Installation en développement, le minimalisme capitaliste s’articule autour d’un double questionnement : celui du lien entre religion et image, celui des liens, des connexions, des relations entre mouvement artistique et idéologie politique.
Une réflexion sur l’image - Tableau presque monochrome, chevalet sans tableau : il n’y a, comme on le dit du minimalisme, « rien » à voir et pourtant le problème du sens de l’image, en sa dimension sacrée, est posé : la partie centrale du chevalet, d’un rouge vif tranchant sur le blanc sur blanc du reste de l’installation, évoque à la fois un motif récurrent des différents mouvements conceptuels du 20ème siècle –du suprématisme au constructivisme, du Bauhaus à De Stilj, du minimalisme à l’art conceptuel- et la croix chrétienne, image canonique dans l’histoire de l’art occidental.
C’est ce même chevalet , celui de Matisse, de Delacroix, qui, introduit dans l’Orient colonisé, détourne l’artiste arabe de l’ornementation, et le pousse à singer pour un temps les esthétiques orientalisantes et les grands moments de l’histoire de l’art occidental, remettant en question par ce biais son rapport à l’image et à la représentation figurée comme imitation de la création divine, réinitialisant celle de l’image non-figurée.
C’est ce même chevalet que le constructivisme, dès les années 20, entend supprimer et que le minimalisme américain achèvera de dissoudre.
Question des liens entre mouvement artistique et idéologie politique- Le « minimalisme capitaliste » : un oxymore ? Ici, mounir fatmi fait explicitement référence au minimalisme américain, né dans les années 60, en réaction à l’Expressionnisme abstrait et surtout au Pop art, interprété comme quintessence du triomphe et de la frénésie de la société de consommation capitaliste et de l’ american way of life. Car si Frank Stella, Donald Judd ou Carl Andre ont pu faire leur le principe du « less is more », c’est bien qu’il existe entre l’architecte allemand Ludwig Mies van der Rohe, pape de l’architecture dans le Chicago des années 40, à qui l’on prête (à tort) la paternité de cette maxime, le Bauhaus dont il est issu, et le constructivisme russe, des connexions politiques tout autant qu’esthétiques.
Si l’Histoire est, en un sens, « géographie dynamique », « plateau rizhomatique » (Deleuze) alors celle-ci , lorsqu’elle contraint les artistes du Bauhaus à fuir l’Allemagne Nazie pour les Etats-Unis, entraînant avec eux ses racines, Malevitch, Rodtchenko - soutiens picturaux de la Révolution russe- court-circuite les préjugés historiques.
Ou comment bien des gratte-ciels de Chicago ou de New-York, symboles triomphants du capitalisme, comme les premiers plans de Le Corbusier doivent beaucoup au constructivisme russe. Et comment Dan Flavin, en pleine guerre froide, construit une œuvre en hommage constant à Vladimir Tatline*.
Le manifeste du Bauhaus annonce : « Le but final de toute activité plastique est la construction » Cette construction que mounir fatmi entend, d’oeuvre en œuvre, déconstruire.
Marie Deparis
*Vladimir Tatline ( 1885 - 1953- Moscou) dont l’œuvre la plus célèbre fut son projet pour un Monument à la Troisième Internationale, datant de 1919-1920, qui aurait servi à abriter les quartiers généraux du Komintern ( Internationale Communiste) mais ne sera jamais réalisée. Ce projet constitue l'œuvre la plus emblématique du Constructivisme.
|
|
Minimalism is Capitalist is based upon two questions. First, it questions the link between religion and image. Second, it questions the connections to and the relationship between an artistic movement and a political ideology.
Considering the image – “The picture is almost monochromatic.” “There is no image on the canvas.” “There is ‘nothing to see’.” These are comments frequently heard about minimalist art, and yet, the “meaning” of the image is still questioned. In Minimalism is Capitalist the central part of an easel is painted in a bright red that contrasts with the “white on white” of the rest of the installation. This work suggests a recurrent motif throughout the major art movements in the 20th Century- from Suprematism to Constructivism, Bauhaus to De Stijl, Minimalism to Conceptualism, as well as to the Christian cross, the canonical image in western art history. It was this same easel (whether of Matisse or Delacroix) that was introduced in the colonized East, steering Arab artists away from the ornamental style and encouraging them, for a moment, to copy the figurative styles of oriental and occidental art history. Through this encounter these artists began to question their relationship to the image, eventually rejecting the use of the figure as an imitation of the divine, and began once again, to use non-representational imagery in their work. It is this easel that the Russian Constructivists in the 1920’s, were compelled to remove and which the American Minimalist movement in the 1960’s would finally disintegrate.
Questioning the links between an artistic movement and a political ideology – Is Minimalism is Capitalist an oxymoron? Perhaps. With this phrase Mounir Fatmi specifically refers to American Minimalism, a movement born in the 1960’s in reaction to Abstract Expressionism, and particularly to Pop Art, an aesthetic considered to be the epitome of the frenzied capitalist consumer society and the “American way of life.” Minimalist artists such as Frank Stella, Donald Judd or Carl Andre, who appropriated the « less-is-more » theory as a rule, were influenced by and indeed connected to the political and aesthetic concerns of the German architect Ludwig Mies van der Rohe, former director of the Bauhaus since 1930 and based in Chicago in the 1940’s and who was often (incorrectly) associated to the “less-is-more” maxim, as well as to the Russian Constructivists.
History forced many Bauhaus artists to flee from Nazi Germany to the United States bringing with them their roots of Malevitch and Rodchenko, the artistic supports of the Russian Revolution. Through such events, history can be understood like a “dynamic geography”, a ”rhizome of plateaus” (Deleuze), a short-circuit of the historical prejudices. These personal migrations, and with them, their ideas, are why many skyscrapers in Chicago or New York, the triumphant symbols of the capitalism, as well as the early concepts of Le Corbusier, are descendent from ideas of Russian Constructivism. This is also why Dan Flavin in the middle of cold war in America made a sculpture in tribute to Vladimir Tatlin.
The Bauhaus manifesto said: “the ultimate aim of all creative activity is building.” But for Mounir Fatmi, it is the idea, and it is precisely this notion of “building” that he proposes to deconstruct in the installation Minimalism is Capitalist, piece by piece.
Translation: Caroline Rossiter.
|