Manipulations est une vidéo inspirée du célèbre jeu de logique Rubik's cube. L'œuvre enchaîne des plans plus ou moins rapprochés d'une paire de mains manipulant un cube à facettes colorées, sur un fond sonore composé d'un battement régulier et insistant, des cliquetis des cubes se combinant et se recombinant et de stridentes distorsions acoustiques. A mesure que la résolution du jeu de logique avance, des cubes à facettes noires qui n'étaient pas présents dans le jeu au départ font leur apparition, remplaçant progressivement les cubes colorés et le casse-tête finit par devenir entièrement noir, à l'exception d'une rangée de cubes à bande blanche. De leur côté, les mains poursuivent inlassablement leurs manipulations tandis que des images de la Kaaba se superposent à celles des mains s'agitant et se couvrant peu à peu d'une teinte noire. L'œuvre s'inscrit dans un travail initié en 2004 regroupant aussi une série de photographies, une sculpture et finalement un jeu video.
La vidéo examine les rapports du croyant à un objet cultuel. Elle questionne la relation de ce dernier aux dogmes et aux rituels de sa religion. Manipulations étudie le geste rituel accompli par le croyant lors du pélerinage à la Mecque, à savoir la circumambulation autour de la Kaaba (littéralement le "cube"). Le jeu se propose comme la représentation du monument cultuel (la Kaaba), dont elle reprend la couleur noire et l'ornementation de la partie supérieure du cube par une frise calligraphique exprimant la profession de foi musulmane. Mounir Fatmi compare ainsi, d'une façon qui peut sembler humoristique, ironique, voire même paradoxale, la profession de foi irrationnelle du croyant effectuant des cercles autour du cube de la Mecque, aux stratégies rationnelles, logiques et mathématiques du joueur tentant de résoudre le Rubik's cube.
L'œuvre de Mounir Fatmi pousse à s'interroger sur l'idée même de manipulation et sur sa nature. S'agit-il du maniement d'une matière délicate, d'une action de prestidigitation supposant une grande dextérité, d'une manœuvre malhonnête visant à tromper le public, ou encore de quelque secrète influence dont l'exercice s'expose ici ? Au final, qui manipule quoi? Qui est le "manipulateur" et qui est le "manipulé" ? Manipulations évoque bel et bien le pouvoir de la Kaaba sur les fidèles, entraînés dans leurs rotations, mais dans le même temps, une forme d'ironie douce est à l'œuvre et prépare une inversion des rapports habituellement perçus : ici ce n'est plus Dieu ou la religion qui agissent sur l'individu, mais l'artiste qui agit, dans une forme de jeu à la fois sérieux et libre, sur ces mêmes éléments. Manipulations suggère de se libérer de l'emprise occulte de la religion par la réflexion et par le jeu.
Studio Fatmi, Juillet 2017.
vidéo distribuée par Heure exquise ! www.exquise.org
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Manipulations is a video inspired by the famous game of logic Rubik’s cube. It is a succession of close-ups of varying intensity showing a pair of hands manipulating a cube with colored faces, to a soundtrack of a regular and insistent beat, the clicking of the cubes combining at times with strident acoustic distortions. As the resolution of the logic game progresses, cubes with black faces that weren’t initially present appear, progressively replacing the colored cubes until the brainteaser becomes completely black, with the exception of a row of cubes with a white line. Meanwhile, the hands tirelessly continue their manipulations while images of the Kaaba are overlaid on those of the hands moving around and being progressively covered in black. This piece is part of a larger body of work initiated in 2004 that also comprises a series of photographs, a sculpture and a video game.
Brainteaser for moderate Muslim looks at the relation of a believer to an object of worship. The work questions his or her relation to religious dogma and rituals. It studies the ritual gesture accomplished by the believer during the pilgrimage to Mecca, namely the circumambulation around the Kaaba (literally the “cube”). The logical game is conceived as a representation of the monument of worship (the Kaaba), emulating its black color and ornamentation on its superior section by a calligraphic frieze expressing the Muslim profession of faith. In this way, Mounir Fatmi compares, with what can be perceived as humor or even irony, the irrational profession of faith of a believer walking in circles around the cube in Mecca with the rational, logical and mathematic strategies of a player trying to solve a Rubik’s Cube.
Mounir Fatmi’s work encourages us to question the idea of manipulation and its nature. Does it designate the handling of a delicate material, an act of sleight-of-hand requiring great dexterity, a dishonest maneuver aiming to deceive the audience or some kind of secret influence that is exposed here? In the end, who is manipulating what? Who is the “manipulator” and who is “manipulated”? Manipulations does evoke the power of the Kaaba over believers pulled into their rotations, but at the same time, there is a form of soft irony at play, preparing an inversion of relations as they are generally perceived: here, it isn’t God or religion affecting individuals, but the artist who is having an effect, in the form of a game that is both serious and free, on these same elements. Manipulations suggests we break free from the occult influence of religion through reflection and play.
Studio Fatmi, July 2017.
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