05.
   
   
 
 

Critics
 
Critic 27
Critic 26
Critic 25
Critic 24
Critic 23
Critic 22
Critic 21
Critic 20
Critic 19
Critic 18
Critic 17
Critic 16
Critic 15
Critic 14
Critic 13
Critic 12
Critic 11
Critic 10
Critic 09
Critic 08
Critic 07
Critic 06
Critic 05
Critic 04
Critic 03
Critic 02
Critic 01
 
Interviews
 
Interview 09
Interview 08
Interview 07
Interview 06
Interview 05
Interview 04
Interview 03
Interview 02
Interview 01


20 Lillian Davies - Suspect Language, Paris 2010 Critics
 


Through appropriation, duplication and repetition, Fatmi’s work

today reveals the precarity of the original, as well as the copy,

a flimsy mode of ownership and dissemination.


Lillian Davies, 2010
 

« J’ai le sentiment de fonctionner comme une ambulance qui intervient parce qu’il y a eu un accident. Je suis incapable de faire quoi que ce soit sans urgence. » Mounir Fatmi, 2007. Le marché aux puces au bout du monde  Né en 1970 à Tanger au Maroc, Mounir Fatmi a grandi dans cette ville portuaire animée, tournée à la fois vers l’Europe au nord, par le détroit de Gibraltar, et vers le continent américain à l’ouest côté Atlantique. Ancien comptoir berbère et phénicien, Tanger fut fondée au IVe siècle avant Jésus-Christ et connut ensuite la domination des Romains, des Vandales et des Arabo-musulmans. La ville fut prise au XVe siècle par les Portugais lors de leur conquête nord-africaine, mais la colonie tomba bientôt aux mains des Espagnols, puis des Anglais. Au début du XXe siècle, quand la majeure partie du Maroc actuel fut divisée entre la France et l’Espagne, Tanger devint une zone internationale et conserva ce statut jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Espagnols occupèrent de nouveau la cité. Tanger accéda finalement à la pleine souveraineté en 1956 avec l’ensemble du Maroc. Au début du XXe siècle, la cité portuaire connut son heure de gloire avec l’arrivée d’artistes et écrivains étrangers comme Henri Matisse, Francis Bacon, Edith Wharton ou William Burroughs, qui investirent ses cafés et ses villas à flanc de coteau. Sous le nom d’interzone, la ville fut particulièrement célébrée par la Beat Generation, assoiffée d’aventures et en quête de plaisirs nouveaux. La vie à Tanger restait cependant fortement divisée entre Marocains et étrangers, riches et pauvres, hommes et femmes, et bientôt pour Fatmi entre père et fils. Fatmi naît dans les environs du quartier de Casabarata, non loin du centre de la ville. Casabarata signifiant « la maison bon marché », ses logements sociaux sont simples et son marché aux puces animé. Dans les interviews, Fatmi met souvent l’accent sur la signification de ce nom, insistant sur le contexte socioéconomique et la forme d’architecture qui ont modelé sa première vision du monde. C’est effectivement le cadre dans lequel s’est déroulée son enfance qui a éveillé son intérêt précoce pour l’architecture et le rôle de celle-ci dans la société, parfois source d’antagonismes. Selon Fatmi, l’architecture peut soit « poser problème », dans le cas des sans-abri, soit « se poser de manière prétentieuse comme la solution du problème ». Après avoir réalisé une série de projets à Mantes-la-Jolie, dans la banlieue parisienne, il découvre alors « que l’architecture n’a rien à offrir. L’idée même que l’architecture puisse apporter une solution à l’humanité est complètement fausse. » Cette prise de position se retrouve dans son attitude à l’égard de la production artistique. « L’architecture pas plus que l’art ne peut résoudre les problèmes. Mais une maison peut inciter quelqu’un à devenir architecte… » Et il semble bien que le cadre de vie qu’a connu Fatmi dans son enfance non seulement l’ait conduit à être artiste, mais lui ait fourni les images et les matériaux qu’il choisirait bientôt de manipuler dans son travail. Dans l’intérieur familial de son enfance, un triumvirat d’objets, détenteurs d’identité et de croyance, a défini de manière précise son paysage visuel. Trônait en bonne place une photographie du roi Mohammed V : « J’ai cru pendant longtemps que c’était un membre de la famille ! » raconte Fatmi. Une place de choix était également accordée à une œuvre encadrée proclamant un vers de la sourate Al-Ikhlas en calligraphie arabe : « C’est Lui, Dieu l’Unique, Dieu le Suprême Refuge, qui n’a pas engendré et n’a pas été engendré, et que nul n’est en mesure d’égaler. » L’aspect à la fois décoratif et démonstratif du texte religieux assurait la cohésion d’un système précis unissant croyance et esthétique. La famille conservait également chez elle une copie du Coran, livre sacré que les enfants avaient l’interdiction d’approcher. « Nous n’étions jamais assez propres, et dès que nous le touchions, jamais assez soigneux… » La vie quotidienne du jeune Fatmi a ainsi été ponctuée par « une image politique de quelqu’un que nous devions respecter et d’un livre que nous ne pouvions pas toucher parce que nous n’étions pas assez propres ». Dans le travail de la maturité, « les images viennent entre les deux ». En grandissant, Fatmi passe une grande partie de son temps sur le marché aux puces de Casabarata, où sa mère vend des vêtements d’enfants pour améliorer les revenus familiaux. Pour Fatmi, le marché est alors « comme un lieu de rebut, un cimetière » de produits et d’images. Et c’est là que le jeune artiste « apprend à voir ». Il y apprend également à écouter, dans un environnement parfois saturé de sons et d’images en mouvement. « Quelqu’un vendant des postes de radio ou de télévision », par exemple, « pouvait mettre en marche cinquante appareils en même temps pour montrer qu’ils fonctionnent ». Par analogie, les œuvres datant de la maturité semblent souvent crier, extirpant le spectateur de son poste privilégié d’observateur distant et respectueux pour le plonger dans un tourbillon de bruits, d’images et de matériaux. Au début des années 1980, le marché aux puces croulait sous les caméras d’occasion en provenance d’Europe. Fatmi indique qu’elles fonctionnaient « plus ou moins, avec un mauvais équilibrage des blancs ou un problème technique créant des effets intéressants ». C’est à Casabarata que Fatmi acheta sa première caméra, une Yashica russe qu’il utilisa pour réaliser sa première série de photographies pour Le Lien/The Link, 1995. Casabarata offrait un environnement presque étouffant, mais au lieu d’être anéanti par le poids de son milieu (tant public que privé), Fatmi a fait de ce contexte le médium même de sa pratique. « Cette situation – le marché aux puces, le quartier au bout du monde – on peut soit la vivre comme un handicap », soit, comme Fatmi l’a fait dans son propre travail, « faire un pas de côté, et grâce à la lecture et à la parole, parvenir à accepter [cet] univers et à créer à partir de lui. » C’est en fait au marché de Casabarata que Fatmi a fait sa « première rencontre avec la Renaissance italienne ». Enfant, c’est là qu’il vit une reproduction bon marché de La Joconde, « à l’envers et rognée par un mouton ». Cette scène fortement empreinte de violence et d’humour est l’une de celles auxquelles l’artiste se réfère volontiers dans son travail actuel. De même, sa pratique est fortement imprégnée de ce rapport à la copie, préoccupation particulièrement évidente dans son appropriation continue de cassettes vidéo et de machines XEROS, par exemple. Cette anecdote d’un animal en liberté dévorant la reproduction d’une icône occidentale étaye l’assertion de Fatmi selon laquelle « on ne peut pas avoir une seule et unique histoire de l’art », mais plutôt « l’histoire des objets originaux et de leurs copies ».

La scène tragicomique du mouton mangeant La Joconde éclaire également l’intérêt que Fatmi porte à la fragilité sous son aspect à la fois matériel et conceptuel. Il précise ainsi : « Le problème de [l’original de] La Joconde, c’est qu’elle n’est pas fragile. J’ai dû sauter beaucoup d’obstacles avant de pouvoir la voir au Louvre. Il a fallu que je fasse des études, que j’obtienne un visa pour sortir du Maroc. J’ai été déçu de voir qu’elle manquait de fragilité, alors que c’est ce que j’essaie de trouver dans mon travail. » La copie introduit au contraire une notion de vulnérabilité en laissant planer le doute à la fois sur le caractère unique de l’original et sur l’authenticité de la reproduction. A travers l’appropriation, la duplication et la répétition, l’œuvre de Fatmi nous révèle aujourd’hui la précarité de l’original, tout comme celle de la copie, mode fugace de possession et de propagation. En attendant, le fait de grandir à Tanger offrira à Fatmi l’occasion de découvrir la Beat Generation et de cultiver ainsi une myriade de références et de connexions littéraires. Sa ville natale avait en effet été le théâtre, dans les années 1950, de la révélation de personnalités telles que Paul Bowles (qui vécut à Tanger jusqu’à sa mort en 1999), William Burroughs, Allen Ginsberg et Jack Kerouac, lesquels laissèrent leur empreinte sur une ville qui apparaissait alors comme l’antithèse de l’Amérique d’après-guerre. Fatmi l’affirme, « la Beat Generation m’a “sauvé? au sens où elle m’a donné le désir de partir et la curiosité d’explorer et d’expérimenter, de prendre le risque de m’opposer à la majorité. » Il admire l’œuvre de Bowles, dont le style d’écriture postmoderne s’accorde avec la théorie de la déconstruction de Jacques Derrida, ainsi que celle de Brion Gysin, Burroughs, Ginsberg et Kerouac – « ces personnes qui ont changé la vie de beaucoup de gens, non seulement en Europe mais aussi ici au Maroc » . A l’âge de 17 ans, l’adolescent curieux rencontrera Bowles pour la première fois, et douze ans plus tard le jeune artiste réalisera sa vidéo Fragments et solitude, 1999, qui met en scène l’écrivain et compositeur américain vers la fin de sa vie. Tendant dès l’enfance à s’éloigner de son père, Fatmi se rapprochait de son oncle Bachir, peintre en bâtiment, qui « tenait un peu du rebelle, libre et joyeux » . Fatmi fut séduit par le côté bohème du personnage, et il raconte que dès l’âge de 4 ans, il avait déclaré vouloir devenir artiste peintre. La première peinture, réalisée au début de l’adolescence, qu’il vendit pour cinq dirhams au tailleur local représentait une fontaine du quartier Esperanza de Casablanca. Lieu de rencontre des prostituées au début des années 1980, l’endroit constituait le point de convergence entre l’interdit des relations sexuelles et le flot continu d’une précieuse ressource naturelle, éveillant très certainement la curiosité du jeune artiste face aux frontières culturelles et économiques à franchir. Fatmi s’inscrit à 17 ans à l’Ecole des beaux-arts de Casablanca. Il y reste trois mois. La maison de son enfance lui paraît déjà trop petite, trop étroite, et il va bientôt s’embarquer pour l’Italie, pour prendre des cours à l’Ecole libre de l’Académie des beaux-arts de Rome. C’est dans l’institution créée par McKim, Mead et White, dans la Villa perchée sur le Janicule, que Fatmi a débuté son voyage au cœur des fondations historiques du continent européen. « L’identité est le pire héritage que vous puissiez recevoir », dirait-il plus tard, peinant à se défaire des marqueurs identitaires de son lieu de naissance. Mieux vaut selon lui « s’approprier d’autres identités ». Ce besoin impérieux de se resituer renvoie à l’observation de Bowles distinguant touriste et voyageur : « le premier accepte sa propre civilisation sans objection, alors que le voyageur, lui, la compare avec les autres et en rejette les éléments qu’il désapprouve ». Ayant quitté sa patrie conservatrice pour l’ancien siège de l’Empire romain, Fatmi s’est parfois trouvé confronté à des situations inattendues. Dans ses cours d’histoire de l’art comme dans son apprentissage classique, le jeune artiste a souvent dû faire face « à une sublime femme nue que j’étais obligé de scruter en détail, alors que j’avais été éduqué à ne jamais regarder [les femmes] ». Ces épreuves ont constitué pour lui un « véritable choc culturel ». « Voir ou ne pas voir » , telle était la question qui décida Fatmi à ouvrir les yeux. Lors d’une visite que le jeune homme effectua au Maroc durant sa période d’études en Italie, son père trouva le carnet de croquis qu’il avait réalisés lors des cours de modèle vivant et lui demanda : « C’est cela que tu fais à Rome ? » Pour son père, c’était un travail « totalement dégradant ». Fatmi lui montra également ses cours d’histoire de l’art et les nus peints par Picasso et Toulouse-Lautrec. Réaction du père : « Je vois des prostituées. » Au lieu de rejeter violemment le provincialisme paternel, Fatmi reconnut le bien-fondé de cette remarque. « Au lieu d’être accablé, j’ai trouvé extraordinaire qu’il me donne une vision inédite de l’art et des chefs-d’œuvre que j’avais toujours idéalisés. Aujourd’hui, lorsque je regarde une peinture dans un musée, je peux la voir comme une œuvre d’art, un travail sur le corps, comme je peux imaginer trois prostituées qui posent les jambes écartées. » Fatmi pense que le point de vue de son père est une perspective qu’il « ne doit pas perdre ». L’œuvre de Fatmi ne cesse aujourd’hui de témoigner de cette tentative de concilier l’idéalisme intellectuel des canons occidentaux et le raisonnement conservateur qui repose sur certaines de nos peurs les plus archaïques. Après avoir terminé ses études à Rome, Fatmi retourna au Maroc et y trouva un travail dans une agence de publicité de Casablanca, dont il devint finalement le directeur artistique. Au cours des six années passées dans cette société, il assura la promotion de produits tels que sodas, cosmétiques et rasoirs pour hommes et organisa des concerts et des présentations de mode. Témoin de l’impact puissant que les images pouvaient exercer sur le public des consommateurs, Fatmi souffrait d’une véritable « overdose d’images bâclées à la va-vite et de concepts stéréotypés » . Le changement était brutal entre la fameuse colline de Rome et l’animation du centre d’affaires d’Afrique du Nord, mais ce contraste culturel et contextuel allait constituer la base d’une longue pratique artistique confrontant l’Orient et l’Occident, le sacré et le profane, culture intellectuelle et populaire. Tout en travaillant dans la publicité, Fatmi poursuivait son travail d’artiste, réalisant des photographies et des vidéos dont certaines furent présentées en 1994 au second festival annuel d’art vidéo de Casablanca. Le jeune artiste audacieux s’y rendit en effet avec une cassette vidéo comportant trois de ces travaux de vidéaste, et alla trouver Marc Mercier et Jean-Paul Fargier pour leur demander s’ils aimeraient voir son travail. Les commissaires français furent impressionnés et sélectionnèrent les trois vidéos, dont The Red Alphabet, 1992, auquel le festival attribua finalement le premier prix. Alors que son travail gagnait une certaine notoriété en dehors du Maroc, Fatmi effectua une résidence à Lille en 1997. C’est là qu’il réalisa ses Peintures effacées, série de travaux sur toile et sur papier figurant l’effacement de ses compositions précédentes, proches de l’abstraction et de la figuration libre, en les recouvrant d’une couche blanche de peinture acrylique. Cette mise en scène du rejet de sa production antérieure ne signifiait pas la volonté de l’artiste d’occulter ou de détruire totalement les œuvres dont il n’était plus satisfait, mais plutôt d’en faire les fondements souterrains d’une nouvelle pratique ayant gagné en maturité. Fatmi « n’a jamais présenté, et ne présentera jamais, une œuvre sans titre ». Celle-ci peut être effacée, d’une esthétique très sobre ou proche du monochrome, mais l’artiste lui attribuera toujours un titre explicite, guidant le spectateur, révélant ses intentions et signant la primauté du langage et du texte.

La France célébrant en 1999 l’année du Maroc, elle initia et soutint de multiples échanges artistiques pour promouvoir la création contemporaine dans cet ancien protectorat. Sous ces auspices furent organisées en France plusieurs expositions présentant des artistes marocains, mobilisant à cette fin tout un bataillon de commissaires et de chercheurs en quête de nouveaux talents dans ce pays d’Afrique du Nord. Fatmi compta parmi les artistes sélectionnés pour exposer en France à de nombreuses occasions, et fut cette année-là en résidence à la Cité Internationale des Arts à Paris. Il participa à l’exposition collective « Regard nomades » au FRAC de Dole, et à « L’Objet désorienté » au musée des Arts décoratifs à Paris, où il présenta également son exposition personnelle « Liaisons et déplacements ».

Au cours de sa résidence à Paris, Fatmi commença à découvrir les philosophes français du XXe siècle, lesquels ne cesseront de jouer un rôle dans son œuvre. Cette période de transition géographique et culturelle, qui lui fera écrire « de l’exil, j’ai fabriqué des lunettes pour voir » , lui donnera une conscience aiguë de la signification inhérente au fait de se déplacer, de l’importance de la distance dans une pratique devant scruter de si près l’environnement contemporain. Il comprend alors que pour créer, « il faut s’extraire du monde, s’extraire de l’Histoire, et cette extraction, cette soustraction plutôt, ne vont pas sans culpabilité – comme quand […] je dessinais, enfant, alors que tout le monde autour de moi se demandait comment on allait faire pour manger le lendemain ».

L’autre, c’est lui » 1995-1999

Lors de l’année du Maroc en 1999, Fatmi avait entrepris de mettre en œuvre une pratique prenant en compte des éléments de son histoire personnelle et intégrant les nouveaux apports de ses multiples découvertes. A l’aube du nouveau millénaire, il commençait à s’imposer en tant qu’artiste et à gagner un public en dehors de son pays d’origine, réalisant ses tout premiers projets en Europe. Il faut cependant constater que même durant cette période d’expansion, le travail de Fatmi n’a jamais suivi une ligne droite mais a toujours été marqué par la récurrence des thèmes, les constantes références à l’enfance, aux idoles de l’adolescence et aux images du pays natal. « Je ne cherche pas à réaliser une œuvre parfaite », explique-t-il. « Produire une proposition artistique en réponse à ce qui se passe dans le monde est très compliqué et peut-être très prétentieux. Mais l’art a trait à la vie, et la vie est complexe. » Il lui faudra donc au préalable se livrer à un travail d’accumulation, glanant les objets trouvés, les souvenirs ténus ou marquants, qui seront ses matériaux de base. Cherchant à établir des points de repère précis par rapport à l’identité choisie et l’identité reçue, une part importante du travail de Fatmi sera alors consacrée à son père, à l’univers familial de son enfance et aux influences intellectuelles qui auront été formatrices. Voulant souligner par exemple une étrange ressemblance entre son père biologique et l’écrivain Paul Bowles, qu’il considère comme son « père spirituel » , la photographie intitulée The Forest/La Forêt, 1999, présente le premier dans une pose frappante. Le père de Fatmi ne tourne pas son regard vers la caméra de son fils, mais fixe d’un œil absent un point éloigné quelconque. Pour réaliser cette image, Fatmi a dû se placer en contrebas par rapport à son père et pointer l’objectif de sa caméra légèrement vers le haut pour conférer à son sujet un aspect de monumentalité. Fièrement campée sur le terrain rocailleux, sous la canopée de la Forêt américaine près de Tanger, la silhouette du père de Fatmi évoque celle de Cézanne symboliquement associée à la montagne Sainte-Victoire. Dans le même temps, Fatmi se consacre à une autre forme d’hommage rendu à la fois à son père et à Bowles avec la vidéo intitulée Fragments and Solitude/Fragments et solitude, 1999. L’œuvre s’ouvre sur une scène dans la Forêt américaine, où Fatmi montre une jeune femme faisant des mots croisés. L’artiste, comiquement coiffé d’un sac en papier, lui pose des questions sur son jeu, l’accuse de tricher et tourne l’objectif vers lui pour s’amuser. Les rayons du soleil filtrent à travers le feuillage bruissant, éclairant le couple uni dans une fragile atmosphère de paradis. Sur la bande-son, Fatmi ponctue les images de la vidéo d’une voix insistante, s’exprimant en français (avec sous-titres anglais) : « Je veux des mots, des mots comme les restes d’un repas, des mots qui accueillent l’étranger dans son pays d’exil, des mots qui ressemblent à un dimanche, des mots qui ressemblent à une famille. Des mots que je peux offrir à mon père. » La voix de Fatmi parle de perte, son texte évoque une quête. « Tous les fragments du monde ne formeront pas un seul mot. Tous les mots du monde ne peuvent parler de solitude. »

Les mots prononcés par l’artiste sont ses propres mots, des « vidéos textes » , comme il les appelle, écrits durant la production de son travail, lorsqu’il jugeait que ses images ne parvenaient pas totalement à rendre ce qu’il voulait dire. Ce besoin d’ajouter des mots et des explications est révélateur des craintes de l’artiste quant au statut et au potentiel de l’œuvre visuelle. Il a constamment recours au langage dans une pratique qui reste dominée par la manipulation du texte comme facteur à la fois de sens et d’esthétique. La création de « vidéos textes » est aussi un aveu de la grande disparité entre ces deux modes de communication que sont l’image et le langage. De même que quelque chose se trouve inévitablement perdu dans la traduction de l’arabe vers le français, le passage du français à l’anglais, quand les sentiments sont communiqués par des images et que les images sont interprétées au travers des mots. « Si seulement les mots étaient libres, sans aucune histoire », se lamente Fatmi dans sa vidéo. Mais ils ne sont pas libres, et l’artiste doit mobiliser les liens complexes du langage avec le statut, l’histoire et le sens afin d’enrichir le caractère présumé simpliste du visuel. Le montage vidéo réalisé pour Fragments et solitude présente également des extraits d’un voyage en voiture à travers le Maroc et des images de Bowles lors d’une conférence informelle. L’écrivain a un regard absent et légèrement irrité, la bouche ouverte, et, sans jamais vraiment parler, il fait de temps à autre des signes de tête à l’adresse de la foule excitée qui se presse autour de lui. On entend la voix de Fatmi poursuivre sa quête de mots tandis que le visage de Bowles exprime l’épuisement du langage et la solitude définie comme l’absence de communication. La vidéo s’achève sur la vision du couple de la forêt franchissant un poste de péage ; leur fuite n’est pas libre. « Regarde, c’est si beau ! Et ce vert ! Comme nous avons de la chance ! » s’exclame la jeune femme que l’on avait vue occupée à faire des mots croisés. Mais en quoi consiste cette chance ? Parce qu’ils ont des mots à coller comme des étiquettes sur le paysage ? Ou parce qu’ils peuvent abolir les frontières du langage et de l’espace ? Les deux possibilités ont valeur d’indice dans le travail de Fatmi et nous le verrons continuer à privilégier le langage et la perspective dans son approche de l’objet, de l’image et du contexte. Le numéro de septembre 2011 du magazine mensuel Connaissance des Arts était consacré à « La Florence lumineuse de Fra Angelico », correspondant à l’ouverture, au musée Jacquemart-André, de la grande exposition « Fra Angelico et les maîtres de la lumière ». La couverture montrait un détail de l’œuvre de Fra Angelico, Vierge à l’Enfant, 1450, la grâce des visages éblouissants, le rouge brillant de la robe de Marie et son manteau indigo brodé d’or, le Christ proche de la transparence dans sa perfection de porcelaine et sa tête auréolée de boucles cuivrées.
On pouvait cependant voir au dos de la couverture de ce numéro une photo en couleurs d’Angelina Jolie, les pieds aussi nus que ceux de l’Enfant Jésus, l’air pensif et distant presque aussi réticent que celui de la Madone. Vêtue d’un ample vêtement de lin couleur terre, la star d’Hollywood était assise dans un canot de bois flottant sur l’eau d’un marais luxuriant. Ses longs cheveux bruns rejoignaient à gauche son genou et faisaient pendant au sac Vuitton accroché en bandoulière à l’épaule opposée. Comme l’icône du XVe siècle présentée en couverture, la publicité participe de la communication et professe un système de croyances très précis. Ce qui est en jeu dans l’œuvre du maître est le christianisme d’avant la Réforme, tandis que l’image imprimée vantant la maroquinerie française est une exaltation presque religieuse du luxe et de la célébrité.

Les curieuses résonances entre les deux images, que séparent 500 ans d’histoire en Occident, pourraient probablement passer inaperçues, « faire simplement l’objet d’une perception inconsciente » , si ce n’est pour Fatmi dans son projet intitulé The Fourth Cover/La Quatrième Couverture, démarré en 1991. Vint ans plus tard, Fatmi continue d’élaborer ses archives visuelles, fixant un calendrier unique de parallèles et de divergences dans l’imagerie médiatique et publicitaire. Il se contente apparemment de prélever dans un kiosque une revue particulière et de l’ouvrir pour présenter côte à côte la page de couverture et la page au verso du magazine (la première page et la quatrième), comme un diptyque d’icônes profanes. Les dons d’observation de l’artiste, son sens aigu de la composition et des nuances esthétiques ainsi que les implications sociales et politiques ressortant de ces juxtapositions agissent comme un révélateur. Entretemps, retournant sur les lieux de son initiation aux échanges commerciaux, la photographie en noir et blanc Casabarata, 1999, nous montre un vieux vendeur de matériel électronique agenouillé pour la prière. La transformation d’un lieu de commerce en un endroit consacré au culte – surprenante juxtaposition de contexte et de contenu, comme la série La Quatrième Couverture – est à l’origine de la tension conceptuelle de l’œuvre.

Explorant plus avant la frontière mouvante et perméable entre le sacré et le profane, Fatmi suit le transfert des biens de consommation et des images de la place du marché à la maison dans sa série de photographies intitulée The Link/Le Lien, 1995. Ces images en noir et blanc, prises avec la Yashica achetée au marché aux puces, suivent un câble d’antenne blanc pénétrant dans la maison familiale pour alimenter le téléviseur du père de Fatmi. L’objectif traque chaque portion parcourue par le câble, regard suspicieux suivant à la trace l’entrée d’un corps étranger dans un espace privé. Selon une veine identique, pour la vidéo Fragile réalisée en noir et blanc à Tanger en 1997, Fatmi piste avec sa caméra un câble coaxial blanc déroulé sur le sol ainsi que les pas de pieds nus. La bande-son laisse entendre des chiens qui aboient, des coqs qui chantent et autres sons ambiants. Fatmi superpose à ces images un texte en français et en anglais : « Si deux choses s’unissent, ou bien les deux subsistent et restent deux réalités distinctes, ou bien elles disparaissent pour devenir une troisième chose différente, ou encore il n’en reste qu’une des deux et l’autre cesse d’être. Ainsi dans les trois cas l’union est rendue impossible. » Avec cette citation du Traité sur les noms divins rédigé au XIIe siècle par le théologien musulman Fakhr-ad din ar-Razi, Fatmi convoque l’idéologie des mots pour questionner la possibilité de réconcilier les images extérieures et l’espace privé. Dans le montage de Fatmi, le câble coaxial finit par se dissoudre, le résultat inscrit à la craie blanche mentionnant : « Fragile communication ». Dans le montage suivant, Fatmi remplace le câble par une ligne de poudre blanche, puis par une corde blanche. La corde serpente dans l’herbe jusqu’à un poste de télévision, et Fatmi retourne à la ligne de craie, finalement tronquée et ponctuée par deux pierres brutes, signant l’impossibilité de communiquer. La série de photographies intitulée Le Lien et la vidéo Fragile marquent quelques-unes des toutes premières fois où l’artiste recourt au câble d’antenne blanc dans son travail de création. Il continue de se servir de cet élément pour signifier le transfert d’images et d’information. Mesurant d’emblée le pouvoir symbolique de ces câbles, tant sur le plan sculptural que pictural, Fatmi réalise des œuvres telles que Parallel Words/Mondes parallèles, 1999, pour lesquelles il enroule des morceaux de ruban adhésif de couleur autour de douze mètres de câble qu’il utilise pour tracer une courbe sur le plancher. De la même manière, pour Sculpture Sequence/Séquence sculpture, 1999-2004, Fatmi crée une installation en liant en gerbe des tronçons de câble entourés de scotch de couleur et de tuyau en aluminium évoquant à la fois un noyau d’énergie et une masse qui s’effiloche. Pour 500 meters of silence/500 mètres de silence, 2004-2005, Fatmi conçoit une installation plus ambitieuse intégrant des centaines de mètres de tronçons de câble d’antenne, un chevalet, des tissus blanc, une peinture murale représentant un chien soumis à la célèbre expérience d’anticipation de Pavlov et une bande-son. Contextualisant le matériel omniprésent comme une partie d’un script plus large, l’artiste évoque des arabesques décoratives tout en faisant allusion à une dramatique rupture du flux d’information. L’enchevêtrement de câbles a une portée à la fois esthétique et politique. Qu’est-ce qui a été censuré ? Qu’avons-nous le droit de voir ? A quelles attentes sommes-nous conditionnés ? L’œuvre intitulée Al-Jazeera « bas-relief » sculpture sequence/Séquence sculpture « bas-relief » Al-Jazeera, 2004-2007, reproduit le logo du réseau de télévision par satellite du Qatar avec des câbles d’antenne blancs. Soigneusement agrafée sur un panneau de bois blanc, la calligraphie en forme de flamme fait partie d’une série de bas-reliefs (réalisés avec des câbles coaxiaux blancs) figurant des scènes fortement connotées : la Pietà, Jésus portant une couronne d’épines, et Saddam Hussein avec une barbe broussailleuse et les yeux rougis, tel qu’il apparut après sa capture par les soldats américains dans une cache souterraine près de Tikrit, dans son fief natal. Chaque image de cette série détient une forte charge historique, religieuse ou politique. Celle d’Al-Jazeera est particulièrement forte puisqu’elle évoque le flux de récits et de débats que permet de programmer l’influente chaîne. Fatmi utilise également le câble blanc pour matérialiser les connexions potentielles entre les objets, sorte d’illustration de catalyseurs conceptuels. Il recourt aussi à ce matériau pour relier son propre travail à des figures célèbres telles que Jackson Pollock (dont Fatmi compare l’enchevêtrement serré des lignes de ses peintures à la calligraphie arabe) . Pour l’installation Connections, Tribute to Jackson Pollock/Les Liaisons, hommage à Jackson Pollock, 1999, Fatmi, faisant écho aux vigoureuses éclaboussures de peinture industrielle que le grand peintre de l’expressionnisme abstrait projetait sur ses toiles, fait se superposer des courbes et des nœuds réalisés avec plus de 500 mètres de câble blanc. Attachant les cordons à un mur peint dans le rouge vif du drapeau marocain, Fatmi maintient une connexion avec le matériau « pauvre » qui renvoie au marché de Casabarata. Lorsque Fatmi débuta sa série de monochromes Peintures effacées au milieu des années 1990, il y vit un défi à la tradition décorative marocaine, une réfutation de l’idée selon laquelle il n’y aurait « pas d’amateurs d’art conceptuel au Maroc » . Réalisées en noir et blanc à l’acrylique sur toile ou papier, ces œuvres témoignent du procédé d’effacement utilisé par Fatmi dans ses œuvres précédentes. La première pièce de ce type s’intitule No Witness/Sans témoin, 1995-1996, le titre renvoyant au public de Fatmi, ou plutôt à son absence de public. La réalisation de ces œuvres implique un aspect performatif prépondérant. L’artiste demande en effet à un spectateur d’effacer son œuvre précédente et de rendre la surface presque uniforme. Recourant à un procédé similaire, l’œuvre Obliteration Memorizing/Effacement mémorisation, 1996 associe les peintures monochromes « effacées » aux photographies en noir et blanc de la personne qui a vu le travail avant qu’il ne soit recouvert de multiples couches de peinture blanche. Le titre « peint, vu, effacé » rappelle l’histoire de cette surface et sa connexion avec l’unique témoin. Fatmi a adopté une méthode semblable pour réaliser Father’s Carpet/Le Tapis du père, 1998-2009, travail conçu par l’artiste comme un « réalignement de l’objet ». S’appropriant le tapis de prière de son père, dans un cas il peint de larges bandes blanches, jaunes, bleues, vertes, pourpres et rouges sur la trame noire, rose et blanche du tissu traditionnel. Sur un autre tapis rectangulaire, il peint des cercles et des spirales qui se superposent au motif complexe. Dans les deux cas, Fatmi interprète son action comme une « désacralisation » de l’objet. De manière plus spécifique, il a parlé récemment de « passer du sacré religieux au sacré artistique » et de « sortir les objets de la mosquée pour les mettre au musée ». Cette démarche consiste à saper le statut initial de l’objet en le traitant comme une toile vierge. L’acte de « réalignement » assujettit non seulement l’objet, mais l’identité du père et la pratique du culte. Faisant de nouveau appel aux témoins, Fatmi interroge les notions d’identité et de visibilité dans sa vidéo The Others are the Others/Les Autres, c’est les autres, 1999, réalisée à Paris et à Mantes-la-Jolie. Sa caméra tanguant au rythme de ses pas, son objectif balançant de droite à gauche, Fatmi s’approche des gens croisés sur le trottoir et leur demande simplement : « Je peux vous poser une question ? » L’œuvre suit la même présentation que le film d’Edgar Morin et Jean Rouch, Chronique d’été, réalisé dans les rues de Paris en 1960 et constitué de brèves interviews qui commençaient toutes par la question : « Etes-vous heureux ? » Dans cette vidéo, la première personne à laquelle Fatmi s’adresse est un homme aux cheveux blancs qui ne se rend même pas compte que l’artiste lui a parlé. Puis un couple l’esquive en disant « on n’a pas le temps ». Dans les images suivantes, Fatmi nous fait voir des gens qui s’arrêtent, regardent l’artiste et sa caméra, et tentent de répondre à la seconde question de Fatmi, celle qu’il a choisie dans le livre de Mohammed Dib, L’Arbre à dires : « Le monde est plein d’étrangers, qui sont les autres ? » Les réponses sont données en français, en anglais et en arabe (que l’artiste a sous-titré en français et en anglais). « C’est celui qui n’est pas nous », indique une jeune femme. « C’est nous ! » rétorque un jeune Asiatique. « Sans commentaire », murmure un autre. Un homme explique en arabe qu’il n’y a pas vraiment de différence entre l’Arabe et l’étranger, la question est plutôt de savoir si la personne est « cultivée ou pas ».

Un Africain apporte une des réponses les plus éloquentes : « Il n’y a pas d’étrangers parce que si on parle d’étrangers, on est étrangers partout… Mais à partir du moment où vous vous êtes adapté à l’endroit ou la situation, vous n’êtes plus un étranger. » Il poursuit en expliquant : « Si vous rencontrez quelqu’un d’autre que vous ne connaissez pas, comme moi par exemple, je suis un peu étranger. Mais à partir du moment où nous avons échangé quelques mots, discuté un petit peu ou partagé une conversation, alors je ne suis plus étranger. » Ce raisonnement simple contient une grande vérité, cette vérité que tant de personnes ont peur d’approcher dans la vidéo de Fatmi, prenant la fuite en prétextant le manque de temps, cautionnant l’altérité par le refus de répondre à une question. La vidéo se termine par un échange avec un Français d’âge moyen qui oriente le jeu de l’étrangeté vers le médium de la vidéo. « L’autre, c’est lui », dit-il en poussant l’objectif de la caméra pour le placer directement en face de Fatmi. Mettant en cause le statut de l’artiste, « l’autre » se révèle être l’observateur, celui qui interroge derrière la caméra. Allant à la rencontre de l’autre tout-puissant dans sa sculpture murale Face - 99 Names of God/Face - 99 noms de Dieu, 1999, Fatmi inscrit sur 99 badges blancs chacun des 99 noms de Dieu selon l’islam. « L’art musulman n’a produit aucune image de Dieu, la religion interdisant sa représentation », explique Fatmi. « Dans le Coran, Dieu est évoqué par 99 noms tels le Superbe, le Créateur, le Formateur ou le Tout et Très Contraignant. » Pour Fatmi, dans son travail, même si l’élégante calligraphie arabe reste indéchiffrable pour le public français ou américain, le script détient une « valeur sacrée », ses lettres « dansent sur un mur de silence ». Soulignant la dichotomie du langage et de l’image, Fatmi indique qu’il aime beaucoup « la limite que représente l’image de Dieu, le fait que Dieu a 99 noms et aucune image. Je cherche toujours à me rapprocher de cette image qui n’existe dans aucune imagination. » Dans sa vidéo Survival Signs, 1998, Fatmi examine en détail le rôle du langage, posant le discours comme un moyen de survie. L’œuvre s’ouvre sur des images en noir et blanc de calligraphie arabe et d’alphabet latin barrant comme des flashes la silhouette de l’artiste. « Speak ! Parle ! » murmure l’artiste en anglais et en français, le rythme et la répétition évoquant bientôt une berceuse. « Parle, afin que je te voie », demande Fatmi en nous montrant une main serrant l’image échographique d’un fœtus humain. On voit défiler à l’écran le texte clair d’un scénario : « Au XIIIe siècle, Frédéric de Hohenstaufen tenta une expérience. Il fit élever à part des nouveau-nés et interdit à leurs nourrices de s’adresser à eux en quelque langue que ce fût. Résultat : ils moururent tous avant même de pouvoir balbutier un mot. » Les images s’accumulent à l’écran, scènes de guerre, véhicules de secours, articles de journaux soulignant les phrases « 4 500 enfants ont péri », « diplomate », « vivre » et « embargo ». « Sept ans après l’arrêt des combats, le matin du 28 février 1991, la guerre du Golfe continue », conclut ce constat silencieux. Personne n’a parlé, et nous devenons les témoins de ceux qui sont morts. Les dernières images de la vidéo sont une paire de lunettes nettoyées dans un évier et une main dessinant un petit point, actions dérisoires de vision et de création, dépourvues de parole. La réponse silencieuse à l’œuvre Survival Signs est apportée par l’installation Body Bags/Sacs mortuaires, 1999, constituée de cercueils de toile noire que l’artiste dispose simplement sur le plancher. Hermétiquement fermés, ces sacs sont apparemment pleins, remplis de formes étroitement enserrées. Si l’œuvre apparaît comme une étrange prémonition de l’intervention militaire en Afghanistan par les Nations unies et de l’occupation de l’Irak par les Américains, elle parle également, selon la conception de l’artiste, de la mort de Dieu. « Dieu est une personne », dit Fatmi, « et il est mort ». Veut-il dire que la déité dans sa totalité n’est plus présente dans la société d’aujourd’hui ? Ou que le langage et la culture actuels ont tué la possibilité de sa présence ? Comme une grande part du travail de Fatmi, le langage esthétique de cette sculpture est audacieux et direct, mais son approche conceptuelle reste ouverte et n’offre pas de réponse figée.

La légèreté et l’humour que Fatmi introduit dans des œuvres telles que Fragments et solitude et Les Autres, c’est les autres sont contrebalancés par un sentiment plus sombre, qui domine dans des œuvres telles que Body Bags/Sacs mortuaires. Notre amusement devant la scène du marché de Casabarata où Fatmi enfant voyait un mouton manger La Joconde est contrarié par la violence réelle que cette action représente. Aux prises avec sa propre histoire et évoluant entre deux cultures, Fatmi propose un débat sur le statut de l’objet et le caractère sacré de l’image, chacun étant défini par sa relation au langage. Son travail maintient un niveau de tension dans le refus de résoudre le conflit entre les signes de survie et ceux d’une fin violente.``

Tout est fragile 2000-2005

Au moment des attaques du 11 septembre 2001, Fatmi était prêt à aborder dans son travail les implications qu’aurait la destruction des tours jumelles sur les Etats-Unis et l’Europe, sur sa région natale d’Afrique du Nord et sur le Moyen-Orient. Il avait déjà commencé à se concentrer sur la frontière entre son lieu d’enfance et les lieux d’exercice de sa pratique, zone frontalière qui est à la fois une barrière et un point unique de connexion. Et à partir de cette période, il va situer de manière croissante sa pratique esthétique aux carrefours politiques, religieux et culturels de l’Orient et de l’Occident. L’architecture devient l’un des principaux points d’interrogation à ce stade, et il va réaliser des vidéos, des sculptures et des installations qui adopteront le langage de cette discipline éminemment politique.

Fatmi réalise sa vidéo Horizontal Fall, 2000, étrangement visionnaire, à partir de séquences tournées dans le quartier du Val-Fourré de Mantes-la Jolie. Les prises de vue montrent la démolition de tours d’habitation de dix-huit étages à 14 h 30 précises le dimanche 1er octobre 2000. Cet ensemble de logements sociaux construit en 1973 était soumis à un projet de réaménagement. La mairie avait programmé à cette occasion un spectacle de musique et danse intitulé Tours sonnantes, avec installation temporaire de haut-parleurs sur l’espace communautaire. Cet opéra urbain composé par Kamil Tchalaev était accompagné d’une chorégraphie de Sabine Jamet à laquelle participaient les enfants du Val-Fourré. Le programme comprenait un appel à la prière du muezzin (enregistré par Fatmi) ainsi que l’angélus d’une congrégation catholique locale. La vidéo s’ouvre avec le bruit des sirènes suivi par l’annonce faite sur Radio Droit de cité de la destruction prévue des tours sept et neuf. Après le chant du muezzin, les deux tours enveloppées dans une banderole blanche, évoquant un bandage, s’écroulent en même temps. « Voilà une page de l’histoire du Val-Fourré qui vient de se tourner », commente une voix à la radio, « vingt-sept ans d’histoire viennent de s’effondrer ». Un nuage de poussière sature l’atmosphère et l’objectif de Fatmi suit des dizaines de familles parquées entre des barrières métalliques, qui retournent voir le site désormais vide. Quelques années plus tard, après l’effondrement des deux célèbres tours de New York, Fatmi réalise Save Manhattan 01, 2003-2004, ombre portée de l’ancienne ligne de gratte-ciel de la métropole américaine construite avec deux exemplaires du Coran et des ouvrages publiés après le 11 septembre. « Avec la destruction des tours jumelles, nous redécouvrons que tout est fragile » , rappelle Fatmi. Interpellé par le caractère de vulnérabilité révélé par cet événement, l’artiste explore son contexte et ses implications dans trois différents médias. Le premier est construit avec des livres qui, selon Fatmi, « n’auraient jamais existé sans cet événement » . Dans les deux secondes manifestations de ce « triptyque », Fatmi réalise la perspective de la ville avant le 11 septembre avec deux autres « outils de manipulation médiatique contemporaine »  : des cassettes vidéo noires et des haut-parleurs. Il a fait le choix des cassettes VHS pour Save Manhattan 02, 2005, comme moyen de s’attaquer à la surcharge d’images qui a suivi l’événement (et sans doute également en référence à l’un des principaux moyens utilisés par les islamistes radicaux pour diffuser leurs enseignements). Pour la présentation à la 52e biennale de Venise, Fatmi construit Save Manhattan 03, 2007 avec des haut-parleurs diffusant les sons réels que l’artiste avait enregistrés à New York. En s’appropriant l’ambiance sonore « du matin, de l’après-midi et du soir dans les rues et le métro » , cette œuvre, la dernière de cette série, fait revivre après l’épreuve la ville confrontée à sa vulnérabilité.

La sculpture (et la série de photographies) intitulée Brainteaser for Moderate Muslim/Casse-tête pour musulman modéré, 2004 (2009) met en scène la figure architecturale la plus emblématique de l’islam, la Kaaba de La Mecque. Fatmi utilise pour cette œuvre quatre Rubik’s Cubes noirs, chacun entouré d’une bande blanche l’identifiant, à différentes étapes de manipulation. Présentant également une version jouet de la Kaaba, la vidéo Manipulations, 2004 montre deux mains noircies de mazout maniant l’un des Rubik’s Cubes bicolores. La manipulation incessante du cube noirci devient un symbole du rituel de circumambulation que pratique le croyant musulman autour du sanctuaire d’Abraham. La bande-son impulse en même temps un rythme évoquant les battements d’un cœur en acier qui s’accélère à mesure que la solution approche. Tandis que l’image s’estompe, Fatmi introduit des scènes d’archives montrant des pèlerins qui effectuent l’un des sept tours rituels autour du bâtiment cubique de La Mecque. Le Rubik’s Cube disparaît dans les dernières minutes de la vidéo tandis que les mains maculées poursuivent leur frottement.

La structure de la Kaaba apparaît également dans l’œuvre Propaganda/Propagande, 2004, sous forme d’un « cube fait de bandes VHS [qui] représente La Mecque ». La proposition de l’artiste vise « à désacraliser l’objet pour le transformer en une sculpture sur un socle ». Réalisées un an avant Save Manhattan 02 (entièrement constituée de cassettes VHS noires), ces œuvres marquent l’introduction de la cassette vidéo comme le véritable médium de Fatmi dans la maturité de sa pratique, mettant en exergue un moyen de reproduction et de distribution : les méthodes de propagande. Les cassettes vidéo contenant des enseignements dispensés par des imams radicaux ont fait leur apparition à Casablanca dans les années 1980 et provenaient d’Arabie Saoudite. « Ma réflexion concernant les cassettes VHS a commencé au début des années 1990, parce que les cassettes étaient utilisées comme moyen de propagande au Maroc pour diffuser les prêches d’Arabie Saoudite. La seconde étape a été le fameux enregistrement de Ben Laden… Il fallait accepter cette bande, la croire sur parole ». A l’adolescence, Fatmi travaillait dans un studio de vidéos de mariage à Casablanca, et après le travail il faisait avec ses collègues des copies des bandes saoudiennes, marchandise populaire dans les rues de la ville.

Pour sa vidéo Commerciale, 2004, Fatmi met en scène une situation qui serait inimaginable dans la France d’aujourd’hui (comme en Europe ou aux Etats-Unis d’ailleurs) en plaçant une réplique à échelle réduite de la Kaaba au centre de la porte-tourniquet d’un centre commercial de province. Pendant toute une après-midi, le cube noir comportant une bande blanche distinctive dans son tiers supérieur a fait la toupie au centre de la porte tournante de l’entrée, scandant les allées et venues des clients indifférents. Fatmi inclut dans sa vidéo le bruit de vaisselle du café mêlé au murmure des passants armés de chariots, de caddies et de sacs à provisions. Grâce à un effet de transparence obtenu avec Final Cut Pro, nous voyons les silhouettes tournant autour de la sculpture temporaire qui semblent se fondre dans l’arrière-plan du banal centre commercial.

En recréant les tours rituels des pèlerins autour de la structure sacrée de La Mecque, Fatmi assimile le centre commercial français et la Kaaba à des sites d’échanges commerciaux. L’artiste explique qu’à l’origine, « chaque tribu vendait des représentations de son Dieu [à La Mecque] ». En fait, avant que Muhammad ne fît la conquête de La Mecque en 630, la Kaaba contenait 360 idoles païennes différentes, toutes ayant été ensuite retirées conformément à la vision monothéiste du Prophète. « Quand il fut décrété que Dieu était partout et qu’il était seul et unique, La Mecque cessa effectivement de jouer un rôle commercial », explique Fatmi. La vidéo fait à la fois référence au rôle historique du site religieux et au récent processus de recommercialisation de la zone adjacente à la Grande Mosquée en raison des nouvelles constructions que sont les tours Abraj Al-Bait, connues sous le nom de Royal Mecca Clock Tower, gigantesque centre commercial ouvert en 2012 par le groupe Ben Laden.

Mettant en scène un autre exemple d’architecture islamique – cette fois un marabout dans la campagne tunisienne – la vidéo The Lost Ones/Les Egarés 2003-2004 montre des jeunes gens perchés sur le dôme d’un lieu saint. Les critiques Odile Biec et Evelyne Toussaint ont écrit, dans leur texte « Comprendra bien qui comprendra le dernier », que dans cette vidéo, « la caméra se fait arabesque pour dessiner corps et architecture, inventant une topologie ». De la même manière, les silhouettes de jeunes gens habillés à la mode occidentale scrutent les environs avec intensité et détermination, comme s’ils revendiquaient les lieux. L’artiste se garde bien de faire une bande-son trop élaborée, donnant la primauté au bruit du vent et au son des cloches.

Fatmi se doutait bien que sa prise de vue pour The Lost Ones/Les Egarés serait coupée à l’arrivée de la police. Il prépara avant de filmer une pile de cassettes qu’il savait devoir être confisquées, et une heure après avoir commencé l’enregistrement, son équipe était contrainte de se disperser. A la fin de la vidéo, Fatmi présente un montage d’hommes et de garçons portant des calottes et des vêtements blancs qui prient en se balançant devant des pages de texte calligraphié. Le contexte de sa performance subversive est donc fourni par ces images évoquant les rituels religieux traditionalistes.

Un autre défi à l’autorité, politique cette fois, se manifeste dans l’installation intitulée In the Face of Silence/Face au silence, 2002, qui se réfère à la disparition de Mehdi Ben Barka. L’œuvre repose sur une photo d’archive du roi Hassan II conduisant dans une voiture royale le leader marocain du parti de gauche antiroyaliste (autrefois précepteur du jeune prince). Conscient du fait que « l’on ne peut pas créer une œuvre politique, on ne peut qu’utiliser un contexte politique dans lequel l’œuvre peut évoluer » , Fatmi présente ici une collection d’artefacts, y compris la photo historique en question et une figurine de matador agitant une cape rouge ornée de l’étoile verte du drapeau marocain. Peu de temps après qu’eut été prise la photo du roi en compagnie de Ben Barka, le chef de l’opposition alors en exil était kidnappé à Paris alors qu’il sortait de la brasserie Lipp. On ne l’a jamais revu. Les théories de la conspiration évoquent les noms d’Hassan II, du général Oufkir ainsi que la CIA et le Mossad. Sans se livrer à une dénonciation, Fatmi se contente ici de lever le voile sur la fin mystérieuse d’une personnalité qui, après avoir noué des relations étroites avec la famille royale, se rapprocha de révolutionnaires tels que Che Guevara et Malcolm X. Faisant de nouveau référence au contexte politique, l’installation G8 The Brooms/G8 Les Balais, 2004 se concentre sur le rôle des coalitions internationales. L’artiste attache chaque drapeau des nations membres du G8 à un balai-brosse. L’œuvre semble prémonitoire car la collection de balais appuyés contre le mur préfigure le souhait émis par l’ancien président Nicolas Sarkozy, lors des émeutes de novembre 2005, de « nettoyer au karcher la racaille » de la banlieue parisienne. Avec l’utilisation de barres de saut d’obstacle évoquant les barrières politiques et sociales (parallèlement à l’allusion à la tradition équestre arabe), Fatmi réalise des installations telles que Traps/Pièges, 2004-2005 et Next Flag, 2004-2007 avec des barres de saut d’obstacle agencées pour former toutes sortes de configurations. Peintes avec des bandes de couleur (comme les sculptures réalisées avec du câble d’antenne enveloppé dans du ruban coloré), ces barres fonctionnent comme des lignes tracées ou des traits de peinture, créant ainsi des compositions vivantes de formes et de couleurs variées. Continuant de filer cette métaphore équestre, la trilogie vidéo Man Without a Horse/L’Homme sans cheval, 2004-2005 examine « trois types de chute : physique, métaphysique et historico-politique » . Fatmi aborde dans ces œuvres la lutte de l’homme avec l’Etat, le pouvoir, l’histoire et le cours du futur à travers un montage frénétique de compétitions de saut d’obstacles, sculptures équestres, manèges et cavalier seul. La série prend fin avec Movement 03/Mouvement 03, vidéo dans laquelle nous voyons un vieil homme en tenue de cavalier anglais traditionnel (mais sans cheval) donnant des coups de pied dans un ouvrage relié intitulé HISTOIRE, dans la boue d’une route de campagne. Le comportement névrotique de l’acteur est rythmé par une musique électronique inquiétante évoquant les sons tourmentés d’instruments à cordes et de cuivres. Le livre finit par partir en lambeaux, mais le vieux jockey continue de shooter dans les pages à travers la boue et les flaques d’eau. En dernier lieu, le protagoniste tombe à terre et l’artiste déclare dans le texte sur l’écran : « L’homme est le seul héros de sa propre histoire. » Une scène tout aussi désastreuse marque l’œuvre Picnic under embargo/Pique-nique sous embargo, 2003, performance et installation à l’extérieur composée de tapis orientaux, d’une table, de vaisselle et d’un système audio électronique amplifiant les bruits faits par l’artiste en mettant le couvert et en pliant les couverts avec des pinces. Pour la présentation de l’œuvre à la deuxième rencontre internationale d’art contemporain aux îles Canaries, Fami coupa le centre de la table en bois pour installer les éléments autour des troncs des bouquets d’arbres. Evoquant un lieu de rassemblement, le titre de l’œuvre annonce néanmoins une situation d’isolement, un acte de sanction politique. La performance de Fatmi se termine sur « la destruction de tout ce qui est sur la table » .

Dans la même veine, la vidéo Feast Tribute to William Burroughs/Festin, hommage à William Burroughs, 2003 associe consommation et destruction en une référence cauchemardesque à l’ouvrage de William Burroughs intitulé «Naked Lunch/Le Festin nu, livre de « routines » (récurrences de fragments de texte) se situant en partie dans les quartiers malfamés de Tanger. La vidéo, qui a pour fond sonore le bourdonnement frénétique d’insectes ailés, nous montre un criquet vert brillant qui avance parmi des centaines de bonbons de toutes les couleurs éparpillés dans une fosse en béton de faible profondeur. On peut clairement y voir une allusion à l’addiction et aux drogues qui enferment dans le délire. Le cricket est bientôt pris au piège, traînant son abdomen et incapable de sauter. Fatmi reprend les termes de Burroughs dans un texte qu’il ajoute au montage : « Héroïne-opium-morphine-Palfium : tout ça pour te délivrer du singe, le singe monstrueux du besoin qui te ronge la nuque et te grignote toute forme humaine. »

Fatmi réalise la même année sa vidéo The Scissors/Les Ciseaux, 2003 « en collaboration avec les islamistes qui dirigeaient les codes de la censure » . A partir des scènes coupées du film de Nabil Ayouch Une Minute de soleil en moins, la vidéo de Fatmi met en scène, ponctuée par une forte respiration, une séquence dans une chambre à coucher faiblement éclairée, en alternance avec les images d’un groupe de paysans marchant à travers un paysage accidenté. Nous voyons également un garçon monté sur un âne, des enfants faisant de la balançoire et un enfant cassant une piñata en argile avec un bâton. A la fin de la vidéo, Fatmi fait entendre le script original d’Ayouch. « Le monde n’est qu’un égout sans fond », dit en français une voix de femme, « … mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux. » Fatmi révèle ici une série d’échanges cachés, chair et narration jugées trop dangereuses pour pénétrer les cinémas, les maisons et les esprits des Marocains. L’artiste va à l’encontre des censures faites par les leaders religieux en révélant des images autrefois considérées comme de la contrebande.

Prenant comme point de départ « une mutation du mot “Taliban?, qui signifie en arabe “étudiant? » , Fatmi fait intervenir sa propre bibliothèque pour réaliser sa série Connections/Connexions, 2003-2007. Afin de démontrer les liens à la fois dangereux et nécessaires entre les idées et l’information, il relie entre elles une série de publications avec des pinces et des câbles de couleur. « Pour les Talibans, étudier signifie étudier un seul et unique livre, le Coran », explique Fatmi. « Je ne crois pas que l’on puisse comprendre le monde en n’étudiant qu’un seul livre. Nous avons besoin de faire des liens avec d’autres choses, parfois des choses contradictoires… Le danger ne réside pas dans la seule lecture du Coran, mais dans sa connexion avec d’autres livres. » Dans la série L’évolution ou la mort, qui présente des jeunes gens portant une collection de livres et de journaux attachés autour de leur taille, Fatmi suggère malicieusement que les connexions faites par l’artiste pourraient être utilisées comme une sorte d’EEI intellectuel (Engin Explosif Improvisé).

Faisant écho aux diagrammes de Mark Lombardi dessinant méticuleusement les réseaux du crime et de la conspiration, les sculptures de sa série Connections/ Connexions relient des publications telles que The Oxford Cambridge New English Bible au Flowering of Muslim Theology de Josef Van Ess et The Buddhist Vision de Dharmachari Subhuti. En entrechoquant les systèmes de croyance des trois religions du livre avec ceux de l’hindouisme et du bouddhisme, Fatmi propose un réseau d’influences et d’échanges. De même, son Connection 02 : The Language/Connexion 02 : Le Langage, 2003-2004 associe l’ouvrage comique de Jérôme Duhamel, 100 % français, avec le Harrap’s Parler le japonais en voyage et le Dictionnaire Larousse moderne français-italien, créant une cacophonie visuelle. Dans les œuvres My Literature/Ma Littérature, 2003 (triptyque photographique) et Evolution or Death/L’Evolution ou la mort, 2004 (série photographique présentée à la première biennale d’Haïfa), ainsi que dans celle plus récente intitulée French Theory, 2010 (sculpture de livres et de câbles), Fatmi continue d’utiliser le câble électrique pour susciter des réactions face aux mots en noir et blanc qu’il choisit de juxtaposer.

Lumière aveuglante 2006-2009

En chorégraphiant son affrontement public avec les récits dominants de l’histoire, de la religion et de l’architecture, le travail de la maturité met en œuvre les objets, les figures et les systèmes de croyance que l’artiste a rencontrés au cours de sa vie. Tout en suivant différentes trajectoires géographiques, politiques et culturelles, Fatmi maintient un langage visuel direct qui met en scène des éléments choisis parmi les matériaux facilement accessibles de produits bas de gamme et de plus en plus obsolètes : bandes noires VHS, câble d’antenne blanc, fil électrique et barres de saut d’obstacle. La vidéo et le texte (sous forme de calligraphie arabe, d’alphabet hébreu et de caractères latins pour l’anglais, le français et l’allemand) sont de plus en plus caractéristiques de son travail esthétique à mesure qu’il extrait de l’histoire des images, des textes et des artefacts pour les exposer à une lumière aveuglante. Dans son diptyque photographique I Like America/J’aime l’Amérique, 2006, Fatmi revient au jockey qui apparaît dans la vidéo The Man Without a Horse/L’Homme sans cheval, en le présentant au milieu de barres de saut d’obstacle peintes aux couleurs du drapeau américain. I Like America, tribute to Jacques Derrida/J’aime l’Amérique, hommage à Jacques Derrida, 2007, montre également des obstacles en bois sur lesquels sont peintes des étoiles et des bandes. Dans les deux œuvres, plusieurs barres sont fendues ou cassées, faisant ainsi écho à l’accueil divisé que reçut le philosophe français aux Etats-Unis. Si Derrida y a finalement conquis de nombreux partisans (les universités de Columbia et New School lui accordèrent des diplômes honoris causa), de nombreux universitaires américains virent en lui « la personnification d’une école de pensée française qui selon eux portait atteinte aux bases traditionnelles de l’enseignement classique, et donc souvent source de divisions politiques » . Mettant en parallèle le sport, la philosophie et la politique, domaines où les nations se livrent une compétition également acharnée, Fatmi présente dans ces œuvres le terrain d’action sans pour autant déclarer un vainqueur. Les œuvres After the Fall/Après la chute, 2007, simple barre de saut d’obstacle, rouge et brisée, et Double Strategy/Double stratégie, 2007, empilement de béquilles, soulignent également la fragilité des matériaux choisis par Fatmi et la vulnérabilité du travail artistique. « L’obstacle est avant tout une œuvre d’art, fragile, instable, toujours menacée d’une éventuelle chute. » Par leurs titres et leur langage visuel direct, ces sculptures font fortement référence aux Etats-Unis, suggérant de manière visionnaire l’instabilité à la veille de la crise financière internationale qui débuta en 2008, événement global provoqué dans une large mesure par la faillite de la banque Lehman Brothers – qui avait son siège à Manhattan –, et l’effondrement du marché immobilier américain. Enquêtant également sur les fissures qui ont marqué l’histoire récente des Etats-Unis, le travail le plus rigoureux de cette période porte sur l’héritage de l’organisation révolutionnaire du Black Panther Party. Intégrant des documents d’archives largement censurés ainsi que de nouvelles interviews qu’il avait réalisées avec David Hilliard, ancien chef d’état-major des Black Panthers, Fatmi a réalisé des vidéos, des installations et des photographies qui tentent de recontextualiser les actions de ce groupe controversé et étroitement surveillé. Avec une rigueur dont il n’avait pas encore témoigné face aux gouvernements de sa région natale, Fatmi dénonce ici des actes de surveillance et de censure accomplis par le FBI. Les archives du FBI relatives aux Black Panthers, rendues publiques de 2006 à 2009 par la loi pour la liberté d’information (Freedom of Information Act), constituent le point de départ de Out of History/Sortir de l’Histoire, 2005-2006, installation de documents d’archives, et de la vidéo History of History/Histoire de l’histoire, 2006. Cette dernière présente un montage de la conversation de l’artiste avec Hilliard et des dossiers d’enquêtes sur les activités des Black Panthers depuis leur création en 1966 jusqu’à leur dissolution au début des années 1980. Fatmi a invité Hilliard à Paris en mars 2006 pour présenter une sélection de documents recueillis sur le parti à l’exposition « Black Panther Party for Self-Defense » (nom initial du groupe) à la galerie La B.A.N.K., première galerie avec laquelle Fatmi travailla à Paris. C’est à cette occasion que Hilliard donna à Fatmi des détails sur l’histoire de son organisation et sa surveillance par les services secrets de J. Edgar Hoover. La vidéo Suprematisme for Self-Defense/Suprématisme pour l’auto-défense, 2006-2009 traite également des Black Panthers et de la surveillance du groupe par le FBI. Une grande partie des 2 000 dossiers communiqués sur les Blacks Panthers furent censurés avant leur publication, le sujet étant jugé trop sensible pour le grand public. Mobilisant cette collection de documents, Fatmi efface toutes les données numériques du texte autorisé pour ne laisser apparaître que les bandes et carrés noirs utilisés pour censurer l’information. Le résultat rappelle les œuvres suprématistes de Malevitch, toiles au contenu fortement idéologique qui célébraient l’abstraction, la technologie et la philosophie sans objet. Les épaisses bandes noires qui effacent l’information recueillie s’accumulent lentement sur un fond blanc, parallèlement à des codes numérotés, à la marque d’un sceau et d’une signature. Il n’y a aucun son, juste l’assemblage continu de taches sombres. Le processus se poursuit jusqu’à ce que l’écran devienne entièrement noir. Est-ce une coïncidence si Ad Reinhardt a peint ses monochromes noirs à l’époque où Edgar Hoover était au sommet de sa carrière à la tête du FBI ? Associant un mouvement politique – le Black Panther Party – à un mouvement artistique – le suprématisme – dans une démarche très semblable à celle de sa série d’affiches pour l’œuvre The Dynamic Geography of History, 2006-en cours de réalisation, Fatmi crée un lien indissociable entre le politique et l’esthétique. Il propose des équivalences entre des mouvements comme le capitalisme et le minimalisme, le fascisme et le futurisme, le socialisme et le constructivisme, liste de couplages humoristique mais non dénuée de vérité. Memorandum, 2009, vidéo plus récente, met en œuvre des séquences de conversations entre Fatmi et Hilliard, notamment des enregistrements du dialogue avec un public composé d’amateurs d’art de la classe moyenne et de jeunes de la banlieue parisienne réunis à la galerie La B.A.N.K. à l’occasion de son exposition de 2006. Répondant aux questions de l’assistance, Hilliard explique les motifs des Black Panthers et ceux du FBI. Grâce à la loi sur la liberté d’information, Hilliard a pu présenter trois millions de documents, mais 200 000 seulement ont été finalement publiés. La vidéo présente les images des pages autorisées, réduites encore par la censure d’Etat apposée sur les images enregistrées. Lignes et texte masquent le visage de Hilliard qui tente de combler les lacunes de son histoire. Un jeune homme au style hip-hop interroge : « Pourquoi les noms sont-ils barrés? » « Pour qu’on ne sache pas qui nous a dénoncés », explique Hilliard, « ils ont donc barré les noms pour qu’on ne sache pas qui a parlé ». Il énonce les statistiques : « Vingt-sept tués, quarante toujours en prison, neuf en exil… Tout le monde est allé en prison, et l’on était content d’y aller car sinon ils nous tuaient. » Le groupe a reçu le statut d’ONG à Alger, reliant les Black Panthers à la région d’origine de Fatmi. « Nous étions un mouvement mondial », explique Hilliard, « c’est pourquoi ils avaient peur de nous ». Dans sa conversation avec les jeunes de banlieue, Hilliard fait le rapprochement entre les Black Panthers et les jeunes qui avaient rejoint les émeutes en France durant le printemps : « Nous voulons tous du travail, la sécurité sociale et l’éducation, c’est ce qui nous unit. » Plusieurs œuvres de cette période reflètent l’intérêt accru que Fatmi porte aux archives et sa volonté de recontextualiser les artefacts historiques. Son installation intitulée The Monuments/Les Monuments, 2008-2009, amas de casques de chantier portant les noms des principaux philosophes occidentaux, rappelle l’humour allusif du cercle de 100 narguilés figurant dans son œuvre Assassins, 2010. Catalogue en trois dimensions répertoriant les penseurs qui ont influencé sa pratique et les stéréotypes culturels qui ne cessent d’alimenter ses lignes d’investigation, ces deux œuvres servent de nomenclature pour identifier les pôles du conflit Orient-Occident.

A travers tout un fonds d’archives, Fatmi aborde l’architecture, cet art qui a été parfois célébré, mais s’est aussi souvent avéré fragile et controversé. La photographie Fuck the Architect, 2010, par exemple, image en noir et blanc d’un vendeur de souvenirs déployant ses tours Eiffel miniatures dans la poussière du Champ-de-Mars, non seulement se réfère au marché de Casabarata et à l’intérêt pour la reproduction qu’il a très tôt suscité, mais étudie les possibilités documentaires de l’architecture monumentale. « C’est la relique qui devient plus intéressante que l’original », dit Fatmi. En se démocratisant, la reproduction permet aux autres classes de « consommer une copie de la culture ».

Après la série Save Manhattan, pointant la vulnérabilité de l’architecture monumentale (sans parler de celle de la nation), Fatmi continue d’en étudier l’instabilité dans de nombreuses sculptures et vidéos. A la biennale de Sharjah, il présente Underneath, 2007, œuvre qu’il décrit comme un genre de « tabula rasa » représentant la silhouette anonyme d’une ville moderne projetée au-dessus et au-dessous d’une table blanche. De la même manière, Skyline, 2007, sculpture faite de cassettes VHS noires montées contre un mur, leurs bandes magnétiques se déroulant jusqu’au plancher, reflète la verticalité d’un paysage urbain dont le cadre rigide ne peut garantir la pérennité du contenu.

Dans la série de vidéos Architecture Now !, l’œuvre intitulée Etat des Lieux # 3, I lived on the 3rd floor in Tower n°2, 2010 montre des vues calmes de tours d’immeubles, des rues de quartier paisibles et la destruction continue de hautes tours d’habitation entre les mâchoires d’une pelle mécanique. Le bruit de la machine mordant le béton et les débris tombant à terre constituent le paysage sonore de la vidéo. Des silhouettes apparaissent parfois à distance, mais il est impossible de déchiffrer leurs visages, leurs expressions, leur appartenance ethnique. La vidéo s’achève sur une musique du groupe de rap français Uzi, dont les membres – amis de Fatmi – habitent Mantes-la-Jolie. L’album s’intitule « La limite, le ciel », mais est-ce possible quand il pleut des briques et de l’acier ? La vidéo Etat des lieux # 4, la cité d’urgence, 2010, qui fait également partie de la série Architecture Now !, présente des séquences du même engin de démolition attaquant le toit d’un immeuble résidentiel de cinq étages au cours d’une journée ensoleillée. On entend les bruits de la lourde machine, les débris qui tombent et l’eau qui jaillit des mâchoires d’engin pour faire tomber la poussière. Cette vidéo se caractérise par des plans fixes, une photo soignée et des couleurs éclatantes, les cellules du bâtiment gardant les traces des différents espaces privés. Réalisant un effet de patchwork en juxtaposant un ensemble de pièces qui étaient autrefois séparées, l’objectif de Fatmi explore des pans de papier peint orange vif, jaune ambré, vert menthe, aux motifs bizarres, une frise florale encadrant une porte à l’abandon. Au moment où le revêtement du bâtiment est arraché, on entend le premier mouvement de l’opus 23 d’Arnold Schoenberg, la musique de l’utopique Bauhaus s’élevant tandis que s’écroulent les murs de la modernité. Alors que l’artiste recourt une fois de plus aux cassettes noires pour construire ses fragiles architectures, l’installation Keeping Faith/Gardons espoir, 2007, est pour lui l’évocation « à la fois d’une chaise électrique qui représente la mort et d’une image de trône qui représente la société du spectacle que dénonçait Guy Debord ». Fatmi a commenté cette œuvre en la rapprochant de celle d’Andy Warhol, Big Electric Chair, 1967, œuvre dont l’artiste marocain dit qu’elle nous juge « tous coupables et que nous sommes tous condamnés à voir ». Celle de Warhol est une « chaise moderne pour une mort moderne », écrit Fatmi, et il fait écho à cette mort dans son propre travail : « L’image de la chaise s’efface dans une installation faite de cassettes VHS, destinées à une mort programmée avec les images enregistrées ». Fatmi cite Warhol : « On n’imagine pas le nombre de personnes qui accrocheraient chez elles le tableau de la chaise électrique, surtout si les coloris de la toile s’harmonisent avec les rideaux. » Pour Fatmi, c’est « là que résident le génie de Warhol et tout son talent – sa capacité de camoufler une telle image d’horreur pour qu’elle rentre dans un salon ». C’est donc avec cette œuvre, Keeping Faith/Gardons espoir, que Fatmi tente également d’adopter la stratégie du camouflage, présageant la liquidation de l’objet et de son image. Cette menace d’effacement caractérise également d’autres œuvres que Fatmi a réalisées avec des bandes vidéo, comme son installation en forme de sépulture, Leave and wait for me/Va et attends-moi, 2007, la composition murale Black screens : The line/Ecran noir : la ligne, 2007-2008 ou encore la sculpture A Tomb for the Color Black/Un Tombeau pour la couleur noire, 2011.

Indices d’une fin apocalyptique, ces œuvres sont en étroite relation avec une autre partie de la production de Fatmi qui explore directement la mort de Dieu. Pour sa vidéo God is dead, 2007, l’artiste alterne les phrases imprimées « God is dead by Nietzsche » et « Nietzsche is dead by God » en lettres noires ornées sur fond blanc. La vidéo n’est pas sonorisée, conférant aux mots anglais la gravité du silence. Par ailleurs, l’installation God is Great/Dieu est grand, 2009, présente des feuilles de papier blanc portant l’inscription « God is Great ». Minuscule, presque invisible à l’œil nu, la ligne imprimée ne peut être vue qu’avec une loupe, fournie par Fatmi. Comme les mots qui pâlissent dans sa vidéo God is dead, examinés avec un instrument d’optique, les mots de la foi apparaissent comme des éléments à disséquer et éclaircir. Les peintures murales en noir et blanc Hard Head/Tête dure, 2005-2008 et Dead or Alive/Mort ou vif, 2008 montrent l’image agrandie de crânes ornés de calligraphie arabe ou d’une longue barbe taillée selon les prescriptions religieuses. Ce sont ces têtes marquées autrefois, comme on l’imagine, par les contusions de la prière, que Fatmi nous présente comme les reliques sans vie de la tradition et de la croyance.

« Qu’est-ce que la mort ? » demande Fatmi à propos de ces œuvres. « La fin du cycle », déclare-t-il. « Et où est cette fin ? Au marché de Casabarata. » Ainsi nous renvoie-t-il, une fois encore, dans les rues poussiéreuses de Tanger, aux origines de son langage visuel et conceptuel. L’élaboration d’un travail d’archives approfondi, réalisé en accolant et en questionnant les mots et les images jusqu’à leur point de désintégration, fournit finalement un éclairage au langage esthétique. Parlant de l’installation Ghosting 2009, composée de machines XEROX et de cassettes VHS, Fatmi nous dit qu’elle est chaotique « comme le marché de Casabarata ». Dans la même veine, Mehr Licht !, 2009-2011, installation hypnotisante traduisant le spectacle de Times Square en disques mobiles de calligraphie arabe, et l’œuvre In the absence of evidence to the contrary/Jusqu’à preuve du contraire, 2012 mettent en scène de massives photocopieuses, du néon et du texte, submergeant le spectateur sous une lumière aveuglante. La lumière n’a pas pour fonction de révéler : les néons et les flashs menacent ici d’escamoter l’original en produisant des copies à l’infini, et de saturer de lumière les objets, le texte et les images jusqu’à les faire disparaître.`

Etat d’urgence, 2009-2012

Tout au long de sa pratique, Fatmi a laissé transparaître son intérêt pour le langage et les jeux. Le texte envahit ses vidéos et ses sculptures, et des œuvres comme Brainteaser for Moderate Muslim/Casse-tête pour musulman modéré révèlent son intérêt pour le jeu. Ce qui est nouveau dans son travail le plus récent est l’attention portée à la machine, cet animal sans affects qui l’avait déjà interpellé dans les vidéos Architecture Now !. Fatmi fait appel à une proposition tirée des Fiches, § 327, de Ludwig Wittgenstein : « Comparons : inventer un jeu, inventer un langage, inventer une machine » , qui suggère à l’artiste une combinaison entre le jeu, le discours et la machine moderne. Fatmi affirme que langage et jeu peuvent fonctionner avec la même impulsion brutale que les objets mécanisés, et, inversement, que la machine peut incarner la poésie et la clarté de nos constructions linguistiques et sociales. Plusieurs œuvres récentes révèlent un besoin impérieux de donner au texte une plate-forme solide et précise. Cette esthétique toujours plus agressive apparaît de manière frappante dans nombre de sculptures associant des lames rotatives en acier et de voluptueuses arabesques de calligraphie arabe : The Machinery, 2008, 30 lames de scie en acier ornées de caractères noirs et assemblées sur le mur en un étrange essaim ; Cuts, 2009, lames d’acier ornées de calligraphie qui percent au travers de leurs socles blancs ; et Contamination, 2009-en cours de réalisation, série de photographies présentant des lames de scie couvertes d’inscriptions calligraphiques, tranchant dans diverses publications telles que Le Grand Dictionnaire de l’Art, des extraits du Coran et le hadith du Prophète. De la même façon, la sculpture Between the Lines/Entre les lignes, 2010 présente des disques d’acier ajourés dont les motifs calligraphiques font jouer l’espace positif et négatif, l’ombre et la lumière. L’installation Modern Times, A History of the Machine/Les Temps modernes, une histoire de la machine, 2010 comporte une armée de lames rotatives perforées, une musique électronique convulsive et une projection vidéo en noir et blanc qui superpose des disques ornés de calligraphie tournoyant sur des plans architecturaux de monuments du Moyen-Orient. L’œuvre prend comme référence le film de Charlie Chaplin de 1936, Les Temps modernes, qui montre dans une scène culte l’acteur happé dans l’engrenage d’une machine monstrueuse. Pour Fatmi, le film de Chaplin et sa propre vidéo parlent de l’aliénation de l’homme dans la société industrielle moderne. Les vidéos Mixology/Mixologie et Technologia (toutes deux de 2010) présentent des textes arabes sur des disques tournant rapidement. Mixology donne à voir le transfert d’arabesques noires et blanches sur une table de mixage, alors que Technologia ajoute des dessins géométriques à des flashs rapides de texte calligraphique en noir et blanc, créant ainsi une illusion de profondeur et de forme. A la fois hypnotiques et déroutantes, ces vidéos associant le texte et le cercle évoquent les pratiques répétitives des rituels religieux, comme le cycle de prières quotidien du musulman, les circumambulations autour de la Kaaba ou encore le chapelet du chrétien catholique. Les cercles de calligraphie qui tournoient sur le mur et la piste de danse rappellent également les Rotoreliefs (1935) de Marcel Duchamp, disques en carton noir et blanc que l’on fait tourner pour produire une illusion de profondeur ou un objet familier en trois dimensions. Imprimés et tirés à plusieurs exemplaires, les Rotoreliefs de Duchamp évoquent également la production en série de l’usine de Chaplin et préfigurent l’intérêt de Fatmi pour la reproduction. La vidéo Beautiful Language, 2010, illustre également la violence incisive du langage. « Ma langue est une hémorragie », déclare Fatmi dans cette œuvre, ligne extraite de son Manifesto Coma (commencé à Tanger en 1998), « Je saigne chaque fois que je parle ». La vidéo, qui obtint le Grand Prix de la biennale du Caire en 2010, est un montage d’images hachées extraites du film de François Truffaut, L’Enfant sauvage, 1970, basé sur une histoire vraie, celle d’un enfant « non civilisé » qui à la fin du XVIIIe siècle fut confié aux soins d’un médecin voulant étudier son cas. La succession d’images clignotantes de cette vidéo est difficile à observer ; nous voyons le visage de l’enfant « sauvage » nettoyé, ses cheveux coupés, le docteur et sa servante habillant l’enfant et le chaussant, le mesurant et l’examinant, lui apprenant à marcher. Le garçon apprend à tenir une tasse de thé, à assembler un puzzle alphabet. Au tableau noir, l’enfant trace des cercles rageurs lorsque le docteur tente de lui enseigner comment faire une ligne droite. Cette séquence est entrecoupée d’images répétées de l’enfant qui se tord sur le plancher, en proie à des réactions violentes contre cette formation. Mais nous ne pouvons pas entendre ses cris, masqués par une inquiétante bande-son de musique électronique. Un autre groupe d’œuvres faisant appel aux caractères arabes, hébreux et latins sous forme de sculpture donne à voir la puissance incisive du texte. Pour The Falls/Les Chutes, 2010, des formes calligraphiques en acier tombent d’une boîte en carton, et dans Suspect Language, 2010-en cours de réalisation, Fatmi construit des sculptures avec des lettres d’acier attachées avec de lourds colliers de serrage. Pour The Awakening Day/Le Jour du réveil, 2011, l’artiste place des caractères arabes dans une boîte en bois, chaque élément étant relié avec des câbles de démarrage. Et pour The Impossible Union/L’Union impossible, 2011, il a équipé une machine à écrire allemande de touches en hébreu et de calligraphie arabe surdimensionnée, soulignant le caractère fondamentalement incompatible de chaque langue. Le prélèvement et le remixage, procédés impliquant la désacralisation de la religion et des canons de la peinture occidentale, caractérisent plusieurs œuvres récentes, celles notamment de la série Mechanization/Mécanisation. Privilégiant le motif du cercle, Fatmi détourne ici des tapis de prière musulmans pour faire des collages. De même, pour son œuvre Maximum Sensation, 2010, il fixe sur des skateboards des morceaux d’étoffe tissés. La sculpture fait se confronter de manière ludique l’Orient et l’Occident, l’ancien et le nouveau, et chaque artefact revisité est imprégné des contradictions issues des choix de leur juxtaposition. Selon la même démarche, l’œuvre Sonia Sonia Sonia, 2011 est composée de collages de tapis de prière qui rappellent la palette et les formes des toiles et textiles des modernistes français. Les formes circulaires sont constamment présentes dans l’œuvre de Delaunay comme dans celle de Fatmi, filiation esthétique reliant les deux artistes à travers les cultures et le temps. Our Music/Notre musique, 2010, collage présentant des haut-parleurs et la reproduction d’une peinture classique, rappelle la confrontation d’objets du marché de Casabarata, notamment les vendeurs d’électronique et la copie de La Joconde mangée par un mouton. Pour sa vidéo The Angel’s Black Leg/La Jambe noire de l’Ange, 2011, basée sur une peinture de Fra Angelico intitulée La Guérison du diacre Justinien, 1438-1440, Fatmi se concentre sur l’acte médical inhabituel auquel sont soumis saint Côme et saint Damien : la greffe de la jambe de l’homme noir sur le corps blanc du diacre Justinien. Un bruit obsédant de cris aigus confère une tonalité fantomatique à l’œuvre de Fatmi, montage d’images en négatif, radiographie agrandie de la peinture du XVe siècle. « Les autres ne voient pas tout de suite la jambe noire », observe Fatmi, « ou écrivent sur le sujet, ou l’étudient ». Dans cette œuvre, la jambe noire est première, « le commencement d’une société métissée » signant le rejet, à la Renaissance, d’une séparation entre race et culture. Entretemps, Fatmi a également travaillé sur une enquête intime portant sur une icône contemporaine, l’écrivain Salman Rushdie. Après avoir tenté en vain d’entrer en contact avec Rushdie, qu’il espérait filmer dans son sommeil, Fatmi a décidé de recourir à la technologie numérique en 3D. Commencée en 2005, Sleep-Al-Naim, une œuvre de fiction en noir et blanc montrant l’écrivain qui se repose tranquillement, son torse nu se soulevant et s’abaissant au rythme de sa respiration, a été présentée pour la première fois à l’occasion du 25e anniversaire de l’Institut du monde arabe pour l’exposition « 25 ans de créativité arabe ». Pour Fatmi, Rushdie est « une vraie voix de la pensée critique ». Dans Les Versets sataniques, Rushdie « ouvrait une porte qui montrait que le monde arabe manquait d’autocritique et d’humour. Il est le sujet du film parce qu’il incarne une personnalité importante, mais aussi pour montrer qu’il est capable de dormir, qu’il peut être en paix et non sous la menace comme il l’a longtemps été. » Le roman de Rushdie, forme suspecte aux yeux de l’islam conservateur, et l’audace de son esprit satirique ont fait de lui à la fois un exilé et un héros de la liberté de pensée. Pour son projet The Journey of Claude Lévi-Strauss/Le Voyage de Claude Lévi-Strauss, commencé en 2010, Fatmi prend comme point de départ le livre dans lequel l’anthropologue raconte son propre voyage en exil. « Je hais les voyages et les explorateurs » , tel est l’incipit de l’ouvrage de Claude Lévi-Strauss Tristes Tropiques. « Au lendemain de l’armistice, l’amicale attention portée à mes travaux ethnographiques par Robert H. Lowie et A. Métraux, jointe à la vigilance de parents installés aux Etats-Unis, m’avait valu, dans le cadre du plan de sauvetage des savants européens menacés par l’occupation allemande élaboré par la Fondation Rockefeller, une invitation à la New School for Social Research de New York » , écrit-il, expliquant les arrangements lui ayant permis de quitter la France en 1941. « Mais je ne commençai à comprendre que le jour de l’embarquement, en franchissant la haie de gardes mobiles, casqués et mitraillette au poing, qui encadraient le quai et coupaient les passagers de tout contact avec les parents ou amis venus les accompagner, abrégeant les adieux par des bourrades et des injures : il s’agissait bien d’aventure solitaire, c’était plutôt un départ de forçats. » Pour Fatmi, le récit de Lévi-Strauss est représentatif de ceux des innombrables immigrants à travers le monde et l’histoire : « Plus que le voyage, c’est l’impossibilité du voyage, les frontières, les visas et le poids des identités que le voyageur exilé est obligé d’affronter qui forment le sujet de cette installation. » Réunissant Lévi-Strauss et ses collègues philosophes, l’œuvre commencée en 2010 et intitulée The Structuralists/Les Structuralistes présente un dessin en noir et blanc de cinq structuralistes (Claude Lévi-Strauss, Jacques Lacan, Louis Althusser, Michel Foucault et Roland Barthes) portant des pagnes et des bracelets aux chevilles, assis sur le sol de la forêt. Comme Fatmi l’explique, « l’œuvre se rapporte au langage et à sa structure, et surtout à la question de la fin, de “ce qui reste? d’un mouvement philosophique inspiré par un modèle linguistique ». L’illustration s’appuie sur une caricature faite par Maurice Henry, parue dans La Quinzaine littéraire en 1967, qui montrait les principaux philosophes dans une forêt, presque nus, avec leurs pensées pour seul entourage. Comme son œuvre sur les Black Panthers, celle-ci prend pour sujet un mouvement philosophique qui « a influencé beaucoup de gens à une époque, et qui conserve aujourd’hui un écho ». Faisant directement référence à l’arrivée et à la fin du Printemps arabe, The Lost Springs, avril 2011 réunit deux balais de trois mètres avec les vingt-deux drapeaux de la Ligue arabe. Présentée à la 54e biennale de Venise, l’œuvre est un écho formel de sa sculpture de 2004, G8 The Brooms/G8 Les Balais. Cette fois cependant les Etats-Unis et l’Europe sont exclus ; le bloc politique se trouve ridiculisé dans des œuvres telles que Green Monochrome, 2011, photo de l’ancien Premier ministre Tony Blair serrant la main de Kadhafi lors de leur première rencontre historique de 2004, après le renoncement de la Libye à son programme d’armes de destruction massive. Deux ans après les premières manifestations en Afrique du Nord, les soulèvements du Printemps arabe semblent retomber. Les islamistes ont attaqué des galeries d’art dans la riche capitale de Tunisie, invoquant des images qui offenseraient leur religion. Et le nouveau président égyptien Mohammed Morsi, du parti Liberté et Justice (branche des Frères musulmans), élu après des mois de protestations concentrées place Tahrir, au Caire, a clairement affirmé sa foi en la charia. « Charia ! Rien ne peut se faire sans la charia, charia, charia ! » a-t-il expliqué au printemps 2012. « Il n’y a pas d’autre bien pour la nation. Je jure devant Dieu et je vous jure à tous que la charia sera appliquée, peu importe ce qui est écrit dans la constitution. » Fatmi avait déjà tourné en dérision cette position dans des œuvres telles que The Thieves/Les Voleurs, 2006, montrant cinq mains de latex coupées alignées en travers du drapeau saoudien. Quelle que soit l’évolution de sa pratique, Fatmi continuera sans doute de revenir aux documents et aux récits de sa jeunesse, ainsi qu’au choc des cultures dont il a été témoin au cours de ses déplacements à travers la Méditerranée et l’Atlantique. Son intérêt formel pour le cercle, joint à son intérêt conceptuel pour la reproduction et la répétition apparaissent clairement dans ses œuvres les plus récentes, Casablanca Circles et Oriental Accident (toutes deux de 2012), installations ambitieuses qui font appel à la forme ronde en tant que symbole de la nature cyclique de l’histoire et du retour inévitable de la société au passé. Rejetant résolument la marche en avant du modernisme occidental, Fatmi ne fermera pas les yeux sur sa propre histoire et nous espérons qu’il continuera à faire courageusement face aux contradictions de son présent. « Si vous deviez définir votre travail en un mot, quel serait-il ? » lui demandait Jérôme Sans en 2007, lors de sa participation à la 52e biennale de Venise. « Ce serait l’urgence », répondit Fatmi. « J’ai le sentiment de fonctionner comme une ambulance qui intervient parce qu’il y a eu un accident. Je suis incapable de faire quoi que ce soit sans urgence. » Et le temps est bel et bien à l’urgence. 
Bibliographie

Bowles, Paul. Recueil de nouvelles (Collected Stories and Later Writings. New York: Literary Classics of the United States, 2002. Voir « Monologue, Tangiers 1975 »
Bowles, Paul. Après toi le déluge (Let it Come Down), Paris, Gallimard, 1988.
Bowles, Paul. Un Thé au Sahara (The Sheltering Sky), Paris, Gallimard, 1952.
Bowles, Paul. Journal tangérois (Two Years Beside the Strait: Tangier Journal 1987), Paris, Plon, 1989.
Burroughs, William. Le Festin nu (Naked Lunch. London: Fourth Estate, 2010).
Deparis, Marie. Mounir Fatmi http://www.mounirfatmi.com/2video/lhommesscheval03.html (accessed June 1, 2012).
Douglas, Charlotte. Kazimir Malevich. New York: H.N. Abrams, 2004.
Fatmi, Mounir. http://www.mounirfatmi.com/ (accès 1er juin 2012).
Fatmi, Mounir. « Chaise électrique », L’Officiel Art, juin 2012.
Fatmi, Mounir. Ghosting. Paris : Studio Fatmi, 2011.
Fatmi, Mounir. Interviewé par l’auteur (interview personnelle), Paris, 31 octobre 2011.
Fatmi, Mounir. Interviewé par l’auteur (interview personnelle), Paris, 24 avril 2012.
Fatmi, Mounir. Courriels adressés à l’auteur, mai-juin 2012.
Fatmi, Mounir. Interviewé par Nicole Brenez, mai 2008.
Fatmi, Mounir. Interviewé par Christophe Gallois, 2008.
Fatmi, Mounir. Interviewé par Michèle Cohen Hadria, Paris, 2002.
Fatmi, Mounir. Interviewé par Hind Meddeb, Medi1 Radio, 15 avril 2012.
Fatmi, Mounir. Interviewé par Oscar Gomez Poviña, « Sacra Magnética. » Unfold, Avril 2010.
Fatmi, Mounir. Interviewé par Jérôme Sans, 2007.
D’Harnoncourt, Anne and Kynaston McShine. Marcel Duchamp. New York: The Museum of Modern Art, 1973.
Hessler, Peter. « Arab Summer: Will the elections end the Egyptian revolution? » New Yorker, 18 juin 2012.
Kandell, Jonathan. « Jacques Derrida, Abstruse Theorist, Dies at 74. » New York Times, 10 octobre 2004.
Lévi-Strauss, Claude. Tristes Tropiques,Paris, Plon, 1993.
Peer, Basharat. « Modern Mecca », New Yorker, 16 avril 2012.
Phaidon editors. Vitamin 3D. London: Phaidon, 2010.
Polla, Barbara. « D’ou vient l’idée », Crash, juin 2012.
Rushdie, Salman. Les Versets sataniques (The Satanic Verses), Paris, Plon, 1999.
Sartre, Jean-Paul. L’Etre et le néant, Paris, Gallimard, 1990.
Wittgenstein, Ludwig. Fiches. Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Cometti and Elisabeth Rigal, Paris, Gallimard, 2008.

Notes de fin Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Mounir Fatmi, courriel adressé à l’auteur, 20 juin 2012. Mounir Fatmi, interviewé par Nicole Brenez, mai 2008. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Nicole Brenez, mai 2008. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interviewé par Oscar Gomez Poviña, avril 2010. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interviewé par Hind Meddeb, 15 avril 2012. Mounir Fatmi, interviewé par Christophe Gallois, 2008. Paul Bowles, Un Thé au Sahara, Paris, Gallimard, 1952, p. 13. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Mounir Fatmi, courriel adressé à l’auteur, 12 juin 2012. Mounir Fatmi, courriel adressé à l’auteur, 13 juin 2012. Mounir Fatmi, interviewé par Christophe Gallois, 2008. Barbara Polla, « D’ou vient l’idée », Crash, juin 2012, 132-139. Mounir Fatmi, interviewé par Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, courriel adressé à l’auteur, 3 juin 2012. Mounir Fatmi, courriel adressé à l’auteur, 8 mai 2012. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 31 octobre 2011. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Hind Meddeb, 15 avril 2012. Mounir Fatmi, http://www.mounirfatmi.com/2sculpture/face.html (accès 1er juin 2012). Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Michèle Cohen Hadria, Paris, 2002. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Mounir Fatmi, interviewé par Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Jérôme Sans, dans son entretien avec Mounir Fatmi, 2007. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Marie Deparis, Mounir Fatmi http://www.mounirfatmi.com/2video/lhommesscheval03.html (accès 1er juin 2012). Mounir Fatmi, courriel adressé à l’auteur, 3 juin 2012. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Mounir Fatmi, interviewé par Christophe Gallois, 2008. Ibid. Jonathan Kandel, « Jacques Derrida, Abstruse Theorist, Dies at 74 », New York Times, 10 octobre 2004. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007. Charlotte Douglas, Kazimir Malevich (New York: H.N. Abrams, 2004). See Malevich’s Airplane Flying (Suprematist Composition), 1915, MoMA. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, L’Officiel Art, June 2012, 194. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Ludwig Wittgenstein, Fiches, trans. Jean-Pierre Cometti and Elisabeth Rigal (Paris: Editions Gallimard, 2008). Mounir Fatmi, interviewé par l’auteur, Paris, 24 avril 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, interviewé par Oscar Gomez Poviña, avril 2010. Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1993, p. 13. Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1993, p. 20. Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1993, p. 22. Mounir Fatmi, http://www.mounirfatmi.com/3projets/voyagecls.html (accès 1er juin 2012). Mounir Fatmi, courriel adressé à l’auteur, 3 juin 2012. Peter Hessler, « Arab Summer: Will the elections end the Egyptian revolution? » New Yorker, 18 juin 2012, 36. Mounir Fatmi, interviewé par Jérôme Sans, 2007.

 

I feel as though I function like an ambulance, which intervenes when there has been an accident. I am incapable of doing anything without a sense of urgency.” Mounir Fatmi, 2007 The Flea Market at the Edge of the World Born in Tangier in 1970, Mounir Fatmi grew up in the bustling Moroccan port that looks both North, across the Strait of Gibraltar, to Europe, and West, across the Atlantic, to the Americas. An ancient Berber and Phoenician settlement, Tangier was founded in the 5th century BC, and over the centuries came under the rule of the Romans, the Vandals and the Umayyads. In the 15th century, the Portuguese captured the city as part of its North African conquest, and soon the colony was in the hands of the Spanish, later the British. In the early 20th century, when much of the rest of present-day Morocco was divided between the French and the Spanish, Tangier became an international zone, a status it held until World War II, when the Spanish again occupied the city. Tangier finally achieved full sovereignty in 1956, uniting with the rest of Morocco. In the early 20th century, the maritime frontier city saw its glory days when foreign artists and writers, from Henri Matisse to Francis Bacon, Edith Wharton to William Burroughs, would flock to its cafés and hillside villas. The city’s “interzone period” was especially notorious, as wealthy international pleasure-lovers and adventure-hungry Beats prowled the exotic city for illicit offerings. Meanwhile, life in Tangier remained sharply divided between Moroccan and foreigner, rich and poor, man and woman, and, soon for Fatmi, father and son. He was born in the neighborhood of Casabarata, not far from the center of the city. An area of simple residences and a bustling flea market, Casabarata means “the cheap house.” In interviews, Fatmi often underlines this translation, highlighting the socioeconomic and architectural context that shaped his early view of the world. Effectively, Fatmi’s childhood surroundings triggered an early interest in architecture, particularly its contradictory, and at times antagonistic role in society. For Fatmi, architecture either “poses problems,” as in the situation “I don’t have a roof,” or is “pretentious, thinking it can solve problems.” As an adult, when Fatmi realized a series of projects in the Parisian banlieue of Mantes-la-Jolie, he “discovered that architecture doesn’t offer anything. Even the idea that architecture can be a solution for humanity is totally false.” This attitude towards architecture echoes in Fatmi’s position on artistic production. “Like art,” he says, “no problems can be solved via architecture. But a house could push you to become an architect…” And so it seems that Fatmi’s early surroundings not only pushed him to become an artist, but also provided him with the very images and materials that he would soon come to manipulate in his work. Inside the walls of Fatmi’s childhood home, a triumvirate of objects, tenets of identity and belief, precisely defined his visual landscape. Hanging high was a black and white photograph of Morocco’s King Mohammed V. “Until I was older,” Fatmi recalls, “I thought he was a member of the family!” Also prominently displayed inside Fatmi’s family home was a framed work of Arabic calligraphy that proclaimed a verse from the Sura Al-Ikhlas: “Say, ‘He is Allah, [who is] One, Allah, the Eternal Refuge. He neither begets nor is born, Nor is there to Him any equivalent.” The simultaneously decorative and demonstrative forms of the religious text bound its viewers to a precise system of aesthetics and belief. The family also kept a copy of the Koran in their home, a sacred book that the children in particular were prohibited to approach. As Fatmi remembers it, “we were never clean enough, and as soon as we touched it, careful…” Domestic life for young Fatmi was thus punctuated by “a political image of someone that we must respect and of a book we can’t touch because we’re not clean enough.” In Fatmi’s mature work, “the images come between the two.” Growing up, Fatmi spent a good deal of time at the Casabarata flea market, where his mother sold children’s clothes to help support the family. For Fatmi, the market was like “an end point, a cemetery” of products and images. And it was there that the young artist “learned how to look.” He also learned how to listen, at times witnessing an absolute overload of sounds and moving images. “Someone selling radios or TVs,” for example, “would turn all 50 of them on at once to show that they worked.” In a similar way, Fatmi’s mature works often seem to shout, forcing the viewer out of his privileged position of distance and respite and into a vortex of sound, image and material. In the early 1980s, the flea market was flooded with cameras from Europe. They functioned “more or less,” Fatmi recalls, “with a white balance that didn’t work or a technical problem that created a desired effect.” It was at Casabarata that Fatmi purchased his first camera, a Russian Yashica that he used to realize his first mature series of photographs for The Link/Le Lien, 1995. Casabarata provided a cacophonous, almost suffocating, environment. But instead of expiring under the incessant weight of his surroundings (both public and domestic), Fatmi embraced this context as the very medium of his practice. “You can either live this situation — the flea market, the neighborhood at the edge of the world ­— like a handicap,” or, as Fatmi has done in his own work, “you can step away, and through the process of reading and talking, come to accept [this] universe and create with it.” In fact it was at Casabarata market that Fatmi made his “first encounter with the Italian Renaissance.” There, as a child, Fatmi saw the Mona Lisa as a cheap reproduction on canvas, “upside-down and being eaten by a sheep.” A profound mix of violence and humor marks this scene, one that the artist likes to recall in reference to his work today. Likewise, a preoccupation with the copy pervades Fatmi’s practice, quite clearly in his ongoing appropriation of VHS cassettes and XEROX machines, for example. The anecdote of loose livestock devouring a copy of a Western icon supports Fatmi’s assertion that “you cannot have one single history of art,” but rather “the story of the original objects and of their copies.” The tragicomic scene of the sheep eating the Mona Lisa also speaks to Fatmi’s interest in fragility, in terms of both material and concept. “The problem with the [original] Mona Lisa is that it is not fragile,” Fatmi says. “I had to overcome many obstacles before I could go and see it at the Louvre. I had to study; I had to get a visa to leave Morocco. I was disappointed to see that it lacked fragility, because that is what I try to find in my work.” Conversely, the copy introduces a degree of vulnerability, both of the uniqueness of the original and of the authenticity of the reproduction. Through appropriation, duplication and repetition, Fatmi’s work today reveals the precarity of the original, as well as the copy, a flimsy mode of ownership and dissemination. Meanwhile, growing up in Tangier, Fatmi was also cultivating a myriad of references and literary connections through his discovery of the Beat Generation. A scene that reveled in his hometown in the 1950s, figures like Paul Bowles (who lived in Tangier until his death in 1999), William Burroughs, Allen Ginsberg, and Jack Kerouac left their mark on the city that was the antithesis of post-war America. Fatmi says, “The Beat Generation ‘saved’ me in the sense that it gave me the desire to leave and the curiosity to explore and experiment, to take the risk to be against the majority.” He admires the work of Bowles (whose post-modern writing style Fatmi aligns with Jacques Derrida’s theory of deconstruction), as well as Brion Gysin, Burroughs, Ginsberg and Kerouac — “people who changed the lives of many, not only in Europe, but also here in Morocco.” At the age of 17, a precocious Fatmi first met Bowles, and twelve years later, the young artist realized his video, Fragments and Solitude/Fragments et solitude, 1999 that features the elderly American writer and composer. Already pulling away from his father, as a child, Fatmi was drawn to his Uncle Bachir, who was “a bit of a rebel, free and joyful,” and his line of work as a painter. By the age of four, he says, Fatmi had decided he wanted to pursue the same career. The first work that he sold, realized as a young adolescent, and purchased by the local tailor for five dirhams, was a painting of a fountain in Casablanca’s Esperanza neighborhood. A gathering point for prostitutes through the early 1980s, the site marked a convergence of forbidden sex and the continuous flow of a precious natural resource that no doubt ignited the curiosity of the young artist encountering cultural and economic frontiers that had yet to be crossed. At the age of 17, Fatmi enrolled in Casablanca’s School of Fine Arts. He lasted three months. His childhood home was already too small, too limiting, and he was soon bound for Italy, where he took classes at the Ecole Libre of the School of Fine Arts Academy in Rome. There, in the stately McKim, Mead and White villa, perched high on the Janiculum, Fatmi found himself navigating within the historic foundations of the European continent. “Identity is the worst heritage you can receive,” he would say later, aching to shake the given identity of his birthplace. Instead, he prefers to “appropriate other identities.” Fatmi’s urge to resituate himself also echoes Bowles’s opinion on the difference between tourist and traveler. For him, “the former accepts his own civilization without question; not so the traveler, who compares it with others, and rejects those elements he finds not to his liking.” Having left his conservative homeland for the ancient seat of the Roman Empire, Fatmi at times found himself in surprising new situations. In his academic studies of Art History, and his development of a traditional technical practice, the young artist often found himself “in front of this sublime, nude woman, who I was obliged to scrutinize in detail, despite having been educated never to look [at women].” For Fatmi, these situations were a “real culture shock.” The question was, “to look or not to look?” Fatmi decided to open his eyes. On a visit to Morocco, during his time as a student in Italy, Fatmi’s father found the young artist’s sketchbook from his life drawing class and asked, “Is this what you have been doing in Rome?” For Fatmi’s father, the work was “totally degrading.” From his Art History classes, Fatmi also showed his father nudes painted by Picasso and Toulouse-Lautrec. “I see prostitutes,” his father declared. Rather than angrily dismissing his father’s provincialism, Fatmi granted his position validity. “Instead of being frustrated by what I was doing,” Fatmi explains, “he gave me another vision of art and the masterpieces that I had always idealized. So that today, when I look at a painting in the museum, I can look at it as a work of art — the details of the body — as much as I can see three prostitutes with their legs spread.” Fatmi says that his father’s is a perspective that he “must not lose.” And so we see in Fatmi’s work today the continued attempt to straddle the intellectual idealism that supports the Western canon and the conservative reasoning that underlies some of our most ancient fears. Upon completing his studies in Rome, Fatmi returned to Morocco, where he found a job with an advertising agency in Casablanca, ultimately working as an artistic director. With the company for six years, Fatmi promoted products like sodas, cosmetics and men’s razors, organizing concerts and fashion shows. Witnessing the powerful impact that images could have in the commercialized public realm, Fatmi suffered a veritable “overdose of airbrushed images and ready-to-wear concepts.” It was an abrupt shift, from that famed hill in Rome to the bustling business center of North Africa, but this contrast of culture and context was already forming the foundation of a lifelong artistic practice that collides East and West, sacred and profane, highbrow and low. While he held a job in advertising, Fatmi continued to make work as an artist, realizing photographs and videos, some of which he showed in 1994 at the Second Annual Festival of Video Art in Casablanca. On this occasion, the bold young artist took a VHS cassette with three of his video works to the festival, and running into Marc Mercier and Jean-Paul Fargier, asked if they would like to see his work. The French curators were impressed and admitted all three videos, including The Red Alphabet, 1992, which the festival ultimately awarded first prize. Gradually developing a visibility for his work outside of Morocco, in 1997 Fatmi completed a residency in Lille. There he developed his Peintures effacées (“erased paintings”), a series of works on paper and canvas that witnessed the erasure of his earlier, abstract and loosely figurative compositions with a layer of white acrylic paint. Making a spectacle of the rejection of his earlier production, Fatmi did not fully hide or destroy the works that he was no longer satisfied with, but rather presented them as the ruined foundation of a mature practice that was to come. Fatmi “never has, and never will, present a work as untitled.” It may be erased, aesthetically spare, or nearly monochromatic, but Fatmi always provides a prescriptive title, guiding his viewer, revealing his intentions, and confirming the primacy of language and text. In 1999, France hosted the cultural year of Morocco, initiating and supporting a series of artistic exchanges in order to foreground the contemporary creative production of its former colony. Under these auspices, a series of exhibitions featuring Moroccan artists were organized in France, launching an army of curators and researchers into the North African country to select work for display. Fatmi was among those chosen to participate in a number of exhibitions in France, and he took up residency that year at the Cité Internationale des Arts in Paris. He participated in the group show Nomadic Visions, at the FRAC in Dole, as well as the group show Disoriented Object, at Paris’s Musée des Arts Decoratifs, where he also opened his solo presentation Connections and Displacements. During his residency in Paris, Fatmi began his discovery of France’s 20th century philosophers, figures that continue to inform and appear in his work. Writing at this moment of geographical and cultural transition, “out of exile, I created glasses so I could see,” Fatmi was crucially aware of the significance of his move, the importance of distance in a practice that would examine his contemporary surroundings at such a close range. He understood that to create, one “must withdraw from the world, from history, and this withdrawal, or subtraction rather, is not without guilt — like when [the artist] prefers … as a child, to draw, when everyone around him is trying to figure out how we are going to eat tomorrow.” “ The Other is Him 1995-1999 By the time France hosted its the cultural year of Morocco in 1999, Fatmi had begun to develop a practice based on elements from his personal history and an encounter with his rapidly broadening world. On the eve of the millennium, Fatmi had established himself as a working artist, begun cultivating an audience outside of his native country, and realized his very first projects in Europe. However, as much as this moment represents an expansion, it is important to recognize that Fatmi’s practice never develops along a straight path, instead it continually loops back on itself, constantly revisiting childhood references, teenage idols and images of home. “I’m not interested in making a perfect work,” he explains. “Producing an artistic proposition in response to what’s happening in the world is very complicated and perhaps very pretentious. But, art touches life, and life is messy.” And so we see in the years immediately leading up to Fatmi’s pre-millennial moment the artist’s sweeping accumulation of found objects, enduring images and nascent memories that form the foundation of his ongoing practice. Locating his reference points and defining his chosen, as well as given, identity, a significant portion of Fatmi’s work from this time deals with his father, his childhood home, and his formative intellectual influences. For example, picturing an uncanny resemblance between his biological father and the American Beat Generation writer Paul Bowles, who Fatmi refers to as his “spiritual father,” the artist’s photograph, The Forest/La Forêt, 1999 captures the former in a striking pose. Fatmi’s father does not look towards his son’s camera; instead he locks his stony gaze onto a distant elsewhere. To realize this image, Fatmi positioned himself downhill from his father, pointing his camera lens slightly upward to grant his subject a monumental status. Proudly standing on the rocky terrain, under the leafy canopy of the Forêt Américaine just outside Tangier, Fatmi’s father figure resonates with Paul Cezanne’s, symbolically conflated with the Mont Sainte-Victoire. At the same time, Fatmi was working on another sort of tribute, both to his father and Bowles, in the video Fragments and Solitude/Fragments et solitude, 1999. The video opens with a scene in the Forêt Américaine, where Fatmi presents a young woman working on a crossword puzzle. The artist, in a jester’s cap, questions her progress, accuses her of cheating, and playfully turns the lens on himself. Sunshine filters down through the rustling foliage onto the pair, united in a fragile paradise. Fatmi lays a soundtrack to the images of this video with his insistent voice. “I want words,” the artist says in French (subtitled in English). Words “like leftovers from a meal.” Words “which welcome the foreigner in his country of exile.” Words “like a Sunday… like a family.” Words “that I can give to my father.” Fatmi’s voice speaks of loss; his text is searching. “All the fragments in the world cannot make a single word,” he says. “Not even all the words in the world can speak of solitude.” The words the artist speaks are his own, “vidéos textes” (“video texts”), as he calls them, written during the production of the work when he found that his images did not fully express what he wanted. This urge to add and explain reveals the artist’s anxiety about the status and potential of visual production. Fatmi’s turn to language is an ongoing solution in a practice that continues to be dominated by the manipulation of text as a vehicle of both meaning and aesthetics. Likewise, Fatmi’s creation of the “vidéos textes” is an admission that image and language are two very different modes of communication. Just as in the translation of Arabic to French, and French to English, when sentiments are communicated through images, and images are interpreted through words, something is inevitably lost. “If only words were free, without any past,” Fatmi laments in his video. But they are not free. And so the artist mobilizes language’s weighty links to status, history and meaning in order to complicate the presumed directness of the visual. Fatmi’s video montage for Fragments and Solitude/Fragments et solitude also features images from a drive through Morocco and Bowles at an informal conference. The writer’s eyes are vacant and slightly irritable; his mouth hangs open, and he nods from time to time at the excited audience clustered around him, not ever really speaking. While Fatmi’s voice continues to search for words, Bowles expresses exhaustion with language, a solitude defined by the absence of communication. The video ends with the couple from the forest passing through a tollbooth; their flight is not free. “Look there, it’s so beautiful. And this green! We are so lucky!” exclaims the young woman who had been working on the crossword puzzle. What makes them so lucky? Because they have words to label the landscape? Or because they can puncture the frontiers of language and space? Both possibilities are key to Fatmi’s developing work, as we will see him continue to privilege language and perspective in the confrontation of object, image and context. The September 2011 edition of the monthly French arts magazine Connaissance des Arts featured La Florence Lumineuse de Fra Angelico (“The Luminous Florence of Fra Angelico”), coinciding with the opening of Paris’s Jacquemart-André Museum’s major exhibition of the master’s work and that of his contemporaries. A detail of a truly glowing Mother and Child, Fra Angelico’s Virgin with Child, 1450, graced the front cover of the issue, Mary in a brilliant red gown draped in a gold-trimmed indigo cloak, the Christ child practically transparent in his porcelain perfection and head of copper curls. Meanwhile, the back cover of this particular issue featured a color photograph of a pensive Angelina Jolie, her feet as bare as the Christ child’s and her distant gaze almost as reticent as the Madonna’s. Dressed in loose earth-tone linen, the Hollywood actress is pictured seated in a wooden canoe floating in a lush marshland. Her dark hair hangs loose as she clasps her left knee and snuggles against the bulking Louis Vuitton tote bag slung over her left shoulder. Like the 15th century icon detailed on the cover, this advertisement is in the business of communicating and affirming a very precise belief system. In the work of Fra Angelico, pre-Reformation Christianity is at stake, while in the print image for French leather goods, it is an almost religious exaltation of luxury and celebrity. The stirring resonances between these two images, endpoints for a 500 year swathe of Western history, would most likely be invisible, “seen only unconsciously,” if not for Mounir Fatmi’s project, The Fourth Cover/La Quatrième Couverture. Started in 1991, more than 20 years later, Fatmi continues to build his visual archive, establishing a unique timeline of parallels and divergences in media and advertising imagery. His is a very simple action of pulling a particular magazine off the newsstand and opening it to present its front and back covers (the first and the fourth) side by side, a diptych of secular icons. Fatmi’s skills of observation, his sense of the nuances of aesthetics and composition, as well as the social and political implications of particular juxtapositions, yields this series a revelation. Meanwhile, returning to the site where he first learned about the terms of financial exchange, Fatmi’s black and white photograph Casabarata, 1999 pictures an aging electronics vendor kneeling for prayer. The transformation of a site of commerce into a place of worship — the surprising juxtaposition of context and content, as witnessed in Fatmi’s The Fourth Cover — is the source of the work’s conceptual tension. Further examining the fraught and permeable boundary between the sacred and profane, Fatmi traces the transfer of consumer goods and images from the marketplace to the home in his photographic series The Link/Le Lien, 1995. These black and white images, shot with the Yashica Fatmi bought at Casabarata market, follow a white coaxial antenna cable as it enters his family’s house to feed Fatmi’s father’s bulking tube television. The artist’s lens tracks every point along the cable’s path, a suspicious gaze trailing the entry of a foreign body into a domestic space. Similarly, for Fragile, 1997, a black and white video shot in Tangier, Fatmi traced a white coaxial cable laid across the ground with his camera lens and the steps of bare feet. Barking dogs, crowing roosters, and other ambient sounds creep in through growing static to form the video’s soundtrack. Fatmi lays French and English text over his images: “If two things unite either the two survive and remain therefore two distinct entities or they disappear to become a third different thing or else only one of the two remains while the other ceases to be. Thus in the three cases union is made impossible.” With this quote, from the 12th century Muslim theologian Fakhr-ad din ar-Razi’s “A Commentary of Divine Names,” Fatmi uses ideologically charged words to question the possibility of reconciliation between foreign images and the domestic landscape. In Fatmi’s montage, the coaxial cable eventually dissolves, an outcome announced by French words scrawled in white chalk: “Communication fragile” (“fragile communication”). In the subsequent montage, Fatmi replaces the cable with a line of white powder, then a white rope. The rope snakes through the grass to a box television, and Fatmi returns to the chalk line, finally truncated and punctuated by two rough stones. He renders the possibility of communication impossible. Fatmi’s photographic series The Link/Le Lien and his video Fragile mark some of the very first times that the artist appropriated white coaxial cables for the creation of his work. The artist continues to incorporate these white cables into his practice to indicate the transfer of images and information. Immediately recognizing the symbolic, as well as the sculptural and pictorial potential of the cables, Fatmi realized works such as Parallel Worlds/Mondes Parallèles, 1999, for which he wrapped pieces of colored tape around 12 meters of cable that he used to trace a gentle curve across the floor. Likewise, for Sculpture Sequence/Séquence sculpture, 1999-2004, Fatmi created an installation with bundles of cut cables, colored tape and aluminum pipes, evoking both an energetic nucleus and an unraveling mass. For 500 meters of Silence/500 mètres de silence, 2004-2005, meanwhile, Fatmi conceived a more ambitious installation incorporating hundreds of meters of cut coaxial cables, a sawhorse, white textiles, a wall painting of a dog subjected to Pavlov’s famous experiment of anticipation, and a soundtrack. Contextualizing the omnipresent material as part of a larger script, the artist conjures decorative arabesques while also alluding to a dramatic rupture in the flow of information. The tangle of cables carries an aesthetic as well as a political weight. What has been censored? What are we allowed to see? What have we been conditioned to expect? The artist’s wall-based sculpture, Al-Jazeera “bas-relief” sculpture sequence/Séquence sculpture “bas-relief” Al-Jazeera, 2004-2007, reproduces the Qatari satellite television network’s logo with white coaxial cables. Carefully stapled onto a white wooden panel, the flame-like calligraphy is one of a series of low-relief sculptures (realized with white coaxial cables) representing highly loaded scenes: the Pietà, Jesus wearing a crown of thorns, and Saddam Hussein with a bushy beard and bleary eyes, as he looked when he was captured by American soldiers in an underground hideout near his hometown of Tikrit. Each image in the series carries a heavy historical, religious or political weight. Al-Jazeera is especially strong, as the image invokes the flood of narrative and debate enabled by the broadcaster’s challenging and influential programming. Fatmi also uses the white coaxial cables to literally mark potential connections between objects, in an illustration of conceptual catalysts. He also employs the cables to align his own work with historical figures such as Jackson Pollock (whose tangled all-over paintings Fatmi likens to Arabic calligraphy). For his installation Connections Tribute to Jackson Pollock/Les liaisons, homage à Jackson Pollock, 1999 Fatmi echoes the swirling splashes that the Abstract Expressionist laid with industrial paint on canvas in a loose series of overlapping loops and curves made of more than 500 meters of white cable. Attaching the cords to a wall painted in the bright red of the Moroccan flag, Fatmi maintains a connection to the lo-fi material’s origins in Casabarata market. When Fatmi began his series of monochromatic paintings, Peintures effacées (“effaced paintings”), in the mid-1990s, he saw the work as a challenge to Morocco’s “decorative tradition,” a rebuke to his observation that there is “no audience in Morocco for conceptual work.” Realized in black and white acrylic on paper and canvas, these works witness Fatmi’s erasure of his own previous works. The first piece he produced in this manner is No Witness/Sans témoin 1995-1996. The title refers to Fatmi’s audience, or rather, lack thereof. A performative aspect is crucial to the realization of these works. The artist demands a spectator for the effacement of his previous work, and the introduction of a nearly uniform surface. Effectuating a similar process, Fatmi’s Obliteration Memorizing/Effacement mémorisation, 1996, pairs the artist’s “erased” monochrome paintings with black and white photographs of the individual who saw the work before it was covered with multiple layers of white paint. Signing the paintings “peint, vu, effacé” (“painted, seen, obliterated”), Fatmi recalls the history of the surface and links his actions to his unique witness. Fatmi adopted a similar methodology for the realization of Father’s Carpet/Le Tapis du père, 1998-2009, works that, for the artist, represent a “realignment of the object.” Appropriating his father’s prayer rugs, in one case, Fatmi painted wide stripes of white, yellow, blue, green, purple and red across the textile’s traditional black, rose and white weave. On another rectangular rug, he painted swirls and circles over the intricate woven pattern. In both cases, Fatmi sees his action as a “desacralization” of the object. More specifically, he has recently spoken of “changing from a religious sacred to an artistic sacred,” and of taking objects “out of the mosque to put them into a museum.” In these works, he undermines the initial status of the object, treating it instead as a blank canvas. Fatmi’s act of “realignment” subjugates not only the object, but also his father’s identity and the act of worship. Again turning towards witnesses, Fatmi questions identity and visibility in his video The Others are the Others/Les Autres c’est les autres, 1999, realized in Paris and its banlieue, Mantes-la-Jolie. His camera bobbing with the rhythm of each footstep, his lens swaying from left to right, Fatmi approaches the people he meets on bustling sidewalks with the simple opener: “Can I ask you a question?” The work follows the format of Edgar Morin and Jean Rouch’s film Chronique d’été, realized on the streets of Paris in 1960. A series of short interviews, Morin and Rouch began each encounter with the question: “Are you happy?” The first person we see Fatmi address in his video is a white-haired white man who doesn’t even acknowledge that the artist has spoken. Then a couple rushes by. “We don’t have time,” they say, without slowing. In the next images, Fatmi shows us people who stop, look at the camera and the artist, and attempt a response to Fatmi’s next question, one that he has selected from novelist Mohamid Dib’s Tree of Questions: “The world is full of strangers, who are the others?” Responses come in French, English and Arabic (which the artist has subtitled in French and English). “It’s whoever is not us,” a young woman reasons. “It’s us!” counters a young Asian man. “No comment,” murmurs another. A man explains in Arabic that there is not really much difference between the Arab and the foreigner; the question is more whether the person is “cultivated or not cultivated.” An African man provides one of the most compelling answers presented in Fatmi’s video, explaining: “There are no foreigners because if you talk about foreigners, we are all foreigners somewhere… But once you adapt to the place or the situation, you are not a foreigner anymore.” He continues, clarifying, “If you meet someone else that you don’t know, like me, for example, I am a stranger to you. But from the moment we have a little chat, or we discuss things just a little, or we share a conversation, then I am no longer a stranger.” There is such truth in his simple reasoning, truth that so many in Fatmi’s taped encounters are afraid to approach, rushing past in feigned urgency, maintaining foreignness through a refusal to engage with a question. Fatmi closes his video with an exchange with a middle-aged Frenchman, who turns the game of strangeness onto the medium of video. “The other is him,” he says, as he pushes the lens of Fatmi’s camera so that it faces the artist directly. Placing the status of the artist at stake, the “other” is revealed as the observer, the interrogator behind the camera. Encountering the omnipotent other, for his wall-based sculpture, Face - 99 Names of God/Face - 99 noms de Dieu, 1999, Fatmi marked 99 white name badges with one of Islam’s 99 names of God. “Islamic art has not produced any images of God,” explains Fatmi. “The religion restricts the representation of God. In the Koran, God is evoked by 99 names, such as the Superb, the Creator, the Teacher or the All and Most Compelling.” For Fatmi, in this work, even if the elegant black Arabic lettering remains undecipherable for his European or American audiences, the script maintains a “sacred value,” its letters “dancing on a wall of silence.” Presenting a dichotomy of language and image, Fatmi says that he likes “the limitations inherent in representations of God, the fact that God has 99 names and no set image. I am always trying to get closer to this image,” he explains, “one that doesn’t exist in anyone’s imagination.” In his video Survival Signs, 1998, Fatmi looks closely at the role of language, positioning speech as a means of survival. The work opens with black and white images of Arabic calligraphy and the Latin alphabet flashing across the artist’s silhouette. “Speak! Parle!” the artist whispers in English and French, a rhythmic, echoing repetition that soon melts into a lullaby. “Speak so that I can see you,” Fatmi demands, as he shows us a hand clutching an ultrasound image of a human fetus. Across the screen, Fatmi presents a scenario in plain text: “In the 13th century, Frédéric de Hohenstaufen devised an experiment where he separated newborns, and some were not spoken to in any language at all. Result: they all died without ever saying a word.” Images accumulate on screen, the deadly the antitheses of language: scenes of war, emergency vehicles, and newspaper clippings that highlight the phrases “4500 children die,” “diplomat,” “supplies,” and “embargo.” “Seven years after the laying down of arms, on the morning of 28 February 1991, the Gulf War continues,” Fatmi’s video silently declares. No one has spoken, and we are made witness to those who have died. The artist ends his video with a pair of eyeglasses being washed in the sink, and a hand drawing one small dot, helpless actions of vision and creation, deprived of speech. The silent response to Fatmi’s Survival Signs is his installation Body Bags/Sacs mortuaires, 1999, two soft black canvas coffins that the artist presents plainly across the floor. Seemingly full, and zipped up tight, a plethora of figures fill these sacks. While Fatmi’s work seems eerily prescient in advance of NATO’s invasion of Afghanistan and the United States’ occupation of Iraq, the work also speaks, in the artist’s conception, of the death of God. “God is one person,” Fatmi says, “and he is dead.” Does he mean that the all-encompassing deity is no longer present in today’s society? Or that contemporary language and culture have killed the possibility of his presence? Like much of Fatmi’s work, the aesthetic language of this sculpture is bold and direct, but its conceptual resolution is left open and unresolved. The lightness and humor that Fatmi introduces in works like Fragments and Solitude/Fragments et solitude and The others are the others/Les autres, c’est les Autres is heavily countered by a darker sentiment, present in works like Body Bags/Sacs mortuaires. Our amusement with the sheep Fatmi saw as child eating the Mona Lisa in Casabarata market is countered with the real violence that this action represents. Grappling with his own history and evolving position between two cultures, Fatmi proposes a debate regarding the status of the object and the sanctity of the image, each defined by its relationship to language. His work maintains a level of tension in the refusal to resolve the struggle between signs of survival and those of a violent end. Everything is Fragile 2000-2005 At the time of the attacks of September 11th 2001, Fatmi’s work was poised to address the implications that the destruction of the World Trade Towers would have on the United States and Europe, as well as on his native region of North Africa and the Middle East. Fatmi had already begun to focus his practice on the border between his childhood home and his expanding sites of reception, a frontier zone that is both a barrier and a unique point of connection. And from this period onwards, he increasingly situated his aesthetic practice at the political, religious and cultural crossroads of East and West. Architecture became one of Fatmi’s principal points of interrogation at this stage, as he realized videos, sculptures and installations that adopted the language of this profoundly political medium. Fatmi made his eerily prescient video Horizontal Fall, 2000 from footage he shot in Val Fourré, a troubled development in the Parisian banlieue of Mantes-la-Jolie. The video features the demolition of two 18-story residential towers at precisely 2:30pm on Sunday October 1st, 2000. The public housing complex, built in 1973, was victim to a local redevelopment project. For the occasion, the local town hall commissioned a program of sound, music and dance, “Tours Sonnantes” (“Singing Towers”), played on loud speakers temporarily installed throughout the community. This “urban opera,” written by the composer Kamil Tchalaev, was accompanied by choreography arranged by Sabine Jamet, featuring the participation of children from Val Fourré. The audio program included a Muslim call to prayer (which Fatmi captures in his video), as well as the angelus of a local Catholic congregation. Fatmi’s video opens with the sound of sirens, followed by the announcement on Radio Droite de Cité of the scheduled destruction of towers seven and nine. Following the song of the muezzin, the twin towers, wrapped in white bandage-like banners, fall in tandem. “A page in the history of Val Fourré has been turned,” a voice on the radio ventures, “twenty-seven years of history have tumbled.” A cloud of dust blows across the landscape, and Fatmi’s lens follows dozens of families as they move within metal barriers to return to what has become an empty space. Just a few years later, after the fall of two much taller towers in New York City, Fatmi realized Save Manhattan 01, 2003-2004, a shadow of the American metropolis’s former skyline made with books (including the Koran) published after 9/11. “With the destruction of the Twin Towers,” Fatmi says, “we rediscovered that everything is fragile.” Drawn to the event for its revelation of vulnerability, the artist explored its context and implications through three different medias. The first was built with books that Fatmi believes, “would never have existed without that event.” In the second two manifestations of this sculptural “triptych,” Fatmi realized the city’s pre-9/11 skyline with two other “tools of contemporary media manipulation:” black VHS cassettes and audio speakers. Fatmi adopted the VHS cassettes for Save Manhattan 02, 2005 as a means to address the overload of images that followed the event (as well as, presumably, to reference one of the key platforms for the diffusion of radical Islamic teachings). Presented on the occasion of the 52nd Venice Biennale, Fatmi constructed Save Manhattan 03, 2007 with audio speakers that play ambient sounds the artist recorded in New York. A closure to the series, this work, in its appropriation of sound, “from the morning, the afternoon, the evening, in the street and the subway,” brings the city, in all its enduring vulnerability, back to life again. Fatmi’s sculpture (and photographic series) Brainteaser for Moderate Muslim/Casse-tête pour musulman modéré, 2004 (2009) engages Islam’s most iconic piece of architecture, the Kaaba at Mecca. For this work, Fatmi arranged four black Rubik’s cubes, each ringed with an identifying band of white, at various stages of manipulation. Also engaging a toy version of the Kaaba, Fatmi’s video Manipulations, 2004 presents a pair of hands, blackened with viscous oil, maneuvering one of the artist’s two-tone Rubik’s cubes. The relentless handling of the blackened cube becomes a symbol of the faithful Muslim’s ritual circumambulations of the Abrahamic site.Meanwhile, the video’s soundtrack pulses with a sound like a beating metal heart, accelerating as the solution approaches. As the image blurs, Fatmi flashes archival footage of pilgrims making one of seven ritual revolutions around the cuboid building at Mecca. The Rubik’s cube disappears in the last moments of the video as the coated hands continue to rub together, stained. The structure of the Kaaba also appears in Fatmi’s Propaganda/Propagande, 2004, a “cube made of VHS tapes [that] represents Mecca.” Fatmi put the work on legs “to de-sanctify the object, to make it a sculpture on a plinth instead.” Realized the year before Save Manhattan 02 (which is also made entirely of black VHS cassettes), these works mark the introduction of the VHS cassette as a veritable medium in Fatmi’s mature practice, signaling a means of copy and distribution: methods of propaganda. VHS cassettes containing recorded teachings from radical imams started arriving in Casablanca in the 1980s from Saudi Arabia. “My reflections around VHS tapes began at the beginning of the 90s, because the tapes served as a way to disseminate propaganda in Morocco that came from Saudi Arabian preaching. A second stage was Bin Laden’s famous tape… You had to accept this tape, believe it at its word.” As a teenager, Fatmi worked in a Casablanca wedding video studio and after hours he and his colleagues would make copies of the Saudi Arabian tapes, popular merchandise on the streets of the city. For his video Commerciale, 2004, Fatmi staged a situation that would be unimaginable in today’s France (or anywhere in Europe or the United States, for that matter) by placing a small-scale replica of the Kaaba inside the turnstile doors of a provincial shopping mall. For one afternoon, the black cube, marked with a distinctive white band in its upper tier, spun at the center of the revolving entryway that guided the arrival and departure of oblivious shoppers. In the video, Fatmi includes the clank of café dishes mixed with the murmur of passing crowds armed with carts, caddies and shopping bags. Manipulating the video with Final Cut Pro’s effect for a transparency layer, the figures that circumambulate Fatmi’s temporary sculpture seem to “disappear” against the banal commercial center background. Recreating the pilgrim’s revolutions around Mecca’s sacred structure, Fatmi conflates the French shopping mall and the Kaaba as sites for commercial exchange. Initially, he explains, “each tribe would sell representations of their god [at Mecca].” In fact, before Muhammad conquered Mecca in 630 CE, the Kaaba contained 360 different pagan idols, all of which were subsequently removed in accordance with the Prophet’s monotheistic vision. “When it was decreed that God is everywhere and there is only one, this effectively ended the commercial role of Mecca,” explains Fatmi. In this video, Fatmi simultaneously evokes an historical role of the religious site as well as the recent re-commercialization of the area surrounding the Grand Mosque through developments such as the Abraj Al-Bait Towers, also known as the Royal Mecca Clock Tower complex, a massive commercial center opened in 2012 by the Binladin Group. Strategically repositioning another example of Islamic architecture — this time a marabout in rural Tunisia — Fatmi’s video, The Lost Ones/Les égarés 2003-2004 witnesses several young people atop the holy site’s domed rooftop. Critics Odile Biec and Evelyne Toussaint (in their text “Comprendra bien qui comprendra le dernier”) have written that in this video, Fatmi’s “camera becomes an arabesque which draws both body and architecture, inventing a topology.” Likewise, the young figures in this video, dressed in modern Western clothes, trace their surrounding landscape with an intense and determined gaze, as if to stake claim to the site. The artist wisely leaves the soundtrack of this video largely unelaborated, giving his viewers the ambient sounds of wind and bells. Fatmi was aware that his shoot for The Lost Ones/Les égarés would be cut short with the arrival of the police. Ahead of filming, he prepared a handful of cassettes that he knew would be confiscated, and within an hour after he started recording, his cast was forced to disperse. At the end of the video, Fatmi features a montage of men and boys in white robes and skullcaps, rocking and praying before pages of calligraphic text. The artist thus provides a backdrop for his subversive performance with images of the rituals of conservative religion. A similarly pointed challenge to authority, this time political, manifests in Fatmi’s In the Face of Silence/Face au Silence, 2002, an installation that addresses the disappearance of Mehdi Ben Barka. The work hinges on an archival photo of Morocco’s King Hassan II driving the leader of his country’s leftist, anti-royalist party (and the young King’s former tutor) in a regal town car. Admitting that “one cannot create a political work but rather, one can use a political context within which the work can evolve,” here, Fatmi presents a collection of artifacts, including the historical photo and a figurine of a matador waving a red cape embellished with the green star of the Moroccan flag. Not long after the photograph of the King and Ben Barka was taken, the opposition leader, then exiled from his native country, was kidnapped outside of Paris’s Brasserie Lipp. He was never seen again. Conspiracy theories indict King Hassan II, Morocco’s General Oufkir, as well as the CIA and the Israeli Mossad. Without pointing fingers, with this work, Fatmi merely lifts the veil on the mysterious end for a figure who, after severing ties with the Moroccan royal family, became close with revolutionaries such as Che Guevara and Malcolm X. Again appropriating a political context for the evolution of a sculptural work, Fatmi’s G8 The Brooms/G8 Les Balais, 2004 focuses on the role of international coalitions. Unfurling the flags of the member nations of the Group of Eight, the artist attaches each to a heavy-duty broom. The work is prescient, as the collection of brooms, propped against the wall, foreshadows former French President Nicolas Sarkozy’s wish, following the riots of November 2005, to “sweep up the scum” from the banlieue of Paris. Appropriating horse jumping poles to suggest social and political barriers (while also alluding to the Arab equestrian tradition), Fatmi realized installations such as Traps/Pièges, 2004-2005 and Next Flag, 2004-2007 with the wooden beams suspended and snapped into a variety of arrangements. Marked with patterned bands of color (like his sculptures of coaxial antenna cable wrapped in colored tape), Fatmi employs the horse jumping poles as one might a drawn line or a stroke of paint, creating lively compositions of form and color. Continuing his equestrian metaphor, Fatmi’s video trilogy, Man Without a Horse/L’homme sans cheval, 2004-2005 examines “three types of fall: physical, metaphysical and historical-political.” In these works, Fatmi addresses man’s struggle with status, power, history and the course of the future through a frenetic montage of horse jumping competitions, equestrian sculptures, a merry-go-round, and a lonely horseman. The series closes with Movement 03/Mouvement 03, a video in which we see an older man in a traditional English riding costume (but without a horse) kicking a hardback book, titled HISTOIRE, down a muddy country road. Ominous electronic music, featuring anxious strings and a deliberate horn section provides a pulsing soundtrack for the actor’s neurotic action. Eventually the book’s binding comes apart, but the aging jockey continues kicking the pages through the mud and puddles. Finally, Fatmi’s protagonist falls to the ground and the artist declares in text on screen: “The man is the only hero of his own story.” An equally calamitous scene characterizes Fatmi’s work Picnic under embargo/Pique-nique sous embargo, 2003, a performance and outdoor installation consisting of oriental carpets, a table, dinnerware, and an electronic audio system amplifying the sounds of the artist arranging dishes and bending cutlery with pliers. Presenting the work at the 2nd International Contemporary Art Meeting on the Canary Islands, Fatmi cut the center of the wooden table and the carpets in order to install the manmade elements flush around the trunks of a cluster of trees. A site for a communal gathering, the title of the work nonetheless announced a situation of isolation, a punishing political act. Fatmi’s performance ends with “the destruction of all that is on the table.” Hauntingly similar, Fatmi’s video Feast Tribute to William Burroughs/Festin, hommage à William Burroughs, 2003 conflates consumption and destruction in a nightmarish reference to William Burroughs’s Naked Lunch (a novel of “routines” partlyset in the seedy backstreets of Tangier). The buzzing frenzy of winged insects provides the audio for Fatmi’s work as the artist follows a brilliant green cricket creeping amongst hundreds of brightly colored candies scattered in a shallow concrete pit. The allusion to the delirious imprisonment of drugs and addiction is clear. The cricket is soon trapped, dragging its abdomen and unable to jump. Fatmi borrows the words of Burroughs in a text he pastes over his montage: “Heroin, opium, morphine, palfium: all these things to free you from the monkey, the monstrous monkey of need that gnaws at the back of your neck and eats away at everything that’s human in you.” The same year, Fatmi made his video The Scissors/Les Ciseaux, 2003 “in collaboration with the Islamists who directed the codes of censorship.” A compilation of scenes cut from Nabil Ayouch’s Une Minute de Soleil en Moins, Fatmi’s video features heavy breathing and a poorly lit bedroom sequence alternating with images of a group of peasants walking across a rocky landscape. We also see a boy riding a donkey, children playing on swings, and a child smashing a clay piñata with a stick. Towards the end of the video, Fatmi also allows Ayouch’s original script to be heard. “The whole world is a sewer,” a woman’s voice says in French, “and the only thing that makes it all worth it is making love and loving.” In this work, Fatmi reveals a series of hidden exchanges, flesh and narrative deemed too dangerous to enter the cinemas, homes and minds of Moroccans. The artist defies the censures levied by religious leaders, revealing images once considered contraband. Taking as his starting point a “mutation of the word ‘Taliban,’ which in Arab means ‘student,’” Fatmi sparked the possibilities of his own library with a series of physical interventions for his works Connections/Connexions, 2003-2007. As a means to demonstrate the simultaneously dangerous and necessary links between ideas and information, for these sculptures, Fatmi connects a diverse range of publications with colorful electrical wires and alligator clips. “For the Taliban, to study is to study one sole book, The Koran,” explains Fatmi. “I don’t think that we can understand the world by studying just one book. We need to make links with other things, sometimes contradictory things… Danger does not seem to lie in reading the Koran alone, but in connecting it with other books.” While referencing the extremist group, Fatmi mischievously asserts, in a related series of photographs of young people strapped with duct tape to a provocative amalgam of books and newspapers, that the connections that the artist is making could be used as a sort of intellectual IED (improvised explosive device/EED engine explosive improvisé). Echoing artist Mark Lombardi’s pencil diagrams that meticulously chart crime and conspiracy networks, Fatmi’s sculptural works for his series Connections/Connexions link publications such as The Oxford Cambridge New English Bible with Josef Van Ess’s Flowering of Muslim Theology and Dharmachari Subhuti’s The Buddhist Vision. Colliding the belief systems of all three religions of the book with those of Hinduism and Buddhism, Fatmi proposes a network of influence and exchange. Likewise, his Connection 02: The Language/Connexion 02: Le Langage, 2003-2009 joins Jerome Duhamel’s comic volume 100% Francais (100% French) with Harrap’s Le Japonais utile en voyage (Japanese Phrasebook) and Larousse’s Dictionnaire modern Francais-Italien (Modern French Italian Dictionary), creating a visual cacophony of voices. In the works My Literature/Ma Littérature, 2003 (a photographic triptych) and Evolution or Death/L’Evolution ou la Mort, 2004 (a photographic series presented at the First Haifa Biennial), as well as his more recent French Theory, 2010 (a sculpture of books and connection cables), Fatmi continues his use of electrical wiring as a means to spark reaction to the proposed juxtaposition of words in black and white. Blinding Light 2006-2009 Choreographing his public encounter with the dominant narratives of history, religion and architecture, Fatmi’s mature practice engages the objects, figures and belief systems that he has encountered over the course of his life. Navigating divergent geographic, political and cultural trajectories, Fatmi maintains a direct visual language, engaging his selection of accessible, lo-fi (and increasingly outdated) materials: black VHS tapes, white coaxial cables, electrical wiring and horse jumping poles. Video and text (in the form of Arabic calligraphy, the Hebrew alphabet and the Latin lettering of English, French and German) increasingly define his aesthetic production as he draws image s, texts and artifacts out of history and into a blinding light. In his photographic diptych I Like America/J’aime l’Amérique,2006, Fatmi returns to the jockey who appears in his video series The Man Without a Horse/L’homme sans cheval, featuring him among horse-jumping poles painted to resemble the American flag. Fatmi’s installation I Like America, tribute to Jacques Derrida/J’aime l’Amérique, homage à Jacques Derrida, 2007, also features the wooden obstacles painted with the stars and stripes. In both works, several of the poles are cracked or broken in a sculptural echo of the French philosopher’s divided reception in the United States. While Derrida ultimately gained a strong following there (Columbia University and The New School awarded him honorary degrees), many American scholars apparently saw him as “the personification of a French school of thinking they felt was undermining many of the traditional standards of classical education, one they often associated with divisive political causes.” Conflating sport, philosophy and politics as equally fraught realms where nations jockey for power, in these works, Fatmi presents the playing field without necessarily declaring a winner. After the Fall/Après la Chute, 2007, a single broken red horse jumping pole, and Double Strategy/Double stratégie, 2007, a pile of crutches, also highlight the fragility of Fatmi’s chosen materials and the vulnerability of the work of art. “Above all … the obstacle is an artwork,” Fatmi says, “fragile, unstable, and always threatened by possible collapse.” Through their titles and direct visual language, this group of sculptures makes a strong reference to the United States, with a prescient suggestion of instability on the eve of the international financial crisis that began in 2008, a global event largely triggered by the collapse of Manhattan-based Lehman Brothers and the meltdown of the American housing market. Also investigating cracks in the narrative of recent American history, Fatmi’s most compelling and rigorous work of this period deals with the legacy of the revolutionary organization The Black Panther Party. Incorporating an extensively censored release of archival material, as well as new interviews that the artist realized with David Hilliard, former Chief of Staff of the BPP, Fatmi has produced videos, installations and photographs that attempt to re-contextualize the actions of this closely monitored, controversial group. With a rigor that Fatmi has not yet employed to address the governments of his native region, in these works the artist directly indicts acts of surveillance and censorship realized by the Federal Bureau of Investigation. The FBI’s archives of surveillance on the BPP, made public from 2006 to 2009 through the Freedom of Information Act, form the starting point for Out of History/Sortir de l’Histoire, 2005-2006, Fatmi’s installation of archival documents and a video, History of history/Histoire de l’histoire, 2006. The video features a montage of the artist’s conversation with Hilliard and surveillance files on the BPP’s activities from its founding in 1966 through its dissolve in the early 1980s. Fatmi invited Hilliard to visit Paris in March 2006 to show a selection of material collected on the BPP for the exhibition “Black Panther Party for Self-Defense” (the original name of the group) at Galerie La B.A.N.K (the first gallery Fatmi worked with in Paris). At this time, Hilliard spoke with Fatmi about the history of his organization and its surveillance by J. Edgar Hoover’s secretive government institution. Fatmi’s video Suprematism for Self-Defense/Suprématisme pour l’auto-défense, 2006-2009 also deals with the BPP and the FBI’s surveillance of the group. A large portion of the 2000 files the Bureau released on the BPP was blacked out before their release, judged too sensitive for public consumption. Mobilizing this mottled collection of documents, in this video, Fatmi digitally erased all of the text that was deemed permissible, leaving only the black stripes and squares wielded to censor information. The result recalls Malevich’s Suprematist works, ideologically charged canvases that celebrated abstraction, technology and “objectless” philosophy. The thick black stripes that efface the collected information slowly accumulate on a white background, along with numbered codes, a stamped seal and a signature. There is no sound, just the steady assembly of black marks. The process continues until Fatmi’s screen goes entirely black. Can it be a coincidence that Ad Reinhardt was making his black monochromes at the height of Edgar Hoover’s career at the head of the FBI? Associating a political movement — the Black Panthers Party — with an artistic movement — Suprematism — in much the same way as he does in his series of posters for work The Dynamic Geography of History, 2006-ongoing, Fatmi proposes an inextricable link between the political and the aesthetic. In the poster series, Fatmi proposes equivalencies between movements like Capitalism and Minimalism, Fascism and Futurism, and Socialism and Constructivism, a humorous series of pairings that nonetheless ring true. Fatmi’s more recent video, Memorandum, 2009 also engages footage from Fatmi’s conversations with Hilliard, specifically recordings of his exchange with an audience, including middle-class gallery-goers and young people from the Parisian banlieue, gathered at the gallery on the occasion of his 2006 exhibition at La B.A.N.K. Fielding questions from the crowd, Hilliard explains the motives of the BPP and those of the FBI. Through the Freedom of Information Act, Hilliard had filed for three million documents, but only 200,000 were ultimately released. The video features images of the released pages, further reduced by state censorship, laid over the recorded images. The patterns of lines and text obscure Hilliard’s face as he attempts to fill in the gaps of his story. “Why did they erase the names?” a young man, dressed in hip-hop style clothes, asks in the video. “So we won’t know who their snitches are,” Hilliard explained, “so we won’t know who they’re talking to…” He fired off statistics: “twenty-seven killed, forty still in prison, nine in exile… Everyone went to prison, I went to prison, and you were lucky to go to prison, because otherwise they’d kill you.” The group was given NGO status in Algiers, linking the BPP to Fatmi’s native region. “We were a global movement,” Hilliard explains, “that’s why they were so afraid of us.” In his conversations with the young men from the banlieue, Hilliard links the BPP to the youth who had joined the riots in France that spring. “We all want jobs, health care and education,” Hilliard says, “that’s what unifies.” A number of other works from this time reflect Fatmi’s extended engagement with the archive, and his interest in recontextualizing historical artifacts. Fatmi’s installation The Monuments/Les Monuments, 2008-2009, a heap of construction helmets labeled with the names of key Western philosophers is a sly counter-party to his circle of 100 hookahs posturing for Assassins, 2010. A sculptural index of the thinkers that have influenced his practice and the cultural stereotypes that perpetually fuel Fatmi’s lines of inquiry, these two works distill the identifying nomenclature in the ongoing clash of East and West. A medium that has at times been celebrated for its utopian possibilities, but has often proved fragile and divisive, Fatmi addresses architecture through a range of archival documents and materials. Fatmi’s photograph Fuck the Architect, 2010, for example, a black and white image of a souvenir vendor presenting his spread of mini Eiffel Towers on the dust of the Champ de Mars, not only recalls Fatmi’s early references to Casabarata market and his interest in the copy, but also examines the documentary possibilities for monumental architecture. “It’s the relic that becomes more interesting than the original,” Fatmi says. Democratizing, the copy allows other classes to “consume a copy of the culture.” Following his series Save Manhattan, sculptural works that address a moment when monumental architecture (not to mention a nation) suddenly became vulnerable, Fatmi continued to investigate the instability of the medium in a number of sculptures, as well as videos. Fatmi presented Underneath, 2007 at the Sharjah Biennale, a type of “tabula rasa,” the artist explains, that represents the generic skyline of a modern city projecting above and below a white table. Likewise, Skyline, 2007, Fatmi’s sculpture made of black VHS cassettes mounted on the wall, their magnetic tape trailing down towards the floor, mirrors the verticality of a modern cityscape while draining its rigid frame of the possibility of lasting content. Part of his series of videos Architecture Now!, Fatmi’s Etat des Lieux #3, I lived on the 3rd floor in Tower n°2, 2010 features still views of tower blocks, quiet neighborhood streets, and the steady destruction of a high rise housing unit in the jaws of an anthropomorphic piece of CAT equipment. The sound of the machinery crunching through concrete and debris falling to the ground forms the video’s audio landscape. At times, figures are seen at a distance, but we cannot decipher their faces, expressions, or ethnicity. The video draws to a close with a track from the French rap group Uzi, friends of Fatmi’s based in Mantes-la-Jolie. “La limite, le ciel” (“The Limit, the sky”), the rhyme is called. But can it be, as bricks and steel come tumbling down? Also part of his Architecture Now! Series, Fatmi’s video Etat des Lieux #4, City of urgency/Etat des Lieux #4, la cité d’urgence, 2010 features footage of the same destructive piece of machinery chewing into the roof of a five story residential building on a clear, sunny day. We hear the sounds of the heavy equipment, falling debris and water spraying from the jaws of the CAT to keep down the dust. Still, steady camera shots and brilliant, precise color define this video as each room of the structure, like cells, are revealed bearing the traces of unique domestic spaces. Creating the effect of a patchwork quilt as a series of once separate rooms are exposed next to one another, Fatmi’s lens scans across planes of bright orange, amber yellow, mint green, wild patterns of wallpaper and a floral motif framing an abandoned doorway. As the skin of the structure is torn off, Fatmi introduces the first movement of Arnold Schoenberg’s Opus 23, a product of utopian Bauhaus playing as the walls of modernity come down. Once again engaging black VHS cassettes to construct his own fragile architectures, Fatmi’s Keeping Faith/Gardons Espoir, 2007 is, for the artist “both an electric chair that represents death and an image of a throne that represents the society of the spectacle that Guy Debord critiqued.” Fatmi has written about this work in the same context as Andy Warhol’s Big Electric Chair, 1967, a work, the Moroccan artist says, that deems us “all guilty and that we are all condemned to see.” Warhol’s is a “modern chair for a modern death,” Fatmi writes, and he echoes this death in his own work, “erasing the chair in an installation made of VHS cassettes, destined for a death with recorded images.” Fatmi quotes Warhol’s words: “It will be hard to believe how many people will hang a picture showing an electric chair in their living rooms, especially when the color of the picture matches the curtains.” For Fatmi, this is “where the genius of Warhol and all of his talent resides — his ability to camouflage such a horrific image so that it can enter the living room.” And so, with Keeping Faith/Gardons Espoir, Fatmi is also attempting to adopt the strategy of camouflage, foreshadowing the liquidation of the object and its image. This threat of erasure also defines other works that Fatmi has produced with VHS tapes, such as his tomb-like installation, Leave and wait for me/Va et attends moi, 2007, the wall-based sculpture Black screens: The line/Ecran Noir: La ligne, 2007-2008 and A Tomb for the Color Black/Un Tombeau pour la couleur noir, 2011. Signaling an apocalyptic end, these works closely connect to another part of Fatmi’s production that directly explores the death of God. For his video God is Dead, 2007, Fatmi alternates the printed statements “God is dead by Nietzsche” and “Nietzsche is dead by God” in flourished black lettering on a white background. The video is without sound, granting the English words a silent gravity. Meanwhile, Fatmi’s installation God is Great/Dieu est grand, 2009features sheets of white paper printed with the text, “God is Great.” Tiny, almost invisible to the naked eye, the line of black text can be viewed through a microscope that Fatmi provides. Like the words that fade to white in his video God is Dead, faced with a scientific instrument, words of faith appear as elements to be dissected and explained away. Complimentary images, Fatmi’s black and white wall paintings Hard Head/Tête Dure, 2005-2008 and Dead or Alive, 2008 feature large-scale skulls embellished with Arabic calligraphy or a long beard shorn in accordance with religious regulations. Once crowned with prayer bruises, one might imagine, Fatmi presents these heads as lifeless relics of tradition and belief. “What is death?” Fatmi asks, in reference to these works. “The end of cycle,” he declares. “And where is this end? Casabarata market.” And so he sends us, once again, hurdling back to the dusty streets of Tangier, the origins of his visual and conceptual language. Building his exhaustive archive, splicing and interrogating words and images to the point of disintegration, Fatmi at last draws light into his aesthetic language. Ghosting, 2009, an installation of XEROX machines and VHS cassettes, is chaotic, Fatmi says, “like Casabarata market.” Likewise, Mehr Licht!, 2009-2011, a mesmerizing installation that translates the spectacle of Times Square into spinning disks of Arabic calligraphy, and In the absence of evidence to the contrary/Jusqu’a preuve du contraire, 2012 feature hulking copy machines, neon and text, overwhelming the viewer with material and blinding light. This is not a light of revelation; Fatmi’s neons and flashing rays threaten to negate the original through the production of infinite copies and to irradiate objects, images and text to the point of dissolution. State of Urgency 2009-2012 Throughout the development of Fatmi’s practice his interest in language and games has become clear. Text pervades his video and sculptural works and pieces such as Brainteaser for Moderate Muslim/Casse-tête pour musulman modéré reveal his interest in play. What is new in his most recent work is his focus on the machine, that emotionless animal that first caught his attention in his Architecture Now! videos. Fatmi quotes from Ludwig Wittgenstein’s Fiches, § 327, “Comparons: inventer un jeu, inventer un langage, inventer une machine” (“Let’s compare: invent a game, invent a language, invent a machine”), a statement the artist sees as suggesting a conflation between play, speech and the modern machine. Fatmi asserts that language and play can function with the same brutal drive as mechanized objects, and, conversely, that machinery can embody the poetry and lightness of our social and linguistic constructs. Several recent works reveal Fatmi’s urge to grant text a sharp and imposing platform. Dramatic examples of his increasingly aggressive aesthetic can be found in a number of sculptural works that pair steel rotary blades with the seductive arabesques of Arabic calligraphy. The Machinery, 2008, 30 steel saw blades embellished with black script and positioned in an ominous swarm across the wall; Cuts, 2009, calligraphy-embellished steel rotary blades that stab through white pedestals; and Contamination, 2009-ongoing, a photographic series that witnesses calligraphy covered saw blades slicing into various publications, such as the Le Grand Dictionnaire de L’Art (“The Dictionary of Art”) unite texts from the Koran and the Hadith of the Prophet with menacing industrial tools. Similarly, Fatmi’s sculpture Between the Lines/Entre les lignes, 2010 presents steel disks cut through with calligraphy, allowing a play of positive and negative space, light and shadow. Fatmi’s installation, Modern Times, A History of the Machine/Les Temps Modernes, Une Histoire de la Machine, 2010 incorporates an army of stencil-cut rotary blades, churning electronic sound and a black and white video projection that layers spinning disks of calligraphy over architectural plans of Middle Eastern monuments. The work takes Charlie Chaplin’s 1936 film Modern Times as a starting point, a cinematic reference that climaxes with the silent actor trapped in the oversized cogs of an enormous, anonymous factory. For Fatmi, Chaplin’s film and his own recent video speak to the “the alienation of man in modern industrial society” Fatmi’s videos Mixology/Mixologie and Technologia (both 2010) also feature Arabic texts on rapidly rotating disks. Mixology pictures the transfer of black and white arabesques onto a DJ’s turntable, while Technologia adds geometric patterns to rapidly flashing circles of black and white calligraphic text, creating the illusion of depth and form. Simultaneously hypnotizing and disorienting, these videos that unite text with the circle can be understood to visualize acts of devotional repetition, from the daily Muslim prayer cycle and the circumambulations of the Kaaba to the Catholic rosary. As Fatmi’s circles of calligraphy spin on the wall and the dance floor decks, they also recall Marcel Duchamp’s Rotoreliefs, 1935, black and white cardboard disks that are spun to produce an illusion of depth or a familiar three-dimensional object. Printed as an edition, Duchamp’s Rotoreliefs also echo the assembly line production of Chaplin’s factory and anticipate Fatmi’s interest in the copy. Fatmi’s video, Beautiful Language, 2010, also asserts the razor-sharp violence of language. “My tongue is a hemorrhage,” Fatmi declares in this work, a line from his Manifesto Coma (started in Tangier in 1998), “I bleed each time I speak.” The video, which won the Grand Prix of the Cairo Biennale in 2010, is a flickering montage of images from Francois Truffaut’s film, L’Enfant Sauvage (“The Wild Child”), 1970, based on a true story from the late 18th century of an “uncivilized” child put under the care of a French doctor studying difference. The flashing series of images in Fatmi’s video is difficult to watch; we see the “wild” boy’s face cleaned, his hair cut, the doctor and his maid putting the child’s shoes and clothes on, measuring and examining him, and teaching him to walk. The boy learns how to hold a cup of tea, and to put together an alphabet puzzle. In front of a chalkboard, the boy draws wild circles as the doctor attempts to teach him how to render a straight line. Fatmi splices this sequence with repeated images of the boy writhing on the floor, violently reacting to his formation. But we can’t hear the child’s cries; they are masked by Fatmi’s unsettling electronic soundtrack. Another group of Fatmi’s work that engages Arabic, Hebrew and German lettering in the sculptural form also presents text as a sharp and heavy force. For The Falls/Les Chutes, 2010, steel calligraphic letters tumble from a cardboard box and in Suspect Language, 2010-ongoing, Fatmi constructs sculptures with steel lettering attached with heavy-duty clamps. For The Awakening Day/Le Jour du Réveil, 2011, the artist places steel Arabic script in a wooden box, linking each character with starter cables. And for The Impossible Union/L’Union Impossible, 2011, he has fitted a German typewriter with Hebrew keys and jutting, over-size Arabic calligraphy, declaring the rigid incompatibility of each language. Sculptural sampling and remixing, where neither religion nor the canon of Western painting is sacred, defines a number of Fatmi’s recent works, particularly those in his series Mechanization/Mécanisation. Foregrounding the motif of the circle, in these works, Fatmi appropriates Muslim prayer rugs as a platform for collage. Likewise, for his work Maximum Sensation, 2010, he fits sections of the woven textiles onto skateboards. The piece is a playful collision between East and West, old and young, where each appropriated artifact is infused with the contradiction of the artist’s chosen juxtaposition. Similarly, Fatmi’s Sonia Sonia Sonia, 2011 consists of prayer rug collages that recall the palette and forms of the French modernist’s canvases and textiles. Circular forms are consistently present in Delaunay’s work, as in Fatmi’s, an aesthetic echo that unites the two artists across cultures and time. Fatmi’s Our Music/Notre Musique, 2010, meanwhile, is a collage of speakers and a reproduction of a classical painting, a clash of objects that Fatmi encountered as a child at Casabarata market, among the electronics vendors and the sheep eating a copy of the Mona Lisa. For his video, The Angel’s Black Leg/Jambe Noir de l’Ange, 2011, based on Fra Angelico’s painting La Guérison du diacre Justinien, 1438-1440, Fatmi focuses on the unusual medical act that Saints Côme and Damian are pictured attending to: the grafting of a black man’s leg to the white body of Deacon Justinien. A haunting, high-pitched sound provides the ghostly audio for Fatmi’s work, a montage of x-ray, magnified and negative images of the 15th century painting. “Others don’t see the black leg right away,” Fatmi observes, “or write about it, or consider it.” In his work, the black leg is primary, “the beginning of mixed society,” in a Renaissance rejection of the bifurcation of race and culture. Meanwhile, Fatmi has also been working on an intimate investigation of a contemporary icon, the writer Salman Rushdie. After the artist tried without success to come into contact with Rushdie, whom he hoped to film sleeping, Fatmi decided to turn to 3D digital technology. Started in 2005, Sleep-Al Naim, a black and white imagination of the author peacefully resting, his bare chest rising and falling with each breath, was shown for the first time in 2012 on the occasion of the 25th anniversary of Paris’s Institut du Monde Arabe for the exhibition “25 ans de créativité arabe” (“25 years of Arabic creativity”). For Fatmi, Rushdie is “a true voice of critical thinking.” In The Satanic Verses, Rushdie “opened a door that showed that the Arab World lacked self-critique and a sense of humor. He is the subject of the film because on the one hand he is an important figure, but also to show that he is able to sleep, that he can be in peace and not under threat as he [has been] for so long.” Rushdie’s novel, a form that is suspicious to conservative Islam, and his audacity of satire have made him both an exile and a hero of free thought. For his project The Journey of Claude Lévi-Strauss/Le Voyage de Claude Lévi-Strauss, started in 2010, Fatmi takes as his starting point the anthropologist’s account of his own voyage of exile. “I hate traveling and explorers,” Lévi-Strauss writes, opening his book, Tristes Tropiques. “After the armistice, thanks to the friendly interest shown by Robert H. Lowie and A. Métraux in my anthropological writings, and to the diligence of relatives living in the United States, I was invited to join the New School of Social Research in New York as part of the Rockefeller Foundation’s plan for rescuing scholars endangered by the German occupation,” he writes, explaining the arrangements behind his departure from France in 1941. “But I did not begin to understand the situation until the day we went on board between two rows of gardes mobiles with sten guns in their hands, who cordoned off the quayside, preventing all contact between the passengers and their relatives or friends who had come to say goodbye, and interrupting leave-takings with jostling and insults. Far from being a solitary adventure, it was more like the deportation of convicts.” Fatmi seizes on Lévi-Strauss tale as representative of those of innumerable immigrants around the world and across history. “More than the travel,” Fatmi explains, “it is rather the impossibility of travel, through the borders, visas, and weight of identities that the traveler is forced to face in exile which is the subject of this installation.” Reuniting Lévi-Strauss with his philosophical colleagues, Fatmi’s The Structuralists/Les Structuralistes, started in 2010, features a black and white drawing of five Structuralists (Lévi-Strauss, Jacques Lacan, Louis Althusser, Michel Foucault and Roland Barthes) seated on the forest floor in tribal skirts and ankle bracelets. “The work is about language and its structure,” explains Fatmi, “especially of the end, or ‘what is left’ of a philosophical movement inspired by a linguistic model.” The illustration is based on a caricature by Maurice Henry that appeared in the Quinzaine littéraire in 1967 showing the major philosophers in a forest, almost naked, surrounded only by their thoughts. Like his work on the Black Panthers, Fatmi explains, this work addresses a philosophical movement that “influenced many people for a time and that is still enduring today.” Directly referencing the arrival and close of the Arab Spring, Fatmi’s work The Lost Springs, April 2011, pairs two three-meter brooms with the 22 flags of the Arab League. Presented at the 54th Venice Biennial, the work is a formal echo of his 2004 sculpture G8 The Brooms/G8 Les Balais. This time, however, Europe and the US are out of the equation; the political block is made laughable in works like Green Monochrome, 2011, a photo of former British Prime Minister Tony Blair shaking Qaddafi’s hand at their historic first meeting in 2004, following Libya’s renouncement of its weapons of mass destruction program. Two years after the first protests alighted in North Africa, the sparks of the Arab Spring seem to be fading. In June 2012, Islamists attacked art galleries in the affluent capital of Tunisia, citing images offensive to their religion. And Egypt’s newly elected President, Mohammed Morsi of the Freedom and Justice Party (a branch of the Muslim Brotherhood), voted in after months of protests centered on Cairo’s Tahrir Square, has clearly declared his faith in Sharia. “Sharia! There can be nothing but Sharia, Sharia, Sharia!” he exclaimed in the spring of 2012. “There is no other good for this nation. I swear before God and I swear to you all, regardless of what is written in the constitution, Sharia will be applied!” Tentatively, but clearly, Fatmi has mocked this position in the past in works such as The Thieves/Les voleurs, 2006, five severed latex hands laid in a row across the Saudi Arabian flag. As his practice develops, Fatmi will undoubtedly continue to return to the documents and narratives of his youth, as well as the clash of cultures he has witnessed in his movements across the Mediterranean and the Atlantic. His formal interest in the circle, linked with his conceptual interest in the copy and repetition are clear in his most recent works Casablanca Circles and Oriental Accident (both 2012), ambitious installations that engage the round form as a symbol of the cyclical nature of history and society’s inescapable return to the past. In a clear rejection of Western modernism’s forward marching line of progress, Fatmi will not ignore his own history, and will, we hope, continue to be brave enough to address the inconsistencies of his present. “If you had to define your work in one word, what would it be?” Jérôme Sans asked Fatmi in 2007, on the occasion of his participation in the 52nd Venice Biennale. “It would be urgency,” Fatmi replied. “I feel as though I function like an ambulance, which intervenes when there has been an accident. I am incapable of doing anything without a sense of urgency.” And urgent times these are. Bibliography Bowles, Paul. Collected Stories and Later Writings. New York: Literary Classics of the United States, 2002. See “Monologue, Tangiers 1975.” Bowles, Paul. Let it Come Down. London: Abacus, 1990. Bowles, Paul. The Sheltering Sky. New York: Belgrave Press, 1949. Bowles, Paul. Two Years Beside the Strait: Tangier Journal 1987. London: Peter Owen Publishers, 1990. Burroughs, William. Naked Lunch. London: Fourth Estate, 2010. Deparis, Marie. Mounir Fatmi http://www.mounirfatmi.com/2video/lhommesscheval03.html (accessed June 1, 2012). Douglas, Charlotte. Kazimir Malevich. New York: H.N. Abrams, 2004. Fatmi, Mounir. http://www.mounirfatmi.com/ (accessed June 1, 2012). Fatmi, Mounir. “Chaise Electrique.” L’Officiel Art, June 2012. Fatmi, Mounir. Ghosting. Paris: Studio Fatmi, 2011. Fatmi, Mounir. Interview with author. Personal interview. Paris, October 31, 2011. Fatmi, Mounir. Interview with author. Personal interview. Paris, April 24, 2012. Fatmi, Mounir. Email messages to author. May-June 2012. Fatmi, Mounir. Interview with Nicole Brenez. May 2008. Fatmi, Mounir. Interview with Christophe Gallois. 2008. Fatmi, Mounir. Interview with Michèle Cohen Hadria. Paris, 2002. Fatmi, Mounir. Interview with Hind Meddeb. Medi1 Radio. April 15, 2012. Fatmi, Mounir. Interview with Oscar Gomez Poviña. “Sacra Magnética.” Unfold, April 2010. Fatmi, Mounir. Interview with Jérôme Sans. 2007. D’Harnoncourt, Anne and Kynaston McShine. Marcel Duchamp. New York: The Museum of Modern Art, 1973. Hessler, Peter. “Arab Summer: Will the elections end the Egyptian revolution?” New Yorker, June 18, 2012. Kandell, Jonathan. “Jacques Derrida, Abstruse Theorist, Dies at 74.” New York Times, October 10, 2004. Lévi-Strauss, Claude. Tristes Tropiques.Translated by John and Doreen Weightman. New York: Atheneum, 1974. Peer, Basharat. “Modern Mecca.” New Yorker, April 16, 2012. Phaidon editors. Vitamin 3D. London: Phaidon, 2010. Polla, Barbara. “D’ou vient l’idée.” Crash, June 2012. Rushdie, Salman. The Satanic Verses. New York: Viking Penguin, 1989. Sartre, Jean-Paul. Being and Nothingness: An Essay on Phenomenological Ontology. Translated by Hazel E. Barnes. New York: Philosophical Library, 1956. Wittgenstein, Ludwig. Fiches. Translated by Jean-Pierre Cometti and Elisabeth Rigal. Paris: Editions Gallimard, 2008. Endnotes Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interview by Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Mounir Fatmi, email message to author, June 20, 2012. Mounir Fatmi, interview by Nicole Brenez, May 2008. Ibid. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, interview by Nicole Brenez, May 2008. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interview by Oscar Gomez Poviña, April 2010. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interview by Hind Meddeb, April 15, 2012. Mounir Fatmi, interview by Christophe Gallois, 2008. Paul Bowles, The Sheltering Sky (New York: Belgrave Press, 1949), 14. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Mounir Fatmi, email message to author, June 12, 2012. Mounir Fatmi, email message to author, June 13, 2012. Mounir Fatmi, interview by Christophe Gallois, 2008. Barbara Polla, “D’ou vient l’idée,” Crash, June 2012, 132-139. Mounir Fatmi, interview by Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, email message to author, June 3, 2012. Mounir Fatmi, email message to author, May 8, 2012. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, October 31, 2011. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, interview by Hind Meddeb, April 15, 2012. Mounir Fatmi, http://www.mounirfatmi.com/2sculpture/face.html (accessed June 1, 2012). Ibid. Mounir Fatmi, interview by Michèle Cohen Hadria, Paris, 2002. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Mounir Fatmi, interview by Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Jérôme Sans, in his interview with Mounir Fatmi, 2007. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Mounir Fatmi, interview by Christophe Gallois, 2008. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Marie Deparis, Mounir Fatmi http://www.mounirfatmi.com/2video/lhommesscheval03.html (accessed June 1, 2012). Mounir Fatmi, email message to author, June 3, 2012. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Mounir Fatmi, interview by Christophe Gallois, 2008. Ibid. Jonathan Kandell, “Jacques Derrida, Abstruse Theorist, Dies at 74,” New York Times, October 10, 2004. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007. Charlotte Douglas, Kazimir Malevich (New York: H.N. Abrams, 2004). See Malevich’s Airplane Flying (Suprematist Composition), 1915, MoMA. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, L’Officiel Art, June 2012, 194. Ibid. Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Ludwig Wittgenstein, Fiches, trans. Jean-Pierre Cometti and Elisabeth Rigal (Paris: Editions Gallimard, 2008). Mounir Fatmi, interview by author, Paris, April 24, 2012. Ibid. Ibid. Mounir Fatmi, interview by Oscar Gomez Poviña, April 2010. Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, trans. John and Doreen Weightman (New York: Atheneum, 1974), 17. Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, trans. John and Doreen Weightman (New York: Atheneum, 1974), 23. Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, trans. John and Doreen Weightman (New York: Atheneum, 1974), 24. Mounir Fatmi, http://www.mounirfatmi.com/3projets/voyagecls.html (accessed June 1, 2012). Mounir Fatmi, email message to author, June 3, 2012. Peter Hessler, “Arab Summer: Will the elections end the Egyptian revolution?” New Yorker, June 18, 2012, 36. Mounir Fatmi, interview by Jérôme Sans, 2007.