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54. | From where comes the wind
 
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  • 2017, France, 13 min 16, HD, color, stereo.
    Courtesy of the artist and Art Front Gallery, Tokyo.
    Ed. of 5 + 2 A.P.

'' fatmi wants everything: all the connections, all the grafts, all the worlds, past and future, real and virtual.

“From Where Comes the Wind?” is born from this desire and from his frustration. ''


Barbara Polla, May 2018



From where comes the wind (extract from)




 




This work was part of 1st Biennale Agora Rabat Salé - Exil et Memoire, Rabat, 2018.

 

D’où vient le vent qui pousse les hommes à migrer ? D’où vient-il, et où les pousse-t-ils, du monde arabe au Japon, de la France à New York ?
 
La plupart des images de ce film ont été tournées en 2013 entre Marseille, New-York et Paris, dans le cadre du projet de fatmi intitulé « Le voyage de Levi Strauss ». Mais plus que le voyage lui-même, c’est son impossibilité à laquelle fatmi s’intéresse. Le « Camargue » semble revenir au port sans avoir vraiment voyagé et seule la musique traditionnelle marocaine nous emmène au loin, une musique qui chante le départ... Une musique enregistrée par Paul Bowles, le même Bowles dont la solitude habite la vidéo Fragments et Solitude, réalisée 18 ans plus tôt.
 
Le voyage impossible? Le déplacement, des marchandises (certaines parties de D’où vient le vent évoquent immédiatement le film d’Allan Sekula, The Forgotten Space) comme des individus, un déplacement sans fin. Un déplacement que fatmi ressent dans sa chair, comme un perpétuel échec, lui qui se définit comme « travailleur immigré » autant que comme artiste. Un travailleur immigré qui n’aurait jamais su, comme l’écrit Tarek Elhaik avec finesse en 2002 déjà (Framework, vol. 43), ni abandonner sa culture première ni s’en construire une nouvelle après avoir fait tabula rasa du passé.
 
fatmi veut tout – tous les liens, toutes les greffes, tous les mondes. Passés, futurs, réels et virtuels. D’où vient le vent procède de ce désir et de sa frustration. fatmi rêve et se laisse prendre, comme rarement, par un romantisme qui le conduit à nous faire entendre, alors que la couleur rouge qui lui est chère depuis longtemps envahit peu à peu le monde, le Requiem de Fauré composé peu de temps après la mort des parents du compositeur. Dans Fragments et Solitude, fatmi filmait encore ses parents. Dans D’où vient le vent, « le rouge », pour fatmi, « est la couleur de l’unique personnage, celui qui danse. La femme, la mère, celle qui a donné naissance. C’est encore une fois une danse avec la mort, comme dans la vidéo NADA. Le rouge est aussi la couleur du port de Casablanca la nuit, comme du port de Tanger. Le rouge est aussi celui du soleil, qui donne tout et qui ne demande rien, selon Georges Bataille. »
 
« La couleur rouge, dit encore fatmi, revient souvent dans mes vidéos. À un moment, pendant le montage, elle s’impose, comme pour faire mentir les autres images. Comme une chambre de laboratoire photo, la couleur rouge révèle ce que nous ne voyons pas dans le noir. »
 
Les échos avec d’autre œuvres vidéo de l’artiste se multiplient. Comme dans Les Ciseaux, on voit les arbres, et dans les arbres, le vent. On entend le vent et on se demande, oui, d’où vient le vent ? Comme si la rêverie, chez mounir fatmi, le conduisait – nous conduisait – dans des paysages mentaux inexplorés, une végétation profonde venue on ne sait d’où, mais indubitablement enracinée dans l’imaginaire de l’artiste, quand bien même elle n’est représentée que dans quelques vidéos dans lesquelles l’artiste nous ouvre, peut-être sans même s’en rendre compte, un ailleurs intime et poétique, un désir enfoui – la forêt de Fragments et Solitude.
 
Et encore, et enfin, le bleu du ciel, comme une ouverture dans l’œuvre de fatmi. Le bleu, rarement représenté, tout comme la végétation, dans l’œuvre de fatmi, même si c’est sur ce bleu aussi que se profilent Les Egarés. Mais dans D’où vient le vent, le ciel n’est pas un décor, il n’est pas là parce qu’il est là toujours – non, ici il est entier, construit, il contient tout le reste, il contient tout le rêve. Le bleu du ciel et le temps volé.
 
 
Barbara Polla, Mai 2018.
 
 
Vidéo censurée à la 1ere Biennale Agora d'Architecture de Rabat, 2018.
 

From where does the wind come that forces people to emigrate? Where does it come from and where does it blow them, from Arab countries to Japan, from France to New York?

Most of the images in this film were shot in 2013 in Marseille, New York and Paris, as a part of Fatmi’s project “The Journey of Claude Lévi-Strauss”. But beyond the journey itself, Fatmi wants to focus on what makes it impossible. The “Camargue” seems to return to the harbor without having sailed; only the Moroccan traditional music makes the viewer travel, music that seems to sing about departures… The music was recorded by Paul Bowles – the very same Bowles whose loneliness is incarnated in the video “Fragments and Solitude”, filmed 18 years earlier.  

The impossible journey? The displacement of merchandise (certain parts of “From Where Comes the Wind?” are strongly evocative of Allan Sekula’s film “The Forgotten Space”) and of individuals, an endless movement. A displacement that Fatmi can feel in his body, like a perpetual failure, he who defines himself as an “immigrant worker” as well as an artist. An immigrant worker who was never able, as Tarek Elhaik wrote in 2002 (Framework, vol. 43), to let go of his original culture, nor build a new one from scratch.

fatmi wants everything: all the connections, all the grafts, all the worlds, past and future, real and virtual. “From Where Comes the Wind?” is born from this desire and from his frustration. Fatmi dreams and lets himself be overtaken, like he rarely has done before, by a romanticism that leads him to play for us, as the color red he has cherished for so long progressively inundates the world, Fauré’s Requiem, composed shortly after the death of the composer’s parents. In “Fragments and Solitude”, Fatmi was still filming his parents. In “From Where Comes the Wind?”, “red”, says Fatmi, “is the color of the sole character, the one who is dancing. The woman, the mother, the one who has given birth. Once again, it’s a dance with death, as in the video NADA. Red is also the color of the Casablanca harbor at night, as well as the port of Tangiers. It’s also the red of the sun, which gives everything and demands nothing, as Georges Bataille wrote.”

“The color red”, adds Fatmi, “can often be seen in my videos. At one point during the editing process, it just imposes itself, as if it turned the other images into lies. Like a darkroom in a photography lab, the color red reveals what cannot be seen in the dark.”  

Echoes with others of the artist’s video works are rife. As in “The Scissors”, one can see trees, and in the trees, the wind. One hears the wind and wonders: where does the wind come from? As if daydreaming led Mounir Fatmi – and led us – to unexplored landscapes in the mind, a lush vegetation sprouting from who knows where, yet undoubtedly rooted in the artist’s imagination, even if it’s only shown in a few videos in which the artist opens the door, maybe without even realizing it, on an intimate and poetic other world, a buried desire – the forest of “Fragments and Solitude”.

And again, finally, the blue sky, like an opening in Fatmi’s work. The color blue, rarely shown, no more than vegetation, in Fatmi’s work – although it’s against a blue backdrop that “The Lost Ones” can be seen. But in “From Where Comes the Wind?” the sky is not a backdrop. It isn’t there just because it’s always there – this time, it’s whole, constructed, it contains everything else, contains the entire dream. The blue sky and the stolen time.  

 

 

Barbara Polla, May 2018.