« La Chute de Saint Cosme et Saint Damien » est une peinture murale qui fait apparaître les silhouettes noires sur le mur blanc de deux jeunes hommes vêtus de tuniques, dont l'habit simple semble se défaire en partie, glissant le long des épaules jusqu'aux poignets. Leurs mains sont jointes derrière le dos comme retenues par un lien et leurs jambes et leurs pieds nus sont repliés en arrière du corps. Leur visage au menton relevé est entouré d'une auréole. Il n'y a aucun décor autour d'eux, et leurs corps, disposés selon différents angles par rapport au sol, semblent être suspendus en l'air. En fait le personnage de gauche a l'air de chuter, tandis que l'autre semble prendre son envol, tel un super héros des temps modernes, la cape flottant au vent.
L'image utilisée est extraite d'une édition illustrée de la « Légende dorée de Voragine », qui relate une scène du martyr subi par Saint Come et Saint Damien : leur précipitation depuis le haut d'un rocher dans la mer et leur chute, juste avant qu'un ange ne les rattrape en plein vol pour les ramener à terre. Les personnages de Saint Come et Saint Damien sont les protagonistes de plusieurs œuvres de mounir fatmi, dont des projets de dessins et de vidéos intitulés « La Jambe noire de l’ange", qui abordent certains thèmes de prédilection de mounir fatmi et illustrent ses stratégies artistiques, à savoir les rencontres, et les interactions culturelles.
Saint Come et Saint Damien saints thaumaturges dans la tradition religieuse, sont des frères possiblement jumeaux, nés en Arabie, qui exerçaient la médecine gratuitement en Cilicie (Asie mineure). Ils étaient qualifiés d'anargyres car ils refusaient toute rétribution en échange de leurs soins. La plus célèbre de leur guérison miraculeuse est véhiculée par « La Légende dorée » de Voragine, avec l'épisode d'une greffe de jambe empruntée à un éthiopien défunt au profit d'un sacristain de l'église Saint Come et Saint Damien à Rome. Le patient guérit d'une gangrène gazeuse et se retrouva donc avec une jambe noire et une jambe blanche. La scène a été souvent reprise par la suite par l'iconographie religieuse et se retrouve notamment dans les peintures de Fra Angelico au 15e siècle, recomposées par mounir fatmi dans les œuvres « La Jambe noire de l’ange » et la série de photographie « La Lumière Aveuglante ».
Scène de bloc opératoire, « La Jambe noire de l’ange » fait un arrêt sur image sur un instant dramatique et sublime, celui de la greffe, de l'hybridation culturelle. Avec « La Chute de Saint Cosme et Saint Damien », il est question également d'un instant sublime, mêlé de suspens et d'incertitude, précédant la chute des corps ou leur envol. Dans le domaine religieux, le terme chute serait en fait plus conventionnellement associé à celui d'ange - en référence aux anges déchus. Il suggère d'envisager l'hybridation culturelle comme à une forme de révolte contre l'autorité. Il invite à lire l'œuvre comme une représentation décalée, dramatisée et teintée d'ironie douce. « La Chute » détourne une imagerie classique, évoque l'inscription de l'artiste dans la société et son rapport particulier au monde, et s'amuse ou s'étonne de leur possible comparaison avec des saints ambivalents, martyrs et rebelles.
Studio Fatmi, Décembre 2016.
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« The Fall of Saint Cosmas and Saint Damian » is a wall painting showing the black silhouettes on a white wall of two young men wearing tunics, their simple clothes seeming to come off, sliding down their shoulders to their wrists. Their hands are held together behind their backs, as if they were bound with a string, and their legs and bare feet are folded behind them. Their faces, chins up, are circled with a halo. There is no landscape around them, and their bodies, arranged with varying angles, seem to be suspended in midair. In fact, the character on the left seems to be falling, whereas the other one seems to be flying away, like a modern day superhero, cape floating in the wind.
The image used is taken from a limited edition of Voragine’s « Golden Legend » recounting a scene of the martyr suffered by Saint Cosmas and Saint Damian: they were thrown from the top of a rock into the sea, but an angel caught them in their fall and brought them back to land. The characters of Saint Cosmas and Saint Damian are the protagonists in several of mounir fatmi’s works, among which drawings and video projects entitled « The Angel’s Black Leg » that address some of mounir fatmi’s preferred themes and illustrate his artistic strategies: encounters and cultural interactions.
Saint Cosmas and Saint Damian, healing saints in religious tradition, are brothers, possibly twins, who were born in Arabia and practiced medicine for free in Cilicia, in Asia Minor. They were called « anargyroi » because they refused to be paid for their treatments. The most famous of their miraculous healings is recounted in Voragine’s « Golden Legend »: the episode of the transplant of a leg taken from a dead Ethiopian man onto a deacon of the Saint Cosmas and Saint Damian in Rome. The patient was cured from gas gangrene and finds himself with one black leg and one white one. The scene was subsequently often used in religious iconography and can be found in Fra Angelico’s paintings in the 15th century, recomposed by mounir fatmi in his works « The Angel’s Black Leg » and the series of photographs « The Blinding Light ».
A scene set in an operating room, « The Angel’s Black Leg » is a snapshot of a dramatic and sublime instant, that of the transplant, of cultural hybridization. « The Fall of Saint Cosmas and Saint Damian » is also about a sublime instant, rife with suspense and uncertainty, right before the fall or the flight. In the religious domain, the term « fall » is actually more conventionally associated with the angel – in reference to fallen angels. It suggests to see cultural hybridization as a form of rebellion against authority. In invites us to read the work as a twisted and dramatized representation, tinged with soft irony. « The Fall » twists a classic image, evokes the place of the artist in society and his particular relation to the world, and finds amusing or surprising their potential comparison with ambivalent, martyred and rebellious saints.
Studio Fatmi, December 2016.
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