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05 Naomi Beckwith - Flow, New York 2008. Critics
 


Fatmi recognizes that the immigrant’s condition, which he also inhabits, and makes it a productive aesthetic model.


Naomi Beckwith, 2008
 

Essai à l'occasion de Flow, exposition au Studio Museum Harlem, New York, janvier 2008.

Essay for the exhibition Flow, exhibition at the Studio Museum Harlem, New York, January 2008.  

Bien qu’il ait déclaré sa propre mort en tant que peintre en 1993 (à ne pas confondre avec déclarer la mort de la peinture), Mounir Fatmi, né à Tanger en 1970, a créé une série d’installations représentant des paysages urbains qui n’existent guère au-delà de deux dimensions – et donc très semblables à des peintures. Dans sa série « Skyline », Fatmi place des cassettes VHS contre un mur avec des formes rappelant vaguement la silhouette des villes dans lesquelles les œuvres sont présentées, créant des pièces hybrides entre la fresque et la sculpture. Fatmi aplanit l’image de la ville dans Save Manhattan 01, 02 et 03 (2005-2007) en arrangeant des ensembles de livres, de cassettes VHS et d’enceintes pour que leurs ombres dans un éclairage tamisé projette la forme douloureusement familière de la silhouette de New York avant 2001. Dans son dernier ouvrage, l’architecte et critique Anna Klingmann propose une nouvelle façon de voir et concevoir les villes. Reconnaissant le besoin pour les municipalités et les promoteurs immobiliers de créer des immeubles iconiques, Klingmann propose que les silhouettes des villes ne soient plus vues comme de simples paysages mais comme des « brandscapes » – des icones visuelles au même titre que des logos évoquant des souvenirs aux touristes et signifiant la viabilité économique aux investisseurs. Avant que Klingmann ne propose ce concept, les paysages urbains de Fatmi – évocateurs des jeux d’ombres de Tim Noble et Sue Webster, mais aussi du sens aigu de la matérialité de Nari Ward – étaient des précurseurs visuels des brandscapes, illustrant que la vie urbaine avait perdu en importance par rapport à l’iconographie urbaine. La série « Skyline » en particulier est générique et indistincte ; ce ne sont rien d’autre que des évocations d’« urbanitude ». Le spectateur peut y voir la ville qu’il souhaite – généralement celle dans laquelle se trouve l’installation – un peu comme un test de Rorschach. Chaque nouveau contexte devient une nouvelle représentation, vidée de ses qualités intrinsèques. Ces paysages urbains allient deux éléments fondamentaux dans la pratique conceptuelle de Fatmi, qui s’étend de la vidéo au texte en passant par les installations, la sculpture et les performances : que la création d’image équivaut à la création d’objets, ainsi que son insistance pour répéter son travail de lieu en lieu. Fatmi utilise fréquemment et à dessein des matériaux tels que les cassettes VHS, les livres, les enceintes et le câble coaxial pour créer des paysages urbains et d’autres œuvres. Pour créer des images, Fatmi ôte à ces matériaux leurs fonctions de stockage et de transmission d’images et d’informations. Ainsi, sa pratique négocie la nécessité de créer une image comportant une interrogation sur les informations qu’elle contient. Ce processus de fabrication d’images/interrogation est le plus clairement visible dans Ovalproject, œuvre de Fatmi datant de 2001, créée dans la cité HLM du Val Fourré. Des émeutes dans ce quartier au début des années 90 ont donné corps à la politique xénophobe actuelle de Nicolas Sarkozy. La population majoritairement immigrée du Val Fourré, mécontente de sa représentation dans les médias, a collaboré avec l’artiste pour créer des émissions de radio et des vidéos pouvant être vues en France et dans leurs pays d’origine. D’un côté, Ovalproject était un échange avec le pays d’origine. De l’autre, il a permis aux immigrés de montrer une autre représentation d’eux-mêmes à leur pays d’adoption, puisque, comme l’écrit Fatmi dans ses écrits sur le projet, « l’immigré n’a pas d’image. » Qu’est-ce que cela signifie d’avoir une représentation mais pas d’image ? Pour les habitants du Val Fourré, ne pas avoir d’image signifie être exclu du processus politique. Et quelle est l’image politique la plus reconnaissable du peuple français si ce n’est celle de la grève ? Pourtant, les immigrés sont représentés politiquement par l’émeute : la violence et le chaos, par opposition à l’ordre relatif et à la solidarité d’une grève. Mais la violence et le chaos ont été au cœur du développement de la démocratie française. L’œuvre de Fatmi Stratégie double (2007), un amoncellement de béquilles dans un coin, agressivement pointées vers le spectateur comme des fusils, rappelle les barricades de la révolution de 1830. Stratégie double, dans son titre, fait référence aux jeux de langage qui sont à l’œuvre dans le travail de Fatmi. Comme Marcel Broodthaers, Fatmi utilise les matériaux comme des métaphores, pour ensuite subvertir ces métaphores. Les béquilles apportent du soutien ; les exposer comme des armes a pour but de bouleverser notre perception de leur signification. Je considère cette pratique comme un mode de réitération. Le travail de Fatmi se situe sur plusieurs registres linguistiques, ou sous le même titre sous diverses formes. Dans la série « Skyline », le lieu et le contexte ont leur l’importance. Les sujets et les objets ont différentes vies dans différents lieux. Les barres de saut hippique utilisées dans sa série « Obstacles » depuis 2003 ont été mobilisées dans vingt versions différentes d’une même œuvre. Et lorsqu’elles sont peintes avec des rayures et des étoiles, comme dans I Like America, Hommage à Jacques Derrida (2007), elles évoquent la performance de Joseph Beuys en tant qu’étranger en terre étrangère. Il manque toutefois à cette œuvre la réplique confiante de Beuys « …and America likes me », comme si la question n’était pas encore tranchée. Se demander si « l’Amérique m’aime » est une question d’immigré. Les installations de Fatmi manifestent un souci personnel de l’image politique de l’immigré et imitent la condition de l’immigré : quand un individu quitte un endroit, il ou elle revêt une nouvelle image, un nouveau mode de représentation. Fatmi reconnaît la condition de l’immigré, qui est aussi la sienne, et en fait un modèle esthétique productif.

Naomi Beckwith, Janvier 2008

Essai pour le catalogue de Flow, exposition collective au Studio Museum Harlem, New York, 2008.

Anna Klingmann, Brandscapes: Architecture in the Experience Economy (Cambridge, Massachusettes: The MIT Press, 2007).  

 

 

 

Though he declared his own death as a painter in 1993 (not to be confused, mind you, with declaring the death of painting), Mounir Fatmi, who was born in 1970 in Tangiers, Morocco, has created a series of cityscape installations that barely exist beyond two dimensions—much like paintings. In his “Skyline” series, Fatmi arranges black VHS tapes on a wall in shapes vaguely reminiscent of the skylines of the cities in which they are presented, creating hybrid mural-sculptures. Fatmi further flattens the city-image in Save Manhattan 01, 02 and 03 (2005–2007) by arranging clusters of books, VHS tapes and speakers so that, when dimly lit, they cast shadows of the achingly familiar shape of the pre-2001 New York skyline. In her most recent book, architect and critic Anna Klingmann proposes a new way of looking at and conceiving of cities. Recognizing the need of municipalities and real estate developers to create iconic buildings, Klingmann proposes that skylines should no longer be seen as mere landscapes but as brandscapes—visual icons akin to logos that evoke memories for tourists and signify economic viability to investors. Before Klingmann wrote about the concept, Fatmi’s cityscapes—as evocative of Tim Noble and Sue Webster’s shadow play as they are of Nari Ward’s strong sense of materiality—were visual precursors to brandscapes, illustrating that urban life had diminished in relation to urban iconography. The “Skyline” series, in particular, are generic and indistinct; they are mere suggestions of “city-ness.” Viewers see whichever city we desire—most often the city in which the installation is located—just like a Rorschach test. Each new context becomes a new representation, emptied of its specific qualities. These cityscapes combine two significant features of Fatmi’s conceptual practice, which spans video, text, installation, sculpture and performance: that image-making is synonymous with object-making, and his insistence on the reiteration of work from site to site. Fatmi frequently and specifically uses media materials such as VHS tapes, books, speakers and coaxial cables uses to create cityscapes and other works. To make images, Fatmi strips these materials of their functions as repositories of, or conduits for, images and information. Thus his practice negotiates the necessity to create an image with an interrogation of the information contained in the image. This image-fabrication/interrogation process is best displayed in Fatmi’s 2001 Ovalproject, realized in the dense, suburban-Paris public housing complex Val Fourré. Rioting there in the early 1990s fueled the current xenophobic policies of Nicholas Sarkozy. Val Fourré’s largely immigrant residents, dissatisfied with their representation in the French media, collaborated with the artist to create radio and video broadcasts to be seen in France and in their respective native countries. On one hand, Ovalproject was an exchange with a homeland. On the other hand, it allowed immigrants to offer a counter-representation of themselves to their adopted home because, as Fatmi states in his writing on the project, “The immigrant does not have an image.” What does it mean to have a representation but no image? For Val Fourré residents, not having an image means exclusion from the political process. And what else is the most recognizable political image of the French people if not that of a strike? Whereas immigrants are represented politically by the riot—violence and chaos, as opposed to the supposed order and solidarity of a strike. But violence and chaos have been critical to the development of French democracy. Fatmi’s Double Strategy (2007), a pile of crutches in a corner belligerently aimed at the viewer like rifles, recalls the barricades of France’s second revolution. Double Strategy, as a title, hints at language games operating in Fatmi’s work. Like Marcel Broodthaers, Fatmi uses materials as metaphors, only to then subvert the metaphors. Crutches are for support; their display as weapons is designed to disrupt our perception of their meaning. I consider this practice a mode of reiteration. Fatmi’s works exist on multiple linguistic registers or under the same title in multiple guises. In the “Skyline” series, site or context gains significance. Subjects and objects have different lives in different places. The horse-jumping poles used in Fatmi’s “Obstacles” series since 2003 have been mobilized in twenty different versions of one work. And when they are painted in stars and stripes, such as in I like America, tribute to Jacques Derrida (2007), they evoke Joseph Beuys’s performance as a stranger in a strange land. This work, however, lacks Beuys’s self-assured rejoinder, “. . . and America likes me,” as if the matter is still up for question. Whether America likes “me” is an immigrant’s question. Fatmi’s installations show personal concern for the political image of the immigrant and mimic the immigrant condition—when one moves from one place, he or she takes on a new image, a new mode of representation. Fatmi recognizes that the immigrant’s condition, which he also inhabits, and makes it a productive aesthetic model.

 

 

 

 

 

 

 

Naomi Beckwith, January 2008

Catalogue essay from Flow, collective show at the Studio Museum Harlem, New York, 2008.

Anna Klingmann, Brandscapes: Architecture in the Experience Economy (Cambridge, Massachusettes: The MIT Press, 2007).