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03. | Body bags
 
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  • 1999, body bags.
    Exhibition view from Artistes Marocain, ARIAP - Atelier/Galerie, 1999, Lille.
    Courtesy of the artist and Ceysson & Bénétière, Paris.
    Ed. of 5 + 1 A.P.

'' Here, travel in general no longer possesses its common signification of discovery or self-rebirth, but instead becomes a synonym of death and tragedy.

It shifts from a voluntary action to a forced one. ''


Studio Fatmi, July 2017





 




This work was part of 4ème Biennale de Dakar - Biennale de l'Art Africain ContemporainDakar, 2000. 

 

Œuvre sculpturale réalisée en 1999, « Sacs mortuaires » est composée d'une série de sacs de couleur noire disposés côte à côte, longs d'un mètre quatre vingt dix, munis de poignées et de poches de rangements. La question du déplacement est très présente dans l'œuvre de mounir fatmi, qui n'hésite pas à se considérer comme un « travailleur immigré » : « Mon travail consiste à examiner ce que c'est d'être un artiste, lorsque celui-ci est étranger au contexte culturel, voire à son propre rôle ». Dans un manifeste publié en 1998, mounir fatmi écrivait encore : « De l'exil, j'ai fabriqué des lunettes pour voir. ». L'artiste qu'il est n'a cessé d'aborder la question de l'exil sous différentes formes, ou, ainsi qu'il le déclare, «  c'est la question de l'exil qui s'est toujours posé à [lui] » : « Ayant volontairement quitté le Maroc, j’ai vécu dès lors avec la conscience aiguë de la séparation, du déplacement, du poids de l’identité. J’ai alors inscrit ma démarche dans ce déplacement permanent en l’affirmant ». La sculpture « Sacs mortuaires » traite des déplacements humains contemporains, désignés par le terme « migrations » qui vont de la migration saisonnière, autrement appelée « tourisme », à la migration permanente, en passant par les migrations contraintes, telles que les déplacements pour raisons politiques ou économiques, parfois effectuées légalement, souvent clandestines.

L'œuvre fait montre d'une ironie féroce en nous présentant un monde à l'envers où les valeurs sont inversées. Le sac de voyage est transformé en housse mortuaire. Le voyageur n'est plus le transportant, mais le transporté. Le sac est ce qui porte et le porteur est relégué au rang de simple contenu. Le dispositif évoque ainsi le rôle de certains gardes-côtes et des passeurs qui transforment les êtres humains en marchandises à transporter. Le voyage de manière générale n'est pas le synonyme courant de découverte ou de renaissance à soi-même, mais de mort et de tragédie. Il passe de volontaire à contraint et forcé.

La sculpture « Sacs mortuaires » développe une esthétique de la dissimulation et de la mort dont les effets se font rapidement sentir sur le public : le contenu des sacs se dérobe aux regards et le spectateur se met à imaginer le pire, à savoir que ces sacs pourraient bien contenir les cadavres d'humains. Dans son ouvrage intitulé « Suspect Language », dédié aux œuvres de mounir fatmi, la critique américaine Lillian Davis écrit : « Ici le départ et l’arrivée se rencontrent dans l’immobilité de l’œuvre. Les « body bags » fonctionnent comme une sculpture du temps, presque un arrêt sur image de notre actualité ». L'œuvre ménage des effets de suspens, elle active l'imagination et suscite craintes et fantasmes. Elle rappelle avec force que des milliers de personnes perdent la vie chaque année en Méditerranée, souvent dans le plus complet anonymat. Sur les registres officiels qui tentent de comptabiliser les victimes parmi les candidats à l'émigration, on trouve régulièrement la mention « N.N », pour « Nomen nescio » (nom inconnu). En 2015, plus de 15 ans après l'exposition de « Sacs mortuaires », une ONG reprenait le procédé utilisé par mounir fatmi, et disposait 200 housses mortuaires sur une plage anglaise pour évoquer les noyades en mer de milliers de migrants et rappeler à l'Europe ses responsabilités.


Studio Fatmi, Juillet 2017.

  « Body Bags » is a sculptural work created in 1999, comprising a series of black bags placed side by side, 1.90 meters long and equipped with handles and storage pockets. The question of displacement is very present in mounir fatmi’s work, who considers himself an « immigrant worker »: « My work consists in examining what it is to be an artist when that artist is foreign to his cultural context, or even to his own role. » In a manifest issued in 1998, mounir fatmi also wrote: « From exile, I made glasses for seeing. » The artist has always addressed the question of exile in different forms, or, as he says, « the question of exile has always posed itself to [him] »: « . Having voluntarily left Morocco, I have lived since then with an acute sense of separation, displacement, the weight of identity. I therefore placed my work under this idea of permanent displacement. » The sculpture « Body Bags » is about the contemporary human displacements called « migrations », that range from seasonal migration, also called « tourism », to permanent migration, as well as forced migrations such as displacements for political or economic reasons that are sometimes conducted legally, but often in clandestinity.

The work employs fierce irony as it presents us with a world turned upside down, where values have been reversed. The travel bag is turned into a mortuary bag. The traveler is no longer the one who carries but the one who is carried. The bag is what is carried, and the carrier is relegated to nothing more than contained element. In doing this, the installation evokes the work of certain coastguards and smugglers who turn human beings into transported merchandise. Here, travel in general no longer possesses its common signification of discovery or self-rebirth, but instead becomes a synonym of death and tragedy. It shifts from a voluntary action to a forced one.

The sculpture « Body Bags » develops an esthetic of dissimulation and death whose effects are quickly felt by the audience: the contents of the bags aren’t visible to the eye and the worst things start coming to the viewers’ minds: that the bags might actually contain human bodies. In her book « Suspect Language » about mounir fatmi’s work, American art critic Lillian Davis wrote: « Here, beginning and end meet in the immobility of the work. The body bags act like a sculpture of time, almost like a still image from the news. » The piece creates suspense, it spikes the imagination and triggers fears and fantasies. It forcefully reminds us that thousands of people lose their lives every year in the Mediterranean, often in complete anonymity. On the official registries that attempt to keep a record of the victims among would-be immigrants, the mention « N.N. » can often be found, for « Nomen Nescio » (name unknown). In 2015, over 15 years after the « Body Bags » exhibit, an NGO re-used mounir fatmi’s idea and placed 200 body bags on an English beach as a reminder of the death at sea of thousands of migrants, and of Europe’s responsibilities. 









Studio Fatmi, July 2017.