The Big Electric Chair, 1967, emprunte une image à la presse quotidienne, une image ready made, une image déjà réalisée et publiée. L'artiste n'a presque rien à faire, ni à ajouter, sauf
peut-être quelques couleurs sur une toile blanche de 137 × 185 cm. Il faut rester dans l'esprit pop d'une Amérique fascinée par tout ce qu'elle produit, même un instrument de mort. C'est cette sérigraphie en noir et blanc qui m'a toujours impressionné. Le reste de la série je la trouve trop colorée à mon goût, trop pop. Tout l'intérêt de l'œuvre réside dans l'absence du condamné et de ses exécuteurs. On ne distingue ni mise en scène, ni information, ni aucune présence humaine, alors que c'est de l'humanité qu'il s'agit. Nous ne sommes pas là pour juger, être pour ou contre la peine de mort.
Ici nous sommes tous coupables et nous sommes tous condamnés à voir.
Il ne s'agit pas de la mort dans cette œuvre d'Andy Warhol malgré la fascination qu'on lui connaît pour ce sujet. Une année après la création de cette œuvre, il a failli mourir d'une
balle tirée par la militante féministe Valérie Solanas en 1968. Bien que beaucoup de critiques ont voulu absolument voir une prédiction de l'artiste visionnaire, reliant cette incident à
l'ensemble de la série « death and disasters » réalisée dans les année 60 ; je reste persuadé que c'est la chaise elle-même qui fascinait Warhol. Une chaise moderne pour une mort
moderne.
En perdant ces premières fonctions la chaise en retrouve une nouvelle: l'exécution pure et simple. La chaise devient une arme, une machine à tuer. L'exécution devient spectacle
et presque un geste artistique. Une performance en soi. L'image de la mort par pendaison jugée très barbare, insoutenable est remplacée par une image facile à appréhender, acceptable à l'œil et à la conscience humaine.
La machine qui donne la mort côtoie la machine qui fait l'œuvre. Plus besoin de produire des nouvelles images, il suffit de Re-produire celles qui existent déjà. Une meilleure manière
d'avoir un rapide et bon résultat final d'un sujet peint sur une toile sans trop se poser le problème de la peinture. La rapidité du temps d'exécution d'une œuvre rejoint la rapidité du
temps d'exécution d'un homme.
Andy Warhol aurait dit : «On n'imagine pas le nombre de personnes qui accrocheraient chez elles le tableau de la chaise électrique, surtout si les coloris de la toile s'harmonisent avec les rideaux." C'est là où résident tout le génie de Warhol et tout son talent. Sa capacité de camoufler une telle image d'horreur pour qu'elle rentre dans un salon. Finalement, si tout peut devenir arme, tout peut être art.
Pour l'installation Gardons espoir 2007, mon utilisation de la cassette VHS développe une stratégie qui tient à la fois du camouflage et pose la question de la reproduction de l'image.
Le dispositif optique exprime aussi la confrontation historique du Pop art et du minimalisme. Au milieu de la copie le spectateur peine à reconnaître immédiatement l'objet.
L'image de la chaise s'efface dans une installation faite de cassettes VHS, destinées à une mort programmée avec les images enregistrées.
Mounir Fatmi, mai 2012.
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Made entirely of VHS tapes, Mounir Fatmi's Gardons espoir (Keeping Faith, 2007) takes the shape of a human-sized electric chair in a "minimalist" dimension with "magnetic" optical effects. Echoing Warhol's famous Electric Chair, an image of the morbidity of popular culture, Mounir Fatmi's installation is more than a denunciation of capital punishment. It exposes another programmed death—that of taped images. The throne of the new world of ultra-surveillance.
Andy Warhol's Big Electric Chair (1967) borrows an image from the daily press, a readymade image, an image already shot and published. The artist has almost nothing to do or add, except perhaps a few colors on a white canvas of 137 x 185 cm. One has to key into the pop mindset of an America fascinated by all that it produces, even an instrument of death. This black and white screenprint always impressed me. The rest of the series is too colorful for my taste, too pop. The whole point of the work is the absence of the convict and his executioners. There is no staging, no information and no human presence, even though it deals with humanity. We're not here to judge, or take sides for or against capital punishment.
We are all guilty and sentenced to see.
This work isn't about death, despite Andy Warhol's fascination for the subject. In 1968, a year after it was made, he nearly died from a bullet fired by militant feminist Valerie Solanas. Although many critics were determined to see a prediction by the visionary artist, linking the shooting incident to the whole Death and Disasters series created in the 1960s, I remain convinced that it is the chair itself that fascinated Warhol. A modern chair for a modern death.
By losing its initial function, the chair discovers a new one: execution, purely and simply. The chair becomes a weapon, a killing machine. The execution becomes a spectacle, almost an artistic act. A performance in its own right. The image of death by hanging, considered unbearably barbaric, is replaced by an image that is easy to process and acceptable to the human eye and conscience.
The machine that puts to death rubs shoulders with the machine that is art. No need to produce more images. Merely reproduce existing ones. No better way to achieve a good, quick end result for a subject painted on canvas than not to have to deal with the issue of painting. Rapid execution of the work of art emulating rapid execution of the human being.
Andy Warhol is quoted as saying, "You'd be surprised how many people want to hang an electric chair on their living-room wall. Specially if the background color matches the drapes." That's where Warhol's genius and talent lie: his ability to camouflage such a horrific image so that it fits in the living room. If everything can become a weapon, everything can be art.
For the Keeping Faith installation, my use of VHS tapes is also the extension of a strategy of camouflage and raises the issue of reproduction of an image. The optical set-up expresses the historical confrontation between pop art and minimalism. Among all the copies, the viewer struggles to recognize at once the object. The image of the chair merges into an installation made of VHS tapes, destined to be killed off along with their recorded images.
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