Projet évolutif initié en 2015 avec une série de photographies réalisées sur le site archéologique de Volubilis, proche de la ville de Meknès au nord du Maroc, « La Maison du chien » explore le passé d'un territoire et mène un travail d'archéologie culturelle.
Très actif du néolithique jusqu'au 12e siècle, où de nombreuses civilisations se sont succédées, le site est tombé dans l'oubli avant d'être redécouvert au 20e siècle. Les lieux abondent en ruines et sculptures diverses, alors qu'à peine 10 % de la surface a été explorée lors de fouilles. La Maison du Chien, ruines d'une vaste demeure appartenant à l'époque romaine, est désignée par une expression qui fait référence à une histoire d'amour passionnée et dangereuse, et d'un chien sauvant la vie de son maître. Cette histoire est peu connue du public marocain et l'expression, désignation courante au Maroc, revêt de nos jours un caractère fortement péjoratif en langue arabe. Le site archéologique de la Maison du Chien recèle également un objet d'un genre tout-à-fait particulier : un phallus sculpté dans la pierre. Présent dans de nombreuses demeures de l'époque, la sculpture avait semble-t-il pour fonction d'indiquer la direction du lupanar de la ville. Elle est aujourd'hui devenue un symbole d'abondance, de fertilité et de virilité pour toute personne qui la touche. Rarement montrée aux touristes, à l'exception de quelques couples d'amoureux, la statue est également le seul exemplaire d'art érotique visible dans tout le Maroc.
Site archéologique hors du commun, Volubilis inspire mounir fatmi par sa richesse, son mystère et son aspect en ruines. Les lieux recèlent des trésors archéologiques inattendus, et tendent à s'éloigner de l'image que le public peut se faire du Maroc et de son passé. Riche d'influences culturelles multiples, en raison du nombre des civilisations qui s'y sont succédées, le site échappe aux idées préconçues et déjoue les attentes du public : Volubilis ne se conforme ni à l'aspect général de la société traditionnelle marocaine, d'inspiration arabo-musulmane, ni à une vision exotique inspirée des Mille et une nuits. Le projet mené par mounir fatmi, d'ordre artistique et archéologique met à jour un passé complexe, multiple, parfois évanescent et inconnu des locaux eux-mêmes. Il témoigne d'une diversité culturelle jusqu'ici inexplorée et inexploitée, difficile à préserver et menacée de disparition.
L'exploration des influences culturelles passées menée avec le projet de « La Maison du chien » prend finalement les allures de l'exploration d'un inconscient collectif, avec l'intention peut-être de réactiver des zones accidentellement ou volontairement censurées et oubliées au cours de l’histoire. mounir fatmi s'exerce ici à une forme d'archéologie fictionnelle ou utopique donnant par exemple naissance à une série de photos de colonnes romaines phalliques sur lesquelles les couples d’amoureux ont gravé leurs noms ou à des objets imaginaires et reconstitue les fondements culturels d'une société dans toute leur diversité et leur complexité - et ce contre les stéréotypes sociaux, les lectures rétrospectives chronocentrées, uniques et univoques. L'archéologie fictionnelle rééquilibre les forces en présence : la sculpture « La Maison du chien » de l’artiste issue de ce projet place ainsi une vulve taillée dans un bloc de pierre aux côtés d'une reproduction du fameux pénis de Volubilis et tous les deux séparés par une vitre transparente de 2 mètres. La sculpture interroge la place de la femme dans la société marocaine tout en y introduisant du féminisme par la production d'un « art vulvaire » concurrençant une forme d'art phallique très en vogue non seulement au Maroc, mais partout dans le monde, des origines de l'humanité à nos jours.
Se déclinant sous la forme de sculptures, de photographies, de vidéos et de dessins, le projet « La Maison du chien » explore le passé d'une société et dévoile ses richesses culturelles, tout en l’affrontant à des problématiques contemporaines.
Studio Fatmi, Aout 2019.
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An evolving project initiated in 2015 with a series of photographs taken on the archeological site of Volubilis, near the city of Meknes in Northern Morocco, “The Dog’s House” explores the past of a territory and conducts a operation of cultural archeology.
The site was very active from the Neolithic era to the 12th century, with many civilizations succeeding one another. It then fell into oblivion, before it was rediscovered in the 20th century. The place is rife with ruins and sculptures, although hardly 10% of the surface has been explored with archeological digs. The Dog’s House, the ruins of a vast mansion from the Roman era, is named after an expression that refers to a passionate and dangerous love story, with a dog saving his master’s life. This story isn’t well known among the Moroccan population, and the expression, which is common in modern day Morocco, is very derogative in Arabic. The archeological site of the Dog’s House also comprises a very particular object: a stone phallus. Often found in houses in those days, the sculpture seemed to indicate the direction of the city’s brothel. Today, it has become a symbol of abundance, fertility and virility for anyone who touches it. Rarely shown to tourists, with the exception of occasional lovers, the statue happens to be the only visible example of erotic art in all of Morocco.
An extraordinary archeological site, Volubilis inspires mounir fatmi for its richness, its mystery and its ruined aspect. The place holds unexpected archeological treasures and tends to be quite different from the image the public generally has of Morocco and its past. The site is rich with multiple cultural influences, thanks to the numerous civilizations that succeeded each other there, and therefore eludes common preconceptions and the public’s expectations: Volubilis doesn’t conform with the general appearance of traditional Moroccan society, with its Arab-Muslim influence, nor with the exotic image inspired by the Arabian Nights. The project conducted by mounir fatmi is both artistic and archeological. It unearths a complex, multiple and sometimes evanescent past often unknown even to the locals. It provides evidence of a cultural diversity so far unexplored and unexploited, hard to preserve and endangered.
The exploration of cultural influences of the past conducted with the project “The Dog’s House” ultimately resembles exploring a collective unconscious, with perhaps the intention of reactivating its areas that were accidentally or voluntarily censored through the course of history. Here, mounir fatmi attempts to conduct a form of fictional or utopic archeology that for example leads to a series of photographs of phallic Roman columns on which lovers etched their names, or imaginary objects. It reconstitutes the cultural foundations of a society in all its diversity and complexity – against social stereotypes and retrospective anachronistic interpretations, so often unique and unequivocal. The fictional archeology restores the balance of the parties involved: the artist’s sculpture “The Dog’s house” stemming from this project places a vulva carved from a block of stone next to a reproduction of the famous Volubilis phallus, both separated by a 2-meter high window pane. The sculpture questions the position of women in Moroccan society while introducing feminism through the production of “vulva art”, competing with a form of phallic art that is fashionable not only in Morocco but throughout the world, from the origins of humanity to the present day.
Comprising sculptures to photographs, videos and drawings, the “Dog’s House”’ project explores a society’s past and reveals its cultural wealth, while at the same time confronting it with its current issues.
Studio Fatmi, August 2019.
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