La vidéo « Ghosting » fait apparaître des cercles calligraphiés s'entrecroisant et tournant à différentes vitesses dans les sens horaire et antihoraire, dont la blancheur fantomatique s'illumine sur un fond noir.
Multipliant les approches et les sources d'inspiration, la vidéo interroge les principes de fonctionnement à l'œuvre dans la production des significations et des usages du monde contemporain. Elle questionne ainsi notre rapport au réel à partir de la notion de machine et de l'expérimentation des interactions entre la calligraphie arabe, l'art contemporain et la linguistique. Son dispositif s'inspire des rotoreliefs à formes circulaires de Duchamp ̶ machines à produire des illusions visuelles qui faisaient se rencontrer les techniques de l'art optique et celles du monde moderne industrialisé. Il renvoie également aux travaux de Wittgenstein autour des jeux de langage, tentant de mettre en évidence la façon dont les significations naissent des usages et des contextes. Il interroge enfin notre relation aux images en convoquant des courants philosophiques et des pratiques artistiques qui placent le rapport aux images au centre de leurs préoccupations. L'installation s'inspire notamment des notions de médiatisation et de reproduction en masse développées par Debord dans son livre « La Société du Spectacle ».
« Ghosting » se propose comme une expérimentation au croisement de la géométrie, de la linguistique et de l'art contemporain dans le but d'observer les interactions entre différentes cultures ainsi qu'entre le sujet percevant et son environnement. La vidéo étudie la manière dont les signes s'associent entre eux pour faire naître ou non des significations et peut se lire comme une métaphore du monde moderne : celle du mécanisme chaplinien et de la machine, avec ses rouages s'entraînant les uns les autres. En associant les éléments les plus divers, la machine artistique de mounir fatmi participe à l'élaboration d'une esthétique de la profusion où les formes et les références culturelles et artistiques se multiplient.
L'œuvre exerce une fascination et un effet hypnotique sur le spectateur. Elle tend également à l'égarer en mettant à mal ses repères visuels et ses facultés de perception et de reconnaissance des signes, traduisant ainsi une difficulté à voir et à penser le monde. Les images s'assemblent et se mettent en mouvement jusqu'à devenir méconnaissables ou disparaître complètement, sans qu'il soit possible de décider si cette accumulation d'images empêche de penser correctement le phénomène observé ou si elle prépare la libération du signe et son affranchissement par rapport aux pouvoirs de la société de l'image ou de la religion. La vidéo incite à prendre conscience d'un univers urbain où tout fait signe et sollicite en permanence nos capacités cognitives et intellectuelles et invite à développer une réflexion sur ce qui structure en profondeur nos sociétés et conditionne nos façons de vivre. « Ghosting », c'est enfin la mention d'une évanescence, d'une incertitude liée à la disparition de formes caduques ou à la naissance de nouvelles figures. L'œuvre tente de saisir un principe actif et fantomatique, insaisissable et changeant, au cœur même du réel et de ses productions.
Studio Fatmi, février 2017.
vidéo distribuée par Heure exquise ! www.exquise.org
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The video Ghosting comprises a series of intertwined calligraphed circles rotating with varying speeds, clockwise and counter-clockwise, and whose ghost-like whiteness lights up against a black backdrop.
The video multiplies approaches and sources of inspiration and questions the principles that are at play within the production of significations and uses in our contemporary world. It also questions our general relation to the world by creating connections between images and architecture, contemporary art and religion. It is inspired by Duchamp’s circular rotoreliefs – machines that created visual illusions by combining the techniques of optical art and those of the modern industrialized world. It also references Wittgenstein’s work on language-games that attempts to demonstrate how meaning stems from usage and context. Finally, it questions our relation to images by summoning philosophical currents and artistic practices that place the relation to images at the heart of their preoccupations. The installation is inspired in particular by the notions of media exposure and mass reproduction developed by Guy Debord in The Society of the Spectacle.
Ghosting is offered as an experiment at the crossroads of geometry, linguistics and contemporary art aiming to observe the interactions between different cultures and between the perceiving subjects and the world that surrounds them. The video examines the way signs associate with one another to create meaning, or not; it can be interpreted as a metaphor of the modern world, like that of Chaplin’s machine, with its cogs that set each other in motion. By associating extremely diverse elements, Mounir Fatmi’s machine contributes to the elaboration of an esthetic of profusion where shapes and cultural and artistic references are rife.
The work creates fascination and a hypnotic effect on viewers. It also tends to mislead them by meddling their visual points of reference and their faculties of perception and sign recognition, thus conveying the difficulty to perceive and conceive the world: the images are combined and move around until they are hardly recognizable or disappear completely, and it isn’t possible to decide whether that accumulation of images prevents the viewer from correctly analyzing the perceived phenomenon or whether it heralds the liberation of signs from the powers of society, images or religion. The video encourages us to acknowledge an urban universe where everything is a sign and where our cognitive and intellectual capacities are constantly solicited, and to develop a reflection on what structures our societies deep down and conditions our ways of life. Lastly, “Ghosting” is the mention of an evanescence, of an uncertainty due to the disappearance of obsolete forms and the appearance of new figures. In this way, the work attempts to seize a ghost-like, elusive and changing active principle that is at the heart of reality and what it produces.
Studio Fatmi, February 2017.
Video distributed by Heure exquise ! www.exquise.org
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