« My cloudy Day » est la première sculpture de l'artiste employant du câble coaxial de couleur noire depuis 1998, date à laquelle il a commencé à l’utiliser. L’œuvre place le spectateur face à une ample et complexe sculpture murale, composée d'un enchevêtrement de câbles coaxiaux fixés directement aux murs blancs de l'espace d’exposition par des attaches. Les câbles s'enroulent en boucles qui se superposent les unes aux autres, ou traversent la composition en ligne droite, dans toutes les directions. Celui-ci est à l'origine un matériau de transmission des informations et des images, utilisé jusqu'à la fin des années 90, et aujourd'hui devenu presque obsolète. Motif insistant sur le lien, la connexion, il permet à l'artiste d'interroger les fondements de nos sociétés de l'information, de la communication et d'étudier le rapport des individus aux pouvoirs politiques et à l'histoire en général.
« My cloudy Day » explore l'essor des nouvelles technologies d'information et de communication, la vitesse et l'intensité de la circulation des informations et la complexité des interactions culturelles. L'œuvre questionne la capacité du spectateur à appréhender la réalité qui l'entoure dans sa complexité et dans sa totalité. Elle interroge également l'esthétique artistique, les moyens qu'elle met à disposition pour l'artiste afin de proposer des représentations du monde, et sa capacité critique. Produit idéologique des sociétés, l'art peut-il dans le même temps tenir un discours distancié sur celles-ci ? Dans quelle mesure peut-il être d'avantage qu'un dispositif à produire des illusions au sein d'un monde d'illusions ? La tendance à l'enjolivement, à l'ornementation ou aux complexités rhétoriques, observable dans de nombreuses œuvres d'art, ne fait-elle pas oublier le propos essentiel et les enjeux fondamentaux qui sous-tendent leur production ?
Tentative de représentation du monde et du rapport de l’artiste à celui-ci, la sculpture murale « My cloudy Day », opte pour une approche dynamique. Ses boucles énergétiques participent à une esthétique de l'explosion et du jaillissement permanent. Elles expriment, par leurs entrechoquements et leurs entremêlements un renouvellement continuel qui s'exécute dans une violence manifeste. Elle dresse la représentation d'un univers de productions incessantes, aux interactions multiples et complexes. Le noir et blanc et la géométrisation participent également à l'effort de modélisation et de synthèse, insistant sur les effets de structure et les rapports. La sculpture fascine autant par ses complexités géométriques qu'elle égare. L'œuvre multiplie les motifs et les formes jusqu'à la saturation de la vision de son spectateur et la perte du centre de la composition. Le nuage, dans le vocabulaire esthétique de l’artiste, est d'ailleurs l'objet d'une méfiance et le motif révélateur d'un rapport problématique et paradoxal au monde. Symbole d'un système complexe de production de signes, objets et valeurs, il est ce qui se donne à voir, ce qui permet de voir - et dans le même temps ce qui empêche de voir.
Les œuvres de mounir fatmi mettent régulièrement en évidence le contraste entre les effets de séduction visuelle des dispositifs graphiques ou des grands systèmes de productions de signes (tels que la religion, la politique ou la société de consommation) et le caractère dogmatique et brutal de leur discours. Elles entrent dans une stratégie du « piège esthétique » et se constituent comme autant de mises en garde contre ces fascinations dangereuses en délivrant une leçon sur la juste distance à tenir face à l'œuvre d'art. « My cloudy Day » reproduit les interactions des sociétés contemporaines et organise la rencontre de la calligraphie et du "geste libre" inspiré de Jackson Pollock, référence majeure dans le travail de l’artiste. L'œuvre éprouve la capacité de l'art à offrir des représentations critiques d'un monde qui n'en soient pas que les simples justifications. Elle questionne la capacité de l'art à prendre de la distance et à rendre compte des forces qui dépassent l'individu et en conditionnent l'existence.
Studio Fatmi, Juin 2018.
|
|
“My Cloudy Day” is the first of the artist’s sculptures that employs black coaxial cable – he started using this material in 1998. The piece places the viewer face to face with a large and complex mural sculpture consisting in intertwined coaxial cables fixed directly onto the white walls of the exhibit space with tacks. The cables twist into loops that superimpose on top of each other, or cross the composition in a straight line, in all directions. This material was originally used for the transmission of information and images. Frequent until the late 1990s, it has since become almost obsolete. As a motif highlighting connections and links, it enables the artist to question the foundation of our societies of information and communication and to study the relation of individuals to political powers and to history and general.
“My Cloudy Day” explores the rise of modern technologies of information and communication, the speed and intensity of the circulation of information and the complexity of cultural interactions. The work questions the viewers’ capacity to apprehend the reality around them in its complexity and entirety. It also questions artistic esthetics and the means they grant the artist in order to offer representations of the world, as well as his or her capacity for critical thinking. As an ideological product of societies, can art simultaneously offer an objective commentary on those same societies? Can it possibly be more than a simple device producing illusions in a world of illusions? Doesn’t our tendency for embellishment, ornamentation and rhetorical complexity, as can be observed in many works of art, make us forget the essential intentions and fundamental concerns that underlie their production in the first place?
As an attempt to represent the world and the artist’s relation to it, the mural sculpture “My Cloudy Day” chooses a dynamic approach. Its energetic loops create an esthetic of explosions and permanent eruptions. Their colliding and intertwining express a perpetual renewal that takes place with manifest violence. The piece elaborates the representation of a universe of endless productions, with multiple and complex interactions. Resorting to black & white and geometric motifs also plays a part in this effort for modeling and synthesis, highlighting effects of structure and connections. The sculpture’s geometric complexity makes it fascinating, as well as confusing. It multiplies motifs and shapes up to a point of saturation of the viewer’s gaze, which leads to losing sight of the center of the composition. The cloud, in the artist’s esthetic vocabulary, is an object of distrust and a motif indicating a problematic and paradoxical relation to the world. The symbol of a complex system that produces signs, objects and values, it is seen, it enables one to see, while and at the same time blocking sight.
mounir fatmi’s works frequently highlight the contrast between the effects of the visual seductiveness of graphic devices or large-scale sign-producing systems (such as religion, politics or the consumer society) and the dogmatic and brutal character of their discourses. They are part of a strategy of “esthetic traps” and consist in a series of warnings against these dangerous fascinations, delivering a lesson on the right distance to keep when it comes to works of art. “My Cloudy Day” reproduces the interactions within contemporary societies and organizes an encounter between calligraphy and “free gesture” as inspired by Jackson Pollock, a major reference in the artist’s work. The piece tests art’s capacity to offer critical representations of the world that aren’t simply justifications. It questions art’s capacity to take a step back and summarize the forces that are beyond the control of individuals and condition their existence.
Studio Fatmi, June 2018.
|