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06 Evelyne Toussaint - mounir fatmi's Cogito, Ibos 2006 Critics
 


mounir fatmi rebelled from his early childhood against an oppressive family, social and cultural environment, hostile against his requests for explanations


Evelyne Toussaint, 2006
 

Tête dure/ Le Cogito de mounir fatmi, 2006

Hard Head/ mounir fatmi's Cogito, 2006  

Peint à même la paroi du mur, un calligramme noir, dont les entrelacs de courbes et contre-courbes enserrent les chiffres de 1 à 6, s'inscrit en place de cerveau dans le dessin d'un crâne dont le profil est tracé à la peinture noire sur un fond blanc. En dessous figure la libre traduction d'un fragment du verset du Coran en partie calligraphié dans cette Tête dure de Mounir Fatmi : Est-ce qu'ils se ressemblent, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ?

 

Une topographie des représentations

À la manière de l'ancienne phrénologie, les chiffres arabes de Tête dure pourraient désigner, ainsi claustrés dans cet étrange cerveau-écriture, les lieux du désir, de la peur, de l'espoir, de la haine ou de la mélancolie, ou bien les sites régissant la mémoire et la créativité, activant la foi ou l'athéisme, la compassion ou la misanthropie, l'envie de vivre ou celle de préférer ne pas. Ainsi, au tout début du XIXème siècle, Franz Josef Gall s'employait-il à spatialiser l'esprit, localiser dans le cerveau ce qui commande la foi autant que la parole et la marche, à lier le savoir et la croyance à l'anatomie. Après Descartes, qui affirmait déjà que c'est par la glande pinéale que l'âme se trouve unie à toutes les parties du corps , Gall avait répertorié le "centre de l'esprit métaphysique", identifiant la place du spirituel dans le corporel. De la phrénologie et de la physiognomonie, on connaît les dérives triviales (la bosse des maths et celle du commerce) ou abjectes (l'eugénisme et les pires dérives génocidaires). Àcet éclairage, Tête dure donnerait brutalement à voir la cartographie du conditionnement des cerveaux, la topographie de l'endoctrinement idéologique mis en place de Vérité par les totalitarismes de tous bords. Il appartient aujourd'hui à la neuroscience d'observer les cellules et les fibres nerveuses, leurs signaux électriques et chimiques, de comprendre l'architecture des réseaux de neurones, pour "formuler en termes nouveaux le problème de la physiologie de la pensée et de la vérité" explique Jean-Pierre Changeux . Ce neurobiologiste évoque Platon et Aristote, Kant, Bachelard, Descartes, Condorcet, Bergson ou Lévi-Strauss, mettant en lien l'histoire des idées philosophiques et l'histoire des sciences, précisant qu'aujourd'hui le fonctionnement du cerveau est observé "sans aucune référence à une quelconque métaphysique spiritualiste" , afin de mettre au jour les mécanismes physiologiques de construction de toutes nos représentations du monde, en observant le fonctionnement du réseau neuronal selon un mode de connaissances "universel et objectif" à large distance des "mythologies religieuses" . En cela la science, après Copernic et Darwin, s'attaque aux fausses croyances.

L'histoire des idées – sciences et philosophie confondues – se constitue en effet d'un flux continu de certitudes se succédant et se destituant, avec quelques heureuses émergences de doutes salvateurs occasionnant parfois, trop rarement en fait, l'abandon de fausses évidences. "Où passe la ligne de démarcation entre 'croyances' et 'vérités établies', entre opinion et connaissance scientifique ?" s'interroge Jean-Pierre Changeux . Il s'agit bien, et cela fait en partie l'objet de la peinture polysémique de Mounir Fatmi, d'une question de légitimation.

 

Vérité et légitimité

Dans La condition postmoderne, Jean-François Lyotard analyse les conditions de légitimation des savoirs . Le savoir scientifique, écrit-il, "n'est pas tout le savoir, il a toujours été (…) en conflit avec une autre sorte de savoir, que nous appellerons pour simplifier narratif" . Le philosophe rappelle qu'en Occident, depuis Platon, "le droit de décider de ce qui est vrai n'est pas indépendant du droit de décider de ce qui est juste", la légitimation de la science étant ainsi adossée à celle de la loi . Il constate aussi le nouage du savoir et du politique à partir de la question : "Qui décide ce qu'est savoir ?". L'exigence méthodologique des scientifiques l'emportant sur l'absence de validation rationnelle de la pensée religieuse par la vérification et la falsification au sens de Popper est mise en échec par les lacunes de la connaissance rationnelle – par exemple l'origine de la conscience, dont on ne sait encore rien –, confortant les religions dans leur discours donnant à croire sinon à penser. Il n'est que de constater la résurgence actuelle des théories créationnistes aux Etats-Unis contre l'évolutionnisme darwinien pour confirmer l'actualité du débat. Lyotard constate que le savoir narratif considère le discours scientifique "comme une variété dans la famille des cultures narratives" alors que le savoir de la science dénonce sans concessions l'absence de preuve des énoncés narratifs relevant "de préjugés, d'ignorances, d'idéologies" . La science et la religion, l'une et l'autre en quête de sens, opposent d'une certaine manière "ceux qui savent" et "ceux qui ne savent pas", chacune se réclamant évidemment de faire partie des premiers . La religion, du moins si l'on retient l'étymologie de Tertullien, serait à même de relier (religare), de faire lien social. Il faut bien constater qu'elle rassemble, d'une certaine façon, ceux qui se ressemblent par leur même manière de se rassurer face à la peur de la mort et aux souffrances de la vie en adhérant à une même croyance. Par là même, d'ailleurs, elle sépare les fidèles des infidèles, les adeptes des exclus, forgeant une appartenance identitaire (juive, catholique, musulmane, etc.) à même de justifier les crimes de l'Inquisition, des Croisades, des guerres de religion ou des fatw? meurtrières, de prôner l'extermination de ceux "qui ne savent pas" afin que l'emporte sur tous les autres le Dieu le plus Dieu. Il lui faudra pour cela entretenir la peur et la haine, et bien entendu condamner la science dès lors qu'elle se risque à contredire le dogme. Comme le montre l’histoire, le respect des droits de la personne est loin d'être inhérent à pensée religieuse. Jean-François Lyotard constate, lorsqu'il écrit La condition postmoderne, qu'il n'est plus opportun d'opposer l'idée d'une société formant un tout organique et fonctionnel, visant à l'optimisation des performances et à ce qu'Horkheimer appelait "la paranoïa de la raison" , à une autre conception optant pour la représentation d'une société divisée, le choix d'une théorie critique et du principe de contestation . Dès lors, le modèle adéquat serait celui "d'une atomisation du social en souples réseaux de jeux de langage" en acceptant le principe "de la pluralité de systèmes formels et axiomatiques" . Cependant, face à la montée des fondamentalismes à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui, à ce qu'il faut bien regarder comme un retour du religieux confirmant, comme l'avait entrevu Freud, "l'avenir d'une illusion" , force est de constater qu'il y a des grains de sables dans les rouages des jeux de langage dont la mobilité se trouve sérieusement entravée par la tentation d'un retour violent à quelque vérité unitaire et totalisante prônant la légitimation de la terreur et l'exclusion des individualités contestataires. Alors que la science est largement menacée de subordination aux systèmes économiques du fait de ses propres besoins de financement et des formidables enjeux – en matière de pouvoir et non évidemment de vérité – que représentent les retombées financières de ses applications, science et croyance, sous forme de scientisme pour l'une et d'obscurantisme pour l'autre, sont ainsi toutes deux menacées de devenir dogme. Il est donc opportun, avec Amin Maalouf, de rappeler qu'aucune doctrine "n'est, par elle-même, nécessairement libératrice", que "toutes ont du sang sur les mains, le communisme, le libéralisme, le nationalisme, chacune des grandes religions, et même la laïcité" . Le savoir scientifique comme le savoir narratif ne sont finalement légitimés qu'autant qu'ils peuvent, pour reprendre une formulation de Jean-François Lyotard qui s'actualise dans les expérimentations de certains artistes actuels, "permettre à la moralité de devenir réalité" .

 

Des identités meurtrières aux identités plurielles

Avec cette peinture murale minimaliste et radicale, Mounir Fatmi décolle jusqu'à l'os les strates de quelques unes des représentations qui constituent nos identités occidentales ou orientales, profanes ou religieuses. S'il existe une spécificité de l'art critique actuel, ce n'est assurément pas d'être "chrétien", ou "musulman", ou "juif", pas plus qu'africain ou occidental, ou de quelque appartenance identitaire dont l'Art s'est depuis longtemps prévalu. Ce n'est pas non plus de croire que la démarche artistique est identique à la démarche scientifique car il serait aisé de démontrer que le parallèle est peu pertinent. Ce qui pourrait vraiment être la marque de la postmodernité artistique, c'est une certaine capacité à observer les vérités en tant que représentations, en tant que jeux de langage commandant une organisation sociale, politique et religieuse. C'est la singularité de ce que l'on pourrait définir comme "un discours de l'artiste", celui de Mounir Fatmi et de quelques uns de ses pairs, que d'être à une place de déconstruction permanente où toute certitude est susceptible d'être remise en question. Il y a urgence, pour l’artiste critique comme pour tout intellectuel, à ne pas laisser la propagande remplacer l'analyse critique, à ne pas laisser asservir la pensée au religieux ou à l'économique, à mettre au jour les surdéterminations religieuses, économiques, esthétiques ou langagières, afin de refuser certaines formes de soumission, et notamment celles qui relèvent des intégrismes et de l'intolérance en général. Dans ce lieu enfin conquis où l'art a perdu sa majuscule pour gagner en multiplicité et en mobilité, en éthique aussi, l’enjeu est bien de laisser place aux possibilités de transformation, aux rencontres et aux métissages, à la mémoire et à la création. Il s'agit de quitter ces "identités meurtrières" que dénonce Amin Maalouf, pour des identités plurielles. Il faudra peut être enfin s'essayer à accepter d'être mortels, et mettre à l'épreuve la conviction volontariste que la finitude annoncée n'empêche en rien de penser, d'aimer et de créer. Ce projet confère à la fonction critique de l'art, pour fragile qu'elle soit, toute sa légitimité, car, pour citer à nouveau Amin Maalouf, "Personne n'a le monopole du fanatisme et personne n'a, à l'inverse, le monopole de l'humain" . En conclusion à L'Homme de vérité, Jean-Pierre Changeux en appelle à un savoir scientifique qui "favorisera la tolérance et le respect mutuel" et permettra – c'est aux propos d'un penseur "philosophiquement agnostique", Paul Ricœur , qu'il fait ici référence – d'atteindre "la vie bonne, avec et pour les autres, au sein d'institutions justes" . Certaines fonctions de l'art peuvent aussi agir dans ce sens.

 

Un cogito postmoderne

Par la présence picturale de ce verset du Coran aux allures de koan, le Verbe est ici en place du néant dans un crâne ouvert, comme il se doit pour un squelette, mais dont la transparence se trouve quelque peu encombrée par cette curieuse anamorphose de l'absence. Vus ainsi c'est un fait, une fois mort, ils se ressemblent, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, et d'ailleurs ce qu'ils ont su ou pas, cru ou pas, importe peu, pour autant que l'on en puisse voir et qui atteste désormais de leur inexistence. Tête dure, où se mêlent les codes visuels de deux traditions monothéistes, le dessin et l'écriture, l'analogique et le symbolique, avec ce crâne quelque peu sarcastique, dont on ignore l'identité, que l'on sait seulement ici habité par une parole arabe, propose une version contemporaine, sans moralisme ni injonction de carpe diem, du thème des vanités. Qui parle ? Dieu ? La Mort ? Mounir Fatmi ? Celui-ci, commentant son travail, s'approprie en la détournant la formule de conversion "Il n'y a pas d'autre divinité que Dieu, et Muhammad est le messager de Dieu" pour préférer penser qu'"Il n'y a de Dieu que Dieu" . Le concept de Dieu se conçoit dès lors comme une tautologie dont, en l'absence de métalangage, on ne peut rien savoir et qu'il serait enfin temps de taire, avec quelques autres sujets de perplexités philosophiques, l'idée d'être par exemple, celle d'âme immortelle, ou d'origine du monde, comme le suggère Ludwig Wittgenstein . Tête dure, interrogeant les conditions de sujet, de réalité et de représentation, prend "la légitimité comme référent du jeu interrogatif" , selon un dispositif qui fait style dans le travail de Mounir Fatmi, à la manière des conteurs qui ne revendiquent pas quelque autorité sur les récits qu’il transmettent, mais, pour mieux interroger l'ordre auquel ces derniers appartiennent, privilégient le déplacement, la décontextualisation. Ici, pourtant, ce crâne anonyme en place de narrateur confère à l'artiste la place de sujet de la narration. Né en 1970 à Tanger, au Maroc, Mounir Fatmi s'est révolté, dès sa petite enfance, contre un environnement familial, social et culturel oppressif, hostile à sa demande d'explications (pourquoi la circoncision, pourquoi les femmes voilées… ?), à son désir de liberté et son besoin de débats d'idées. Critiquer l'idéologie en vigueur, refuser l'assujettissement et revendiquer la parité entre père et fils, hommes et femmes, dirigeants et administrés, s'inscrit donc dans un cheminement intellectuel, traduisant des options philosophiques et politiques, mais relève avant tout d'une nécessité fondamentale en lien avec la vie de l'artiste. À l’origine, il y a un conflit, une souffrance, la rébellion à un père autoritaire refusant tout dialogue, dont les énoncés furent uniquement prescriptifs (Tu te soumettras au grand récit de la loi coranique), et évaluatifs (Tu n'es pas celui que je veux que tu sois) . En 1993, alors qu'il reçoit le premier prix de la troisième rencontre de la jeune peinture marocaine, Mounir Fatmi se déclare "symboliquement mort" dans une interview au journal L'opinion . Cette parole, instaurant son exil vers la France, ponctue sa décision de quitter les conditionnements familiaux, intellectuels, religieux, politiques et esthétiques de son pays d'origine pour échapper aux mécanismes de renforcement et de perpétuation d'un système insupportable, ancré, comme Pierre Bourdieu l'a mis en évidence en Afrique du Nord et ailleurs , sur la domination masculine. Il faut à un artiste, comme à chacun, vivre avec son histoire puisque le langage qui nous précède et nous constitue, qui nous fait conscients d'être mortels, perpétuellement séparés et parfois solidaires, qui influe sur notre identité sexuelle et nos désirs, véhiculant aussi bien le savoir que la croyance, la science que la foi, marque nos corps et nos pensées. Cogito, ergo sum, constate Descartes dans son Discours de la méthode, que Jean-François Lyotard qualifie de "roman de formation" . Avec l'obstination de ceux dont on dit, justement, qu'ils ont la "tête dure", et qui croient davantage aux jeux de langage qu'aux grands récits, Mounir Fatmi invente un Cogito postmoderne : "Je pense, donc je continue" . La production artistique ne se réduit plus, dès lors, à être objet de jouissance ou de sublimation, mais, critique et poétique, devient processus de résistance en même temps que création de soi pour le regardeur, qu'il soit artiste ou spectateur.

Tête dure/Le Cogito de Mounir Fatmi. 

Evelyne Toussaint, septembre 2006.

Maître de conférences en histoire de l'art contemporain, Université de Pau et des Pays de l'Adour.

 

1 Il s'agit d'un extrait du verset 9 de la Sourate Az-zoumar : "(…) Sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? (…)", librement interprété par Mounir Fatmi.

2 Franz Josef Gall (1758-1828) dressa une cartographie des protubérances du crâne humain, associant chacune à des dispositions particulières. Le terme "phrénologie" a été forgé par son disciple G. Spurzheim (1776-1832). Les travaux de Gall avaient été précédés par ceux de Johann Kaspar Lavater, qui avait localisé dans son Essai sur la Physiognomonie les parties du crâne régissant la vie spirituelle et intellectuelle. René Descartes. Passions de l'âme. Paris : Hatier Boivin, 1955, Article XXXI, p. 21 Jean-Pierre Changeux. L'Homme de vérité. Paris : Odile Jacob, 2004, p. 11 Idem, p. 48 Idem, p. 299 et p. 326.

3 Idem, p. 8

4 Jean-François Lyotard. La condition postmoderne. Paris : Les Editions de Minuit, 1979

5 Idem, p. 18

6 Idem, p. 20

7 Jean-Pierre Changeux constate que le problème de l'origine de la conscience reste entier et "constitue l'un des défis scientifiques majeurs de notre temps". Op. Cit. p. 101

8 Idem, p. 48. L'auteur fustige alors – et sa position sur la question est encore assez isolée – "l'impérialisme culturel depuis les débuts de l'Occident".

9 On pourrait se souvenir par exemple de la position autoritaire de Jung, affirmant "je ne crois pas, je sais" (Jung parle), tandis que Freud regrette que son disciple-dissident "rêve les yeux ouverts".

10 M Horkheimer. Eclipse de la raison, Payot, 1974, p. 191, cité par Jean-François Lyotard, op. cit. p. 27

11 Jean-François Lyotard. Op. cit. p. 29

12 Idem, p. 34 et p. 72

13 Sigmund Freud. L'avenir d'une illusion. Paris : PUF, 1995

14 Amin Maalouf. Les Identités meurtrières. Paris : Grasset, 1998, p. 62

15 Jean-François Lyotard. La condition postmoderne, op. cit., p. 60

16 Amin Maalouf. Les Identités meurtrières. Op. cit., p. 62

17 Paul Ricœur. La critique et la conviction. Paris : Calmann-Lévy, 1995, p. 227.

18 Jean-Pierre Changeux. L'Homme de vérité, op. cit., p. 368.

19 Mounir Fatmi. Entretien inédit Mounir Fatmi / Evelyne Toussaint, juillet 2006

20 Ludwig Wittgenstein.

21 Je sors ici de son contexte une phrase de Jean-François Lyotard. Idem, p. 43

22 Entretien inédit Mounir Fatmi / Evelyne Toussaint, août 2006

23 Voir, pour davantage d'informations : Evelyne Toussaint, Odile Biec, Nicole Brenez. Mounir Fatmi. Le Parvis, centre d'art contemporain / Centre d'art contemporain intercommunal, Istres / Un, Deux… Quatre Editions, 2005

24 Pierre Bourdieu. La domination masculine. Paris : Seuil, 1998, notamment p. 116

25 Jean-François Lyotard. La condition postmoderne. Op. cit., p. 51

26 Mounir Fatmi. Entretien inédit Mounir Fatmi / Evelyne Toussaint, juillet 2006

 

 

 

Painted on the wall, a black calligramme. The interlaced curves and countercurves encircle the numbers from 1 to 6 forming the brain inside a skull. The profile is drawn with black paint on a white background. Under his Hard Head, mounir fatmi has written the free translation of a Koran verse, partly in calligraphy: “Do those who know and those who don’t know resemble each other?”

 

Topography of representations

Just like in ancient phrenology, the Arabic ciphers in Hard Head, locked up in this strange brain/ writing, might depict zones of desire, fear, hope, hate or melancholy, the ones that control memory and creativity, or that activate faith or atheism, compassion or misanthrophy, the lust for life or the longing to die. At the very beginning of the 19th century, Franz Josef Gall 2 gave the human spirit a spatial division. He considered the brain to command faith, speech and the capacity to walk, linking this knowledge to his belief in anatomy. After Descartes, who already said that ”the soul is united to all the parts of the body by the pineal gland” 3, Gall identified the ”centre of the metaphysical spirit” as the place of the spiritual in the corporal. Phrenology and physiognomy have provided us trivial derivatives (the head for maths or commerce) or despicable ones (eugenics and the worst, the derivatives that justify genocides). In this context, Hard Head violently represents the conditioning of the brain, the topography of ideological indoctrination, imposed as the Truth by totalitarian regimes of all sides. Today the observation of the nervous cells and fibres, including their electrical and chemical signals, belongs to neuroscience. This science also tries to comprehend the architecture of the neurone networks in an attempt to formulate the physiology of thought and truth in new terms, says Jean-Pierre Changeux 4. This neurobiologist quotes Plato, Aristotle, Kant, Bachelard, Descartes, Condorcet, Bergson and Lévi-Strauss, making a connection between the history of philosophical ideas and that of science, stating that today, the functioning of the brain is studied ”without any reference to any spiritualist metaphysics” 5, in order to update the physiological construction mechanisms of all our representations of the world, observing the functioning of the neurone network following a ”universal and objective” knowledge mode, far away from any ”religious mythology” 6. In that aspect science, following Copernicus and Darwin, enters into combat against false beliefs.

The history of ideas – including sciences and philosophy – results from a continuous flow of certitudes that succeed and destitute each other. Luckily, now and then (in fact, not often enough) a saving doubt arises, causing man to give false evidences. ”Where is the dividing line between ’beliefs’ and ’established truths’, between opinion and scientific knowledge?” asks Jean-Pierre Changeux 7. It is indeed a question of legitimisation – and that is to a certain extent the object of mounir fatmi’s polysemic painting.

 

Truth and legitimacy

In La condition postmoderne, Jean-François Lyotard analyses the conditions that allow the legitimisation of knowledge 8. Scientific knowledge, he says, ”is not all knowledge; it has always been (…) in conflict with another kind of knowledge, that we will call ’narrative knowledge’ in order to simplify things” 9. The philosopher reminds us that in the West, since Plato, ”the right to decide what is true does not depend on the right to decide what is right“, and the legitimisation of science leans against that of law 10. He also concludes that there is a link between knowledge and politics based on the question ”Who decides what knowledge is?” The scientists’ demand for a methodological approach, that overcomes the absence of rational validation of religious thinking by the verification and falsification as Popper used these terms, is put to the test by the gaps of rational knowledge, e.g. the origin of conscience, which we don’t know anything about until today 11. This reinforces the religions in their discourse that invites us to believe, if not to think. It is enough to observe the current revival of Creationist theories in the USA against Darwin’s evolutionism to confirm the relevance of this debate today. Lyotard remarks that narrative knowledge considers the scientific discourse ”as a variety in the family of narrative cultures”, while the knowledge of science denounces without any concessions the absence of evidence in the narrative statements resulting from “prejudices, ignorance and ideologies” 12. In their search for meaning, science and religion oppose in a certain way ”those who know” and ”those who do not know”, and obviously both parties claim to be the first 13. Religion, at least if we consider Tertullien’s etymology, would be capable of linking together (religare), and establishing social links. We must admit that, in a sense, religion unites those who resemble each other because by adhering to the same belief, they follow the same way to reassure themselves with regard to their fear for death and the sufferings of life. At the same time, it divides the faithful from the unfaithful, the adepts from the excluded, creating a sense of belonging and identity (Jewish, Catholic, Muslim, etc.) justifying in some cases crimes like the ones committed during the Inquisition, the Crusades, the religious wars or the lethal fatw?. It advocates the extermination of those ”who do not know” to make ”the most God” of all Gods win from the others. In order to win this battle, fear and hatred are kept alive, and obviously science is condemned as soon as it threatens to contradict the dogmas. As history has shown, the respect of human rights is not at all inherent to religious thinking. When Jean-François Lyotard wrote La condition postmoderne, he stated that it is no longer appropriate to oppose the idea of a society forming an organic, functional entity, aimed at optimising the performances and what Horkheimer called ”the paranoia of reason” 14, to a different concept that represents a divided society, the choice of a critical theory and the principle of contestation 15. The appropriate model would be that of an ”atomisation of society into flexible networks of language games” accepting the principle of ”plurality of formal and axiomatic systems.” 16 Today, however, we are confronted with a rise of fundamentalism, which must be considered a return to the religious, confirming, as Freud said, ”the future of an illusion” 17. Considering this evolution, we cannot but conclude that there are sand grains in the wheels of those language games, seriously hindering its mobility by a violent return to a unitary, totalising truth that advocates the legitimisation of terror and exclusion of individuals who protest against those ideas. Science is largely threatened by subordination to the economic systems, due to its need for financing and the tremendous things that are at stake (in terms of power and, not evidently, of truth), represented by the financial impact of its applications. But science and belief – in the form of scientism for the first and obscurantism for the latter – are also both threatened to become dogmas. It is thus appropriate to remember, as Amin Maalouf says, that no doctrine is ”by itself necessarily liberating, that all doctrine have blood on their hands, including communism, liberalism, nationalism, all world religions, and even secularism”. 18 In the end, both scientific and narrative knowledge are only as legitimated as they can be, to use Jean-François Lyotard’s words. In a contemporary context, this is expressed in the experiment of certain artists: ”allow morality to become reality.”  

 

From killing identities to multiple identities

With this minimalist, radical mural painting, mounir fatmi skins certain representations that form our occidental or oriental/profane or religious identities. If there is something specific about contemporary critical art, then it is certainly not that it is ”Christian”, ”Muslim” or ”Jewish”, african or occidental, or belonging to some identity that Art has claimed for a long time. There is no reason to believe that the artistic evolution is identical to the scientific one, because it would be easy to show that the parallel is little relevant. But what could really be a feature of artistic post-modernity is a certain capacity to observe truths as representations or as language games that steer a social, political and religious organisation. It is the peculiarity of what we could define as ”the artist’s discourse” (that of mounir fatmi and some of his peers), of being at a place of constant deconstruction where all certitudes are susceptible of being questioned. For critical artists and for all intellectuals, propaganda must not replace critical analysis. Thought must not be subjugated to religious or economic factors. We have to update the religious, economic, aesthetic and linguistic over-determinations, in order to refuse certain forms of submission, and more precisely those that result from fundamentalism and intolerance in general. At this finally conquered place where art has lost its capital A becoming more massive and mobile, and also more ethic, the challenge is to leave room for the possibility of transformation, encounters and miscegenation, memory and creation. We have to give up those ”killing identities” that Amin Maalouf denounces, and strive for multiple identities instead. Finally, it may be necessary to have a go at accepting the fact that we are mortal, and put to the test on the voluntary conviction that the announced finiteness does not impede anyone from thinking, loving and creating. This project gives the critical function of art, how fragile it may be, all its legitimacy because, to quote Amin Maalouf again, ”Nobody has the monopoly on fanaticism and, conversely, nobody has the monopoly on the human”. 20. In his conclusion of L’Homme de vérité, Jean-Pierre Changeux appeals to a scientific knowledge that will ”benefit mutual tolerance and respect” and (referring to the words of a ”philosophically agnostic” thinker, Paul Ric?ur 21) that will allow us to live ”a good life, with and for the others, in just institutions” 22. Certain functions of art can also act in this sense.

 

A post-modern cogito

By the pictorial presence of this Koran verse with koan looks, the Verb takes the place of nothingness in an open skull (as skeletons are supposed to look like), although its transparency is a little cluttered up by the curious anamorphosis of absence. Seen this way, it is a fact: one they are dead, they all look alike – those who know and those who do not know, and besides, what they have either or not known or believed, it doesn’t really matter as far as we can see, showing their inexistence from now on. Hard Head, which combines the visual codes of two monotheistic traditions – drawing and writing, the analogical and the symbolical – with this somehow sarcastic skull that we ignore the identity of, that is the home to an Arabic word here, proposes a contemporary version of the theme of vanities without moralist or ”carpe diem” – like messages. Who is talking? God? Death? mounir fatmi? In a commentary on his work, the latter appropriates and twists the conversion formula ”There is no deity but God, and Mohammed is God’s messenger” and he prefers to think that ”There is no God but God” 23. The concept of God is thus understood as a tautology which, in absence of a meta-language, we don’t know anything about and which we should start to keep to ourselves, along with certain other subjects of philosophical perplexities, the idea of being, for example, or that of an immortal soul, or of the origin of the world, as Ludwig Wittgenstein suggests 24. Hard Head questions the conditions of subject, reality and representation. It takes ”legitimacy as a referent of the interrogative game” 25, following a mechanism that characterises mounir fatmi’s work. He does so in the way of the story-tellers who do not claim any property of the stories they pass on, but favour the displacement, the decontextualisation, because what counts are the stories themselves. Here, the anonymous skull in the narrator’s place gives the artist the place of the subject of narration. Born in Tangier (Morocco) in 1970, mounir fatmi rebelled from his early childhood against an oppressive family, social and cultural environment, hostile against his requests for explanations (What is circumcision for? Why do women have to wear a veil?), and his longing for freedom, and his need to discuss ideas. He criticised the prevailing ideology, refused to resign himself, and claimed equality between father and son, men and women, employers and employees. This attitude not only showed his option to follow an intellectual path, expressing his philosophical and political convictions, but resulted from a fundamental need, inspired by the artist’s personal life. At the origin there was a conflict, suffering, rebellion against an authoritarian father, who refused all dialogue, and whose words were either prescriptive (”You will submit yourself to the words of Koran”) or evaluative (”You are not the one that I want you to be”) 26. In 1993, when he won the third encounter of young Moroccan painting, mounir fatmi declared himself ’symbolically dead’ in an interview with the magazine L’opinion 27. These words, that meant his exile to France, reflect his decision to give up his family, intellectual, religious, political and aesthetical conditioning of his native country, to escape from the mechanisms of reinforcement and perpetuation of an unbearable system, as Pierre Bourdieu denounced in North Africa and elsewhere 28, referring to masculine domination. Just like any other person, artists have to live with their history. The language that precedes and forms us, that makes us conscious that we are mortal, perpetually separated and sometimes united, it has an influence on our sexual identity and our desires, conveying both knowledge and belief, science and faith, it leaves its marks on our bodies and thoughts. ”Cogito, ergo sum”, Descartes said in his Discours de la méthode, which Jean-François Lyotard described as an ”educational novel” 29. With the obstinacy of the ”hard-headed”, and of those who believe in language games, rather than in big narrations, mounir fatmi invented a post-modern Cogito: ”I think, so I continue” 30. Artistic production is thus no longer reduced to an object of pleasure or sublimation, but, critical and poetical, it becomes a process of resistance and self-creation for the person who is watching, whether he is an artist or a spectator.

Evelyne Toussaint, September 2006

Hard Head, mounir fatmi’s Cogito

”I think, so I continue” Evelyne Toussaint

 

01. This is a fragment from verse 9 of the Az-zoumar sura: ”(…) Are they equal, those who know and those who do not know ? (…)”, freely interpreted by mounir fatmi.

02. Franz Josef Gall (1758-1828) made a map of the excrescences of the human skull, associating each one of them with a particular place. The term ”phrenology” was introduced by his disciple G. Spurzheim (1776-1832). Gall’s work was preceded by that of Johann Kaspar Lavater, who had localised those parts of the skull that control spiritual and intellectual life in his Essay on Physiognomy.

03. René Descartes. Passions de l’âme. Paris: Hatier Boivin, 1955, Article XXXI, p.21

04. Jean-Pierre Changeux. L’Homme de vérité. Paris: Odile Jacob, 2004, p. 11

05. Idem, p. 48

06. Idem, p. 299 and p. 326.

07. Idem, p. 8

08. Jean-François Lyotard. La condition postmoderne. Paris : Les Editions de Minuit, 1979

09. Idem, p. 18

10. Idem, p. 20

11. Jean-Pierre Changeux remarks that the problem of the origin of conscience has still not been solved and ”is one of the major scientific challenges of our times”. Op. Cit. p. 101

12. Idem, p. 48. The author flays the ”cultural imperialism since the beginnings of Western history” (and his position on this matter is still quite isolated).

13. We could mention e.g. Jung’s authoritarian position when he said ”I do not believe, I know”, while Freud regretted that his dissident disciple ”dreamed with his eyes open”.

14. M Horkheimer. Eclipse de la raison. Payot, 1974, p. 191, quoted by Jean-François Lyotard. Op. cit. p. 27

15. Jean-François Lyotard. Op. cit. p. 29

16. Idem, p. 34 et p. 72

17. Sigmund Freud. L’avenir d’une illusion. Paris: PUF, 1995

18. Amin Maalouf. Les Identités meurtrières. Paris: Grasset, 1998, p. 62

19. Jean-François Lyotard. La condition postmoderne. Op. cit., p. 60

20. Amin Maalouf. Les Identités meurtrières. Op. cit., p. 62

21. Paul Ricœur. La critique et la conviction. Paris: Calmann-Lévy, 1995, p. 227.

22. Jean-Pierre Changeux. L’Homme de vérité. Op. cit., p. 368.

23. mounir fatmi. Unedited interview mounir fatmi / Evelyne Toussaint, July 2006

24. Ludwig Wittgenstein.

25. I have lifted a sentence by Jean-François Lyotard out of its context. Idem, p. 43

26. Unedited interview mounir fatmi / Evelyne Toussaint, August 2006

27. For more information, see: Evelyne Toussaint, Odile Biec, Nicole Brenez. Mounir Fatmi. Le Parvis, centre d’art contemporain / Centre d’art contemporain intercommunal, Istres / Un, Deux… Quatre Editions, 2005

28. Pierre Bourdieu. La domination masculine. Paris: Seuil, 1998, p. 116

29. Jean-François Lyotard. La condition postmoderne. Op. cit., p. 51

30. mounir fatmi. Unedited interview Mounir Fatmi