L’installation « Save Manhattan 02 » est réalisée à l'aide de cassettes VHS empilées, dont les bandes magnétiques se déroulent jusqu'au sol. La VHS est un outil d'enregistrement et de transmission des images principalement employé jusqu'au début des années 2000, et un matériau récurrent des œuvres de mounir fatmi. Celui-ci entre dans une réflexion sur la place de la médiatisation et de l'information dans nos sociétés. EIle s’inspire de courants philosophiques et artistiques qui placent la question du pouvoir de l'image et de sa reproduction au coeur de leur préoccupations. La cassette VHS a accompagné et permis la démocratisation de l'usage de la vidéo, l'essor du journalisme, de la médiatisation, mais également de la propagande. Elle devient ainsi, dans les sculptures de l’artiste, un élément architectural qui participe aux fondations des sociétés de l'information.
L’installation « Save Manhattan 02 » s'inscrit dans une série d'œuvres initiée en 2003 qui explore le rapport du spectateur à l'architecture en lien avec les attentats du 11 septembre 2001. A travers des photographies, des vidéos, des sculptures et des installations, mounir fatmi questionne le rapport du spectateur à un événement marquant de l'histoire contemporaine et s'interroge sur les bouleversements psychologiques, sociaux et politiques que celui-ci a entraînés. Les œuvres envisagent le phénomène étudié d'un point de vue architectural. Elles retracent la skyline de la ville de New York, référence culturelle familière, présente dans les imaginaires collectifs, et explorent à la fois les structures profondes des organisations sociales et celles de nos pensées, de nos perceptions individuelles et de notre rapport au monde. Les installations ont recours chacune à leur manière à la technique des ombres portées qui reproduisent l’architecture de Manhattan telle qu'elle était avant les attentats, c'est-à-dire avec la présence des tours jumelles du World Trade Center. Les ombres évoquent le souvenir d'un lieu et d'un événement et introduisent à une exploration des relations entre mémoire, imaginaire et réalité.
Les empilements de cassettes VHS mettent à jour un paradoxe : l'accumulation d'images et d'informations constitue un obstacle à la vision et à la réflexion. Dans une société composée d'une accumulation de spectacles où les images ont tout pouvoir, celles-ci deviennent finalement l'instrument d'idéologies s'exerçant au détriment des libertés de penser, de circuler et de communiquer. Le quartier de Manhattan se révèle comme un lieu, une architecture à la fois extérieure et intérieure, réelle et imaginaire, associée aux productions cinématographiques ou au traumatisme physique et mémoriel des attentats. L’installation « Save Manhattan 02» peut alors être vue comme une injonction collective au geste salutaire. Son approche est à la fois structurale et sensible : les images de la ville sont obligées de côtoyer les images d’archive des chutes des deux tours. Elle met à distance suffisante le sensoriel et l'émotion afin de permettre la réflexion et la reconstruction de notre rapport au monde. L’installation « Save Manhattan 02 » est au coeur de la reflexion philosophique de Guy Debord dans son livre « La société du spectacle ». Cette œuvre est caractérisée et développée à partir de cette nouvelle culture, elle-même issue des expériences et des événements récents. Personne ne peut regarder cette installation avec les mêmes yeux qu’avant, car nous sommes tous les héritiers d’un monde de l’après 11 septembre.
Studio Fatmi, Février 2018.
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The installation « Save Manhattan 02 » is created with piled-up VHS tapes whose magnetic tapes are unraveled onto the floor. The VHS was a device for recording and transmitting images that was commonly used until the early 2000s, and is a recurrent material in mounir fatmi’s work. The artist carries out a reflection on the place of media exposure and information in our societies. This reflection is inspired by philosophical and artistic movements that placed the question of the power of images and of their reproduction at the heart of their preoccupations. The VHS tape accompanied and enabled the democratization of the use of video, the development of journalism and media coverage but also of propaganda. In the artist’s sculptures, it becomes an architectural element that participated in the foundation of our societies of information.
The installation « Save Manhattan 02 » is part of a series of works initiated in 2003 that explores the relation of the viewer to architecture in relation to the attacks of September 11, 2001. Using photographs, videos, sculptures and installations, mounir fatmi questions the viewer’s relation to a memorable event in recent history and reflects upon the psychological, social and political changes it triggered. The works approach the studied phenomenon from an architectural point of view. They trace the skyline of New York, a familiar cultural reference in our collective imaginations and explore the deep structure of both social organizations and our thoughts, of our individual perceptions and our relation to the world. Each one of the « Save Manhattan » installations resorts in its own way to projected shadows that reproduce the architecture of Manhattan as it was before the attacks, in other words with the presence of the twin towers of the World Trade Center. These shadows conjure the memory of a place and an event and introduce an exploration of the relations between memory, imagination and reality.
The piles of VHS tapes underline a paradox: the accumulation of images and information constitutes an obstacle to vision and reflection. In a society made up of an accumulation of spectacles where images are all-powerful, they end up becoming an instrument of ideologies that apply themselves to the detriment of the ability to think, travel and communicate freely. Manhattan appears as a place and an architecture that is both external and internal, real and imaginary, associated with movie productions and the physical and memorial trauma of the attacks. The installation « Save Manhattan 02 » can therefore be seen as a collective injunction to practice a salutary gesture. Its approach is both structural and sensitive: images of the city are forcibly juxtaposed with archive footage of the collapse of the towers. It creates sufficient distance with the sensorial and the emotional in order to allow the reflection and reconstruction of our relation to the world. The installation « Save Manhattan 02 » is at the heart of Guy Debord’s philosophical reflection in his book « The Society of the Spectacle ». It is a work characterized by and developed on the basis of this new culture, which is itself born from recent experiences and events. No one can look at this installation with the same eyes as before, as we all share the heritage of living in a post-9/11 world.
Studio Fatmi, February 2018.
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