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01. | Divine graffiti, Al Jabbaar
 
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  • 2000-2010, textiles, 145 x 300 cm.
    Courtesy of the artist.

'' Divine Graffiti has all the power and impact of a street tag and from afar it looks like it might be painted,

but upon closer viewing you see that it was sewn together piece by piece, a labor intensive process historically more associated with women’s work. ''


Blaire Dessent, 2017


  • Divine Graffiti
    Courtesy of the artist.




 




Collection of Mathaf, Arab Museum of Modern Art, Doha

 

Divin Grafffiti, Al Jabbar, 2010, est un collage mural suspendu de grande taille composé de tissus bleus, gris, roses, jaunes et verts qui ont été coupés et cousus ensemble pour former le nom Al Jabbar, l’un des 99 noms donnés à Allah dans l’islam. L’écriture n’est pas calligraphique ni formelle, ce qui est l’usage lorsqu’on écrit le nom de dieu, prenant au lieu de cela la forme d’un graffiti aussi coloré qu’effronté.

Al Jabbar fait référence à celui qui impose sa force, l’Omnipotent. Le nom évoque le pouvoir, la merci et la grandeur sublime. Dans la tradition islamique, l’écriture des 99 noms de dieu est un acte très pieux et sacré. Des calligraphies magnifiques et incroyablement fluides effectuées par des artisans talentueux ornent l’intérieur des mosquées et les livres sacrés, exécutées avec un soin infini.

Présentant le nom de dieu dans un graffiti stylisé et en trois dimensions, Fatmi s’interroge pour savoir si le sens et la beauté du nom en perdent de leur dimension sacrée. Est-ce qu’il est moins pieux lorsqu’il est écrit selon une esthétique dont les origines se situent dans un mouvement de contre-culture que beaucoup perçoivent comme provocateur, voire en rébellion ouverte contre la société ? Quelque chose se trouve-t-il transformé par cet acte ? En associant ces deux extrêmes, Fatmi met en question le monde souvent formel et clos de la religion et brise ses associations conventionnelles. Il ouvre l’architecture interne de la religion pour la relier au monde extérieur, à la culture populaire, à la rue. Ces dernières années, le graffiti a quitté la rue pour gagner les galeries d’art, mais dans la religion il lui reste encore à trouver sa place.

Dans cette œuvre se trouve aussi une question sur le genre. La culture du graffiti a toujours été très masculine, pour ne pas dire macho, un environnement dominé par de jeunes hommes marquant leur territoire, affirmant une forme de domination sur la culture clandestine. Cela se faisait vite, généralement de nuit, pour que les artistes ne soient pas vus. Graffiti Divin possède la force et l’impact d’un tag de rue, et de loin il a l’air d’avoir été peint, mais lorsqu’on s’approche, on s’aperçoit que l’œuvre a été cousue pièce par pièce, un procédé laborieux et traditionnellement plutôt associé à un travail féminin.

Entremêlée dans toutes ces idées se trouve aussi la question de l’anonymat à travers l’histoire. Qui étaient ces calligraphes qui se dévouaient corps et âme pour produire les plus belles inscriptions calligraphiées ? De même, qui sont ces innombrables graffeurs talentueux qui n’ont jamais fait connaître leur nom et qui continuent à produire leur art sur des supports maussades, sans jamais être mis en lumière ?

Dans un projet de 2006 présenté à la Galerie Saint-Séverin, juste en face de l’église du même nom dans le 5e arrondissement de Paris, Fatmi a écrit les 99 noms de dieu sur des étiquettes blanches destinées à y inscrire son nom et les a placées en rang le long d’un mur blanc, face à une grande fenêtre donnant sur la rue pour que les passants les voient. L’islam interdit la représentation visuelle de dieu sous n’importe quelle forme sauf écrite, mais avec cette installation, de même qu’avec Divin Graffiti, le mouvement rythmique du lettrage et ses motifs répétitifs créaient une impression visuelle très forte. Cela repoussait les limites de ce qui pouvait être acceptable en tant qu’imagerie non visuelle. Concernant ces deux projets, l’idée de transformer le nom de dieu en œuvre d’art pose en outre d’autres questions. Comment le nom de dieu peut-il s’adapter au fait d’être placé sur un mur blanc dans une galerie ou un musée avec des gens qui viennent le voir comme un œuvre d’art contemporain, son statut sacré là encore transposé ? Peut-être que, comme la religion, cette question ne peut trouver de réponse que dans les convictions personnelles de chacun.


Blaire Dessent, 2017.

Traduit de l'anglais par Patrick Haour.

 

 

Divine Graffiti, Al Jabbar, 2010, is large hanging wall collage made out of blue, black, gray, pink, yellow and green fabrics which have been cut up and sewn together to spell the name Al Jabbar, one of the 99 names for god or Allah, in Islamic religion. The writing is not calligraphic nor in formal cursive, as is typical when spelling out the name of god, rather it is spelled out in a very bold and colorful graffiti tag.

Al Jabbar, refers to he who is the compeller, the Omnipotent. To paraphrase, the name Al Jabbar evokes power, mercy and sublime greatness. In Islamic tradition, the writing of the 99 names of god is a very pious and sacred act. Gorgeous, flowing calligraphy made by skilled artisans is carefully written on the inside walls of mosques or in sacred books, and is held to the highest standard.

Presenting the name of god in stylized, three-dimensional graffiti, Fatmi questions whether the meaning and beauty of the name looses any of its sacredness. Is it less pious when written in a script with origins in a countercultural movement seen by many as a provocation if not a revolt against the hierarchies? Is something transformed in this act? In combining these two extremes, Fatmi examines the often formal and inclusive world of religion and breaks down its conventional associations; He opens up the interior architecture of religion to connect with the exterior world, to popular culture, to the street. In recent years, graffiti may have moved off the street and into the galleries, but in religion, it has yet to find its place.

Within this body of work is a question about gender as well. Graffiti culture started as a very masculine, if not macho, environment dominated by young men, tagging their territory, asserting a type of dominance over the culture at large. It was done quickly, usually at night, so the artist would not be seen. Divine Graffiti has all the power and impact of a street tag and from afar it looks like it might be painted, but upon closer viewing you see that it was sewn together piece by piece, a labor intensive process historically more associated with women’s work.

Shared among all these ideas is the question of anonymity throughout history. Who were those calligraphers toiling away to produce the most beautiful calligraphic lettering? The scores of talented graffiti artists who never made themselves known and continued to make their art on the bleakest of surfaces without coming to light?

In a project from 2006 presented at the Gallery Saint-Séverin, located just across the street from the Saint-Séverin church in central Paris, Fatmi wrote the 99 names of god onto white nametag badges and placed them in rows along a white wall, enclosed by a large window that faced the street for passing viewers to see. Islamic religion forbids the visual representation of god in any form except written, but with this installation, much like with Divine Graffiti, the rhythmic movement of lettering and its repeating patterns, generated a very visual impression. It pushed the boundaries of what might be seen as acceptable as non visual imagery. With both projects the idea of transforming the name of god into an artwork poses other questions as well. How does the name of god adapt to being placed on a white wall of a gallery or museum with people coming to see it as a work of contemporary art with its sacred status once again transposed? Perhaps like religion that can only be answered by individual beliefs.

Blaire Dessent, 2017.