Click to play! I Jeu en collaboration avec Werner Randelshofer
« GOD DOG » se présente comme une variante originale d'un jeu de logique extrêmement populaire, à savoir le cube de Rubik, dont le nom fait référence à son inventeur. Dans la version proposée par mounir fatmi, les cubes colorés ont laissé la place à des cubes portant sur leurs faces les lettres « G », « O » et « D ». Les lettres apparaissent en rouge sur fond blanc, à l'exception du "O" central de chaque face du jeu, qui figure en blanc sur fond rouge. Le cube de Rubik ainsi constitué permet différentes combinaisons de trois lettres, parmi lesquelles on trouve les mots « God » et « Dog ».
« GOD DOG » affiche formellement et thématiquement un lien de parenté avec la série de sculptures aux allures de cubes de Rubik commencée en 2004 et intitulée « Casse-tête pour un musulman modéré ». A la suite de ce projet, « GOD DOG » explore la nature paradoxale des rapports des croyants à la religion, à ses dogmes, ses rites et objets de cultes. « Casse-tête pour un musulman modéré » évoquait la circumambulation des fidèles autour de la Kaaba (littéralement en arabe « le Cube »), exprimait par la multiplication vertigineuse des combinaisons possibles de jeu (quelques milliards de milliards), la difficulté d'une approche rationnelle du religieux. L'œuvre rendait également compte des relations complexes et contradictoires entre raison et croyance.
Avec le jeu « GOD DOG », le champ infini des possibles semble se réduire à une proposition binaire. Malgré le nombre quasi infini de combinaisons, les possibilités de former un mot ne sont qu'au nombre de deux : "god" ou "dog". Le jeu d'anagrammes ou de palindromes semble insister sur le balancement constant du croyant entre divin et animal, tiraillé entre la matérialité de son être et sa spiritualité. « Dog » et « God » s'affirment comme les deux pôles obligatoires et indépassables entre lesquels le croyant compose avec le réel et élabore ses stratégies d'existence. Comment réaliser en soi l'impossible harmonie de ces deux tendances ? Il y a comme une ironie douce dans la mise en regard de la profession de foi du croyant et des stratégies rationnelles menées par les joueurs de Rubik's cube, une mise en garde également : l'adage ne dit-il pas « Qui fait l'ange fait la bête et qui fait la bête fait l'ange ? ».
mounir fatmi élabore ici une œuvre de décodage où la raison intervient à nouveau au sein d'un processus religieux. Celle-ci peut rappeler la proximité de l'interprétation mathématique et linguistique des textes religieux (devenue véritable tradition herméneutique), mais par une touche d'humour et d’étrangeté qui échappe quelque peu aux tentatives d'interprétation de son spectateur. Œuvre de « camouflage » selon l'expression de son concepteur, son dispositif dévoile des diverses propositions emboîtées les unes dans les autres à la manière des poupées gigognes : révélant tour à tour une proposition ludique, religieuse puis scientifique, et en son cœur une démonstration esthétique.
Studio Fatmi, Juin 2019.
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Click to play! I Game in collaboration with Werner Randelshofer
GOD DOG presents itself as an original variation on a very popular logic game, the Rubik’s Cube, named after its inventor. In the version proposed by Mounir Fatmi, the colored cubes have been replaced with cubes exhibiting on their sides the letters “G”, “O” and “D”. The letters are red on a white background, except the central “O” on each side of the game, which is white on a red background. The Rubik’s Cube thusly constituted enables various combinations of the three letters, among which the words “God” and “dog”.
GOD DOG is linked, both formally and through the themes it addresses, to the series of sculptures resembling Rubik’s Cubes initiated in 2004 and entitled “Brainteaser for a moderate Muslim”. Following that project, GOD DOG explores the paradoxical nature of believers’ relationship to religion, its dogma, rites and objects of worship. “Brainteaser for a moderate Muslim” was evocative of the faithful crowds walking in circles around the Kaaba (literally “the Cube” in Arabic) and expressed, through the dizzying multiplicity of the possible game combinations (several billion billion), how difficult it was to have a rational approach to religion. The work also addresses the complex and contradictory relations between reason and faith.
With the game GOD DOG, the infinite range of possibilities seems to be reduced to a binary proposition. In spite of the almost infinite number of combinations, the possibilities of forming a word are only two: “god” and “dog”. As such, this game of anagrams and palindromes seems to insist on the believer’s constant swaying between the divine and the animal, torn as he is between the materiality of his being and his spirituality. “Dog” and “God” emerge as the two necessary and impassable poles between which the believer has to come to terms with reality and elaborate his strategies for living. How could it be possible to find harmony between these two opposed tendencies? There is something of a sweet irony in the juxtaposition of the believer’s profession of faith and the rational strategies applied by Rubik’s Cube players, but also a warning: after all, the saying goes “he who plays the angel plays the beast, and he who plays the beast plays the angel”.
Mounir Fatmi elaborates here a work of art destined for deciphering, where reason returns to intervene amidst a religious process. It can be evocative of the proximity of the mathematical and linguistic interpretation of religious texts (which has become a veritable hermeneutical tradition), but with a touch of humor and strangeness that somewhat eludes the viewer’s attempts for interpretation. A work of “camouflage”, to use its creator’s own expression, this is a device that exhibits its various propositions concealed in one another, like Russian dolls: it reveals a playful, religious and scientific proposition in turns, and in its heart, an esthetic demonstration.
Studio Fatmi, June 2019.
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