Un homme nous regarde. Il est pris dans un entrelacs de barres transversales, aux couleurs du drapeau américain. Il porte un pantalon et des bottes de cavalier, mais son torse est nu. Scène étrange, au décor incertain, dont on ne saurait dire si l’espace est saturé, irrespirable, ou au contraire aéré, presque vide. L’homme est entre deux âges, musclé mais vieillissant, fort mais fatigué. Son visage exprime autant l’abattement que la détermination, sorte de contraste émotionnel figé en un regard, à la présence obsédante. Ses épaules tombantes se prolongent par des bras déterminés, qui soutiennent une des barres. Dans un deuxième cliché, le même homme nous tourne le dos, un dos puissant comme son torse, mais qui porte déjà les signes de l’âge mûr.
Quiconque connaît un peu le travail de mounir fatmi reconnaîtra cet homme : il est le protagoniste de la trilogie vidéo L’homme sans cheval qui montre la chute puis l’errance de ce cavalier ayant perdu sa monture, en décalage avec un paysage de banlieue désert. Quant à l’environnement de barres horizontales qui emprisonnent notre cavalier, il s’agit de barres de jumping modifiées, installation de mounir fatmi nommée J’aime l’Amérique dans le Patio de la Maison Rouge à Paris (2007). Motif récurrent dans le vocabulaire de mounir fatmi, les barres d’obstacle sont ici installées en travers les unes des autres, formant une structure en trois dimensions qui, selon le point de vue, évoque à la fois l’élan et la chute. Incarnation de l’idée de séparation, de frontière, mais aussi de compétition ou de lutte, l’obstacle ici rappelle celui qui fit tomber le cavalier dans la vidéo L’homme sans cheval.
extrait du texte d'Axelle Blanc, Juillet, 2007
J’aime l’Amérique, diptyque photographique
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"(…)In his photographic diptych I Like America/J’aime l’Amérique, 2006, Fatmi returns to the jockey who appears in his video series The Man Without a Horse/L’homme sans cheval, featuring him among horse-jumping poles painted to resemble the American flag. Fatmi’s installation I Like America, tribute to Jacques Derrida/J’aime l’Amérique, homage à Jacques Derrida, 2007, also features the wooden obstacles painted with the stars and stripes. In both works, several of the poles are cracked or broken in a sculptural echo of the French philosopher’s divided reception in the United States. While Derrida ultimately gained a strong following there (Columbia University and The New School awarded him honorary degrees), many American scholars apparently saw him as “the personification of a French school of thinking they felt was undermining many of the traditional standards of classical education, one they often associated with divisive political causes.” Conflating sport, philosophy and politics as equally fraught realms where nations jockey for power, in these works, Fatmi presents the playing field without necessarily declaring a winner. (…)"
Lillian Davies, Excerpt from Suspect Language, Skira, 2012. |