En septembre 2017, Mounir Fatmi ouvre une exposition à New York, à la galerie Jane Lombard. À travers la lecture de deux textes, une lettre adressée à sa galeriste et un ensemble de poèmes, l’artiste raconte son choix de ne pas se rendre sur le territoire américain, ainsi que la découverte de sa propre exposition à travers les réseaux sociaux et les regards d’anonymes. Ces commentaires déposés ont été transposés en poèmes via le procédé du cut-up, par l’artiste et la machine, produisant une poésie digitale.
C'est dans le cadre de la programmation Satellite 11 intitulée « Novlangue_ », que le Jeu de Paume accueille une carte blanche performative dans les espaces de la librairie.
La librairie du Jeu de Paume est le point d’achoppement entre espace privé (l’intimité de la lecture) et espace public (les salles d’exposition, le jardin des Tuileries). Dans 1984, le roman d’anticipation d’Orwell, le novlangue, ou forme de glossolalie mise en place par l’état, annihilait nombre de mots : honneur, justice, moralité, démocratie, science, religion… avaient simplement cessé d’exister. Quelques mots-couvertures les englobaient et, en les englobant, les supprimaient. Comme la langue était parasitée, tronquée, nombreux étaient les livres mais uniquement utilitaires, comme les manuels techniques. Les autres devaient subir le même sort que les mots.
Le cycle Satellite #11, « NOVLANGUE_ » pointe un rétrécissement, une simplification de la langue à l’heure du virage numérique, d’un langage écran dominant, d’une parole-spectacle, d'un possible effacement de la pensée provoqué par l’effacement des mots. Induisant l’artiste comme voix politique, « The Missing Show » fait état d'un monde fractionné, d’une parole publique produite répondant à une horizontalité de la parole. Activant différents systèmes de montage et démontage, Mounir Fatmi interroge la construction du discours politique aujourd’hui, construit par assemblage de sources fragmentées, décontextualisées, tel un collage Dadaïste.
Je continuerai à utiliser mes mots tout simples…
Je te rendrai furieux…
J’apprendrai… aux générations… d’artistes… à s’emparer… des leurs peurs… pour créer de l’art…
Je raconterai autant d’histoires que possible avec le point de vue de l’autre.
J’essaierai de créer un espace pour que les autres se sentent compris.
Je vais écouter… Ecouter, pas entendre,
Je vais traiter les autres de la façon dont je voudrais être traité.
Je vais cesser de prendre et commencer à remplacer.
Je vais aimer mes ennemis de la façon dont je voudrais être aimé.
Je vais être un être humain dans la vraie vie.
Je vais donner… Recevoir… Prendre moins…
Je vais écouter…
Je vais agir…
Je vais pardonner…
Je vais écrire… Parler… Défendre les droits humains.
Je vais répandre de l’amour…
Je vais être cette personne dans la rue qui sourit.
Je vais dire Jamais de la vie ! au lieu de peut-être.
Je vais être un paysage fictif mouvementé.
« The Missing Show » envisage la langue à l’ère du post-internet dans son potentiel transitif d’individualisme comme d’individuation. Faisant l’expérience du réel dans toute sa discontinuité, Mounir Fatmi élève la langue au rang d’une forme résistance.
Agnes Violeau, Avril 2018.
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In September 2017, Mounir Fatmi opened an exhibition in New York at the Jane Lombard Gallery. Through the reading of two texts, a personal letter addressed to his gallerist, and a set of poems, the artist explained his decision not to travel to the United States, instead, learning about how his exhibition was seen and received through social media and the perspective of strangers. These comments—left at the gallery as well as online, were transposed into poems via the cut-up process, by the artist and a machine, producing a form of digital poetry.
In the framework of the Satellite 11 program entitled "Novlangue_", the Jeu de Paume invited fatmi to create a piece of his choosing, which became a performance piece given in the museum’s bookstore.
The Jeu de Paume bookshop is a meeting point between private space (the intimacy of reading) and public space (the exhibition halls, the adjacent Tuileries Garden). In 1984, George Orwell's novel famous novel, the novlangue, or form of glossolalia set up by the state, sought to destroy many words: honor, justice, morality, democracy, science, religion ... which had simply ceased to exist. A few alternate words subsumed them and by subsuming them them, suppressed them. As the language was parasitized, truncated, many were books but only utilitarian, like technical manuals. The others had to suffer the same fate as the words.
The Satellite cycle # 11, "NOVLANGUE_" points to a narrowing, a simplification of the language at the time of the digital shift, a dominant screen language, a speech-spectacle, a possible erasure of the thought caused by the erasure of words. Giving rise to the artist as a political voice, "The Missing Show" refers to a fragmented world, a public speech produced responding to a horizontality of speech. Activating different systems of editing and disassembly, Mounir Fatmi questions the construction of political discourse today, built by assembling fragmented sources, decontextualized, like a Dadaist collage.
I will keep using my cheap words …
I will make you mad ...
I will teach … The generations … of artists … to embrace …Their fears … and create art …
I will tell as many stories as possible from the other side of history.
I will try to create space for others to feel understood.
I will listen ...Listening not hearing,
I will treat others the way I would want to be treated.
I will stop taking & start replacing.
I will love my enemies the way I would be loved.
I will be human in real life.
I will give … Receive … Take less …
I will listen ...
I will take action ...
I will forgive ...
I will write ... Talk ... Arguing for human rights.
I will Spread Love ...
I will Be That Random Person Who Smiles.
I will say fuck No! Instead of maybe.
I will be a turbulent fictional landscape.
The Missing Show envisions language in the post-internet age in its transitive potential of individualism and individuation. Experiencing reality in all its discontinuity, Mounir Fatmi raises language to the level of a form of resistance.
Agnès Violeau, April 2018
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