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08 R. Durand & B. Polla - The Trap, Paris, 2014 Interviews
 


The only way to deconstruct illusion is to work on the brain, with the brain, where illusions are created.


Régis Durand & Barbara Polla, 2014
 

Conversation réalisée pour The Kissing Precise, livre d'artiste publié par Les Editions La Muette - Au Bord de l'Eau, Bruxelles, 2014.

Conversation conducted for The Kissing Precise, artist book published by Les Editions La Muette - Au Bord de l'Eau, Brussels, 2014.  

Propos recueillis par Barbara Polla

Un samedi après midi à Paris nous nous retrouvons tous les trois dans un lieu caché au cœur du Marais, le cercle et le baiser en tête. Et nous écoutons mounir fatmi nous livrer quelques secrets sur le langage, l’architecture et la machine – les trois entités de la trinité fatmi – et essayons de comprendre comment mounir en est arrivé à utiliser le théorème de Descartes.

mounir fatmi – Ce qui m’intéresse, c’est que les gens voyagent. Voyagent dans mes œuvres. Moi je voyage pour les créer… et c’est en voyageant, dans le temps, dans les livres, sur le net, que j’ai rencontré le Théorème de Descartes. Je faisais des recherches sur le cercle, parce que le cercle est le début de la machine, le cercle et ses intersections, et c’est ainsi que j’ai découvert ce théorème, et ses développements par Frederick Soddy… Les cercles peuvent se toucher de manière poétique ou de manière violente, et cette dualité m’intéresse, comme m’intéresse la machine qui est l’un des éléments essentiels de mon travail avec le langage et l’architecture. Le cercle concentre toutes les recherches que j’ai faites en dessin, en sculpture et en vidéo, avant même Les Temps modernes ou Technologia et leurs calligraphies circulaires.

Barbara Polla – Le cercle, celui que tu dessines, donc ?

mounir fatmi – Non, pas seulement le cercle que je puis dessiner. Le cercle est en moi, il est une sorte de machine qui tourne et m’oblige à tourner avec elle. Se perdre dans le sophisme, tourner comme les derviches tourneurs, tourner jusqu’à se perdre. J’ai toujours en tête les images de la foule qui tourne autour de la Kaaba de la Mecque jusqu’à épuisement : souvent il y a des accidents, parce que la foule ne s’arrête pas et ceux qui tombent de fatigue sont piétinés par cette machine humaine. Tourner autour de la Kaaba, autour de ce cube qui représente la maison de dieu, transforme les pèlerins en cercles vivants. Le cercle alors n’est plus un concept, mais une réalité concrète dans l’espace comme dans le temps.

Régis Durand – Mais pourquoi, et comment, dans tes images, les « Casablanca Circles » fais-tu soudain apparaître la présence de ces cercles, de ces notations géométriques et algébriques, pourquoi, et comment, se crée cette juxtaposition entre la présence iconique du baiser, l’image très référencée des acteurs et l’abstraction pure ?

mounir fatmi – La juxtaposition me permet de placer les différents éléments de mon équation esthétique sur plusieurs niveaux. Plus l’équation est complexe plus elle est belle. L’esthétique d’une équation mathématique est un langage, une manière d’écrire, d’ailleurs les mathématiciens parlent volontiers de l’élégance d’une équation ou, parfois, de sa laideur. Sur l’image première de Casablanca, sur cette image romantique du baiser qui, grâce au jeu des acteurs, de l’éclairage et du cadrage, satisfait pleinement notre besoin de romanesque, je superpose des symboles et des cercles qui captent le regard, qui choquent peut-être, mais qui dans tous les cas poussent le spectateur à faire un effort, à voyager au-delà de l’image et à en chercher le sens. Je procède souvent de manière similaire : par exemple dans les pièces faites avec des câbles d’antennes, on est devant un élément très concret, qui est un élément de communication, de transmission d’images – mais quand les câbles sont présentés blancs sur blanc, il faut aller la chercher, cette image que je montre et que je dissimule tout à la fois, il faut voyager dans ce blanc pour en trouver le sens.

RD – On retrouve de telles superpositions dans plusieurs de tes travaux récents, notamment dans les photographies de la série « Blinding Light » et s’il n’y a pas, là, de notations algébriques, les superpositions exigent le même travail du spectateur : ce qu’il faut voir n’est pas donné.

mf – Ce qu’il faut voir dans une œuvre n’est jamais donné : l’image, toujours, recèle bien plus qu’elle ne révèle. C’est pour cela que les images nous émerveillent, qu’il s’agisse d’un film hollywoodien du siècle dernier ou d’une peinture du quatorzième siècle. Dans la série « Blinding Light » (une série de photographies inspirées d’un tableau de Fra Angelico et réalisées par superpositions multiples), on est à la fois dans la Renaissance et dans l’hypermodernité et, du fait de ces superpositions de temps, de l’apparition de la technologie, de l’anesthésie aussi dans un monde qui était celui du miracle de la foi, les personnages deviennent des fantômes. Ce décalage contraint le spectateur à faire des allers-retours constants entre les deux temps proposés.

RD – Est-ce que le processus de travail, pour ces superpositions, se fait dans un sens donné ?

mf – Oui, je travaille dans un sens précis. Je commence par l’image existante, la peinture dans le cas de « Blinding Light », le still du film dans le cas des « Casablanca Circles » : je superpose sur quelque chose qui existe déjà, tout en conservant les détails essentiels de l’image originelle. Pour les « Casablanca Circles », j’ai commencé par étudier, par intégrer complètement les images, en particulier celles où le baiser n’est pas réalisé, afin de comprendre parfaitement comment les cercles allaient réagir sur les stills. De fait, la tension était la plus forte aux moments où les bouches des acteurs ne se touchaient pas. Ces moments-là étaient plus réalistes, plus chargés de tension, de désir, plus dynamiques que le baiser lui-même, qui était, lui, très calculé, au millimètre près, par le réalisateur.

BP – Mais pourquoi, pourquoi encore ce baiser-là, ce baiser impossible, cette histoire qui ne se termine pas par un « happy end », pourquoi Casablanca ? mounir, toi si profondément romantique, pourquoi choisir cet impossible baiser? Et pourquoi le noir et blanc ?

RD – Sans oublier que le romantisme historique est fondamentalement ironique, et que l’échec, le ratage, quelque forme qu’ils prennent, sont inhérents au romantisme…

mf – Ma position romantique reste toujours ambiguë et en réalité, je me vois moi-même comme un produit que la machine a raté… mais pour en revenir à Casablanca, ce baiser impossible, ces superpositions aussi, ne pouvaient s’appliquer qu’à Casablanca. Casablanca, c’est une histoire impossible, ce n’est pas une histoire d’amour, ou en tous cas elle nous parle d’autre chose aussi : de politique, de migration, et sur ce fond si complexe, c’est une histoire qui ne fonctionne pas. C’est cela mon romantisme.

Il y a le film et il y a la ville : Casablanca est une fiction si tant est que la ville – chaque ville – est une fiction, l’architecture elle-même est une fiction, cela a un début et une fin, et il y a tout cet imaginaire, toutes ces histoires autres, ajoutées, projetées, superposées au film. Casablanca la ville et Casablanca le film partagent certes le même imaginaire, projeté, superposé au film, alors qu’aucune image du film n’a été tournée au Maroc et que les rôles des personnages marocains ont été joués par des acteurs italiens ou noirs américains et que la plupart des Marocains ont oublié Casablanca, voire n’en ont jamais entendu parler. Reste alors cette seule question : « Se sont-ils embrassés, ou non ? » Car cela pourrait bien ne pas être, ne pas avoir eu lieu… Mais finalement, la ville, le langage, l’architecture, tout s’emboîte à l’intérieur et à l’intersection des cercles qui tiennent l’ensemble et, une fois encore, on a l’impression qu’il y a quelque chose à décoder. C’est là le jeu même du langage, son enjeu : il faut lire entre les lignes, entre les cercles. Cette nécessité de lire entre les lignes se retrouve dans beaucoup de mes œuvres, dans le noir et le blanc, dans l’encre et la feuille. Avec le noir et le blanc on est à nouveau dans le langage, et les pièces, les expositions même, deviennent une écriture : le blanc me renvoie à Malevitch dont je me sens si proche alors que le noir occupe l’espace et fonctionne comme un piège.

RD – J’aimerais revenir encore au processus. Car il y a quelque chose de paradoxal dans les « Casablanca Circles » : une tension très forte entre les affects et ce qui leur fait obstacle, entre la passion amoureuse et la force de l’impératif éthique – et puis en parallèle on a l’effacement, ou le semi-effacement de ces concepts qui donne à l’ensemble un caractère très énigmatique. Quoi de plus spontané qu’un baiser ? Mais ici, il est contraint et partiellement occulté par ce qui le recouvre. Il me semble que le processus même du travail est essentiel ici.

mf – Oui, bien sûr, le processus est important car mon travail passe constamment du langage au cercle, du cercle à la machine, de la machine à l’architecture. Et il y a cette menace, toujours, de l’impossibilité du rapport au langage ; c’est ce dont je parle notamment dans L’Histoire n’est pas à moi. Car si le langage m’échappe, l’Histoire elle aussi m’échappe. La religion est également une préoccupation constante, qui s’inscrit dans l’histoire, dans l’architecture, et représente en elle-même une machine obsolète, une équation non résolue. Le processus est ce passage constant entre le langage et l’image ; entre le signe du langage et le signifié de l’image.

Le processus – le piège ? – est encore celui de la forme. Donner une forme esthétique qui émane du langage, une forme forte mais pleine de doute, qui laisse la place au voyage du spectateur, à son interprétation, en même temps qu’elle le contraint au voyage et à l’interprétation. Le processus, c’est aussi le temps, qui, dans mon cas, est souvent très long. J’avais dix-sept ans quand j’ai vu Casablanca. Et je me demande aujourd’hui pourquoi l’évidence de ce projet ne m’est pas apparue plus tôt. C’était pourtant tellement évident… mais j’ai dû rencontrer Descartes pour que finalement tout se mette en place. C’est comme un virus lent : pendant très longtemps, pendant la phase d’incubation, je suis comme dans le flou. Je souffre, je ne maîtrise rien, mais le processus créatif, aussi fragile fût-il, est en route – une fragilité qui me rappelle celle de l’architecture – fragile car nous sommes tous limités par nos civilisations parallèles qui ne se croisent que rarement… Mon travail parle de cela aussi, de ces possibles et bienheureux croisements. La création est parfois une souffrance, mais une souffrance toujours indispensable.

RD – Il faut à la création le temps qu’il lui faut. C’est vrai que quand on a finalement les conclusions sous les yeux on se demande comment on ne les a pas vues avant. Cette logique du temps s’applique d’ailleurs à toutes les transformations, celles du langage, de tes cercles de calligraphie qui déjà s’associent à d’autres cercles et appellent déjà d’autres transformations, d’autres voyages, d’autres regards.

mf – D’autres regards et d’autres perceptions : car l’œuvre elle-même, est toujours en mutation. Avec les changements de médiums, elle devient autre chose, et notre perception change : une manière de voir se perd et vient à être remplacée par une autre, comme quand on est sorti de l’image analogique, des cassettes VHS, des câbles d’antennes, de tous ces supports d’images qui deviennent archives, pour aller vers les connexions sans fil, virtuelles, Wi-fi. La mémoire, alors, fidèle et trompeuse à la fois, nous sert de matière à créer.

BP – La mémoire est très présente en effet, dans ces travaux photographiques, Casablanca, Fra Angelico… Ta mémoire qui devient la nôtre.

mf – En effet, la peinture de Fra Angelico, … , est imprimée dans ma mémoire. Et ce qui est fascinant c’est qu’il me semble que j’étais le seul à voir la jambe noire, les gens qui regardaient le tableau me parlaient de perspective, d’esthétique… moi c’est la jambe noire, la Jambe noire de l’Ange qui a creusé les sillons de la mémoire dans mon cerveau. Dans le film Casablanca, il y a cela aussi : l’absence même d’une image réelle de la ville de Casablanca. Comme vous le savez, le film n’a pas été tourné au Maroc, mais dans les studios d’Hollywood et tout est faux, du marché au minaret de la mosquée. Et pourtant, l’effet mémoriel est tel que les touristes américains, les Français et même certains Marocains cherchent encore à Casablanca le fameux Rick’s Café et les ombres de Bogart et Bergman. En regardant ce film image par image, en regardant le baiser advenir, on comprend comment chaque geste, chaque regard, procède de la séduction et de la dissimulation tout à la fois. L’image devient langage, le langage devient image, le langage du corps devient mémoire. Là encore, il s’agit de lire entre les lignes, ou mieux encore, entre les images.

BP – Parle nous encore, de la forme, de l’esthétique, du noir et du blanc et de la couleur, de comment tu procèdes pour arriver à tes fins…

mf – Je cherche continuellement des solutions qui me permettent de mettre en place mes idées, mes désirs. Ainsi, alors que le noir et blanc domine dans mes œuvres les plus récentes, la couleur n’est jamais loin, celle que l’on trouvait, notamment, sur mes « Obstacles ». Sur les photos des « Casblanca Circles » j’ai ainsi, de même, expérimenté la couleur, afin de mieux séparer les cercles, afin de faire ressortir les parties tangentes, afin de mieux comprendre moi-même les superpositions et les intersections que j’étais en train de mettre en place. Le rouge, le jaune, le vert, m’ont servi à « découper » les surfaces, à révéler les cohérences, à renforcer le piège. Pour mieux comprendre le fonctionnement des images, j’utilise aussi, souvent, des miroirs pour analyser les reflets de mes propres œuvres.

La couleur est très présente dans la série dite des « Tapis de mon père ». Je découpe des tapis de prière musulmane et les réassemble différemment pour créer des compositions, des labyrinthes incompréhensibles. J’ai aussi recouvert des skateboards avec des fragments de tapis de prière, notamment dans l’installation Maximum sensation. J’extrais ainsi le tapis de sa sacralité : d’objet sacré il devient artefact. Mais je l’introduis alors dans une autre sacralité, puisque je l’inscris dans l’art. J’ai réalisé la première œuvre de cette série en 1998, avec le tapis de prière de mon propre père : sur son tapis j’ai peint la mire de la télévision. Une autre transformation de l’espace religieux en espace de création, de spectacle et d’illusion. Je puis créer ! Créer un spectacle, une illusion, un théâtre du monde. Un piège ?

RD – Les gens n’arrêtent pas d’être sous le coup de l’illusion. L’illusion est sur-puissante… Quels sont les éléments, alors, qui permettent de déconstruire l’illusion ?

mf – La seule manière de déconstruire l’illusion est de travailler sur le cerveau, avec le cerveau, là où se construisent les illusions. Le cerveau est le berceau de nos désirs, de nos peurs, de nos croyances, de nos interprétations et de nos projections. Je m’attaque constamment à mon propre cerveau, si je puis dire, en le saturant au maximum de connexions improbables jusqu’à provoquer l’accident qui conduira à la genèse d’une œuvre. Puis je me confronte au cerveau des spectateurs en les poussant à faire l’effort de concentration nécessaire qui leur permettra d’extraire par eux-mêmes les sens caché de mes propositions. La déconstruction de l’illusion semble aller de pair avec la construction d’autres illusions. Dans la performance Glaçons d’eau bénite, que je viens de réaliser au Palais de Tokyo, je souligne à nouveau cette question de l’illusion, en proposant au public des cocktails dans lesquels je mélange le spirituel et le spiritueux : des glaçons d’eau bénite dans de l’alcool... Le film Sleep Al Naim, hommage à Salman Rushdie, inspiré de Warhol, montre Salman Rushdie qui dort. Tout le film est fait d’images de synthèse. Six heures d’illusion pure. Alors, pour déconstruire cette illusion en parallèle à sa réalisation, j’ai introduit ma propre respiration dans le film : l’illusion ultime. J’anime Salman Rushdie. Le « shooting » du film – « shooter », tirer et tuer – ici a donné vie. J’ai joué à être dieu, dans un certain sens, en introduisant dans son sommeil virtuel ma propre respiration, réelle.

Dans l’équation de chaque œuvre que je réalise je travaille à la charge esthétique. Une charge qui est aussi un piège, le piège esthétique. Et mon plus grand plaisir, c’est que le public tombe dans ce piège, qu’il y reste pris et ne puisse plus jamais en sortir.

BP – le langage, l’architecture, la machine ; la photographie, la religion, l’illusion ; la mémoire, l’enfance, l’amour… mounir, tu as aimé Casablanca, le film, depuis l’adolescence la plus tendre ; tu as aimé Casablanca, la ville de tes jeunes années. Tu as rencontré Descartes, Soddy et le baiser. Et tu as réuni ces éléments de manière tangente, toujours : tangente entre le noir et le blanc, entre le dit et le non-dit, entre l’écriture et l’image, entre 1942 et 2014, entre la passion et les impératifs de l’existence, entre la beauté et le danger, entre le cercle et la ligne. Ta ligne, et le cercle universel. Et le piège de la séduction

 

As recorded by Barbara Polla

One Saturday afternoon the three of us met up in a place tucked away in the Marais quarter of Paris, with thoughts of circles and kisses. There mounir shared some of his personal insights into language, architecture and machines – the trinity that underpins his work – and explained to Régis and me how he came to use Descartes' theorem.

mounir fatmi – What interests me is that people should travel. Travel in my works. I travel in order to create them, and it was by travelling, in books, on the web, that I came across Descartes' Theorem. I was doing research into the circle, because the circle is the beginning of the machine, the circle and its intersections, and that's how I discovered this theorem and its development by Frederick Soddy... Circles can touch each other in a poetic or a violent way, and this duality interests me, just as I am interested by the machine, which is one of the essential elements of my work with language and architecture. The circle concentrates all the experiments I have done with drawing, sculpture and video, even before Les Temps modernes and Technologia and their circular calligraphies.

Barbara Polla – You mean, circles that you draw?

mounir fatmi – No, not only circles that I can draw. The circle is in me, it is a kind of machine, rotating and forcing me to spin with it. Getting lost in sophisms, spinning like dervishes, spinning until you're giddy and lost. I always picture the crowd moving round the Kaaba in Mecca, until they're exhausted. Often there are accidents, because the crowd never stops and anyone who drops with fatigue are trampled by that human machine. Going round and round the Kaaba, around that cube which represents the house of god, transforms pilgrims into living circles. Here the circle is not a concept but a concrete reality in space and time.

Régis Durand – But why and how, in your images, in the "Casablanca Circles" do you suddenly make these circles, these geometrical and algebraic notations, appear – why and how is there this juxtaposition between the iconic kiss, the extremely known image of the actors and pure abstraction?

mounir fatmi – The juxtaposition allows me to place the different elements of my aesthetic equation on several levels. The more complex the equation, the more beautiful it is. The aesthetic of a mathematical equation is a language, a way of writing, indeed, mathematicians often speak in terms of the elegance of an equation or, sometimes, its ugliness. On the primary image from Casablanca, on this romantic image of the kiss which, thanks to the actors, the lighting and the framing, fully satisfies our desire for romance, I superimpose symbols and circles that hold the gaze, that shock, perhaps, but that in any case impel the viewer to make an effort, to travel beyond the image and to look for its meaning. I often go about things that way. For example, in the pieces made with aerial cables you've got something very concrete, equipment for communication, for transmitting images, but when the wiring is shown white on white, you have to go looking for this image which I both show and hide. You have to travel into the white to find its meaning.

RD – These kinds of superimpositions can be found in several of your recent works, notably in the photographs of the "Blinding Light" series, and while in that case there may not be any algebraic notations, the superposition does require the same kind of work from the viewer: what is there to be seen is not simply given.

mf – What has to be seen in the work is never given: the image always contains more than it reveals. That is why we marvel at images, whether a Hollywood film from last century or a fourteenth-century/Qattrocento painting. In "Blinding Light" (a series of photographs inspired by a Fra Angelico painting, made in multiple layers), we are both in the Renaissance and in hyper-modernity because of the layering of times, the appearance of technology, of anaesthetics, too, in a world of miracles and faith. The people become ghosts. This discrepancy means that the viewer is constantly having to move back and forth between the two time frames presented.

RD – Does the working process, where these superpositions are concerned, go in a specific direction?

mf – Yes, I work in a specific direction. I start with the existing image, the painting in the case of "Blinding Light", the film still in the case of the "Casablanca Circles": I superimpose over something that already exists, while preserving the essential details of the original image.
For the "Casablanca Circles" I began by studying and completely absorbing the images, especially the ones before the kiss is made, in order to understand exactly how the circles were going to react on the stills. In fact, the tension was strongest at the moments when actors' mouths were not touching. Those moments were more realist, more filled with tension, with desire, more dynamic than the kiss itself, which itself was very much calculated, to the nearest inch, by the director.

BP – But why, why again that particular kiss, that impossible kiss, that story that does not have a happy ending? Why Casablanca? mounir? You who are so deeply romantic, why choose that impossible kiss? And why black and white?

RD – Not forgetting the fact that historically romanticism is fundamentally ironic, and that failure, the abortive, in whatever form, are inherent in romanticism...

mf – My romantic position is always ambiguous. In fact, I see myself as a product that came out wrong from the machine. But, to come back to Casablanca, that impossible kiss, those superimpositions, couldn't apply to anything but Casablanca. Casablanca is an impossible story, it's not a love story, or at least it speaks to us of something else, too: about politics, about migration and, against this very complex background, it is a story that doesn't work. That is my romanticism.

There is the film and there is the city. Casablanca is a fiction insofar as a city, any city, is a fiction. Architecture itself is a fiction, it has a beginning and an end, and there is this whole imaginary, all these other stories that are added, projected and superimposed over the film. Casablanca the city and Casablanca the film certainly share the same imaginary. The city is projected, superimposed onto the film, even though not a single image of it was shot in Morocco and the roles of Moroccans were played by Italian or Black American actors and most Moroccans have forgotten Casablanca, or have never even heard of it. So that leaves this one question: "Did they kiss, or not?" For it could not exist, not have taken place. But in the end, the city, the language, the architecture – everything interlocks inside and at the intersection of the circles that enclose the ensemble and, once again, we have the impression that there is something to decode. That is what language does, what is at stake in language: you have to read between the lines, between the circles. This need to read between the lines can be found in many of my works, in the black and white, in the ink and the sheet. With black and white we are again in language and the pieces, the exhibitions themselves become a form of writing: white refers me to Malevich, to whom I feel so close, whereas the black occupies the space and functions like a trap.

RD – I'd like to come back to the process. For there is something paradoxical about the "Casablanca Circles": a very powerful tension between the affects and what obstructs them, between amorous passion and the power of the ethical imperative – and then, in parallel, you have the obliteration, or semi-obliteration of the concepts which gives the ensemble a very enigmatic quality. What could be more spontaneous than a kiss? But here it is constrained and partially hidden by what covers it. It seems to me that the very process of the work is essential here.

mf – Yes, of course the process is important because my work is going constantly from language to circle, from circle to machine, and from machine to architecture. And there is this threat, always, of the impossibility of the relation to language. That's what I'm talking about, notably, in L'Histoire n'est pas à moi. For if language escapes, then so does history. Religion is another constant concern, which is part of history, of architecture, and in itself represents an obsolete machine, an unresolved equation. The process is that constant passage between language and image, between the sign of language and the signified of the image.

The process – the trap? – is also that of form. Giving an aesthetic form to what emanates from language, a form that is powerful but full of doubt, which leaves the viewer room to travel, to interpret, while at the same time making this effort of travel, of interpretation, something necessary. The process is also time, which in my case is often very long. I was seventeen when I saw Casablanca, and today I ask myself why this project didn't come to me earlier. It was so obvious, after all. But I had to get to know Descartes for all that ultimately to fall into place. It's like a slow virus: for a long time, during the incubation phase, everything is hazy. I suffer, I'm not in control of anything, but the creative process is in motion, however fragile – its fragility reminds me of architecture. It is fragile, because we are all limited by our parallel civilisations which come together only rarely. My work is also about that, about these possible, fortunate crossovers. Creating sometimes means suffering, but that suffering is always essential.

RD – Creation takes time, and there's no way round it. True, when you at last have the conclusions there before you, you wonder how you could have failed to see them before. In fact, this logic of time applies to all transformations, to those of language, to your calligraphic circles which, already, combine with other circles and always induce other transformations, other journeys, other gazes.

mf – Other gazes and other perceptions: the work itself is in a state of constant mutation. With changes of medium it becomes something else, and our perception changes: one way of seeing is lost and replaced by another, like when we abandoned analogue, VHS tapes, aerial cables, all those supports for images which become archives, to move towards virtual, wireless connections, wi-fi. Memory, which is at once faithful and deceptive, provides a material for creating with.

BP – Memory is indeed very present in your photographic work., Casablanca, Fra Angelico... your memory becomes ours.

mf – It's true that the Fra Angelico painting is engraved in my memory, and the fascinating thing is that I have the feeling I was the only person to see the black leg. People who looked at the painting spoke to me about perceptive, aesthetics, but what imprinted itself into my memory was the black leg, the Black Leg of the Angel. There's the same thing in the film Casablanca, the absence of a real image of the city of Casablanca. As you know, the film wasn't shot in Morocco but in the studios of Hollywood, where everything is false, from the market to the minaret of the mosque. And yet such is the effect on memory that American and French tourists, and even some Moroccans, still try to find the famous Rick's Café in Casablanca, and the shades of Bogart and Bergman. Watching the film image by image, watching the kiss occur, you can understand how each action, each look, involves both seduction and dissimulation. The image becomes language, language becomes image, body language becomes memory. There too, you have to read between the lines – or, better, between images.

BP – Could you tell us more about form, aesthetics, about black and white and colour, about how you go about getting what you're after?

mf – I am constantly looking for solutions that will enable me to put in place my ideas, my desires. For example, although black-and-white dominate in my most recent works, colour is never far away – the colour that is found, notably, in my "Obstacles". In the "Casablanca Circles" photos, similarly, I experimented with colour, the better to separate the circles, to bring out the tangential parts, so that I myself could better understand the superpositions and intersections I was setting up. Red, yellow, and green helped me to "cut up" the surfaces, to reveal coherence, to better spring the trap. In order to better understand the working of the images, often I also use mirrors to analyse the reflections of my own works.

Colour is very prominent in the "Tapis de mon père" series. I cut out Muslim prayer mats and reassemble them in different ways to create compositions, incomprehensible labyrinths. I have also covered skateboards with fragments of prayer mats, notably in the installation Maximum sensation. The rug is thus removed from its sacrality; instead of a sacred object, it becomes an artefact. But at the same time I introduce it into another sacrality, because I am making it into art. I made the first work in this series in 1998, with my father's own prayer rug. On his rug I painted the television test card. Another transformation of religious space into the space of art, spectacle and illusion. I can create! Create a spectacle, an illusion, a theatre of the world. A trap?

RD – People are constantly falling for illusions. Illusion is super-powerful. What can we use to deconstruct illusion?

mf – The only way to deconstruct illusion is to work on the brain, with the brain, where illusions are created. The brain is the cradle of our desires, of our fears, of our beliefs, of our interpretations and our projections. I am constantly working at my own brain, so to speak, by saturating it with unlikely connections until I provoke the accident that will lead to the genesis of an artwork. Then I confront the brains of viewers, by pushing them to make the necessary effort and concentrate so as to be able to extract the hidden meanings of my proposals. The deconstruction of illusion seems to go hand in hand with the construction of other illusions. In the performance Glaçons d'eau bénite, which I have just made at the Palais de Tokyo, I again emphasise this question of illusion, by offering visitors cocktails in which I mix the spiritual with the spirituous: ice cubes made of holy water floating in alcohol. The film Sleep Al Naim, a homage to Salman Rushdie inspired by Warhol, shows Salman Rushdie sleeping. The whole film is made with computer images. Six hours of pure illusion. So, in order to deconstruct this illusion while creating it, I introduced my own breathing into the film: the ultimate illusion. I animate Salman Rushdie. The shooting of the film (in both senses of the word) gives life. I played at god, in a sense, by introducing my own, real breathing into his virtual sleep.
In the equation of every work I make I concentrate on its aesthetic impact. This charge is also a trap, an aesthetic trap. And my greatest pleasure is that the public should fall into this trap, that they should be caught up in it and never come out of it.

BP – language, architecture, the machine; photography, religion, illusion ; memory, childhood, love... mounir, you have loved Casablanca, the film, since your earliest teenage years; you have loved Casablanca, the city of your youth. You have encountered Descartes, Soddy and the kiss. And you have brought these elements together in a tangential way, between black and white, between spoken and unspoken, between writing and image, between 1942 and 2014, between passion and the imperatives of existence, between beauty and danger, between circle and line. Your line, and the universal circle. And the trap of seduction.