'' The work proposes a reflection on perception and memory by reviving an event belonging to the past and reintroducing it in the viewer’s contemporary reality.
It connects archive photographs with modern images and brings this drama back to life in the public’s conscience. ''
Studio Fatmi, February 2018
In the Face of Silence (extract from)
La vidéo « Face au Silence » mêle images d'archives et images contemporaines, techniques d'enregistrements et de transmission du son et de l'image appartenant aux années soixante et techniques actuelles. Elle est accompagnée d'une bande sonore qui alterne sons graves et aigus à la manière d'une sirène d'alarme. Les images récentes ont été tournées dans le 6e arrondissement de Paris : on y voit mounir fatmi, debout devant la brasserie Lipp, lieu précis de l'enlèvement de Mehdi Ben Barka, principal opposant politique au régime marocain dans les années soixante, contraint à l'exil et kidnappé à Paris en 1965. On y observe également la circulation dense des véhicules et piétons dans les rues et sur les trottoirs de la place Mehdi Ben Barka à Paris. Des photographies d'archive montrent Ben Barka à l'arrière d'une voiture conduite par Hassan II. Un disque vinyle 45 tours, dont la pochette apparaît à l'écran, restitue les voix des principaux protagonistes de l'époque, avec celle du général de Gaulle en conférence de presse. Des articles de journaux, des fragments de pellicules cinématographiques et des opérations techniques de montage vidéo sont également représentées. Les supports contemporains d'enregistrement de l'image et du son sont constitués par divers objets : magnétophone numérique, casque audio haute définition entre autres. La vidéo est introduite par une citation de Hannah Arendt : « Il n'existe pas de pensée dangereuse : c'est la pensée elle-même qui est dangereuse ».
L'œuvre évoque l'enlèvement de Ben Barka et revient sur ses raisons et ses commanditaires. L'affaire, où ont été démontrées clairement les implications des autorités françaises et marocaines, n'a toujours pas été entièrement résolue et constitue encore la marque d'une injustice. L'œuvre pose une question : que faire face au silence? Face à la censure des pouvoirs politiques tout d'abord. Face également à l'accumulation d'images médiatiques qui confine paradoxalement à l'occultation et au silence, dans la mesure où celles-ci n'ont pas permis de résoudre l'affaire, et ce malgré leur nombre. Que faire face au silence du disparu enfin, dont le combat pour les libertés s'est arrêté brutalement? L'œuvre interroge le rôle des médias dans la perception et la compréhension de l'affaire par le public. Elle questionne également le devenir des idéologies révolutionnaires au sein de sociétés organisées autour des médias. Elle tente enfin de définir le rôle de l'artiste en société, son rapport aux pouvoirs politiques et médiatiques.
L'œuvre propose un travail sur la perception et la mémoire avec la réactualisation d'un événement appartenant au passé, sa réintroduction dans la réalité contemporaine du spectateur. Elle connecte photographies d'archives et images actuelles et fait se rejouer le drame dans la conscience du public. La vidéo accumule les images silencieuses (coupures de presse, images d'archives), qui ne fournissent aucune explication définitive. L'excès d'information aboutit paradoxalement au silence. mounir fatmi file la métaphore de l'histoire comme fragment de dentelle, avec ses creux et ses pleins : un tissu de connaissance et d'informations lacunaire et replié sur lui-même, où les motifs généraux ne sont pas aisément identifiables. La matière historique nécessite un travail de dépliement, d'explication à partir d'une recherche. La vidéo dresse ainsi le portrait de l'artiste en « chercheur » et en « enquêteur », multipliant les ressources documentaires, les techniques, les approches, se rendant sur le terrain, sur les lieux du crime.
Elle exprime également un rapport charnel de l'artiste à l'histoire. Des pieds nus, sans protection, foulent des pellicules cinématographiques baignant dans un liquide rouge sang. Un peu plus loin, une bouche vomit une pellicule cinématographique. Le rapport à l'histoire, petite ou grande, appelle à un engagement physique total de la part de l'artiste, à la mobilisation urgente de tous ses sens et organes. Il implique écoute et observation attentives, mais également ingestion et indigestion de l'information et de l'histoire. « Face au silence » met en évidence une violence discrète et secrètement exercée, visible dans le malaise physique auquel le protagoniste à l'écran semble en proie, et mentionnée par la présence du couteau dont la pointe raye la surface des pellicules, par la couleur rouge sang, par la technique cinématographique du jump cut qui rompt brutalement la continuité de la vidéo et fait disparaître mounir fatmi des images tournées devant les lieux de l'enlèvement. Les violences politique et policière sont mises en parallèle avec la violence des techniques de propagande : coupes dans l'histoire, dans la perception et la mémoire des spectateurs, elles relèvent de l'amputation intellectuelle et sensorielle.
« Face au silence » affirme finalement le parti-pris de l'artiste face à l'absence et à la censure : celui de l'affrontement et de la poursuite du travail critique. L'œuvre propose une identification à la figure du révolutionnaire et invite à continuer le combat pour les libertés qu'il a initié. Elle décrit le travail de chercheur et d'enquêteur auquel l'artiste se consacre, et font de la "pensée" un synonyme de « révolte » et de « résistance ».
The video « In the Face of Silence » combines archive with contemporary images, and technologies for the recording and transmission of sound from the 1960s with modern ones. It comes with a soundtrack that alternates low and high-pitched sounds, similar to an alarm. The modern images were shot in the 6th arrondissement of Paris: they show mounir fatmi standing in front of the Brasserie Lipp, the exact place of the abduction of Mehdi Ben Barka, the main opponent to the Morrocan regime in the 1960s, forced to live in exile and eventually kidnapped in Paris in 1965. One can also see on these images the dense traffic of cars and pedestrians in the streets and sidewalks of the Place Mehdi Ben Barka in Paris. Archive photographs show the inside of a car driven by king Hassan II, with Medhi Ben Barka in the backseat. A 7” vinyl record, whose sleeve appears on the screen, renders the voices of the main protagonists from the time, with that of Charles De Gaulle during a press conference. Newspaper clippings, fragments of film reel and technical operations of video editing are also represented. The modern devices for the recording of sound and images comprise several objects: a digital recorder and a high definition audio headset, among other things. The video is introduced with a quote from Hannah Arendt: « There are no dangerous thoughts: thinking itself is dangerous. »
The work evokes the abduction of Ben Barka and goes back to its motives and the people who ordered it. The inquiry clearly demonstrated the implication of French and Moroccan authorities but never was fully solved, constituting to this day the sign of an injustice. The work poses a question: what to do in the face of silence? In the face of the censorship exercised by political powers, to begin with. Faced with the accumulation of media images as well, which paradoxically verges on silence and occultation, since they did not enable to solve of the case, in spite of their sheer quantity. Finally, what to do in the face of the silence of the disappeared, whose struggle for freedom was suddenly interrupted? The work questions the role of the media in the perception and the understanding of this case by the public. It also questions the evolution of revolutionary ideologies within our media-centered societies. Lastly, it attempts to define the role of artists in society and their relation to political and media powers.
The work proposes a reflection on perception and memory by reviving an event belonging to the past and reintroducing it in the viewer’s contemporary reality. It connects archive photographs with modern images and brings this drama back to life in the public’s conscience. The video gathers silent images (press clippings and archive footage) that don’t provide any definitive explanations. The excess of information paradoxically adds up to silence. mounir fatmi uses the ongoing metaphor of history as a fragment of lace, with its empty and full sections: a crumpled-up mesh of incomplete knowledge and information in which general motifs aren’t easy to identify. This historic material requires a process of unfolding and explanation based on research. This is why the video portrays the artist as a “researcher” and an “investigator” who combines multiple documentary resources, techniques and approaches and goes onto the field, to the crime scene.
It also expresses the physical relation of the artist to history. Bare feet without any protection tread upon the film reel soaking in a blood red liquid. A bit further, a mouth vomits a reel of film. His relation to history, whether general or particular, requires the artist’s total physical involvement, the urgent mobilization of all his senses and organs. It implies closely listening and observing, but also ingesting information and history to the point of indigestion. « In the Face of Silence » highlights a discrete and secretly exercised violence that is only visible through the physical unease the protagonist on the screen seems to be subjected to, and which is alluded to with the presence of the knife whose point scratches the surface of the film, the blood red color as well as through the cinematic technique of jump cut that suddenly interrupts the continuity of the video and makes mounir fatmi disappear from the footage shot in front of the place of the abduction. Political and police violence is compared with the violence of propaganda techniques – cuts in history and in the perception and memory of viewers – which is akin to intellectual and sensorial amputation.
Finally, « In the Face of Silence » claims the artist’s stance with regards to absence and censorship: confrontation and the pursuit of critical work. The work proposes us to identify with the figure of the revolutionary and invites us to continue the fight for liberties that he initiated. It describes the work the artist has dedicated himself to as a researcher and investigator and makes « thought » a synonym of « rebellion » and « resistance ».