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"La Jambe Noir de l’Ange ? mounir fatmi est parti pour ce travail, qui se poursuit et s’approfondit au fil du temps, d’un tableau de Fra Angelico intitulé La Guérison du Diacre Justinien (1438-1440 ; Musée San Marco, Florence).
Le sujet ? Un miracle posthume réalisé par Saint Côme et Saint Damien, deux frères jumeaux d'origine arabe, médecins « anargyres » (sans argent) convertis au christianisme, martyrisés et sanctifiés. Le diacre Justinien avait la jambe en perdition, alors les deux frères lui greffèrent, pendant son sommeil, la jambe d'un éthiopien qui venait d'être enseveli au Cimetière de Saint Pierre. C'est la jambe noire de l'Ange. Comme le dit Françoise Parfait, « La vidéo, forme hybride par excellence, cite toujours une autre image. » Fra Angelico nous donne à voir tout à la fois un miracle de la vie et l’un des miracles de sa peinture.
Avec La Lumière Aveuglante, mounir fatmi va plus loin encore. Pour lui, la survie du Diacre Justinien ne suffit pas à notre besoin de consolation face à la mort. L’Éthiopien lui aussi doit survivre. Ce sera la jambe blanche de l’ange, celle que personne n’avait à ce jour pensé à greffer à l’Éthiopien. Car mounir fatmi porte en lui la conviction profonde que la civilisation, non, les civilisations, les échanges entre elles, en toute connaissance de cause des unes et des autres, permettront seuls ce The Beautiful Language (du titre d’une autre des vidéos de l’artiste) dont nous sommes si loin encore - un langage aussi profondément singulier que possiblement partagé.
La lumière ici, dans cette double projection vidéo adaptée à l’espace minuscule de la galerie investi par mounir fatmi comme s’il était un sanctuaire, éclaire et aveugle, en positif et en négatif. Et l’image en négatif nous éblouit ici de manière si éclatante que nous ne pouvons que fermer les yeux sur notre pensée, car « Est sublime ce qui, par cela seul qu'on peut le penser, démontre une faculté de l'âme qui dépasse toute mesure des sens » (Kant, Critique de la Faculté de Juger). Le sublime associe la beauté et son ombre. Toujours, il déborde le beau. On pourrait dire de mounir fatmi, comme Gil Pressnitzer l’écrit à propos de Rilke, qu’ « il tutoyait les anges sachant que le beau n’est jamais que le commencement du terrible. »"
Barbara Polla, Mai 2013
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"There are lights that illuminate, and lights that blind. The light of The Angel’s Black Leg both illuminates and blinds. The Angel’s Black Leg? mounir fatmi started this work, which continues and deepens over time, with a painting by Fra Angelico entitled The healing of Deacon Justinian (1438-1440; Museo San Marco, Florence).
The subject? A posthumous miracle performed by Saints Cosmas and Damian, two twins of Arab origin, “anargyres” doctors (without money) converted to Christianity, martyred and sanctified. Deacon Justinian was losing his leg, so the two brothers grafted to him, in his sleep, the leg of an Ethiopian who had just been buried in Saint Peter's Cemetery. This is the Angel’s Black Leg. As Françoise Parfait said, “Video, a hybrid form par excellence, always cites another image.” Fra Angelico shows at once a miracle of life and one of the miracles of his painting.
With The Blinding Light, mounir fatmi goes even further. For him, Deacon Justinian's survival is not enough for our need of consolation from death. The Ethiopian too must survive. It should be the angel’s white leg, the one that no one has yet thought of grafting to the Ethiopian. Because mounir fatmi carries the profound conviction that only civilization, or rather civilizations and the exchanges between them, in full acknowledgment of each other, will allow this The Beautiful Language (from the title of another of the artist’s videos) from which we are still so far away - a language as deeply unique as it is perhaps shared.
Here, the light, in this double video projection adapted to the tiny space of the gallery invested by mounir fatmi as if it were a sanctuary, illuminates and blinds, in positive and in negative. And the negative image blinds us in such a brilliant way that we can only close our eyes on our thinking, because “That is sublime which, simply because one might think, shows a faculty of the soul beyond all measure of sense.” (Kant, Critique of the Faculty of Judging). The sublime combines beauty and its shadow. Always, it overtakes the beautiful. We could say of mounir fatmi, as Gil Pressnitzer writes about Rilke, that “he was familiar with angels knowing that the beautiful is never more than the beginning of the terrible.”
Barbara Polla, May 2013
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