« Mort ou vif » est une peinture murale qui donne à contempler l'image agrandie d'un crâne à la pilosité remarquable. Cette surprenante vanité barbue est accompagnée d'une citation extraite du manifeste artistique de mounir fatmi "Si seulement les mots étaient libres sans aucune histoire". L'œuvre fait notamment écho à Tête dure, wall painting représentant un crâne orné de calligraphie arabe et religieuse, réalisé en 2005.
L'œuvre livre une réflexion sur le rapport de l'individu au discours religieux et à la langue en général. La citation tirée du manifeste renvoie aux conceptions linguistiques de l’artiste et à ses recherches sur le language. Les œuvres de mounir fatmi constatent que les mots et les signes sont chargés d'idéologie, et elles formulent le désir d'une langue rendue à sa liberté, à ses pouvoirs critiques et à son autonomie. Ce travail sur la langue et sa signification est mené à travers différents médias, photographies, vidéos, sculptures et installations, telles que « Sans histoire », « Les Chutes » ou « The Beautiful language » qui expriment une tension entre une langue chargée d'histoire et les tentatives pour élaborer un langage plastique capable à la fois d'en rendre compte et de s'en défaire. Elles élaborent des stratégies artistiques qui s'inspirent de notions linguistiques, de concepts philosophiques et d'œuvres d'art, tels que les travaux de Wittgenstein, ou le film « L'Enfant sauvage » de Truffaut.
« Mort ou vif » est une œuvre polysémique. Dans les imaginaires collectifs, cette expression appartient au vocabulaire du western et désigne un hors la loi. Le portrait monumental de ce personnage barbu est également susceptible de s'associer dans l'esprit de quelques spectateurs à l'image de Karl Marx, véritable icône moderne, dont le nombre de sympathisants est cependant en baisse, et la peinture pourrait alors évoquer la mort d'une idéologie. A moins que l'image ne soit plus facilement associée à celle de l'intégriste religieux, désigné alors comme le hors la loi des temps modernes ou comme l'acteur des nouvelles productions cinématographiques et médiatiques ? L'expression montre en tous cas une alternative, un choix à faire - voire un doute : s'agit-il d'une incertitude quant aux fonctions vitales du sujet exposé ? Son crâne osseux prouve qu'il est passé à trépas, mais ses dents d'un blanc éclatant et sa longue barbe semblent signaler un reste de vie. Cette contradiction interne à l'œuvre s'observe également dans les rapports entre la citation et l'image. La citation exprime le désir de signes débarrassés d'une charge sémantique encombrante - idéologique, sociale, historique, alors que l'image affiche des signes très connotés dans l'imaginaire du spectateur. Un crâne avec tout ce qu'il peut évoquer de lugubre et la barbe, associée à celle prescrite par la tradition religieuse.
La peinture murale « Mort ou vif » est une vanité dans un sens classique, c'est-à-dire une célébration de la vie à partir du rappel de notre mortalité. Elle constitue une exhortation à vivre pleinement avant l'échéance finale, accompagnée du constat de la vacuité de nos passions et de nos occupations humaines. L'œuvre invite à faire le choix d'un rapport libre et poétique au monde afin d'assurer nos forces vitales.
Studio Fatmi, Février 2018.
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« Dead or Alive » is a wall painting showing the blown-up image of a remarkably hairy skull. This surprising bearded vanity comes with a quote taken from mounir fatmi’s artistic manifesto: « If only words were free, without any history ». Among other things, the piece echoes « Hard Head, wall painting », which presents a skull adorned with Arab religious calligraphy, created in 2005.
This work offers a reflection on the relation of individuals to religious discourse and to language in general. The quote from the manifesto refers to the artist’s conceptions and his research on language. mounir fatmi’s works of art highlight the fact that words and signs are loaded with ideology and formulate the wish for a language that would be free, with fully restored critical power and autonomy. This work on language and its meaning is carried out through various media: photographs, videos, sculptures and installations, such as « Without History », « The Falls » or « The Beautiful Language » that express the tension between a language charged with history and the attempts to elaborate a plastic language that would be capable of both translating this situation and breaking free from it. They elaborate artistic strategies inspired by linguistic notions, philosophical concepts and works of art, such as Wittgenstein’s research and François Truffaut’s film « The Wild Child ».
« Dead or Alive » is a polysemous piece of art. In the collective imagination, the expression belongs to the vocabulary of the Far West and designates an outlaw. The monumental portrait of this bearded character is also likely to be associated in certain viewer’s mind to the image of Karl Marx, a veritable modern icon, though the number of his supporters tends to diminish, in which case the painting could be evocative of the death of an ideology. Unless the image is more easily associated to that of the religious fundamentalist, designated as the outlaw of our times or as the main character in today’s motion picture and media productions? Whatever the case, the expression refers to an alternative, a choice to be made – or perhaps a doubt: does it express an uncertainty as to the vital functions of the exhibited subject? His bony skull proves he no longer lives, but his bright white teeth and his long beard seem to signal some form of remaining liveliness. This interior contradiction can also be seen in the connection between the quote and the image. The quote expresses a desire for signs free of any cumbersome semantic charge – whether ideological, social, historical – whereas the image precisely features signs that are strongly connoted in the viewer’s imagination: a skull, with all the gloominess it conjures, and the beard, associated with the prescriptions of religious tradition.?
The wall painting « Dead or Alive » is a vanity in the classic sense: a celebration of life serving as a reminder of our mortality. It constitutes an exhortation to live fully before our final hour, together with a comment on the vacuity of our human passions and preoccupations. The piece is an invitation to choose a free and poetic relation to the word in order to secure our vital forces.
Studio Fatmi, January 2018.
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