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02. download PDF | Mechanization 15
 

'' With their direction altered, the images and motifs seem to be moving as if trying to find their corresponding puzzle piece to make a match. Their formation suggests the gears of a clock or a turning (time) machine. ''


Blaire Dessent, January 2017


  • Mechanization
    Exhibition view from Between the lines, Galerie Hussenot, 2011, Paris.
    Courtesy of the artist.

  • Mechanization
    Exhibition view from Art Brussels, 2011, Brussels.
    Courtesy of the artist.

2023-2024, collage with prayer rugs on canvas, 50 x 50 cm.
Courtesy of the artist.

 




Dès les VIIe et VIIIe siècles, les savants islamiques développaient des outils novateurs s’appuyant sur la science, les mathématiques et l’ingénierie. De magnifiques schémas et dessins représentant des roues, engrenages, machines, objets astronomiques ou optiques et pour d’autres usages, accompagnés de leurs textes et annotations, apparaissent dans les exemples les plus anciens de livres et manuscrits de cette époque. Durant cet Âge d’or islamique, ces savants étaient à la pointe de la technologie et de l’innovation, un riche héritage qu’on oublie souvent dans nos sociétés contemporaines. Inspiré en partie par ces images, Mounir Fatmi a commencé à explorer la relation entre la machine, la culture et la religion à travers un corpus d’œuvres comprenant de grandes installations vidéo telles que Temps Modernes et Technologia, et cette série de neuf collages sur toile, œuvres intitulées Mécanisation.

Créées entre 2010 et 2013, ces pièces sont fabriquées à partir de morceaux de tapis de prière découpés et cousus sur une toile et s’inscrivent dans une série intitulée Les tapis du père. Chacun de ces neuf collages est unique de par ses couleurs, ses motifs et son style, et pourtant ils sont reliés entre eux par l’usage répété du cercle, symbole des roues de la machine qui tournent. Dans chaque pièce, on ressent une impression de mouvement, de formes décrivant une rotation, un mouvement de haut en bas ou de côté. On trouve dans cette série un triptyque de grande taille et coloré, avec des formes, lignes et éléments graphiques flottants. Les lignes entrecroisent des formes cylindriques, comme une balance qui lâcherait un flot d’eau, les cercles et sphères représentant les molécules qui sautillent tout autour. En haut à droite d’une des toiles, on peut voir un fragment de lignes entrecroisées qui évoquent la structure de l’ADN.

La série Mécanisation est aussi influencée par l’invention de l’astrolabe par les Grecs anciens, un instrument qui a d’ailleurs grandement influencé les savants islamiques. Apparus autour de 200 avant notre ère et considérés comme le principal outil astronomique et pour la mesure du temps jusqu’au XVIIe siècle, les astrolabes étaient des disques métalliques fascinants de part la minutie de leurs détails et gravés d’inscriptions d’échelles, de chiffres et d’images liées au monde céleste.

Dans certaines œuvres de cette série, la toile a été découpée en cercles, ce qui la relie au plus près des astrolabes. On y voit une composition changeante qui fait directement référence au découpage du temps. Ils sont assemblés en cousant ensemble des fragments de tapis soigneusement sélectionnés puis en tournant la toile dans un mouvement de rotation avant de coudre le morceau suivant, et ainsi de suite. Ceci crée une impression de chute de l’imagerie sur la surface. Avec leurs directions modifiées, les images et motifs semblent se mouvoir comme s’ils cherchaient leur pièce correspondante du puzzle. Par ailleurs, leur disposition évoque les engrenages d’une horloge ou d’une machine tournante (à remonter le temps), comme reliant l’histoire de la culture islamique avec l’époque contemporaine.

Par coïncidence, Mécanisation se prononce Mecca-nisation, « Mecca » étant le nom anglais de La Mecque. On pense au cube noir de la Kaaba et au mouvement circulaire des pèlerins autour d’elle dans une énergie tourbillonnante et mécanique, le mouvement sans fin de la roue des croyants.

Il y a une dynamique en jeu dans Mécanisation, un sentiment de vouloir bouleverser l’ordre établi pour provoquer le chaos afin de repenser l’objet lui-même. Le principal matériau utilisé est le tapis de prière, un objet sans ambiguïté : un tapis rectangulaire qu’on peut enrouler et emmener partout avec soi et le poser au sol, orienté vers la Mecque, pour la prière. Mais il s’agit ici de tapis qui ont été complètement déconstruits. Il n’y a plus d’ordre ; le mouvement et le réagencement en ont fait quelque chose de complètement différent. Autrefois, le tapis de prière était un objet précieux, fabriqué à la main et perçu comme une œuvre d’art. Aujourd’hui ils sont produits en masse dans des usines en Chine ou en Turquie, pour s’adapter à nos vies pressées. Le tapis de prière sacré est devenu une industrie en lui-même, une industrie du sacré. La religion est une industrie elle aussi, qui ne peut échapper à la modernisation. Elle doit rester en phase avec l’époque pour rester pertinente et connectée aux gens, malgré les tentatives récentes d’effectuer le contraire.


Blaire Dessent, janvier 2017. 

Traduit de l'anglais par Patrick Haour.


 

 

 

From as early as the 7th or 8th century, Islamic scholars were developing innovative tools connected to science, mathematics, and engineering. Beautifully illustrated drawings and diagrams of wheels, gears, machines, astronomy, optics, among other subjects, and their corresponding texts and notations appear in the earliest examples of books and manuscripts from this era. Often referred to as the Islamic Golden age, scholars of this time led the way in early technology and innovation, a rich heritage that is frequently overlooked in contemporary society. Inspired in part by these images, Mounir Fatmi began to explore the relationship of the machine to culture and religion through a body of work that includes large scale video installations, such as Modern Times and Technologia, and in this series of nine collage on canvas works titled, Mechanization.

Created between 2010-2013, this body of work is made by using cut up pieces of Muslim prayer rugs sewn onto canvas, and are part of the larger series titled, Father’s Carpets. Each of these nine collages is unique in color, pattern and style, yet they are all linked by the repetitive use of the circle, symbolic of the turning wheels of the machine. In each piece you feel a sense of movement, of forms moving in a circular motion, up and down, or side to side. There is a large, colorful triptych in this series, with floating shapes, lines and graphics. Lines and cylindrical shapes interconnect, like the tipping scale releasing the flow of water, the circles and spheres like molecules bouncing around. In the upper right of one canvas, there is a fragment of interlocking lines that recall the structure of DNA.

Mechanization is also influenced by the ancient Greek discovery of the astrolabe, an instrument that greatly influenced early Islamic scholars as well. First created around 200 BC and considered the foremost tool for astronomy and determining time until the mid-1600s, astrolabes were fascinating and exquisitely detailed metal disks carved with intricate markings of scales, numbers and images related to the celestial.

There are some works in this series in which the canvas has been cut into a circular shape, and this most closely links this series to the Astrolabes. They display a shifting composition that directly references the breaking down of time. Constructed by sewing a selection of carpet fragments together and then turning the canvas in a rotation-like movement, the next section then sewn, and so on. This creates a visual collapse of imagery on the surface. With their direction altered, the images and motifs seem to be moving as if trying to find their corresponding puzzle piece to make a match. Their formation suggests the gears of a clock or a turning (time) machine, as if linking the history of Islamic culture with the contemporary.

Coincidentally, Mechanization is phonetically heard as Mecca-nization, referring to the Muslim holy site of Mecca. Consider the square black cube of the Kaaba, and the circular movement of the religious pilgrims who move around it with a swirling, machine-like energy. The ceaseless churning wheel of the devoted.

There is a dynamic at play in Mechanization, a sense of disrupting order to create chaos in order to re think the object itself. The main material used is the prayer rug, typically a straight forward object; A rectangle of carpet that can be rolled up and carried around and then when needed, placed on the ground pointing in the direction of Mecca for prayer. Yet here these rugs have been completely deconstructed. There is no order at all, but rather movement and rearrangement have turned them into something completely different. Once the prayer rug was a treasured object, made by hand and viewed like a work of art. Today, they are mass produced in factories around the world from China to Turkey to accommodate our fast paced lives. The sacred prayer rug has become an industry itself, an industry of the sacred. Religion is an industry as well that can not escape modernization, it needs to keep up with the times in order to stay relevant and connected, despite the recent attempts at the opposite.


Blaire Dessent, January 2017.