04.
   
   
 





 
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I'm fine, 09 / 21 / 2021
 
  • Calligraphy of the unknown, 2018-2020, acrylic on paper, 105 x 50 cm.
    Courtesy of the artist and Officine dell'Immagine, Milan.

''Other people have become a threat. For some, it is always the other person who carries the virus. It’s others who spread it. It’s also others, of course, who fail to protect themselves properly and run the risk of infecting everyone.

This virus has starkly revealed how vulnerable, fragile, and at times selfish we are. By contaminating our bodies, it also contaminates our minds. All kinds of contact with others have become suspicious.''


mounir fatmi, September 2021
 

 

Comment vas-tu ?

À cette simple question posée par mes amis, les membres de ma famille ainsi que mes collègues de travail, j’ai souvent menti en répondant : je vais bien. Cela me rassurait de le dire. Parce que si je disais le contraire, je devrais alors m’expliquer, argumenter et surtout répondre à toutes les questions qui se sont posées le jour où un virus nous a obligés de nous confiner dans nos petits appartements. Il faut dire qu’il y a un monde d’avant la pandémie et un autre après. Tout a changé, sauf bien sûr pour ceux qui ne veulent pas voir le changement. Ceux qui sont encore dans le déni alors que nous sommes bien entrés dans l’ère du sans-contact.

L’autre est devenu une menace. Pour certains c’est toujours l’autre qui porte le virus. C’est l’autre qui le propage. C’est encore l’autre qui se protège mal et qui risque de contaminer tout le monde. Le virus nous a monté comment nous sommes vulnérables, fragiles et parfois égoïstes. En contaminant les corps, le virus a contaminé aussi le psychisme puisque tout contact avec les autres est devenu suspect.

Les premiers trois mois du confinement m’ont beaucoup marqué. J’ai passé des journées et parfois des nuits entières à regarder les informations et les discours politiques. Mes ordinateurs ont été allumés tout le temps. Les graphismes des courbes indiquant le nombre des contaminés et des morts dans les hôpitaux se sont affichés sur tous les écrans de télévisions. Je voulais tout comprendre et vite. J’avais mal aux yeux, à la tête et souvent à l’estomac. Je pensais à mon fils de huit ans et je me demandais dans quel monde il allait grandir. Je veux dire que j’ai de la chance, je n’ai pas vraiment souffert du confinement puisque normalement je passe le plus clair de mon temps dans mon atelier, mais le fait de savoir que je suis interdis de sortir m’a fait beaucoup réfléchir sur tous les droits que nous allions perdre et que nous avons pris pour acquis. Je craignais de voyage, de tomber malade, de rester bloquer dans un autre pays et d’être séparé de ma famille. L’idée de séparation m’a était insupportable.

Rapidement deux mots se sont imposés dans la presse et les médias du monde entier : Distanciation Sociale. En vérité, tout le monde a compris qu’il n’y avait plus de vie sociale et que nous sommes obligés cette fois d’affronter notre solitude. De garder un mètre de distance entre nous et les autres. Un mettre d’espace que nous pouvons mesurer avec nos tiges à selfies accrochées au bout de nos téléphones portables.

Un climat de suspicion et d’angoisse s’est installé dans les rues. Je me rappelle cette scène au métro parisien où personne n’a osé toucher le bouton de la porte pour que nous puissions sortir. Il a fallu le courage d’une femme qui portait des gants pour que la porte s’ouvre. À la peur s’ajoutait la honte. La honte de ne pas comprendre ce qui se passe dans un monde qui a changé du jour au lendemain.

Le virus a touché ce qui nous relie tout et ce qui est le plus cher à nos yeux : le contact. Je me suis posé alors cette question : sans le contact avec les autres, sommes-nous encore des humains ? Je ne pense pas. Il parait que le contact physique stimule la production de l’endorphine cette substance que certains médecins appellent l’ « hormone du bonheur ». Oui, il est temps de comprendre que notre bonheur dépend des autres et que les autres ne sont pas juste des numéros, des statistiques et des graphes sur des écrans de télévisions.

Une chose est sûre : ce qui est arrivé m’a changé et a changé aussi mon travail. Je suis revenu alors aux dessins et peintures « Calligraphies de l’inconnu » que j’ai commencés en 2014 inspirés des courbes de la bourse. Je voulais travailler un médium basé sur le contact, le toucher, je voulais utiliser ma main. Loin de moi l’idée d’analyser ces graphiques résultants d’algorithmes mathématiques, ces visuelles de données chiffrées de la bourse ou des victimes de la pandémie. Ce qui m’intéressait avant tout dans cet alphabet abstrait et complexe est de trouver du spirituel dans ces éléments chargés d’informations. Cela m’a fait du bien d’affronter des toiles blanches et d’y poser directement mes questions, d’essayer de répondre à l’absurdité de notre monde contemporain.

Oui, je vais bien. Cette fois, je n’ai pas menti, parce que la peinture ne ment jamais.



mounir fatmi, le 21 septembre 2021

 

 

How are you?

Asked by friends, family, or colleagues, I’ve often answered this simple question with a lie, saying, "I'm fine." Answering in this way makes me feel calmer. If I gave the opposite answer, I’d have to explain, refute, and above all, answer every question that arose the day the virus trapped us all in tiny apartments. We have to be realistic—there is a prepandemic world and a post-pandemic world. Everything has changed. Of course, this is not true for those who don't want to see change and those who still deny that we are entering an era of non-contact.

Other people have become a threat. For some, it is always the other person who carries the virus. It’s others who spread it. It’s also others, of course, who fail to protect themselves properly and run the risk of infecting everyone. This virus has starkly revealed how vulnerable, fragile, and at times selfish we are. By contaminating our bodies, it also contaminates our minds. All kinds of contact with others have become suspicious.

The first three months of life under quarantine left their mark on me. I spent days watching news and political speeches, sometimes right into the night. My computer was on all the time. All television screens showed curving graphs depicting infection numbers and hospital fatalities. I wanted to understand it all as fast as I could. My eyes and head hurt, and I suffered frequent abdominal pains. I thought about my eight-year-old son, wondering what kind of world he would grow up in. I'm lucky in that I’ve always spent most of my time in my studio, so I didn't really suffer from life in isolation. But the fact that I knew going outside was prohibited made me think about all the rights we were about to lose, which I’d taken for granted. I was afraid that if I traveled, I’d get sick, get stuck in a foreign country, and be separated from my family. Just thinking about how we would grow more and more distant was unbearable.

The term "social distance" quickly took hold in the media all over the world. In fact, everyone now understands that social life has disappeared, and we now have to confront loneliness. Maintain a distance of 1 meter away from others. You can measure the same distance by attaching a metal selfie stick to the end of your cell phone.

Evidence of doubt and anguish filled the streets. I can remember a scene in the Paris Metro where no one wanted to touch the button to open the door to get out. The courage of a woman wearing gloves was called upon to open the door. This fear was compounded by shame. In a world that had changed overnight, it was shameful to not understand what was happening.

The virus has invaded what connects us all—the thing that is most important to us. This thing is "contact" with others. I asked myself a question. "Without contact with others, can we truly remain human?" Personally, I don't believe so. Physical contact seems to stimulate the production of endorphins, which some doctors know as happiness hormones. It's time for us to understand that our happiness depends on others, and that other people aren't just the numbers, statistics, and graphs we see on TV screens.

One thing is certain: what’s been happening has changed me and changed my work. Inspired by the curves of the stock market, I've returned to the drawing and painting of "Calligraphy of the Unknown", which I started in 2014. I wanted to use my own hands to create media based on contact and touch. Analyzing graphics obtained from mathematical algorithms and the visuals of quantifiable data on the stock market or pandemic victims has moved me far away from myself. More than anything, the reason for my interest in this abstract, complex alphabet is because I found something spiritual in these elements so full of information. That's what has made me confront the blank white canvas, ask direct questions, and try to find an answer for the absurdities of our modern world.

Yes, I'm fine. This time I'm not lying. Because a painting never tells a lie.



mounir fatmi, September 21st, 2021