Le magnétoscope de dieu
Je vais essayer d’être très prudent dans mes réflexions et mes jugements. Les informations vont très vite. On est en train de vivre une vitesse jamais égalée. Deux révolutions dans deux pays arabes où tout était figé dans le temps depuis plus de 35 ans. C’est comme si dieu, s’il existe, avait fait un arrêt sur image dans cette région du monde et avait oublié d’appuyer sur Play. Tant que le pétrole coulait à flot et qu’une pseudo stabilité politico-religieuse était installée, personne n’a vu ou voulu voir le malaise des sociétés arabes. C’est fou de se rendre compte tout à coup que, dans ces pays, il y a une population souvent très jeune, assoiffée de liberté, de démocratie et de justice. Finalement dieu vient de se rendre compte que la touche « pause sur image » du magnétoscope est toujours enfoncée. Panique. Je pense que suite à son erreur, il a appuyé sur le bouton « accélérer ». Les évènements se sont alors succédés tellement vite que les médias ont commencé à parler du printemps arabe avant même l’arrivée du printemps.
Cela m’oblige à parler de l’image dans le monde arabe, en sautant toute une période postcoloniale de création d’hôpitaux de lavage de cerveaux - je veux dire des télévisions d’Etat - et à commencer directement par la création en 1996 de la chaîne Al Jazeera au Qatar. Histoire. Une année avant, le fils Hamad ibn Khalifa Al Thani alors ministre de la défense destitue dans un coup d’état son père se trouvant alors en Suisse et prend le pouvoir. Je pense qu’on peut considérer cette date comme le début d’une nouvelle image du monde arabe. Une rupture avec le père et le lancement d’une chaîne de télévision. Soyons d’accord, je ne suis pas là en train de faire l’apologie de la chaîne Aljazeera, qui peut être critiquée sur plusieurs points. Mais, la révolte du printemps arabe aurait pris beaucoup plus de temps sans l’efficacité des réseaux sociaux et sans la diffusion d’Aljazeera auprès de plus de 40 millions de téléspectateurs dans le monde.
Bon, essayons de voir tout ça avec la cassette et le magnétoscope de dieu ; ce qui nous permettra d’avancer, de reculer de ralentir et de faire des arrêts sur image. Il y a plusieurs dates sans lesquelles il serait difficile de parler de la naissance de cette nouvelle société d’information dans les pays arabes. Je choisis ici rapidement quelques évènements symboliques, de la télévision au réseau internet, qui ont marqué la rue arabe et qui m’ont marqué personnellement.
Retour en arrière vitesse rapide, rembobinons la cassette et arrêtons-nous en 1990 sur la guerre du Golfe menée par Georges Bush père, suite à l'invasion du Koweït par l’Irak. Janvier 1991, les Etats-Unis et la coalition protègent l’Arabie Saoudite et libèrent le Koweït. Titre de l’opération: "bouclier du désert", qui devient ensuite "tempête du désert" et qu’on peut qualifier à la fin par « désert tout court ». Tous ces noms qui ressemblent à des mauvais films hollywoodiens de série Z ont été donnés par le département de la défense des Etats-Unis. Toute l’information ou presque a été gérée par la chaîne de télévision américaine CNN et quelques médias Européens.
Avance rapide...stop. Le 11 septembre 2001: le choc. Une grande partie des images a été filmée par des amateurs avec leurs téléphones portables, exceptées quelques images prises par des équipes de tournage qui se trouvaient par hasard au bon endroit au bon moment. L’image du monde arabe ou plutôt des arabes dans le monde a pris un coup fatal. Il fallait tout refaire mais la machine médiatique était tellement puissante qu’elle a failli convaincre toute la jeunesse arabe que leur héros s’appelait Ben Laden, que leur cause était le djihad, que leur seule arme était leur corps et que la seule solution était le terrorisme. La suite des événements nous a prouvé le contraire.
En réponse à ces attentats, George W. Bush fils a lancé sa doctrine de « guerre préventive » qui a justifié la guerre d’Afghanistan et l’invasion de l’Irak dite « opération Iraqi Freedom ». Première grande information : l’Irak n’avait pas la grande armée puissante que la machine médiatique lui attribuait à tort depuis des années. La défaite de l’armée irakienne a été rapide, ainsi que la capture, le jugement et l’exécution de Saddam Hussein. Une guerre-éclair, des images diffusées en temps réel - presque un jeu vidéo. On voit Bagdad éclairé par les lumières d’explosions de bombes et de missiles. « We got him ». On voit Saddam Hussein barbu dans un état proche de l'état sauvage. Un médecin militaire prélève sont ADN, lui ouvre la bouche comme on le ferait pour un animal capturé. Fin du jeu. Cette fois l’information est reliée et suivie de très près par la chaîne Aljazeera ainsi que d’autres chaînes arabes. Les images de l’exécution de Saddam Hussein filmées par le téléphone portable de son propre bourreau circulent sur YouTube. Date intéressante: ce que la télévision ne peut pas diffuser, l’internet l’intègre et le digère facilement.
Avance rapide. Le 7 octobre 2001, Aljazeera diffuse l’enregistrement de la vidéo d’Oussama ben Laden. La chaîne s’affirme alors sur la scène internationale. Accusée d’être anti-américaine, les médias américains avaient censuré ses images et ses locaux ont été bombardés en Afghanistan et en Iraq. Avance rapide, stop. Une autre date et une autre image clé : 2009, manifestation de protestation contre le résultat de l’élection présidentielle iranienne et la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. L’agonie d’une jeune femme tuée par balle est filmée par un téléphone portable. Rapidement postée sur internet, diffusée sur les réseaux sociaux, la vidéo fait le tour du monde. La jeune Neda devient l’image de cette presque révolution iranienne.
Retour en arrière, sur une scène qui mérite d’être vue plusieurs fois au ralenti. Une chaussure qui traverse les airs, un objet volant non identifié dans une salle de conférence de presse hyper surveillée, à la protection maximale. Nous sommes à Bagdad le 14 décembre 2008, Muntadhar al Zaidi, correspondant de la chaîne de télévision Al Baghdadia TV lance ses deux chaussures en direction du président George W. Bush, action pour laquelle il a été condamné à trois ans de prison, réduite à un an en appel. Cette image est devenue par la suite un symbole de résistance dans les pays arabes. Premier signe de révolte contre le paternalisme américain. Une très bonne leçon donnée aux terroristes d’Al-Qaïda : il n'y a plus besoin de s’exploser pour être écouté et faire la une des médias.
Retour en arrière, 12 juillet 2007, sur une vidéo captée à Bagdad à partir d’un hélicoptère Apache de l’armée américaine. En noir et blanc l’image ressemble toujours à un jeu vidéo. On entend les pilotes demander la permission de tirer sur un groupe de civils d’environ douze hommes. La permission a été donnée. Résultat plusieurs blessés et des morts, dont un journaliste de l’agence Reuters et son chauffeur. Wikileaks a montré la vidéo au National Press Club en avril 2010 et l’a qualifiée de « Meurtre Collatéral ».
Avance rapide, stop. L’image est mentale, je n’arrive plus à l’effacer de mon cerveau. 17 décembre 2010, le désespoir d’un vendeur ambulant le pousse à s’immoler. Le feu encore le feu. Tout a commencé avec le feu. De l’évolution à la révolution. Cette image déchire le plan de mon regard. J’ai envie de me couper le globe oculaire, façon Chien Andalou. Luis Buñuel avait raison, il vaut mieux couper notre regard si on ne supporte plus ce que l’on voit. Mais cette image de ce jeune corps qui brûle en Tunisie ainsi que les images d’autres corps meurtris dans plusieurs pays arabes continuent à me hanter même en fermant les yeux. Je pense qu’elles continueront à hanter aussi le président Zine el-Abidine Ben Ali jusqu'à sa tombe.
Stop, retour en arrière, vitesse rapide. Octobre 2001, en visite au Qatar le président Egyptien Hosni Moubarak a tenu à visiter les locaux de la chaîne Aljazeera. Après quoi il aurait dit: « C’est donc de cette boite d’allumettes que vient tout ce vacarme. ». Il était surement loin de penser qu’un jour une seule allumette suffirait à porter ce vent chaud qui souffle sur tout le monde arabe.
Un décalage entre l’image et le son.
Parler des réseaux sociaux, Facebook, Twitter, myspace ou de Wikileaks, c’est se trouver à la place de ce fou à qui on demande l’heure et qui répond après réflexion : « je ne peux pas vous dire, vous savez, elle change tout le temps » ; c’est essayer de répondre logiquement à une question illogique.
Est-ce que j’aime les réseaux sociaux? Non, mais j’aime ce qu'ils permettent de faire. Soyons clairs, tout ça ce n’est que le début de quelque chose qu’on ne maîtrise pas encore. Quelque chose qui grandit vite, qui change rapidement et qui se déplace instantanément. On peut parler ici du miracle informatique, d'une vraie révolution. Il est fort probable que les présidents et les rois de certains pays arabes qui pensaient encore que la terre est plate, étaient incapables de prévoir cette révolution technologique, ni de comprendre que leurs conséquences pouvaient être une des clés de leurs renversements. Ils ne savaient pas que le PC, hier parti communiste, allait devenir un ordinateur ou PC (Personal Computer). Que Picasso l’artiste allait devenir une voiture. Que grâce à Internet, cet outil de militaire qui a vu le jour dans les années 60 aux Etats-Unis, et grâce à l'ordinateur personnel qui a vu son prix diminuer dans les années 90 et son succès grandir, la rue arabe allait accoucher d’une jeunesse démocrate.
Le réseau dormant s’est réveillé. Une connexion au cerveau collectif du monde arabe a fait que ce mouvement s’est propagé avec une vitesse phénoménale. La Tunisie, l’Egypte, la Libye, l’Algérie, le Yémen, la Jordanie, le Maroc. Plus d’exception arabe. Je ne veux pas faire ici de la psychanalyse de bas étage. Mais c’est contre ce vieux concept de l’image du père que la jeunesse s’est révoltée. Ces pères qu’on a vu accepter l’inacceptable depuis plus de trente ans, ne sachant quoi faire, ni quoi décider, perdus entre les régimes autoritaires et les mouvements islamistes. C’est une révolte contre le paternalisme en général. A ce titre, l’histoire retiendra que c'est en suivant la politique et les idées de son père que George W. Bush a décidé d'attaquer l’Iraq et a volé une vraie démocratie au peuple Iraquien. Le peuple Iraquien aurait surement renversé Saddam Hussein dans le contexte actuel.
Avec ou sans le roi.
Très en retard. Le roi du Maroc a prouvé encore une fois qu’il était un faux jeune, je veux dire un vrai vieux. Il s’est adressé au peuple d’une manière paternaliste, parlant du modèle marocain de démocratie et du développement, essayant de le rassurer alors que le malaise est visible à l’oeil nu et que depuis le 20 février les manifestants demandent des réformes politiques et constitutionnelles profondes. Très en retard, l’installation du comité économique et social. Très en retard, la mise en place le 3 mars du nouvel organisme public chargé de la défense des droits de l’homme, remplaçant le précédent conseil au rôle uniquement consultatif créé par son père Hassan II en 1990. Malheureusement le roi Mohamed VI a du mal à couper définitivement avec les idées et la vieille politique de son père. Il suffit de voir les télégrammes diplomatiques des rapports secrets du département d’état américain sur le site Wikileaks concernant le Maroc pour comprendre la situation et le malaise des marocains. Mohamed VI compte peut être sur le syndrome de Stockholm et l’amour absolu des marocains au trône Alaouite ou encore sur son vieux slogan dépassé « le roi des pauvres ». Il ne s’est pas rendu compte que ces pauvres-là qui l’ont soutenu et aimé, se sont appauvris et que leur situation est devenue de plus en plus critique au cours des onze années de son règne.
Le Maroc a besoin d’un vrai changement, d'une vraie "Révolution du roi et du peuple"2. Je rejoins ici l’écrivain marocain Abdelhak Serhane dans sa lettre au roi publié dans le journal Le Monde du 4 mars. « La révolution est en marche. Viendra-t-elle de vous ou se fera-t-elle contre vous ?... Si vous le faites, on se mobilisera tous derrière vous dans cette noble démarche. Si vous voulez continuer à faire de la simple figuration, la révolution se fera alors contre vous. Et dans ce cas, la houle emportera tout sur son passage ».
mounir fatmi, Paris 14 mars 2011.
1. L’institut européen de recherche sur la physique des particules.
2 La Révolution du Roi et du Peuple est une fête nationale commémorée chaque année au 20 août qui rappelle la déportation du Sultan Mohammed V vers Madagascar après que les autorités françaises l'ont destitué en 1953.
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God’s VCR
I’m going to try to be very careful in my thoughts and judgments. Information moves very fast.
We are living at unequaled speed. Two revolutions in two Arab nations in less than two months, where before everything had been frozen in time for more than 35 years. It’s as if God, if He exists, hit pause on an image in that part of the world and forgot to press play. As long as oil flowed at a steady stream and a pseudo politico-religious stability was in place, no one could see or wanted to see the malaise of Arab societies. It’s crazy to realize, all of a sudden, that these countries have populations, often very young, that are starved for freedom, democracy and justice. God has finally realized the VCR was stuck on pause in these countries. Panicked for a few moments, I think He didn’t realize what he was doing and hit fast forward. Events followed each other so fast that the media started talking about Arab Spring, even before spring had even arrived.
And so here I am obliged to talk about image in the Arab world by jumping a whole period of postcolonial institutions created to brain-wash—by which I mean state television—and to begin directly with the founding of Al Jazeera’s in 1996 in Qatar. A year prior, Hamad ibn Khalifa AL Thani, then minister of defense, deposed his father in a coup d’etat and took power while the elder was abroad in Switzerland. I think we can consider the date as the beginning of the new image of the Arab world—a rupture with the father, the launch of a television channel. Let’s be clear, I’m not making apologies for Al Jazeera, which bears criticism for a variety of things. The rebellions of the Arab Spring would have taken much longer without the efficacy of social networks, but also without Al Jazeera’s diffuse broadcast to more than 40 million spectators worldwide.
Let us try and look at all this with God's VCR and video tape: we'll be able to fast forward, rewind, slow down and freeze frame. There are several dates, without which it would be difficult to talk about the birth of Arab countries' new society of information. I'm going to quickly choose a few symbolic events here, from television to internet networks, that have influenced the Arab street, and that have also influenced me personally.
A quick flashback, let's rewind the tape and stop at 1990, the Gulf war led by George Bush senior, Kuwait's invasion of Iraq. January 1991, the United States and the coalition are protecting Saudi Arabia and liberating Kuwait. The name of the operation was Desert Shield, which then became Desert Storm and which in the end could be characterised as “Desert, period”. All these titles, reminiscent of bad Z-list Hollywood films, were given by the US Department of Defense. All, or nearly all, of the information was managed by the Amercian TV channel CNN and some European media.
Fast forward... stop. September 11 2001: the shock. A large proportion of the images were filmed by amateurs on their cell phones, except for a few film crews who happened to find themselves in the right place at the right time. The image of the Arab world, or rather of Arabs in the world, took a fatal blow. Everything had to be rethought, but the media machine was so powerful that it almost convinced the Arab youth that their hero was called Bin Laden, their cause was Jihad, their only weapon was their body and that the only solution was terrorism. The events that followed have proved the contrary.
In response to these attacks, George W. Bush junior launched his “preventive war” doctrine, justifying the war in Afganistan and the invasion of Iraq, known as “Operation Iraqi Freedom”. First big news: Iraq didn't have the large powerful army that the media machine had been hammering home for years. The defeat of the Iraqi army was swift, as was the capture, judgement and execution of Saddam Hussein. A blitzkrieg, with images broadcast in real time, almost like a video game. We see Baghdad lit up by the light of exploding bombs and missiles. “We got him”. We see Saddam Hussein in a bearded primitive state. A military doctor takes his DNA; he opens his mouth like a captive animal. Game over. This time the news is relayed and followed very closely by Al Jazeera as well as other Arab stations. Images of Saddam Hussein's execution, filmed on his own executioner's cell phone, circulate on YouTube. An interesting date: what cannot be shown on television is easily intergrated into and assimilated by the internet.
Fast forward, October 7 2001, Al Jazeera broadcasts the video recording of Osama bin Laden. The channel thus establishes itself on the international scene. It is accused of being anti-American, the Amercian media censored these images and their premises were bombed in Afganistan and Iraq.
Fast forward, stop. Another date and another key image: 2009, a protest against the results of the Iranian presidential election and the reelection of Mahmoud Ahmadinejad. The agony of a young woman killed by gunfire is filmed on a cell phone. Quickly posted online and spread across social networks, the video goes around the world. The young Neda becomes the image of this near Iranian revolution.
Flashback, to a scene that is worth seeing multiple times in slow motion.
A shoe flies through the air, an unidentified flying object in a high-security, super suveillance press conference room. We are in Baghdad on December 14 2008. Muntadhar al Zaidi, correspondent for the TV channel Al Baghdadia TV throws his two shoes in the direction of George W Bush; an action which cost him three years in prison, reduced to one year on appeal. This image has since become a symbol of resistance in the Arab countries. The first sign of revolt against American paternalism. A very good lesson to Al-Qaida terrorists: that you don't need to blow yourself up to be heard or to make front page news.
Flashback, July 12 2007, a video taken in Baghdad from an American army Apache helicopter. The black and white image still looks like a video game. We hear the pilots asking permission to open fire on a group of around twelve civilians. Permission was granted. The result: several injured and killed including a Reuters journalist and his driver. Wikileaks showed the video to the National Press Club in April 2010 where it was described as “Collateral Murder”.
Fast forward, stop. This image is in my mind, I can't get it out of my head.
December 17 2010, the despair of a street stall holder drives him to self-sacrifice. Fire, always fire, everything began with fire, from evolution to revolution. This image keeps coming back to me, dominating my gaze. I want to cut out my eyeball, Chien Andalou style. Luis Buñuel was right, better to cut out our eyes if we can't bear what we see. But this image of a young body burning in Tunisia – as with the bodies burning in several other Arab countries – continues to haunt me, even when my eyes are closed. I think they will also haunt the president Zineel-Abidine Ben Ali to his grave.
Stop, quick flashback. October 2001, while visiting Qatar the Egyptian president Hosni Mubarak was due to visit Al Jazeera's premises. After which he said: “so this is the box of matches that is causing all the hullabaloo”. He was surely far from imagining that one day a single match would be enough to bring this hot wind to blow across all the Arab world.
The discrepancy between image and sound
Talking To talk about social networks—Facebook, Twitter, Myspace, Wikileaks—is to be like the crazy man you asked for the time and who, after some thought, answered: “I couldn’t tell you, you know, it changes all the time”; it’s to try and respond logically to a question that’s illogical.
Do I like social networks? No, but I like what they make possible. Let’s be clear, all of this is just the beginning of something that we have no command of yet. Something that’s growing fast, that is changing rapidly and moves instantaneously. We can talk here of a technological miracle, a true revolution. Surely the presidents and kings of certain Arab countries who still thought the earth was flat had no way of predicting, or understanding, that the consequences of these technological revolutions could have been a key to their overthrow. They didn’t know that PC, yesterday the Communist Party [parti communiste], now stands for Personal Computer. That Picasso, the artist, has since become a car as well. That thanks to the Internet, a military tool whose initial foundation was laid in the US in the 1960’s, and the PC, which became successful in the 1990’s because of the low price of computers, that the Arab streets would eventually give birth to a democratic youth.
The sleeping network has woken. A connection to the collective mind of the Arab world has meant that the movement propagated itself at a phenomenal speed. Tunisia, Egypt, Libya, Algeria, Yemen, Jordan, Morocco. No more Arab exceptions. I don’t want to make low level psychoanalysis here, but once again it’s the old concept of the father figure that the youth has rebelled against. These fathers whom we watched accept the unacceptable for the last 30 years, neither knowing what to do, nor what to decide, lost between authoritarian regimes and Islamic movements. It’s a revolt against paternalism in general. In this capacity, history will recall that it was in following the political ideas of the father that George W. Bush attacked Iraq and stole a true democracy from the Iraqi people. The Iraqi people surely would have overthrown Saddam Hussein in their own time.
With or without the king.
Very late. The king of Morocco has proved again that he was a fake youth, by which I mean a real old man. He has addressed people paternalistically, speaking of a Moroccan model of democracy and development, trying to make reassurances when the malaise is obvious to the naked eye and protesters have been demanding profound political and constitutional reforms since the 20th of February. Very late was the institution of an economic and social committee. Very late was the installation on March 3rd of a new political organism responsible for the defense of human rights, to replace the preceding council whose role was purely advisory, created by his father Hassan II in 1990. Unfortunately king Mohamed VI has had a hard time separating himself definitively from his father’s outdated political ideas. One look at the diplomatic telegrams about the secret relationships of the American state department on Wikileaks concerning Morocco is enough to understand the situation and the Moroccan malaise. Mohamed VI must be counting on Stockholm syndrome or the Moroccans’ unquestioning love for the Alaouite throne, or else on their old outdated slogan “king of the poor”. He hasn’t realized that the poor who loved and supported him, are impoverished and that their situation has become more than critical in the last eleven years of his reign.
Morocco needs a real change, a real revolution of king and people. I agree with the Moroccan writer Abdelhak Serhane in his letter to the king published in the Le Monde on March 4th. “The revolution is in progress. Will it come from you or in reaction to you?…If you begin, we will mobilize behind you in this noble march. If you continue to represent the situation simplistically, the revolution will happen against you. And in that case you will be swept away in its course.”
Mounir fatmi, Paris March 14, 2011
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