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27. | Babel House / Empire
 
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  • 2008, VHS, brooms, black flags, wood panel, lights, around 150 x 150 x 300 cm.
    Exhibition view of Traversées, Le Grand Palais, 2008, Paris.
    Courtesy of the artist and Ceysson & Bénétière, Paris.
    Ed. of 1 + 1 A.P.

  • 2008, VHS, brooms, black flags, wood panel, lights, around 150 x 150 x 300 cm.
    Exhibition view of Living Together, Observatori 11, 2010, Valencia.
    Courtesy of the artist and Ceysson & Bénétière, Paris.
    Ed. of 1 + 1 A.P.

'' Babel House is part of a critical reflection on Warhol’s pop, creeping into its fissures, questioning its durability and,

in its formal translation, throwing a bridge between pop and the minimalist reaction,

by way of saying “everything is here”. ''


Marie Deparis, February 2009





 




Construction sculpturale- architecturale de cassettes VHS et de balais dont les manches se font hampes de drapeau, Babel House/Empire se présente d’abord comme une évocation de New York et de l’emblématique Empire State Building, qui depuis le 09.11, est redevenu, pour un moment encore indéterminé, la plus haute tour de la ville.
Mounir fatmi poursuit ici son interrogation sur l’architecture, la ville, le sens idéologique insufflé dans ses options architecturales, déjà engagée dans plusieurs œuvres.*

Babel House/Empire peut en premier lieu s’appréhender comme une sorte de proposition schématique, dans une œuvre-synthèse au titre très évocateur. Signe de l’orgueil démesuré des hommes, forme de vanité aussi, cette construction de cassettes vidéo, dont chacune peut être vue comme une de ces « briques » cuites au feu décrites dans la Genèse, nourrit la sensation, renforcée par l’armature de balais qui semblent en soutenir l’équilibre et la structure, qu’elle pourrait s’écrouler à tout moment. Cette notion d’instabilité fondamentale, importante dans le travail de mounir fatmi, évoque l’imagerie associée à la tour de Babel, souvent représentée dans l’inachèvement, l’imminence de la destruction, toutes chose marquant la fragilité du construit, s’opposant à la vaniteuse compétition architecturale que se livrent commanditaires et architectes des mégapoles mondiales. De Dubaï à Shanghai, de Taipei à Kuala Lumpur, partout on cherche à construire toujours plus haut, les étalons du pouvoir et de la richesse, colosses à l’orgueil babylonien et aux pieds d’argile.
Envers et contre tout, New York, dans sa verticalité jusqu’au vertige, reste le modèle de la Babel moderne et le symbole du capitalisme triomphant.

Dans le même temps, elle fut, et reste dans une certaine mesure, lieu d’accueil et d’inspiration de bien des artistes, et notamment de ceux qui, dans les années 60, se libérant des contraintes formelles et inventant des modes de production en marge des studios hollywoodiens, firent de New York une capitale du cinéma expérimental : parmi eux, John Cage, Stan Brakhage, Maya Deren, Jonas Mekas ou Andy Warhol.
En 1964, Warhol tourne « Empire », one continuous shot en plan fixe durant huit heures et cinq minutes, dans lequel le coucher et le lever du soleil forment les seuls éléments d’une narration imperceptible, car, tourné en 24 images/seconde, le film est projeté en ralenti, à 16 images/seconde **.
Babel House/ Empire peut être lue comme une réinterprétation critique de cette expérimentation.
En outre, la fragilité de la construction de la Babel House de mounir fatmi renvoie à la dimension spectaculaire de la mise en scène de destructions et de catastrophes, un genre à part entière dans le cinéma hollywoodien, et partie intégrante de la culture pop.
Babel house s’inscrit dans une réflexion critique sur le pop de Warhol, s’immisçant dans ses fissures, questionnant sa pérennité, jetant, dans sa traduction plastique, un pont entre le pop et son réactif minimaliste, dans cette manière peut-être de dire « tout est là ». La fragilité de son édifice, c’est la fin du pop au profit du déferlement d’une sorte de néo-pop entièrement voué à la trivialité des mass- media, à la reproduction en masse des procédés. La cassette vidéo fait partie de ces « produits brutalement impersonnels » dont parlait Warhol mais elle singe aussi la reproduction-dispersion massive de l’esthétique warholienne, devenue banale jusqu'à la saturation, jusqu’à destruction. C’est donc aussi de cette destruction dont parle ici l’œuvre de mounir fatmi, destruction du pop lui-même, noyé sous l’absence de sens –les drapeaux noirs, qu’on interprétera ici davantage comme symbole de cynisme que d’anarchie, ce qui, parfois, revient au même, se chargeant de balayer ce qui reste de sens, ramenant à la poussière les restes des idéologies.
Au sol, un panneau comme abandonné par quelque manifestant idéaliste en déroute, un épitaphe : « ceux qui peuvent encore rêver ne dorment plus », aphorisme aussi énigmatique qu’inquiétant dans un monde dont les dernières idéologies souvent sont totalitaires.

Babel House/ Empire a été montré à l’occasion de Artparis 07


Marie Deparis, Février 2009.

*Save Manhattan  (2004-2007), la trilogie Fuck architects (2008), Skyline (2007), le projet Le reste (2004-2005).

 

 

  Babel House/Empire, a sculptural and architectural construction of VHS tapes and brooms, with handles that become flag poles, seems at first to be an evocation of New York and the emblematic Empire State Building, which has regained its status as the tallest tower in the city since 9/11.
Mounir fatmi continues to question themes already explored in several of his works*: architecture, the city and the ideological meaning instilled therein. 

Babel House/Empire can, in the first instance, be understood as a sort of schematic proposition, within an evocative body of work. A sign of men’s excessive pride and a form of vanity, this video tape construction, where each tape can be seen as one of the bricks hardened in the fires of Genesis, fuels the feeling that it could collapse at any minute. This is reinforced by the broom handles which seem to support the balance and structure. This notion of fundamental instability, important to mounir fatmi’s work, evokes the imagery associated with the tower of Babel, often represented as incomplete and imminently destructible, anything that marks the fragility of the construct as opposed to the vain architectural completion indulged in by the architects and backers of world megalopolises. From Dubai to Shanghai, Taipei to Kuala Lumpur, everywhere the standards of power and riches are being built higher and higher still: giants with Babylonian pride and feet of clay.
Despite all opposition, New York, in all its vertiginous verticality, remains the model of modern Babel and the symbol of triumphant capitalism. 

At the same time, the Empire State has been, and to a certain extent still is, a meeting place and inspiration for many artists. Notably in the 60s John Cage, Stan Brakhage, Maya Deren, Jonas Mekas and Andy Warhol, amongst others, made New York the capital of experimental cinema, freeing themselves from formal constraints and inventing means of production outside of Hollywood studios.
In 1964, Warhol directed “Empire”, one continuous static shot lasting eight hours and five minutes, in which the setting and rising of the sun are the only elements of an imperceptible narration, as, although shot in 24 frames/second, the projection is slowed down to 16 frames/second**.
Babel House/Empire can be read as a critical reinterpretation of this experiment. Moreover the fragile construction of mounir fatmi’s Babel House refers to the spectacular dimension of the staging of destruction and catastrophes, a Hollywood genre in its own right and an integral part of pop culture.
Babel House is part of a critical reflection on Warhol’s pop, creeping into its fissures, questioning its durability and, in its formal translation, throwing a bridge between pop and the minimalist reaction, by way of saying “everything is here”. The fragility of its structure marks the end of pop in favour of a surge of neo-pop devoted to the triviality of mass-media and the mass reproduction of processes. The video cassette is one of the “brutally impersonal products” described by Warhol but it also signals the massive reproduction and dissemination of the warholian aesthetic, which has become banal to the point of saturation and destruction. It is this destruction that is also expressed by mounir fatmi’s work: the destruction of pop, drowned in the absence of meaning. The black flags, which could be interpreted as symbols of cynicism rather than anarchy (although this sometimes comes down to the same thing), are there to sweep away what meaning is left, reducing the remains of ideologies to dust.
On the ground, a sign, as if abandoned by an idealist protester in disarray, bears the epitaph: “those who can still dream do not sleep anymore”, an aphorism that is as enigmatic as it is worrying in a world whose latest ideologies are often totalitarian. 

Babel House/Empire was shown at Artparis 07 


Marie Deparis, February 2009.

Translation: Caroline Rossiter.

* Save Manhattan (2004-2007), the trilogy Fuck architects (2008), Skyline (2007), the project Le reste (2004-2005).