La vidéo « Archi Sickness » mêle à un rythme rapide et saccadé des vues aériennes des villes de New York et de Las Vegas, à des images d'autopsie médicale extraites de séries policières américaines, sur un fond sonore ponctué de modulations de fréquences émises par quelque instrument de communication, qui peu à peu tendent à composer l'inquiétante bande originale d'un thriller. La vidéo met en scène le traitement de la violence par les médias et la télévision, dans le but d'en questionner la nature et les origines, et d'interroger le rapport de la société et des individus à cette même violence.
Autopsie de la violence médiatique, la vidéo emploie et recycle ses procédés et techniques et fait se succéder les images à une vitesse qui teste les limites de la persistance rétinienne du spectateur. Elle multiplie les contrastes dramatiques, entre corps vivant et corps mort, entre gros plans anatomiques et plans larges architecturaux, entre les vues aériennes de New York en noir et blanc et celles de Las Vegas en couleurs, entre le réel enfin des paysages urbains, ses gratte-ciel et ses points de vue surplombant et panoramiques, et les reproductions factices des monuments célèbres, réalisées par certains complexes hôteliers de Las Vegas, telles que la Statue de la Liberté, la Tour Eiffel, ou encore les pyramides égyptiennes.
La vidéo s'inspire du réalisme de « La Leçon d’anatomie » peinte par Rembrandt en 1632, montrant une scène d'autopsie médicale publique, et de la poésie surréaliste de la scène initiale du film « Un Chien andalou » de 1929, réalisé par Bunuel et Dali, où un œil est fendu en deux par la lame d'un rasoir. Elle met ainsi en scène à la fois l'étude scientifique et raisonnée du corps humain et la curiosité du public - où se mêlent désir et crainte - pour tout ce qui s'y rapporte. « Archi sickness » est une « vidéo de montage » qui traite la question même de l'assemblage des images en une suite ou un tout cohérent. La vidéo déconstruit le montage en maintenant dans l'invisibilité les deux acteurs essentiels de l'opération, à savoir le monteur qui sélectionne les images et intervient dans le cours du récit, et le chirurgien qui pratique des coupes et des incisions dans les corps.
« Archi sickness » met en rapport l'anatomie humaine et l'architecture urbaine par l'intrication de plans extrêmement courts et fait le diagnostic d'une violence structurelle qui est au cœur de nos sociétés des médias, d'une barbarie subliminale dont les ressorts se situent à la lisière de nos consciences contemporaines, et qui conditionne nos comportements, nos façons de penser et de vivre. Enchaînant sans concession les images insoutenables d'intrusions de matériel médical dans les corps humains fouillant les plaies et les blessures avec insistance, de manipulations de crânes, d'organes internes baignant dans leur jus, ou de tripes dévidées par des mains ensanglantées, la vidéo décrit la manière dont la société se rend complice du crime par son traitement médiatique et son approche scientifique froide et indifférente, trahissant un cruel manque de compassion, proche de la psychopathologie. Elle lie enfin l'histoire de la violence à celle de l'œil, apparaissant dans de nombreux plans rapprochés, extrait de son orbite crânien d'origine et livré au scalpel de l'anatomiste.
La vidéo pointe du doigt le voyeurisme du spectateur contemporain sous l'effet d'une fascination morbide pour cette violence esthétisée, devenue banale par la multiplication de ses occurrences télévisuelles, voire même encouragée par la société des médias qui reproduit à la demande et en masse les images violentes, offrant chaque année à la télévision le spectacle de plusieurs milliers de crimes, fictifs ou réels.
Studio Fatmi, Février 2017.
vidéo distribuée par Heure exquise ! www.exquise.org
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The video « Archi Sickness » shows aerial views of the cities of New York and Las Vegas and images of medical autopsies taken from American police TV shows, combined in a rapid and halting montage and set to the sound of interspersed frequency modulations emitted by some communications device, progressively composing the ominous soundtrack of a thriller movie. The video addresses the treatment of violence in the media and on television and questions its nature and origins, as well as the relation of society and individuals to that violence.
As an autopsy of media violence, the video uses and recycles its processes and techniques, showing images in a sequence whose rapidity tests the limits of the viewers’ persistence of vision. It multiplies dramatic contrasts between live bodies and dead ones, anatomical close-ups and architectural wide shots, black & white views of New York and color views of Las Vegas and between the reality of urban landscapes, with their skyscrapers and panoramic views, and the fake reproductions of famous monuments exhibited by some hotels in Las Vegas, such as the Statue of Liberty, the Eiffel Tower or the Pyramids of Egypt.
The video is inspired by the realism of « The Anatomy Lesson » painted by Rembrandt in 1632, which shows a public medical autopsy scene, and the surrealist poetry of the opening scene of the 1929 movie « An Andalusian Dog » by Luis Bunuel and Salvador Dali, in which an eye is sliced in half with a razor blade. It features both the scientific, reasoned study of the human body and the curiosity of the public – with a mixture of desire and fear – for all things related to it. « Archi Sickness » is a « montage video » addressing the very question of assembling images in a coherent sequence or ensemble. The video deconstructs the montage by keeping invisible the two main actors in the operation: the film editor who selects the images and intervenes in the story’s sequence, and the surgeon who practices cuts and incisions in bodies.
« Archi Sickness » compares human anatomy and urban architecture through the combination of extremely short shots and produces the diagnosis of a structural violence which is at the heart of our media-fueled societies, a subliminal savagery whose causes are to be found in the fringes of our contemporary consciences and which conditions our behaviors and our ways of thinking and living. By relentlessly assembling unbearable images of medical instruments penetrating human bodies, insistently rummaging through wounds, manipulations of skulls, internal organs soaking in their fluids and guts pulled out by bloody hands, the video describes the way society is an accomplice to the crime because of its media treatment and cold and indifferent scientific approach, demonstrating a cruel lack of compassion that verges on psychopathology. Lastly, it links the story of violence to that of the eye, which appears in numerous close-ups, pulled out of its skull and offered to the anatomist’s scalpel.
The video denounces the voyeurism of the contemporary viewer which is the result of his morbid fascination for that estheticized violence which has become banal through the multiplication of its appearance on TV, and is sometimes even encouraged by the media society which reproduces violent images on demand and massively, showing each year on television the spectacle of several thousand crimes, whether fictitious or real.
Studio Fatmi, February 2017.
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