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16. | Less expensive earth
 
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  • 2004, Morocco, France, 9 min 59, SD, 4/3, color, stereo.
    Courtesy of the artist and Jane Lombard Gallery, New York.
    Ed. of 5 + 2 A.P.

Video

'' Less expensive earth looks critically at the ambiguities of this tourism fed by post-colonialism. If on one hand people come with their currency to buy a little piece of a formatted dream at a low price,

on the other the economy orders predictable scenes to be played out for tourists, not without a certain cynicism. ''


Marie Deparis, 2007





 




This work was part of 4th BienalSur - Tourist! The Grand Tour, Buenos Aires, 2023.

This work was part of Gwangju Biennale - A drop of water, a grain of dust, Gwangju, 2004.

 

L’image est un peu floue, filmée de très loin, comme par effraction. Des touristes s’ennuient autour de la piscine d’un grand hôtel, de ces « hôtels-clubs » qui fleurissent partout au Maroc, dans les pays arabes, mais aussi dans tous les pays du tiers-monde où européens et américains, attirés par des promesses de soleil, de rencontres et de farniente pour pas cher, affluent en masse.

Cela commence par une accroche en grosses lettres sur la vitrine d’une agence de tourisme parisienne : « La terre moins chère », par ce décor kitsch de « souvenirs de vacances », bocaux remplis de sables de toutes les plages du monde, étiquettés des noms des pays où chaque sable a été récolté.
« La terre moins chère » : les chiffres de l’Organisation Mondiale du Tourisme dévoilent que, malgré la crainte du terrorisme, aiguisée depuis les attentats en Egypte et le 11 Septembre, les catastrophes naturelles et les alertes sanitaires, le tourisme de masse notamment vers l’Afrique du Nord , ne cesse de progresser. C’est que pour remplir les hôtels vidés par la peur de ne pas en revenir, les prix des voyages se sont effondrés, ouvrant à ceux à qui cela était inaccessible un espace de consommation nouveau. Cet homme nageant dans cette luxueuse piscine pourrait-il seulement accéder au bar d’un tel hôtel en France ? Ici le touriste veut tout : l’illusion de richesse, de sécurité –ce pour quoi il ne sort pas de l’hôtel-, de folklore, avec une volonté d’insouciance confinant à l’aveuglement.
Ce touriste-là déplace avec lui son pan de monde, son territoire, sans jamais le confronter à la réalité, à l’étrangeté d’un autre monde, n’a que faire de la rencontre des altérités : pas besoin, pas envie, il est là pour se reposer, pour dépenser, pour jouir sans entraves idéologiques de sa liberté, loin des soucis et du sérieux de « son » monde « réel ». Il s’agit, écrit Yves Michaud, d’une « liberté négative où il cherche à se débarasser du quotidien, de la routine, des obligations, sans échapper pour autant, bien au contraire, aux déterminations du plaisir, (…) aux charmes du stéréotype et du cliché. Le touriste réclame l’immunité : il ne devrait être victime ni des voyous, ni des terroristes, pas même des raz-de-marée et des catastrophes naturelles. »*

La terre moins chère pose un regard critique sur les ambiguités de ce tourisme nourri au post-colonialisme. Si d’un côté on vient avec ses devises acheter à bas prix un peu de rêve formaté, de l’autre, l’économie commande de jouer pour le touriste les scènes attendues, non sans un certain cynisme. Du bazar traditionnel déplacé au cœur de l’hôtel à la chanteuse folklorique au buffet exotique du soir, tout est fait pour qu’il amasse ce qu’il faut de lieux communs, et en revienne la tête pleine d’images conçues tout exprès pour ses yeux, sans avoir rien vu.

 « Quand je serai grand je veux être touriste » dit un jeune écolier de Serrekunda en Gambie. Etre touriste, pour Fatou, c’est pouvoir se déplacer sur terre sans visa ni frontières. Telles sont les relations ambigües entre tourisme et immigration : même charters, mêmes destinations, mais dans un tout autre sens. Si pour quelques uns la migration représente un pouvoir sur le temps et l’espace, une liberté de vivre, de travailler, de se distraire, de rêver ailleurs, elle est pour des milliers d’autres un rêve impossible ou un arrachement.

« Ici, personne n’est plus chez lui que vous », tel est le slogan de l’office de tourisme d’Israël…et l’on comprend qu’une telle invitation ne s’adresse pas à tous…pas aux palestiniens. Pour certains peuples, la terre n’a pas de prix.

Entièrement filmée et montée dans un hôtel de Tanger, au Maroc, La terre moins chère a été présentée à la dernière Biennale de Gwangju (Corée), en 2006.
 

Marie Deparis.

 * Yves Michaud, préface au catalogue de l’exposition « L’œil du touriste », Galeries Patricia Dorfmann, Frédéric Giroux et Alain le Gaillard, Commissariat : Jeanne Truong, Paris, 2005


vidéo distribuée par Heure exquise ! www.exquise.org

 

 

The image is slightly blurred and filmed from a distance, as if taken illicitly. Tourists look bored around the pool of a large hotel – one of these “hotel-clubs” that are springing up everywhere in Morocco, in Arab countries and indeed in all third world countries where Europeans and Americans
flock en masse, attracted by the promise of sunshine, encounters and lazing around on the cheap.

The video starts with a catcher in large letters in the window of a Parisian travel agent: “Less expensive earth”, with a kitsch decor of “holiday souvenirs”, jars of sand from the beaches of the world, labelled with the names of the countries where they were gathered. “Less expensive earth”: despite fears of terrorism, heightened since the attacks in Egypt and 9/11, natural disasters and health warnings, the figures from the World Tourism Organisation reveal that mass tourism,
especially to North Africa, is continuing to rise. In order to fill hotels that had been emptied by the fear of not coming back alive, the price of trips has collapsed, opening up a new area of consumption to people for whom it had previously been inaccessible. Could the man who is swimming in this luxurious pool even have access to the bar of such a hotel in France? Here the tourist wants everything: the illusion of riches, security – which is why he doesn't leave his hotel- , folklore. All this with an attitude of heedlessness that consigns him to blindness. This tourist moves around with his part of the world, his territory, without ever having to confront the reality
or foreignness of another world. He is not there to encounter otherness: doesn't need to, doesn't want to, he's there to relax, to spend, to enjoy himself without any ideological obstructions to his liberty, far from the worry and seriousness of “his” “real” world. As Yves Michaud writes, it is about
a “negative liberty where he looks to get rid of the quotidian, of routine and obligations, without necessarily getting away from the determinations of pleasure (...) and the charms of clichés and stereotypes. The tourist claims immunity: he shouldn't have to be victim of thugs, nor terrorists, nor even tidal waves or natural disasters.”*

Less expensive earth looks critically at the ambiguities of this tourism fed by post-colonialism. If on one hand people come with their currency to buy a little piece of a formatted dream at a low price, on the other the economy orders predictable scenes to be played out for tourists, not without a certain cynicism. From the traditional bazar moved into the middle of a hotel to the folk singer at the exotic evening buffet, everything is in place so that the tourist can compile the
necessary platitudes and return with a head full of images, which have been carefully tailored to his expectations, without actually having seen anything.

“When I am grown up I want to be a tourist” says a young schoolboy from Serrekunda in Gambia. Being a tourist, for Fatou, is having the power to move around the earth without visas or borders.
Such is the ambiguous relationship between tourism and immigration: the same charters, the same destinations, but with a totally different meaning. Migration may represent a power over space and time, a freedom to live, work and to enjoy oneself for some, for others it represents an impossible
dream or a forcible displacement.

“No one is more at home here than you” is the slogan of Israel's tourist office... but it is understood that this invitation is not addressed to everyone... not to Palestinians. For some, the earth has no price.

Less expensive earth was entirely filmed and edited in a hotel in Tangier, Morocco, and presented at the Gwangju Biennale (Korea) in 2006.


Marie Deparis.

* Yves Michaud, preface to the exhibition catalogue “L’œil du touriste”, Galeries Patricia Dorfmann, Frédéric Giroux et Alain le Gaillard, Curated by Jeanne Truong, Paris, 2005

Translation: Caroline Rossiter.