ce qui nous semble irréel, ce sont les scénarios qui nous disent qu’on peut tous être «connectés». L’information qu’avant on cherchait et que l’on ne trouvait pas, eh bien, elle est désormais sur Internet. Mais le problème devient l’intégration de la machine : comment avoir tout ça dans la tête, comment avoir tout ça dans le corps ? C’est ça le changement ! Ces informations restent pour l’instant dans une espèce de nuage et on a peur de s’y connecter parce qu’on a peur de devenir des machines. Mais non, on va changer ; on a déjà changé.??

MZY : Pouvez-vous parler de votre passage de la peinture à ce grand terrain qu’est la sociologie ??
MF : J’ai commencé par faire de la peinture au Maroc, jusqu’au moment où j’ai eu le prix de la Biennale de la jeune peinture et je me suis posé cette question : pour qui est-ce que je fais cette peinture, où est le public? C’était pour la bourgeoisie marocaine qui voulait décorer ses salons avec des peintures d’un nouvel artiste. Il n’y avait pas de vrai public, parce que il n’y avait pas de musée, pas de champ culturel ni de plateforme où le public puisse regarder mon travail. J’ai alors décidé d’aller trouver le public, de « trouver l’autre ». Ma première idée a été d’effacer ma peinture. Je rencontrais un public, une personne, un ami ou une connaissance du quartier, et je lui montrais une peinture. Il devenait alors le témoin de cette peinture, mon propre public, et je lui disais qu’il serait le seul, le dernier à voir ma peinture et que bientôt la peinture serait effacée par des couches de blanc. La personne était alors associée à la peinture, peinte, vue, effacée. La peinture a disparu mais j’ai photographié la personne qui l’a vue et la peinture que les autres n’ont pas vue. J’ai créé cette rareté de voir. Si vous ne voyez pas, il faut vous demander pourquoi : c’est parce qu’il n’y a pas de champ culturel, parce que le ministère culturel ne sert à rien.

MZY : Vous provoquiez et composiez ce cheminement des questions aux réponses...?
MF : Exactement ! C’est là que j’ai cassé le scénario de « peindre et vendre » et que j’ai montré ma peinture à un vrai public. J’ai cherché à créer un autre scénario que celui, tout dessiné, d’un jeune peintre primé.??

MZY : Puis vous êtes arrivé en Europe. Qu’est-ce que ça vous a fait ??
MF : Ce que j’ai le plus remarqué, c’est la liberté d’expression… Avec le temps, j’ai compris que c’était relatif… J’ai même connu plusieurs problèmes de censure en France, mais je ne suis ni mort ni en prison. Dans certains pays, pour pas grand chose, j’aurais pu avoir de sérieux ennuis. Au Maroc, j’avais compris que pour faire le travail que je voulais, il me fallait un terrain prêt, mais je n’avais ni les moyens ni le temps de créer ce terrain. Je fonctionne comme un virus, j’ai besoin de rentrer dans un autre corps pour me développer. Le corps européen est facile à investir pour y développer quelque chose, et essayer de le changer de l’intérieur.

MZY : Et le marocain qui est en vous ? ?
MF : Bien sûr, il est toujours là, il fait partie de mes personnages. Je le dis toujours, moi je suis tout : marocain, arabe et européen,… donc je revendique tout ! Demain je peux exposer en tant qu’artiste chinois, et je serai heureux ! (Rires). C’est un autre personnage que je pourrais créer… J’ai de plus en plus envie de créer un personnage autre que moi, qui va créer d’autres œuvres, avoir d’autres noms, qui ne mourra pas. Je mourrai, mais cette «data», ce personnage virtuel répondra aux interviews. On est tous d’accord sur une chose, c’est la mort : on vit et à un moment donné on meurt, mais on aura notre avatar. Vous imaginez si maintenant on avait l’avatar de Duchamp ? Vous imaginez si Richard Mutt était créé virtuellement avec la conscience de Duchamp ? On va aujourd’hui de toute façon vers cette construction de l’autre. Elle peut encore choquer mais je pense que ce sont des choses qui peuvent arriver dans l’avenir…?La question de l’autre est aussi profondément liée à la littérature. Un écrivain qui n’arrive pas à créer des personnages n’est pas un écrivain. Dans tous les personnages qu’il crée il y a une partie de lui-même, et les lecteurs entrent dans cette dimension pendant la lecture… C’est ce qui est intéressant dans le projet de Salman Rushdie au sujet de Joseph Anton : c’est en créant Joseph Anton qu’il a créé cet autre qui lui a sauvé la vie. Joseph Anton n’existe pas, c’est un pseudonyme, le mélange d’Anton Tchekhov et Joseph Conrad, ses deux écrivains préférés. Ce personnage virtuel l’a aidé à continuer d’écrire, et finalement quand il a écrit son autobiographie, il l’a appelé Joseph Anton, qui est à la fois son histoire et celle de l’autre.??

MZY : Vous parlez par ailleurs de greffe culturelle, pouvez-vous développer cette notion? ?
MF : Croire que les éléments qu’on a reçus quand on est né nous suffiront pour comprendre le monde, est une fausse idée. Il y a bien d’autres portes à ouvrir et donc, il faut d’autres outils. J’ai été inspiré par William Burroughs et Brion Gysin. Brion Gysin, par exemple, est aussi quelqu’un qui s’est créé un autre personnage :  il était américain et il a vécu plus de dix ans à Tanger, il a commencé à faire de la calligraphie. Il était un des plus grands artistes du siècle ! Il n’a pas été reconnu à sa juste valeur mais c’était un artiste immense, il avait créé l’écriture automatique et travaillait avec Burroughs. Ces gens sont venus à Tanger, dans mon pays ! Ils ont laissé les États- Unis derrière eux, en créant une autre réalité. J’ai aussi rencontré Paul Bowles, qui parlait arabe mieux que mon père, même en dialecte ! Il fut le premier à traduire les livres de Mohammed Choukri, du dialecte arabe vers l’anglais.??

MZY : Ce sont des personnes qui ont fait un pas pour devenir autre ??
MF : Exactement ! Et moi je suis celui qui a fait le voyage en sens inverse. À Tanger il y avait Matisse, Delacroix, la Beat Generation… A un moment, c’était à nous de sortir, mais dans un contexte pas facile du tout... passeport, visa et tellement d’obstacles et tellement de murs... ?Il fallait être très fort mentalement, comme si tu sautais dans le vide. Tout le monde te voyait rentrer dans le mur et toi tu répondais : « Non, je passe ! »…??

MZY : Quand vous réalisez vos machines, vous nous montrez le danger ?
MF : Oui. Avec cette pièce qui s’appelle Le Paradoxe, on est vraiment dans cet espèce de paradoxe du langage : une machine qui tourne. Le langage que l’on n’arrive pas à comprendre et qu’on interprète mal devient dangereux. Plus on s’approche de cette machine, plus on s’approche du danger. Il faut alors un certain recul, un espace nécessaire pour voir cette pièce-là… C’est ce que je trouve intéressant dans ces sculptures : elles sont de vrais pièges et dangereuses, à pleine vitesse elles peuvent couper un bras !?

MZY : Une vraie scie circulaire ! Vous avez un projet intitulé «Les autres c’est les autres» où vous abordez, frontalement cette fois-ci, la question de l’autre. Pouvez-vous ?en parler ? Et comment vous situez-vous en définissant l’autre?
MF : Je lisais le livre L’arbre à dire de Mohammed Dib, dans lequel il parle d’une conférence sur le thème de l’autre où étaient présents plusieurs philosophes dont Derrida. À un moment Mohammed Dib s’est levé et a posé cette question : «Le monde est plein d’étrangers, qui sont les autres?» Les philosophes ont trouvé des jeux de mots pour y répondre délicatement sans donner de vraie réponse. En lisant cela, j’ai senti que cette question n’était pas à poser aux philosophes mais aux voisins, dans la rue. J’ai donc commencé un micro-trottoir, j’ai fait un travail de journaliste et réalisé une vidéo. J’arrêtais les gens : «S’il vous plaît, bonjour, etc... Le monde est plein d’étrangers, qui sont les autres ?» On me répondait très souvent « Tout le monde est autre » ou « L’autre, c’est moi ». Cela veut dire, soit qu’on fait passer tout le monde pour l’autre, soit que l’autre n’existe pas. On n’arrive pas à construire une pensée autour de ça. Cette personne qu’on appelle l’autre, on ne la connaît pas. Ce pourrait être juste une personne que vous rencontrez dans le métro, tout comme il est possible de vivre avec quelqu’un qu’on ne connaît pas… Moi je ne connais pas mon père, il n’y a pas eu assez de partage entre nous. Cette relation a fait que je ne peux pas dire que dans cette vie j’ai connu mon père. Il est donc un autre pour moi. Alors j’essaie de faire le contraire avec mon fils… C’est la question de l’autre. Quand tu t’y intéresses sérieusement, il est possible d’avoir l’impression d’être passé à côté. C’est aussi cette question qui te mène à la rencontre d’autres scénarios. Beaucoup de jeunes le font, ils jouent à des jeux vidéos, ils rentrent dans des scénarios virtuels, c’est le début d’un avatar. On pourrait un jour réellement créer cet autre, tout ce qui a été imaginé par l’homme se réalisera un jour, et ce sera cet autre qui nous changera. Déjà quand tu fais un enfant, tu crées une réalité qui change ton scénario, et même le monde. L’arrivée de mon fils a déjà complètement changé l’architecture de mon appartement !

MZY : Dans votre projet «Les autres c’est les autres», que deviennent ces micros-trottoirs ? Une collection ?
MF : J’ai fait en tout dix-neuf vidéos, l’idée était d’en faire un livre. Le livre n’est qu’une archive, ce qui m’intéresse le plus, ce serait de faire un site internet sur cette question de l’autre, d’avoir une continuité. On a un début de cela (http://theothersaretheothers.tumblr.com/), avec pas mal de gens qui répondent… Mais l’idée est de créer un personnage en 3D, qui peut discuter dans toutes les langues et en utilisant un certain algorithme, il échangerait avec les pensées de personnes présentes. Ce personnage deviendrait en quelque sorte le portrait robot de l’autre.

 

Interview by Ma Zhong Yi

mounir fatmi: You, Ma Zhong Yi, were born in China where everything was written in advance for you. You were going to have a pre-determined life following a specific script… But at some point, you said no, I won’t go down that road. It’s like for great movie actors: they are given a line in the scenario. Marlon Brando would say: “I won’t play it like this, I’ll do it my own way.” So he strays from the script and creates something that becomes a cult scene. It’s in that moment where you decide to stray from the script that has been written for you that the question of “the other” emerges. I became aware of this as a young child, I wondered: “what can I do in order to not be myself?” For example, my brother didn’t like certain vegetables and that fascinated me, I didn’t understand why he didn’t like them whereas I ate everything.

Ma Zhong Yi: Precisely, regarding your childhood, how did you react to the script that was written for you?

M.F.: In Morocco, I lived in Tangiers until the age of four, and then in Casablanca. Then when I was 17 I went to Rome. That’s where I was able to radically change my script. I already had a project in mind: I wanted to create things, I could see what was missing in Morocco. I was always wondering why we didn’t change this or that, why we didn’t look for alternatives. I felt like people had a sense of inevitability, as if they were obeying a role… There wasn’t anyone in the group who proposed to change things. So the first thing to do was to get out of the group. When I was sixteen or seventeen, when I told my friends that I wanted to become an artist, they would laugh and say “who do you think you are?” I didn’t see the walls they saw. We’re all part of the great scenario of the world, its economic system, its ethics, its religion. The point where humans become, in my opinion, more interesting than evolved animals is when they create their own scenarios. When someone said “we can go to the moon”, everyone laughed at him, and a few years later, going to the moon became a reality. Today, what seems unrealistic to us are scenarios that tell us we can all be “connected”. The information you used to look for without finding it, it’s on the Internet now. But the problem now becomes the integration of the machine: how can we have all that in our heads, in our bodies? That’s the real change! This information remains in some sort of cloud for now, and we’re afraid of being connected to it because we’re afraid of becoming machines. But no, we’re going to change: we’ve already changed.

M.Z.Y.: Can you tell us about shifting from painting to the broad subject that is sociology?

M.F.: I started painting in Morocco until I received the award from the Biennale of young painters and I asked myself: for whom am I painting, where is the audience? It was for the Moroccan bourgeoisie who wanted to decorate their living rooms with paintings by a new artist. There was no real audience because there were no museums, no cultural space, no platform where the public could see my work. So I decided to go and find the public, to “find the artist”. My first idea was to erase my paintings. I would meet an audience, a person, a friend or acquaintance from my neighborhood and show them a painting. That person then became a witness to that painting, my own audience, and I would tell them they would be the only one, the last person to see that painting and that soon it would be erased with layers of white paint. The person was then associated with the painting that was painted, seen and erased. The painting disappeared but I photographed the person who saw it and the painting other people didn’t see, and created that rarity of seeing. If you don’t see, you need to ask yourself why: it’s because there is no cultural platform, because the Ministry of Culture is useless.

M.Z.Y.: You were producing the exchange of questions and answers…?

M.F.: Exactly! That’s when I broke the scenario of “painting and selling” and showed my painting to a real audience. I tried to create another scenario than the pre-determined script of a young successful painter.

M.Z.Y.: And then you came to Europe. What did that do to you?

M.F.: What I noticed the most was the freedom of speech… With time, I understood it was relative. I even encountered several problems with censorship in France, but I’m not dead nor in jail. In some countries, I could have gotten in serious trouble for not much. In Morocco, I had understood that in order to do the work I wanted to do, I needed a terrain that was ready, but I didn’t have the time or the money to create that terrain. I operate like a virus: I need to penetrate another body so I can thrive. The European body is easy to invest in order to develop something and try to change it from the inside.

M.Z.Y.: What about the Moroccan in you?

M.F.: He’s still there of course, he’s one of my characters. I always say that I’m everything: Moroccan, Arab and European… I claim them all! Tomorrow I may exhibit as a Chinese artist and I’d be happy about that! (laughs) It’s another persona I could create… Increasingly, I want to create another character than myself who will create other works, have other names, who won’t die. I will die, but that bunch of data, that virtual persona will answer interviews. We all agree on one thing, death: you live and then at some point you die, but we will each have our avatar. Can you imagine if we had Duchamp’s avatar today? Imagine if Richard Mutt was virtually created with Duchamp’s conscience? We’re going towards that construction of the other today anyway. It can still seem shocking, but I think these are things that can happen in the future… The question of the other is also deeply connected to literature. A writer who cannot create characters is no writer. In every character he creates, there is a part of himself, and the readers enter that dimension as they read… It’s what’s interesting about the Salman Rushdie project on Joseph Anton: it’s by creating Joseph Anton that he created that ‘other’ who saved his life. Joseph Anton doesn’t exist, it’s a pseudonym, a mix of Anton Chekhov and Joseph Conrad, his two favorite writers. This virtual character helped him to continue writing, and ultimately when he wrote his autobiography, he called it Joseph Anton, which is both his story and that of the other.

M.Z.Y.: You also talk about cultural grafting, can you elaborate about this notion?

M.F.: To believe the elements you received when you’re born will be enough to understand the world is wrong. There are many other doors to open, so you need other tools to do that. I was inspired by William Burroughs and Brion Gysin. Brion Gysin for example is also someone who created another character for himself: he was American and lived in Tangiers for more than ten years, he started to do calligraphy. He was one of the greatest artists of the century! He wasn’t recognized for what he was worth, but he was a tremendous artist, he invented automatic writing and worked with Burroughs. These people came to Tangiers, in my country! They left the United States behind and created another reality. I also met Paul Bowles, who spoke Arabic better than my father, even in dialect! He was the first person to translate Mohammed Choukri’s books, from Arab dialect to English.

M.Z.Y.: These are people who took a step to become someone else.

M.F.: Exactly! And I did the reverse journey. In Tangiers, there was Matisse, Delacroix, the Beat Generation… At one point it was up to us to get out, but in a context that wasn’t easy: passport, visa, so many obstacles, so many walls… You had to be mentally very strong, as if you were jumping off a cliff. Everyone saw you heading into a wall and you would answer: “no, I’ll make it through!”

M.Z.Y.: When you create your machines, you’re showing us the danger?

M.F.: Yes. With this piece called The Paradox, you’re really in this kind of paradox of language: a machine that spins. Language you aren’t able to understand and that you interpret poorly can become dangerous. The closer you get to the machine, the closer you get to danger. You need to take a step back and have enough space to see that piece… It’s what I find interesting with these sculptures: they are real traps, and dangerous; at full speed, they could cut off an arm!

M.Z.Y.: A real circular saw! You have a project entitled “The others are the others” where you address, frontally this time, the question of the other. Can you tell us about it? And what is your definition of ‘the other’?

M.F.: I was reading the book “L’arbre à dire” by Mohammed Dib, in which he talks about a conference on the subject of ‘the other’ with several philosophers, among which Derrida. At one point, Mohammed Dib stood up and asked: “The world is full of strangers, who are the others?” The philosophers resorted to plays on words to reply politely without really answering the question. When I read this, I thought this wasn’t a question to ask philosophers but neighbors, people in the streets. So I started interviewing people, I did a journalist’s work and made a video. I would stop people in the street: “Excuse me, hi, etc… The world is full of strangers, who are the others?” People would often answer: “Everyone is another” or “The other is me”. Which means that either you make everyone another, or the other doesn’t exist. You cannot constuct a thought around that. That person you call another, you don’t know them. It could just be someone you meet in the subway, but it’s also possible to live with someone you don’t know… I don’t know my father, we didn’t share enough things. The nature of our relation means that I cannot say that during my life I got to know my father. Therefore he is another to me. So I try to do the contrary with my son… That’s the question of the other. When you take serious interest in it, you can feel like you’ve missed the point. It’s that same question that also leads you to encounter other scenarios. Lots of young people do it, they play video games, they enter virtual scenarios, it’s the beginning of an avatar. We could one day really create that other, everything man has imagined will come true one day, and it will be this other that will change us. When you have a child, you already create a reality that changes your script, and even the world. The arrival of my son completely changed the architecture of my apartment, for one thing!

M.Z.Y.: In your project “The others are the others”, what happened to those street interviews? Did you make a collection?

M.F.: I made a total if nineteen videos, and the idea was to make a book out of them. The book is just an archive, what interests me the most would be to create a website on the subject of the other, to create continuity. We’ve started something like that (http://theothersaretheothers.tumblr.com/), with quite a few people who answered… But the idea is to create a 3D character that can speak every language and with a certain algorithm, it could exchange with the thoughts of the people who are there. This character would in a way become like a police sketch of the other.