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14. | God is great
 
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  • 2006, various size.
    Courtesy of the artist and Ceysson & Bénétière, Paris.
    Ed. of 5 + 2 A.P.

  • 2006, various size.
    Courtesy of the artist and Ceysson & Bénétière, Paris.
    Ed. of 5 + 2 A.P.

  • 2006, various size.
    Courtesy of the artist and Ceysson & Bénétière, Paris.
    Ed. of 5 + 2 A.P.

'' To question the concept of God is to question the very essence of man, evil and freedom, the immanence of his power and his irresistible penchant for the idea of transcendence.

And above all, what mounir fatmi shows here is the impossibility of escaping the idea of God. ''


Delphine Yafil, March 2009





 




Dieu est grand, mais il peut aussi être tout petit. C’est sous la forme d’une boutade que s’ouvre cette série photographique, où l’on voit une main, armée d’une loupe, chercher partout les signes de Dieu.
Sous des apparences qui pourraient être marquées au sceau du cynisme (cette main équipée d’une loupe n’est pas sans faire penser au cynique Antisthène cherchant dans les rues d’Athènes, lanterne éclairée en plein jour, l’essence d’Homme proclamée par Socrate), se fait jour un authentique, et classique dans l’histoire de la métaphysique, questionnement ontologico-théologique : Quelle est l’essence de Dieu ? Comment peut-on le définir ?
Dans l’Islam, se prononce régulièrement le takbîr, en arabe Allah Akbar, qui peut se traduire par « Dieu est grand » ou plus précisément « Dieu est le plus grand ». L’islam se représente donc Dieu en terme de Grandeur, dans une immensité sans mesure.

Dans la simplicité de la logique et des mots, mounir fatmi tente de démontrer la contradiction d’une toute-positivité de Dieu. Si Dieu est le plus grand, il est donc mathématiquement susceptible d’être « tout », c’est à dire, de tout contenir, y compris le plus petit, mais aussi le plus petit, le plus méprisable, le plus faible... Car s’il « contient tout », il ne peut se « limiter » à des qualités positives, comme le laisse entendre les 99 noms que l’Islam attribue à Dieu (cf. « Face, les 99 noms de Dieu »), et qui ne sont que qualités de grandeur ( le tout-puissant, le superbe, le très-savant, le tout-généreux...)

Quoiqu’il en soit, bien des épisodes dans l’Histoire de l’humanité amènent nécessairement à reconsidérer la définition de Dieu à l’aune du Mal, à se demander « Quel est ce Dieu qui a pu laisser faire cela ? », et, à l’instar d’Hans Jonas*, à comprendre que la toute-puissance divine est un concept contradictoire.

« Dieu est un être équivoque, comme les textes sacrés. L'Ancien Testament, les Evangiles ou le Coran sont des livres qui disent tout sur tout. Si vous citez une sourate du Coran qui énonce qu'il n'y a pas de contrainte en religion, on pourra vous opposer une autre sourate qui appellera au châtiment des infidèles. Dieu est à la fois amour et mort, compassion et combat, le jour et la nuit. Dieu est une ambivalence comme l'homme lui-même. Et vouloir la lever reviendrait à nier l'essence humaine. » disait le philosophe Régis Debray**. Questionner le concept de Dieu, c’est questionner l’essence même de l’homme, le mal et la liberté, l’immanence de sa puissance et son irrésistible penchant pour l’idée de transcendance. Et surtout, ce que montre aussi mounir fatmi ici, c’est l’impossibilité d’échapper à l’idée de Dieu.

Delphine Yafil
Mars 2009

* Hans Jonas- le concept de Dieu après Auschwitz- Ed Rivages
** Régis Debray – à propos de son ouvrage « Dieu, un itinéraire »- Ed Odile Jacob – interview de Christian Markarian, 2001

 

 

God is great, but he can also be quite small. This photographic series opens with a witticism. We see a hand armed with a magnifying glass, looking everywhere for signs of God.
Under appearances that could be marked with the stamp of cynicism (this hand equipped with magnifying glass is reminiscent of Antisthenes, the cynic, searching the streets of Athens, his lantern lit inbroad daylight, for the essence of the man proclaimed by Socrates) comes to light an authentic
ontological question, which is classic in the history of metaphysics: what is the essence of God?
How can we define it?
In Islam the tâkbir, Allah Akbar, is regularly uttered. It can be translated as “God is great”, or more precisely, “God is the greatest”. Islam, then, imagines God in terms of Greatness, in an immeasurable immensity.

By using the simplicity of word logic, mounir fatmi attempts to demonstrate the contradiction of God's complete positivity. If God is the greatest, he is mathematically likely to be “all”, that is to say, to contain everything, including the smallest, but also the smallest in the sense of the most contemptible and the weakest... For if he “contains everything”, he cannot “limit” himself to positive qualities, as is intimated by the 99 names that Islam attributes to God (see Face, the 99 names of God) and which only include qualities of greatness (The Almighty, The Magnificent, The All-knowing, The Generous...)

Whatever it is, many episodes in the History of humanity necessarily lead to a reconsideration of the definition of God as a measure of evil, and the question “what is this God who let this happen?” They also lead, following the example of Hans Jonas*, to the understanding that the divine all
powerful is a contradictory concept.

“God is an equivocal being, like the sacred texts. The Old Testament, the Gospel or the Koran say everything about everything. If you were to quote a surah from the Koran which states that there is no constraint in religion, someone could oppose you with another surah that calls for all infidels to be punished. God is both love and death, compassion and combat, day and night. God is an ambivalence like man himself. And wanting to take this away comes down to denying human spirit”, said the philosopher Régis Debray **. To question the concept of God is to question the very essence of man, evil and freedom, the immanence of his power and his irresistible penchant for the idea of transcendence. And above all, what mounir fatmi shows here is the impossibility of escaping the idea of God.

Translation: Caroline Rossiter.

*Hans Jonas- le concept de Dieu après Auschwitz- Ed Rivages

** Régis Debray, « Dieu, un itinéraire » - Ed Odile Jacob – Christian Markarian interview, 2001