« 500 mètres de silence » est une sculpture réalisée à l'aide de plusieurs centaines de mètres de câble coaxial à gaine blanche, enroulées autour d'une bobine, elle-même disposée sur un piédestal blanc et placée sous un couvercle de plexiglas transparent portant la mention discrète du titre de l'œuvre.
Avec « 500 mètres de silence », il s'agit pour mounir fatmi d'observer un outil de communication au repos, un élément qui structure en profondeur nos sociétés des médias et de l'information et leur donne forme. L'œuvre explore la nature du « silence » qui entoure cet élément technique inemployé et obsolète. Avec des moyens artistiques s'inspirant du minimalisme et des ready-made de Duchamp, mounir fatmi mène une réflexion sur l'organisation de nos sociétés des médias et de la communication. Le câble coaxial est un matériau récurrent dans son œuvre. Il permet l'étude d'une problématique chère à l'artiste, à savoir celle du « lien » et des « connexions », sous leurs divers aspects : circulation des informations et société des médias, liens qui unissent les individus entre eux et au monde, rapports de la création artistique à la réalité, ou encore liens entre le biographique et l'historique.
La sculpture s'offre à voir comme une tentative de modélisation spatiale d'un (non) événement acoustique. Son titre fait apparaître une contradiction dans les termes : il suppose des additions de distances, de longueurs, qui pourtant ne produisent rien ̶ rien d'autre que du silence. L'œuvre semble contradictoire dans ses effets également : elle ménage un effet d'attente ou de suspens et déçoit d'un même mouvement la curiosité du spectateur, en lui refusant de manière définitive tout accès à un éventuel contenu. La sculpture fait ici référence à Duchamp et à l'élaboration de son œuvre « A bruit secret » : l'artiste avait demandé à un de ses amis de déposer un objet mystère à l'intérieur d'une bobine ̶ objet dont ni l'artiste ni le spectateur ne connaissent la nature et dont la présence n'est signalée que par le bruit que celui-ci produit en cognant contre l'intérieur de la bobine. Chez mounir fatmi, le placement de la bobine sous couvercle de plexiglas n'autorise pas sa manipulation, et l'objet demeure obstinément silencieux. L'œuvre ne fournit pas d'indice et ne fait aucune révélation sur un éventuel contenu matériel ou informatif. Le ready-made actualisé par mounir fatmi se présente comme un questionnement des pouvoirs de la société des médias et de la communication et il vient délivrer une leçon sur la juste distance à tenir face à ces pouvoirs.
La sculpture montre finalement la transformation paradoxale d'un matériau de communication en élément qui empêche la circulation de l'information. Les techniques employées par mounir fatmi d'enroulement et de dissimulation conduisent à une forme d'hermétisme qui serait comme le résultat d'un excès de communication. L'œuvre pose ainsi les questions suivantes : l'accumulation d'informations de la société des médias n'entraîne-t-elle pas leur disparition, ne mène-t-elle pas à l'incompréhension, à l'incommunicabilité, ou à la surdité ? Ne produit-elle pas un bruit tel, que celui-ci est finalement comparable à l'indistinction et au silence ?
Studio Fatmi, mars 2017.
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“500 meters of silence” is a sculpture made with several hundred meters of white coaxial cable coiled around a spool. The spool is placed on a white pedestal under a transparent Plexiglas dome on which the work’s title is discretely inscribed.
With “500 meters of silence”, mounir fatmi observes a communications tool at rest, an element that deeply structures our media- and information-rich societies and shapes them. The piece explores the nature of the “silence” surrounding this unused and obsolete technical element. With artistic techniques inspired by minimalism and Duchamp’s ready-mades, mounir fatmi reflects upon the organization of our societies of media and consumption. The coaxial cable is a recurrent material in his work. It allows the study of an question the artist cares about a lot, that of “links” and “connections” under various aspects: the circulation of information and media societies, the links that connect individuals to each other and to the world, the relation of artistic creation to reality as well as the connection between biography and history.
The sculpture can be seen as an attempt to create a spatial modeling of an acoustic (non-) event. Its title manifests a contradiction in terms: it implies the additions of distances and lengths that don’t produce anything – nothing but silence. The work seems contradictory in its effects as well: it creates an effect of expectancy or suspense and at the same time disappoints the viewers’ expectations by definitively forbidding any access to its potential contents. The sculpture references Marcel Duchamp and the elaboration of his piece “A Bruit Secret”; the artist had asked one of his friends to place a secret object inside a spool – an object whose nature neither the artist nor the viewer knew anything about and whose presence was only signaled by the noise it made when it banged against the inside of the spool. With Mounir Fatmi, placing the spool under a Plexiglas dome means it cannot be manipulated, and the object remains obstinately silent. The work doesn’t give any clues nor does it reveal anything about its possible contents. This ready-made updated by Mounir Fatmi presents itself as a questioning of the power of the media and communications society and aims to offer a lesson on the right distance to maintain vis-à-vis that power.
Lastly, the sculpture also shows the paradoxical transformation of a communications material into something that prevents the circulation of information. The techniques of coiling up and dissimulation used by Mounir Fatmi lead to a form of hermeticism that could be perceived as the result of an excess of communication. The work therefore raises the following questions: doesn’t the accumulation of information in the media society lead to its disappearance, generating incomprehension, failure to communicate and deafness? Doesn’t it produce so much noise that it can ultimately be compared to indistinguishableness and silence?
Studio Fatmi, March 2017.
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