Commencée en 2005, Sleep Al Naim est une œuvre de fiction en noir et blanc montrant un homme qui dort tranquillement, son torse nu se soulevant et s’abaissant au rythme de sa respiration.
La vidéo de l'installation dure 6 heures. mounir fatmi a choisi de représenter une icône contemporaine, l’écrivain Salman Rushdie. Le film reprend l’iconographie du film « Sleep », en référence directe au film expérimental pop et minimaliste d’Andy Warhol qui, en 1963, montre durant 6 heures l’image continue du poète John Giorno en train de dormir.
Du sommeil de John Giorno devant la caméra de Warhol, le repos de l’écrivain britannique, dans son contexte littéraire et polémique, se fait nécessaire et paradoxal. Sleep Al Naim suggère l’ambivalence d’un abandon physique, tranquille et intranquille à la fois. Compte tenu des menaces qui pèsent sur sa vie depuis la publication du roman “Les versets sataniques en 1988, plonger dans le sommeil reste une manière pour Salman Rushdie de se mettre en état de vulnérabilité.
Mais dans le même temps, ce temps d’inconscience accordée exprime force et confiance : le sommeil du juste. Pour l’artiste, il s’agit de la création d’un visage, d’un corps, d’une présence. Jouer à être Dieu. Créer de toutes pièces le personnage de Salman Rushdie et le mettre en scène en train de dormir. Associer sa propre respiration au corps de l’écrivain.
Après avoir tenté en vain d’entrer en contact avec Rushdie qu’il espérait filmer dans son sommeil, Mounir Fatmi a décidé de recourir à la technologie numérique en 3D. Une première phase de recherche a commencé pendant sa résidence à la Rijksakademie à Amsterdam en 2005. Cette phase consistait à trouver le maximum d’images de l’écrivain, de face, de profil droit et gauche de différente période de sa vie. Une deuxième phase de travail consistait au modelage du visage, du corps, du décor et des accessoires de la chambre. La troisième phase et la plus longue, c’était l’animation, le choix des différents plans de caméra, d’éclairages et d’étalonnage du film. Et finalement la dernière phase consistait à enregistrer la respiration de l’artiste et faire un montage sonore directement sur l’animation du corps de l’écrivain.
Ironie de l’histoire, une fois le film achevé en 2012, une rencontre chaleureuse entre les deux hommes a pu avoir lieu à Bruxelles, grâce au directeur du Palais des beaux-arts, à l’occasion de la sortie de l’autobiographie “Joseph Anton” de Rushdie. À l’issue de cette rencontre, mounir fatmi préparera une longue interview avec l’écrivain des « Versets sataniques » pour la publication d’un livre sous le titre de Sleep.
Désormais en France, il y a une affaire « Sleep ».
La vidéo programmée initialement à l’exposition « 25 ans de créativité arabe » qui célèbre la création de l’institut du monde arabe à Paris a été retirée par les organisateurs. Dans cette exposition itinérante, la représentation même virtuelle de Salman Rushdie a été jugée trop sensible pour être montrée au Moyen-Orient et dans d’autres pays arabes.
Cette censure venant d’une institution culturelle établie a provoqué une consternation générale dans les médias et questionne la liberté de créer en France. D’autant qu’elle s’inscrit à la suite d’une autre censure que mounir fatmi a subie quelques jours auparavant lors du Printemps de septembre à Toulouse, une autre manifestation culturelle française, subventionnée par l’État et de grandes fondations privées.
De nombreux journalistes ont relayé l’information et soulevé le débat dans la presse écrite, des émissions radio et télés.
Studio Fatmi, Avril 2012.
Video censurée en 2012 par l’institut du monde Arabe à l’exposition 25 ans de créativité Arabe.
Video censurée egalement en 2015 par le centre d’art Villa Tamaris pour l’exposition C’est la nuit.
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Begun in 2005, Sleep Al Naim is a work of fiction in black and white showing a man sleeping peacefully, his bare chest heaving and falling to the rhythm of his breathing.
The video of the installation lasts 6 hours. mounir fatmi has chosen to represent a contemporary icon, the writer Salman Rushdie. The film borrows its imagery from the film "Sleep", in direct reference to Andy Warhol’s minimalist pop experimental film in 1963, it shows 6 hours continuous image of the poet John Giorno sleeping.
John Giorno sleeping in front of Warhol’s camera, in its literary context and controversy, is necessary and paradoxical. Sleep Al Naim suggests the ambivalence of a physical abandonment, quiet and calm. Considering the threats to his life since the publication of his novel “The Satanic Verses” in 1988, drifting off to sleep is a way for Salman Rushdie to put himself in a vulnerable position. But at the same time, this moment of unconsciousness expresses strength and confidence: the sleep of the just.
For the artist, it is the creation of a face, a body, a presence, and certain goodness in the action. Creating from scratch the character of Salman Rushdie and staging the sleeping. Associate the own breathing body of the writer.
After trying in vain to contact Rushdie for the purpose of the project, Mounir Fatmi has decided to use digital technology in 3D. A first phase of research began during his residency at the Rijksakademie in Amsterdam in 2005. This phase was to find the maximum images of the writer, front, left and right profile at different time of his life. A second phase of work involved the shaping of the face, body, accessories and decor of the room.The third phase and the longest was the animation, the choice of different cameras angles, lighting and calibration of the film. And finally the last stage was to record the breathing of the artist and make a soundtrack based directly on the animation of writer’s body.
Ironically, once the film was completed in 2012, a friendly meeting between the two men took place at the Palais des Beaux-Arts in Brussels, thanks to the director who arranged a meeting on the occassion of Rushdie’s appearance there for the release of his autobiography,“Joseph Anton”. Following this meeting Mounir Fatmi prepared a lengthy interview with the writer of "The Satanic Verses" to publish a book under the title of Sleep.
Now in France, "Sleep" is a case. The video, originally scheduled in the exhibition "25 years of Arab creativity" celebrating the creation of the Institute of the Arab World in Paris, was withdrawn by the organizers. In this exhibition, the even virtual representation of Salman Rushdie was considered too sensitive to be shown to the Middle East and other Arab countries.
This censorship from an established cultural institution has caused consternation in the media and questions the freedom to create in France. Especially as it comes after another censorship Mounir Fatmi has suffered a few days earlier at the Printemps de Septembre in Toulouse, another French cultural event, sponsored by the State and famous private foundations.
Many journalists have relayed the information and raised the debate in the press, TV and radio broadcasts.
Studio Fatmi, April 2012.
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